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Read Ebook: Journal d'une femme de cinquante ans (2/2) by La Tour Du Pin Gouvernet Henriette Lucie Dillon Marquise De Liedekerke Beaufort Aymar Marie Ferdinand De Comte Editor

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Ebook has 177 lines and 24631 words, and 4 pages

ails de la c?l?bration du mariage de son aide de camp favori.

Je vous vois sourire, mon fils, quand vous lirez que, comme j'arrangeais le salon pour la signature du contrat et que je voulus mettre sur la table une ?critoire avec du papier et des plumes, je ne trouvai pas un meuble semblable dans tout l'appartement de ma belle-m?re et de sa fille. Bien m'en prit d'y avoir song?. Heureusement le beau marchand de papier d'alors, d'Expilly, demeurait tout pr?s. J'envoyai mon domestique chercher tout ce que la circonstance exigeait, et ma belle-m?re fut agr?ablement surprise de ma pr?sence d'esprit.

Je retournai ? Bruxelles apr?s quelques grands d?ners de noce tr?s ennuyeux, en particulier chez les quatre t?moins, MM. de Talleyrand, de Bassano, Lebrun; j'ai oubli? le nom du quatri?me. Je partis avec joie pour retrouver mon mari et mes enfants. L'automne et l'hiver s'?coul?rent fort agr?ablement ? Bruxelles. Je donnai deux ou trois beaux bals. Mme de Duras vint passer quinze jours aupr?s de nous avec ses filles. Je les fis danser et les menai au spectacle, dans une excellente loge de la pr?fecture. Elles s'amus?rent beaucoup.

La reine Hortense avait travers? Bruxelles au cours du dernier voyage qu'elle fit pour rejoindre son mari pendant quelques jours ? Amsterdam. Je la vis ? son passage. Elle affectait un ennui sans exemple de la n?cessit? d'aller remplir ses devoirs de reine.

Je ne me souviens plus si ce fut cette ann?e-l? qu'elle re?ut ? Aix-la-Chapelle la nouvelle de l'accouchement de sa belle-soeur, survenu ? Milan ? 9 heures du matin. On le savait ? midi ? Paris, ? 1 h 30 ? Bruxelles, et, par un courrier de la poste ? cheval, ? 8 heures du soir ? Aix-la-Chapelle. Le t?l?graphe, la vapeur et les chemins de fer ont chang? le monde!

N'ayant pas la pr?tention d'?crire l'histoire, je ne dirai rien du mariage de l'empereur Napol?on avec l'archiduchesse Marie-Louise. Je rapporterai seulement ce que ma soeur me raconta de l'arriv?e de cette princesse ? Compi?gne. Elle en avait ?t? t?moin oculaire, et pouvait d'ailleurs par son mari, Bertrand, savoir certaines choses que d'autres ignoraient.

Comme mon beau-fr?re ?tait l'homme le plus v?ridique, je ne doute pas un moment de l'authenticit? de cette particularit?.

? Bruxelles, on c?l?bra par de grandes r?jouissances ce mariage avec une archiduchesse. Les souvenirs de la domination autrichienne ?taient loin d'?tre effac?s. La noblesse de Bruxelles, jusqu'alors peu rapproch?e du nouveau gouvernement, attir?e maintenant par les bonnes fa?ons d'un pr?fet de la classe aristocratique, trouva le moment favorable pour renoncer ? ses anciennes r?pugnances, qui commen?aient ? lui peser.

M. de La Tour du Pin forma une garde d'honneur pour faire le service du ch?teau de Laeken, lorsqu'il apprit que l'Empereur allait amener la jeune Imp?ratrice dans la capitale des anciennes possessions de son p?re en Belgique. Cette garde fut uniquement compos?e de Belges, ? l'exclusion de tout employ? fran?ais. Le marquis de Trazegnies en prit le commandement. On lui adjoignit le marquis d'Assche comme commandant en second. Beaucoup de membres des premi?res familles de Bruxelles figur?rent dans ses rangs. Les jeunes gens qui se destinaient ? une carri?re, soit dans l'administration, soit dans le militaire, profit?rent de cette occasion pour se faire conna?tre. Parmi eux se trouvait le jeune de Liedekerke, ainsi que notre pauvre fils Humbert. L'uniforme ?tait fort simple: habit vert avec pantalon amaranthe. C'?tait un corps ? cheval et tr?s bien mont?. Ma soeur vint ? Bruxelles et logea ? la pr?fecture. Elle assista ? un grand d?ner que nous donn?mes en l'honneur de cette garde et o? les femmes parurent avec des rubans aux couleurs de l'uniforme.

Rien n'est fastidieux comme la description des f?tes. Je laisserai donc de c?t? le r?cit du d?tail des illuminations, des transparents, etc., etc., dont j'aurais d'ailleurs peine moi-m?me ? me souvenir.

L'Empereur arriva pour d?ner ? Laeken. Le lendemain, il re?ut la garde d'honneur et toutes les administrations. Le maire, le duc d'Ursel, lui pr?senta la municipalit?. Le soir, il y eut cercle, et je pr?sentai les dames, que je connaissais presque toutes. Marie-Louise n'adressa ? aucune d'elles un mot personnel. Le nom le plus illustre--celui de la duchesse d'Arenberg ou de la comtesse de M?rode, n?e princesse de Grimberghe, par exemple--ne frappa pas plus son oreille que celui de Mme P..., femme du receveur g?n?ral.

Apr?s le cercle, on m'appela ? l'honneur de jouer avec Sa Majest?. Je crois que ce fut au whist. Le duc d'Ursel me nommait les cartes qu'il fallait jeter sur la table et me pr?venait lorsque c'?tait ? moi ? donner. Cette esp?ce de com?die dura une demi-heure. Il me semble que le comte de M?rode ?tait mon partner et M. de Trazegnies celui de l'Imp?ratrice. Apr?s quoi, l'Empereur s'?tant retir? dans son cabinet, on se s?para, et je fus charm?e de retourner chez moi.

Le lendemain devait avoir lieu un grand bal ? l'H?tel de Ville. Aussi fus-je un peu contrari?e lorsqu'on me pria ? d?ner ? Laeken, car je ne voyais pas trop comment je trouverais le moment de changer de toilette ou au moins de robe entre le d?ner et le bal. Toutefois le plaisir de voir et d'entendre l'Empereur pendant deux heures ?tait trop grand pour que je ne sentisse pas tout le prix d'une telle invitation. Le duc d'Ursel m'accompagna, et comme il devait ensuite se trouver ? l'H?tel de Ville pour recevoir l'Empereur, je donnai ordre que ma femme de chambre s'y trouv?t avec une autre toilette toute pr?te.

M. d'Ursel et moi, nous nous pr?cipit?mes en voiture, et ses chevaux d'un temps de galop, nous men?rent ? l'H?tel de Ville. Je montai quatre ? quatre. Une toilette toute pr?te m'attendait; je la rev?tis, et je pus ?tre rendue dans la salle de bal, ayant chang? enti?rement de costume, quand l'Empereur arriva.

Il me fit compliment sur ma promptitude et me demanda si je comptais danser. Je r?pliquai que non, parce que j'avais quarante ans. ? quoi il se mit ? rire, en disant: <> Le bal fut beau. Il se prolongea apr?s le souper, o? l'on but ? la sant? de l'Imp?ratrice, avec l'arri?re-pens?e qu'elle pourrait bien avoir des raisons pour n'avoir pas dans?.

L'Empereur et sa jeune ?pouse partirent le lendemain matin. Un yacht tr?s orn? les transporta jusqu'au bout du canal de Bruxelles, o? ils trouv?rent des voitures qui les men?rent ? Anvers. En entrant dans le yacht, M. de Le Tour du Pin aper?ut le marquis de Trazegnies, commandant de la garde d'honneur. Craignant que l'Empereur ne l'invit?t pas ? prendre place dans le yacht, o? il ne pouvait tenir que peu de monde, il le nomma en ajoutant: <> Ces mots produisirent un effet magique sur l'Empereur, qui appela aussit?t le marquis de Trazegnies et causa longuement avec lui. Peu de temps apr?s, sa femme fut nomm?e dame du palais. Elle fit semblant d'?tre f?ch?e de cette nomination, quoique au fond elle en f?t ravie. Mme de Trazegnies est n?e Maldeghem et sa m?re ?tait une demoiselle d'Argenteau.

Apr?s ce voyage de l'Empereur, nous repr?mes notre train de vie ordinaire ? Bruxelles. L'?t? se passa ? visiter les diff?rentes maisons de campagne o? l'on nous invitait ? d?ner. Nous all?mes ? Anvers pour assister au lancement d'un gros vaisseau de soixante-quatorze, l'un des neuf en ce moment sur le chantier. Notre excellent ami, M. Malouet, ?tait ? la t?te des travaux en sa qualit? de pr?fet maritime. Tous les d?tails de ces constructions m'int?ressaient au dernier point, et ma fille Charlotte, dont l'intelligence pr?coce et la perspicacit? ?taient si remarquables, acqu?rait une foule d'id?es et de connaissances nouvelles dont, h?las! elle n'a pas joui longtemps.

Notre fils Humbert se rendit ? Paris pour passer son examen. C'?tait une chose bien imposante pour un jeune homme de vingt ans que de r?pondre ? toute la s?rie de questions que l'on posait. Mais ce l'?tait bien plus encore lorsque l'Empereur, assis dans un fauteuil et devant qui le patient se tenait debout, prenait la parole et vous demandait des choses tout ? fait inattendues. Humbert entendit l'examinateur dire ? l'oreille de Napol?on, en le d?signant: <> et cette bonne parole le r?conforta. L'Empereur lui demanda s'il connaissait quelque langue ?trang?re. ? quoi il r?pondit: <> Ce fut cette facilit? avec laquelle il parlait italien qui d?cida sa nomination ? la sous-pr?fecture de Florence. Afin d'augmenter le nombre de places disponibles pour les auditeurs, on en envoyait comme sous-pr?fets dans les chefs-lieux, o? les pr?fets les avaient jusqu'alors suppl??s.

Quoique le temps qui s'est ?coul? depuis l'?poque dont je vais entreprendre le r?cit ait un peu brouill? mes souvenirs, il me semble que c'est dans l'?t? de l'ann?e 1809 qu'eut lieu la ridicule entreprise des Anglais sur Flessingue et sur Anvers.

M. de la Tour du Pin venait de subir la douloureuse, op?ration de l'extirpation d'un ganglion qui s'?tait form? sous la cheville du pied. Depuis bien des ann?es, toutes les fois qu'il heurtait cette petite tumeur, pas plus grosse qu'un pois, il ressentait une vive douleur. Dans les derniers mois, elle avait un peu grossi, ce qui l'exposait par cons?quent davantage ? en souffrir par le contact avec quelque corps dur. Ayant consult? un mauvais chirurgien de Bruxelles, celui-ci lui ordonna d'appliquer un caustique sur la partie malade, afin de d?truire la peau et de rendre ainsi plus facile l'extirpation de la tumeur. Mon mari suivit malheureusement ce conseil. Quelques heures apr?s l'application du caustique, il fut pris de douleurs atroces et une vive inflammation envahit tout le pied. Cela m'inqui?tait, et j'envoyai une consultation, ?crite par mon excellent m?decin, M. Brandner, ? ma tante ? Paris. Elle la porta elle-m?me chez M. Boyer, qui la lut avec attention et ?crivit en bas, avec une brutale franchise: <>

Cet arr?t terrifia Mme d'H?nin et la d?cida ? exp?dier ? Bruxelles M. Dupuytren, premier ?l?ve de M. Boyer. Il arriva ? 5 heures du matin, et alla au bain avant de venir ? la pr?fecture. Peu d'instants auparavant, j'avais re?u la lettre de ma tante, m'annon?ant l'arriv?e du chirurgien et me communiquant la d?claration de M. Boyer.

M. Dupuytren entra, visita la plaie, et comme mon mari lui demandait quand aurait lieu l'op?ration, il r?pondit: <> Puis, apr?s avoir parl? un moment ? son aide, il me pria de me retirer, ajoutant que la chose serait bient?t faite. J'allai dans la pi?ce voisine, et les vingt minutes que dura l'op?ration me parurent vingt heures. Lorsque M. Dupuytren sortit, il me dit qu'il n'avait jamais fait une op?ration plus difficile. La sueur ruisselait de son front. Il se retira dans la chambre pr?par?e ? son intention et se coucha. Je trouvai mon pauvre mari fort p?le, et notre fils Humbert, qui ?tait rest? aupr?s de son p?re, plus p?le encore. Cependant le malade ne souffrait pas et s'endormit bient?t paisiblement. Il n'avait pas ferm? l'oeil depuis dix jours.

Le soir, je comptai cent louis ? M. Dupuytren plus les frais de poste de son voyage, et dix louis ? son aide. Je lui donnai, de plus, un joli voile de dentelle, en le priant de l'offrir de ma part ? Mlle Boyer, qu'il devait, disait-il, ?pouser dans quelques jours. Mais le mariage n'eut pas lieu. M. Dupuytren se brouilla avec M. Boyer, son ma?tre et son bienfaiteur, n'?pousa pas sa fille et garda mon voile.

M. de La Tour du Pin se remettait ? peine de l'op?ration qu'il venait de subir. Il ne marchait m?me pas encore, lorsqu'un matin, ou, pour mieux dire, une nuit, un expr?s de M. Malouet apporta la nouvelle de l'entr?e dans l'Escaut de la flotte anglaise, forte de plusieurs vaisseaux de haut bord et d'une multitude de b?timents de transport. ? la pointe du jour, le t?l?graphe l'avait apprise ? Paris, d'o? Napol?on ?tait absent. L'archichancelier Cambac?r?s mit une grande activit? ? r?unir des troupes. Tous les d?tachements furent transport?s en poste. Il en r?sulta une activit? et un mouvement prodigieux. Les Anglais, au lieu de prendre Anvers et d?truire nos arsenaux et nos chantiers, comme cela leur e?t ?t? facile, s'amus?rent ? assi?ger Flessingue. Ils laiss?rent ainsi le temps ? Bernadotte de rassembler une arm?e compos?e de gardes nationales et des garnisons de quelques places. On peut lire les d?tails de cette ridicule tentative des Anglais dans tous les m?moires du temps. M. de La Tour du Pin n'avait rien ? faire avec le militaire. Il r?unit cependant toute la garde nationale du d?partement de la Dyle, mais on l'accusa dans la suite d'y avoir mis de la lenteur, comme on le verra plus loin.

Je rapporterai ici une petite anecdote personnelle assez singuli?re.

Nous ?tions si anim?s par l'int?r?t qu'inspirait cette exp?dition, que nous allions presque tous les jours ? Anvers. ? cette ?poque, le chemin de fer n'existait pas. Nous avions donc ?chelonn? sur la route, comme relais, trois chevaux de tilbury. L'un d'eux se trouvait ? Malines. Nous partions de Bruxelles ? 5 heures du matin. ? 8 heures nous arrivions ? Anvers, o? nous d?jeunions avec M. Malouet, et ? midi nous ?tions de retour ? Bruxelles pour le courrier. Un jour, pendant le trajet, nous prenions une tasse de caf? chez l'archev?que de Malines, de Pradt, et dans la conversation, qui avait pour objet cette fameuse exp?dition des Anglais, l'archev?que nous dit: <> M. de Pradt n'oublia aucun d?tail de ce plan de campagne. Il tra?a la route qu'on aurait d? suivre, stipula les sommes, les argenteries qu'on aurait prises, les ?glises, les caisses que l'on aurait pu piller, et termina en s'?criant: <> Tout cela, dit sur un ton cavalier et d?cid?, peu en harmonie avec l'habit eccl?siastique, me parut si comique, qu'en rentrant ? Bruxelles je me mis ? l'?crire ? ma tante, ? ce moment ? Mouchy, aupr?s de Mme de Poix. Ma lettre n'arriva pas ? destination, et je dirai plus bas ce qu'elle devint.

Les gardes nationales des Vosges et des d?partements de l'Est, arriv?es en poste de leurs montagnes, furent envoy?es dans l'?le de Walcheren, o? bient?t la fi?vre les attaqua plus vivement que les Anglais. Au bout de huit jours, les h?pitaux d'Anvers, de Malines, de Bruxelles, regorg?rent de malades. M. de La Tour du Pin en installa un dans le nouveau d?p?t de mendicit?, qu'on venait d'?tablir pr?s de Bruxelles, dans l'abbaye de la Cambre. La popularit? dont il jouissait dans toutes les classes se montra, en r?ponse ? un appel personnel qu'il adressa au public pour l'engager ? contribuer par des dons ? l'installation de l'h?pital. En vingt-quatre heures, 300 matelas, 400 paires de draps, etc., furent d?pos?s ? la pr?fecture et transport?s de l? ? la Cambre. Je visitai, quelques jours apr?s, l'h?pital ainsi improvis?. Les malades ?taient tous de jeunes conscrits. Dans une salle de cent lits, on ne voyait pas un visage qui e?t plus de vingt ans. Le spectacle ?tait affligeant.

Les ennemis de mon mari ne manqueront pas, le g?n?ral Chambarlhac en t?te, de t?cher de le desservir, au retour de l'Empereur, en pr?tendant que la garde nationale de Bruxelles n'avait pas march? ? Anvers par la faute du pr?fet. M. Malouet venait d'?tre nomm? conseiller d'?tat, et l'avertit des intrigues que l'on fomentait, contre lui. Le duc de Rovigo, entre autres, poussait au d?placement de M. de La Tour du Pin pour une raison personnelle. Il avait envoy? ? Bruxelles Mme Hamelin, c?l?bre intrigante et femme perdue de moeurs, pour engager M. de La Tour du Pin ? n?gocier le mariage de son beau-fr?re, M. de Faudoas, avec Mlle de Spangen, depuis Mme Werner de M?rode. Mon mari s'y refusa absolument et mit ainsi obstacle ? l'union de cette jeune personne avec un tr?s mauvais sujet. Elle lui en a conserv? une vive et durable reconnaissance.

L'Empereur fit une course en Belgique, mais il passa quelques heures seulement ? Laeken. Mon mari s'y rendit et demanda une audience particuli?re. Avant qu'elle n'e?t lieu, on annon?a le corps de ville et l'?tat-major de la garde nationale. Napol?on, sur les rapports qui lui avaient ?t? faits, les traita tr?s durement. Le chef de la garde nationale, dont j'ai oubli? le nom, chercha ? se justifier en attaquant le pr?fet. Alors un jeune sous-lieutenant de la garde, sortant du groupe des officiers, dit hardiment: <> Puis, entrant en mati?re, il expliqua tout ce qui s'?tait pass? avec une hardiesse et une lucidit? dont l'Empereur fut charm?. Il l'?couta jusqu'au bout sans l'interrompre. Quand il eut fini, il le frappa sur l'?paule et dit: <>--<>--<> L'Empereur, se retournant alors vers les accusateurs, pronon?a ces paroles: <> En rentrant dans son cabinet, il fit appeler M. de La Tour du Pin, et l'?couta avec bienveillance, d'irrit? qu'il ?tait auparavant.

Le soir m?me, Loiseau recevait un brevet de sous-lieutenant dans un r?giment, et se mettait en route le lendemain pour rejoindre son corps. Le pauvre gar?on a pris part depuis ? toutes les campagnes. ? la derni?re, il eut la figure fracass?e. Je crois qu'il en est mort.

Je connaissais depuis ma premi?re jeunesse Casimir de Montrond, dont on a tant parl? et si diversement. Sa m?re ?tait amie de couvent de ma tante, Mme d'H?nin, et quoique leurs existences fussent bien diff?rentes, elles avaient conserv? de l'amiti? l'une pour l'autre. M. de La Tour du Pin avait en outre fort prot?g? le jeune Casimir au moment de son entr?e au service. Nos relations avec lui rev?taient donc le caract?re d'une v?ritable cordialit?, lorsque nous nous rencontrions de loin en loin. Il venait d'aller ? Aix-la-Chapelle pour retrouver la princesse Borgh?se avec qui il paraissait ?tre tr?s bien. ? son retour, il trouva ? Anvers ni plus ni moins que Napol?on. Je ne sais pas ce qui se passa, mais le lendemain, comme nous d?jeunions, on me remit un billet de M. de Montrond, ainsi con?u: <> Mon mari se rendit aussit?t ? l'h?tel de Bellevue, o? on le gardait ?troitement, et le vit monter en voiture pour Ham. On le retint l? prisonnier, je crois, pr?s de deux ans. Son ami intime, M. de Talleyrand, ne s'en embarrassa gu?re.

Vers la fin de l'hiver de 1810 ? 1811, nous all?mes, M. de La Tour du Pin et moi, passer deux mois ? Paris pour y accompagner notre fils Humbert, qui partait pour Florence. Ma soeur Fanny ?tait ? Paris avec ses deux enfants, dont le dernier, la petite Hortense, n'avait que trois mois. C'est au retour d'un long voyage fait en Allemagne en compagnie de son mari, le g?n?ral Bertrand, et au cours duquel elle versa plusieurs fois, qu'elle accoucha. Peu de temps avant ses couches, elle avait pass? quelques jours ? Bruxelles avec moi. Le g?n?ral Bertrand accompagnait l'Empereur dans une visite des abords d'Anvers. ? un moment donn?, il roula avec son cheval au bas d'une digue. L'Empereur lui cria du haut du talus: <>--<>--<> Ils rest?rent chez nous, l'un et l'autre, jusqu'au jour o? Fanny, ?tant d?j? dans le neuvi?me mois de sa grossesse, se d?cida ? partir pour aller accoucher ? Paris.

Je retrouvai ? Paris Mme de B?renger. Elle logeait dans la maison m?me o? nous avions un appartement. Je la voyais tous les jours, ? Bruxelles, lorsqu'elle se trouvait chez son p?re, le comte de Lannoy. Ce dernier ?tait s?nateur. Quand il allait si?ger ? Paris, sa fille l'accompagnait. Mme de B?renger, Mme de Levis et Mme de Duras ?taient les trois pr?tresses du temple o? l'on d?ifiait M. de Chateaubriand. Il se laissait flatter, aimer, admirer etc., par ces trois femmes avec une exag?ration dont le spectacle me paraissait v?ritablement burlesque. ?galement jalouses l'une de l'autre, sous les apparences d'une intime amiti?, elles ne perdaient pas une occasion de se d?pr?cier r?ciproquement aux yeux du dieu qui avalait leur encens avec une rare complaisance.

Mon s?jour ? Paris donna ? deux d'entre elles, Mmes de Duras et de B?renger, l'espoir que j'accepterais de les ?clairer mutuellement sur la dose de soins que le grand homme accordait ? l'autre. Mais elles n'obtinrent rien de ma discr?tion.

Mme de Duras me trouva un matin lisant un volume que M. de Narbonne m'avait pr?t?. C'?tait le tout premier ouvrage de M. de Chateaubriand, ?crit ? son retour d'Am?rique, dans des id?es r?volutionnaires et irr?ligieuses tr?s accentu?es. Il l'avait publi? en Angleterre ? tr?s peu d'exemplaires et avait ensuite fait tout son possible pour les retrouver et les br?ler. On ne connaissait pas l'ouvrage ? Paris, et l'exemplaire que je lisais ?tait peut-?tre le seul qui y f?t parvenu. Mme de Duras, en apprenant ce que je lisais, se jeta sur moi comme une lionne pour m'arracher le livre. Je m'assis dessus, et elle ne put parvenir ? s'en emparer par la force. Ma pauvre amie se mit alors ? mes genoux et me conjura, en versant des larmes, de lui donner le volume. Je r?sistai ? ses instances, et elle me quitta furieuse et d?sesp?r?e. On aurait dit une vraie sc?ne de m?lodrame.

Mon cher Humbert partit pour Florence. Ce d?part, prologue d'une longue absence, me fut bien sensible. Vous poss?dez, cher Aymar, les trois cent cinquante lettres qu'il m'a ?crites dans sa trop courte vie. J'?tais son amie autant que sa m?re. Son ?loignement me causa une douleur que chacune de ses lettres renouvelait. Aussi d?sirais-je vivement retourner tout de suite ? Bruxelles. Mais mon mari trouvait convenable de ne pas quitter Paris avant les couches de l'Imp?ratrice, attendues d'un moment ? l'autre.

On consid?rait comme une grande faveur d'?tre invit? ? ce spectacle. Cinquante femmes au plus y assistaient.

Enfin, l'Imp?ratrice commen?a ? souffrir dans la soir?e du 19 mars. Mme de Trazegnies, ? ce moment ? Paris, se rendit aux Tuileries et y passa la nuit avec tout le service, les grands dignitaires, etc. Le lendemain, vers 8 ou 9 heures, je courus chez elle, rue de Grenelle, ? quatre portes de nous. Nous causions, M. de. La Tour du Pin et moi, avec M. de Trazegnies, qui avait ?t? aux nouvelles aux Tuileries, quand arriva sa femme, aussit?t assaillie par nos questions. Grosse elle-m?me elle ?tait harass?e. Elle nous raconta que l'Empereur ?tait entr? dans le salon de service o? elle se trouvait avec ses compagnes, et leur avait dit: <> Sur cela chacun s'en fut de son c?t?. Mme de Trazegnies venait d?j? de d?tacher son manteau--car on ?tait en habit de cour--lorsque le premier coup de canon des Invalides se fit entendre. Aussit?t elle redescendit au plus vite et remonta dans sa voiture. Nous all?mes dans la rue. Les voitures ?taient arr?t?es. Les marchands sur le seuil de leurs boutiques, les habitants aux fen?tres, comptaient les coups. On entendait ces mots ? demi-voix: <> Une minute ? peu pr?s s'?coulait entre chaque coup. Apr?s le vingti?me, il y eut un silence profond. Mais, au vingt et uni?me, des cris spontan?s et tr?s naturels de: <> ?clat?rent. Quelques instants plus lard, nous f?mes t?moin de l'accident arriv? ? Victor Sambuy, dont le cheval s'abattit en tournant dans la rue Hillerin-Bertin. Il ?tait premier page, et charg? de porter au S?nat la nouvelle de la naissance du roi de Rome, mission qui devait lui valoir 10,000 francs de rente. Comme il descendait le pont Royal, voyant la rue du Bac embarrass?e, il crut bien faire en prenant le plus long. Sa chute lui donna une terrible secousse; mais il ne perdit pas connaissance et put dire: <> Puis il but un verre d'eau-de-vie et se remit au galop ? la poursuite de ses 10,000 francs.

Le soir, je d?nai chez ma soeur, o? l'on vint nous dire que le nouveau-n? serait ondoy? ? 9 heures et que les dames pr?sent?es pouvaient assister ? la c?r?monie.

Nous y all?mes, Mme Dillon, ma soeur et moi. On nous fit entrer par le pavillon de Flore et traverser tout l'appartement jusqu'? la salle des Mar?chaux. Les salons ?taient pleins de tout le monde de l'Empire, hommes et femmes. On se pressa pour t?cher d'?tre sur le bord du passage, maintenu libre par des huissiers, o? devait d?filer le cort?ge pour descendre ? la chapelle. Nous avions savamment manoeuvr? pour nous trouver sur le palier de l'escalier et pouvoir nous mettre ? la suite du nouveau-n?. Nous jouissions, de ce point, du spectacle incomparable donn? par les vieux grognards de la vieille garde, rang?s en faction un sur chaque marche et tous la poitrine d?cor?e de la croix. Tout mouvement leur ?tait interdit, mais une vive ?motion se peignait sur leurs m?les visages, et je vis des larmes de joie couler de leurs yeux. L'Empereur parut ? cot? de Mme de Montesquiou, qui portait l'enfant ? visage d?couvert, sur un coussin de satin blanc couvert de dentelles. J'eus le temps de le bien voir, et la conviction m'est toujours rest?e que cet enfant-l? n'?tait pas n? le matin. C'est un myst?re bien inutile ? ?claircir, puisque celui qui en est l'objet a fourni une aussi courte carri?re. Mais j'en fus troubl?e et pr?occup?e, sans assur?ment en faire part ? personne, si ce n'est ? mon mari.

Peu de jours apr?s, nous retourn?mes ? Bruxelles, o? l'Empereur s'annon?a pour le printemps. Son fr?re Louis avait d?sert? le tr?ne de Hollande, o? la main de fer de Napol?on l'emp?chait de faire le bien qu'il entrait dans ses intentions de r?aliser. Il a laiss? dans ce pays, comme je le tiens du roi Guillaume lui-m?me, un souvenir tr?s honorable. On appr?ciait tout autrement l'administration de M. de Celles, gendre de Mme de Valence, dont la m?moire l?-bas est rest?e en horreur. L'Empereur le pla?a comme pr?fet ? Amsterdam, o? il fit tout le mal dont un homme, joignant l'esprit ? la m?chancet?, est capable quand il est sans principes.

Ce fut vers le printemps de cette ann?e 1811, autant que je m'en souviens, que nous e?mes la visite, toujours redout?e des pr?fets, d'un conseiller d'?tat en mission, esp?ce d'espion d'une cat?gorie relev?e, d?cid? ? trouver des torts m?me chez ceux qu'il ne pouvait s'emp?cher d'estimer. M. R?al tomba en partage ? M. de La Tour du Pin, qui reconnut, d?s sa premi?re visite, qu'il t?cherait de lui faire tout le mal possible. Nous lui donn?mes, pendant son s?jour, un d?ner suivi d'une r?ception. J'avais dit aux dames qui me t?moignaient de la bienveillance qu'elles me feraient plaisir en venant passer la soir?e chez nous. En rentrant apr?s le d?ner, dans le grand salon, nous y trouv?mes r?unies les personnes les plus distingu?es--femmes et hommes--de la soci?t? de Bruxelles. M. R?al fut stup?fait des noms, des mani?res, des parures. Il ne put se contenir et dit ? M. de La Tour du Pin:--<> ? quoi mon mari r?pondit: <>

Napol?on vint en Belgique vers la fin de l'?t? avec l'Imp?ratrice. Il ne s'arr?ta pas ? Bruxelles. Mais, comme Marie-Louise continuait ? ?tre tr?s souffrante depuis ses couches, il la laissa au ch?teau de Laeken. On nous invita ? y venir tous les jours passer la soir?e et jouer au loto. Cela dura environ une semaine, et fut tr?s ennuyeux. L'Imp?ratrice se montra d'une insipidit? dont elle ne se d?partit pas. Chaque jour, elle me disait la m?me chose, en me donnants son pouls ? t?ter: <> Je lui r?pondais invariablement: <> Quelques hommes se trouvaient l? pour causer un peu pendant qu'on prenait le th?, entre autre le mar?chal Mortier, M. de B?arn. Le duc d'Ursel, en sa qualit? de maire, ?tait charg? de proposer les promenades du matin, selon le temps. Marie-Louise, un jour qu'elle visitait le mus?e, avait eu l'air de remarquer un beau portait de son illustre grandm?re Marie-Th?r?se. Le duc d'Ursel lui proposa de le placer ? Laeken, dans son salon. Mais elle r?pondait: <> Une autre fois, il lui indiqua, comme but de promenade int?ressante, la partie de la for?t de Soignes connue sous le nom de p?lerinage de l'archiduchesse Isabelle, dont la saintet? et la bont? sont rest?es dans le coeur du peuple. Elle r?pliqua qu'elle n'aimait pas les bois. En somme, cette femme insignifiante, si indigne du grand homme dont elle partageait la destin?e, semblait prendre ? t?che de d?sobliger, autant qu'il ?tait en son pouvoir, ces Belges dont les coeurs ?taient si dispos?s ? l'aimer. Je ne l'ai plus revue que d?tr?n?e, mais toujours aussi d?pourvue d'esprit.

M. de Talleyrand vint, dans l'?t? de 1811, pr?sider le coll?ge ?lectoral appel? ? ?lire un s?nateur et deux d?put?s au Corps l?gislatif. Du moins, il me semble que c'?tait cela, car je brouille un peu dans ma t?te les diverses constitutions. Il arriva avec un grand train de maison et donna plusieurs d?ners dans le bel appartement de l'h?tel d'Arenberg, mis ? sa disposition par le duc, l'aveugle. On le retrouva, dans cette occasion, avec toutes ses grandes et charmantes mani?res. Elles contrastaient d'une fa?on bien comique avec celles de l'archev?que de Malines, qui avait l'air de Scapin en soutane violette.

L'Empereur, ? son dernier passage ? Malines, avait interpell? devant tout le monde M. de Pradt sur le plan de campagne qu'il avait imagin? pour remplacer celui de lord Chatham. Cela confirma M. de Pradt dans la pens?e que j'?tais coupable de l'avoir d?nonc? ? la suite du d?jeuner qu'il nous offrit chez lui, ? Malines, un matin, ? mon mari et ? moi, pendant l'exp?dition des Anglais ? l'?le de Walcheren, d?jeuner au cours duquel il nous d?veloppa avec d?tail ce plan.

L'Empereur aimait que chacun f?t son m?tier. Aussi ne manqua-t-il pas de se moquer impitoyablement du projet d'invasion archi?piscopal. M. de Pradt me prit donc en horreur. Il en parla ? M. de Talleyrand qui, de son c?t?, se railla et de lui et de son id?e de mon espionnage. Cette plaisanterie dura pendant les quatre jours de la repr?sentation du prince vice-grand ?lecteur--titre, je crois, des fonctions attribu?es ? M. de Talleyrand. Cela contribua ? exasp?rer l'archev?que et acheva de l'aigrir, non pas seulement contre moi, la chose m'e?t ?t? assez indiff?rente, mais ?galement contre mon mari. Aussi mit-il le plus grand acharnement ? lui nuire, et je ne pense pas me tromper en attribuant aux efforts de M. de Pradt et ? ceux du commissaire g?n?ral de police Bellemare, la destitution de M. de La Tour du Pin. Quoi qu'il en soit, ils ?taient capables l'un et l'autre d'en ?tre la cause. Bellemare, commissaire g?n?ral de police dans les d?partements belges limitrophes de celui de la Dyle, n'?tait jamais parvenu, en d?pit de toutes ses instances, ? englober ce dernier dans sa juridiction. Il s'entendait parfaitement avec l'archev?que pour faire arr?ter les pr?tres peu attach?s au gouvernement et qui refusaient de reconna?tre le concordat. Plusieurs avaient d?j? ?t? transf?r?s dans les prisons du ch?teau de Ham. On racontait qu'un jour Bellemare r?clamait ? l'archev?que quelques-uns des pr?tres r?fugi?s dans son dioc?se. Celui-ci lui r?pondit: <> Le chef de ces pr?tres, nomm? Steevens, leur conseil et leur appui, se cachait dans le d?partement de la Dyle o?, il faut en convenir, M. de La Tour du Pin ne le cherchait pas fort activement. Il n'e?t pas manqu? de le faire cependant, s'il avait estim? que tel ?tait son devoir, mais ces pers?cutions lui paraissaient de nature ? nuire au gouvernement, au lieu de le servir.

Vers le milieu du printemps, en 1812, nous commen??mes ? voir passer des troupes en route pour l'Allemagne. Plusieurs r?giments de la jeune garde vinrent ? Bruxelles et y s?journ?rent. D'autres ne faisaient que traverser la ville en poste. Des instructions arrivaient prescrivant de rassembler des chariots de fermiers attel?s de quatre chevaux. Parfois on recevait l'ordre le matin seulement, et il fallait que le soir m?me quatre-vingts ou cent chariots fussent rassembl?s, pourvus de fourrages pour deux jours. Les gendarmes galopaient dans tous les sens pour avertir les fermiers. Ceux-ci, oblig?s de quitter leurs charrues, leurs travaux, ?taient de fort mauvaise humeur. Mais qui aurait os? r?sister? La pens?e n'en serait venue ? personne, depuis Bayonne jusqu'? Hambourg. Nous donn?mes quelques collations solides ? des corps d'officiers qui arrivaient ? 10 heures du soir pour repartir ? minuit. Sans doute, bien peu de ces braves gens seront revenus de cette funeste campagne.

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