Read Ebook: La terre et la lune: forme extérieure et structure interne by Puiseux P Pierre Henri
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page
Ebook has 445 lines and 57120 words, and 9 pages
Other: Ch. Andr?
LA TERRE ET LA LUNE
FORME EXT?RIEURE ET STRUCTURE INTERNE
?TUDES NOUVELLES SUR L'ASTRONOMIE
LA TERRE ET LA LUNE
FORME EXT?RIEURE ET STRUCTURE INTERNE
PAR
P. PUISEUX Astronome ? l'Observatoire de Paris.
PARIS, GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE DU BUREAU DES LONGITUDES, DE L'?COLE POLYTECHNIQUE, Quai des Grands-Augustins, 55.
Tous droits de traduction et de reproduction r?serv?s.
LA TERRE ET LA LUNE
FORME EXT?RIEURE ET STRUCTURE INTERNE
PREMI?RE PARTIE. LA TERRE.
LA NOTION DE LA FIGURE DE LA TERRE, DE THAL?S A NEWTON.
La Physique c?leste a pris naissance le jour o? l'on a vu dans les astres autre chose que des points lumineux offerts en spectacle ? nos regards, o? ils sont apparus comme m?ritant une ?tude sp?ciale au point de vue de leur structure et de leur histoire. Cette ?tude ne pouvait ?tre que rudimentaire et conjecturale avec les moyens d'observation dont les anciens disposaient. Une exception est ? faire cependant. On a vu na?tre de bonne heure cette notion que la Terre est un astre, libre de se mouvoir dans l'espace, comme la Lune et le Soleil, que ses dimensions ne sont pas inaccessibles ? toute mesure, qu'elles se r?duiraient peut-?tre ? bien peu de chose si nous pouvions quitter cette surface o? nous sommes attach?s et nous transporter ? travers les espaces stellaires.
Une fois cette id?e mise en avant, il est clair qu'un champ tr?s vaste est ouvert aux observateurs. C'est au moyen d'?tudes de d?tail accumul?es, synth?tis?es, que nous pouvons acqu?rir sur le globe terrestre des id?es d'ensemble, nous repr?senter sa forme exacte, formuler des donn?es positives sur sa structure et son histoire. Toute conclusion applicable ? la Terre dans sa totalit? constitue un progr?s pour l'Astronomie, car elle peut s'?tendre dans une certaine mesure aux corps c?lestes et devenir ainsi une source de v?rifications et d'exp?riences. Ainsi la Terre nous aide ? comprendre le monde. R?ciproquement les astres peuvent nous aider et nous aident en effet ? mieux conna?tre la Terre, car ils nous offrent du premier coup ces aper?us g?n?raux et intuitifs que nous n'obtenons sur notre globe qu'au prix d'un labeur prolong?. Il est clair que les apparences lointaines, consid?r?es seules, sont plus sujettes ? l'illusion; c'est donc l'?tude de la Terre qui doit logiquement pr?c?der.
Il ne semble pas qu'elle ait ?t? abord?e dans un esprit vraiment impartial et scientifique chez aucun des peuples de l'Orient. L'observation du Ciel a eu des adeptes en Chine, dans l'Inde, en Assyrie, en ?gypte, ? des ?poques tr?s recul?es. Dans tous ces pays, le calendrier, la pr?diction des ?clipses, les horoscopes avaient une destination utilitaire.
C'est seulement chez les auteurs grecs que nous voyons les objets c?lestes envisag?s en eux-m?mes, et non plus seulement dans leurs relations r?elles ou suppos?es avec l'homme.
Les Grecs ont ?t? un peuple navigateur. Ils ont de bonne heure colonis? en Asie et en Sicile; ils ont senti l'utilit? de demander des points de rep?re au ciel pour s'orienter dans les travers?es maritimes.
La disparition progressive des montagnes lointaines, commen?ant par la base, finissant par le sommet, ne leur a pas ?chapp?. L'apparition de nouvelles ?toiles, corr?lative d'un d?placement de quelques degr?s vers le Sud, a frapp? leur attention. De plus la richesse acquise par le commerce cr?ait une classe d'hommes affranchis de la n?cessit? du labeur quotidien, assur?s du lendemain, libres de s'adonner aux ?tudes abstraites.
On s'explique ainsi qu'il se soit rencontr?, 600 ans environ avant l'?re chr?tienne, un terrain propice ? l'?closion des id?es de Thal?s de Milet. Les ouvrages de ce philosophe sont perdus et nous ne les connaissons que par les extraits de Diog?ne de La?rce. Habitant l'Ionie, il avait beaucoup voyag?; il ?tait all? s'instruire aupr?s des pr?tres ?gyptiens, alors en grande r?putation de savoir et contemplateurs assidus des astres. Le premier, il para?t avoir enseign? avec succ?s l'isolement et la sph?ricit? de la Terre. Il a reconnu la vraie cause des ?clipses dans l'interposition de la Lune entre la Terre et le Soleil ou de la Terre entre le Soleil et la Lune. On nous dit m?me qu'il avait d?termin? la distance au p?le des principales ?toiles de la Petite Ourse, ce qui suppose la notion de l'axe du monde et la construction d'un appareil propre ? mesurer les angles. Le rapprochement de mesures semblables, faites en des localit?s diverses, devait, un jour ou l'autre, conduire ? une valeur approch?e des dimensions du globe terrestre.
Socrate, deux si?cles apr?s, jugeait encore l'entreprise bien audacieuse: <
Les disciples de Socrate furent moins timides. Platon professa express?ment la doctrine des antipodes, dont Diog?ne de La?rce le consid?re comme l'inventeur; c'est-?-dire qu'il admet que la Terre poss?de une r?gion diam?tralement oppos?e ? la n?tre, o? la direction de la verticale est renvers?e.
Aristote est encore plus explicite. Il se range ? l'opinion de Thal?s, qui regarde la Terre comme un globe immobile au centre du monde. Il d?veloppe, en faveur de la sph?ricit?, l'argument de la silhouette projet?e sur le disque de la Lune pendant les ?clipses. Il note l'abaissement tr?s sensible de l'?toile polaire sur l'horizon quand on marche du Nord au Sud. Cela prouve non seulement que la Terre est ronde, mais qu'elle n'est pas d'une grandeur d?mesur?e. La surface terrestre n'a pas, ? proprement parler, de limites. Rien n'emp?che que ce soit la m?me mer qui baigne les Indes d'une part, les Colonnes d'Hercule de l'autre. Notons au passage cette d?claration, qui a d? ?tre l'origine des audacieux projets de Colomb, et qui lui a permis, en tout cas, de mettre son entreprise sous le patronage r?v?r? du philosophe stagyrite.
Des math?maticiens, auxquels Aristote fait allusion sans les nommer, attribuent ? la Terre 400000 stades de tour. C'est presque deux fois trop s'il s'agit du stade olympique. Aristote para?t, au contraire, trouver cette ?valuation bien faible. A ce compte, fait-il observer, on ne pourrait m?me pas dire que la Terre soit grande par rapport aux astres. Mais Aristote n'admet pas que la Terre soit un astre. Il ?carte comme peu s?rieuse l'opinion des pythagoriciens d'Italie, qui mettaient la Terre au nombre des astres et la faisaient mouvoir autour de son centre, de mani?re ? produire l'alternance des jours et des nuits.
Il n'y avait qu'une mani?re de trancher la question: c'?tait de proc?der ? une mesure effective. Ce fut le principal titre de gloire d'?ratosth?ne, astronome et chef d'?cole en grande r?putation ? Alexandrie 200 ans avant notre ?re. Il avait observ? que, le jour du solstice d'?t?, le Soleil arrive au z?nith ? Sy?ne, dans la Haute-Egypte, et que son image appara?t au fond d'un puits. Il mesure le m?me jour la hauteur m?ridienne du Soleil ? Alexandrie, qu'il consid?re comme situ?e sur le m?ridien de Sy?ne. Le compl?ment de cette hauteur est la diff?rence des latitudes. Connaissant la distance et admettant la sph?ricit? de la Terre, il en d?duit la circonf?rence du globe par une simple proportion.
Cette op?ration fut tr?s admir?e des anciens, au t?moignage de Pline, et le r?sultat ?tait, en effet, satisfaisant pour l'?poque. Le chiffre donn?, 250000 stades, aurait d? ?tre remplac? par 246000 d'apr?s l'?valuation la plus probable du stade employ?. Maintenant comment ?ratosth?ne savait-il qu'Alexandrie et Sy?ne sont sur le m?me m?ridien? Comment avait-il d?termin? en stades la distance des deux stations? Il est probable qu'il avait fait usage de plans cadastraux dress?s depuis longtemps pour les besoins de l'administration et de l'agriculture et orient?s par des observations gnomoniques. L'int?r?t que les ?gyptiens attachaient ? une orientation exacte est d'ailleurs attest? par la construction des pyramides.
La n?cessit? de combiner les observations de longitude avec les mesures de latitude a ?t? bien mise en lumi?re par Hipparque, le plus grand astronome de l'antiquit?, qui professait ? Rhodes de 165 ? 125 avant notre ?re. Il est l'auteur de la division du cercle en 360?, de la d?finition des parall?les et des m?ridiens, d'un syst?me de projection plane encore employ?. Le premier, il montra nettement qu'il faut s'adresser au Ciel pour conna?tre la forme de la Terre. Il indique le parti ? tirer des ?clipses pour la mesure des longitudes, et cette m?thode est demeur?e, en effet, la seule capable de fournir des r?sultats un peu exacts jusqu'? l'invention des lunettes. Il ?tablit que la valeur d'une carte est subordonn?e ? la d?termination astronomique des deux coordonn?es des principaux points. Et, pour faciliter ces d?terminations, il calcule des Tables d'?clipses et de hauteurs du Soleil.
Le g?ographe Strabon entreprit de corriger le calcul de Cl?om?de en se fondant sur une autre ?valuation, d'ailleurs conjecturale, de la distance d'Alexandrie ? Rhodes. Cette fois le r?sultat fut beaucoup plus inexact, 180000 stades seulement. C'est un exemple d'une de ces corrections malheureuses, dont l'histoire des sciences offre plus d'un exemple. Mais il en est peu qui aient trouv? un si long cr?dit. Bien des si?cles devaient se passer avant qu'elle ne f?t rectifi?e. D?s cette ?poque, du reste, bien avant les invasions des barbares ou la r?volution religieuse qui a transform? le vieux monde, il est ais? de voir que la science grecque est en d?cadence. Les pr?jug?s vulgaires reprennent de l'empire, m?me sur les hommes instruits. Posidonius trouve n?cessaire de se transporter au bord de l'oc?an Atlantique , pour s'assurer si l'on n'entend pas le sifflement du Soleil plongeant dans la mer. Strabon admet bien la sph?ricit? de la Terre, mais il croit que la zone torride est inhabitable ? cause de la chaleur excessive qui y r?gne. De l'autre c?t? se trouve une autre zone habit?e, mais toute communication avec ces peuples lointains nous est interdite. Pline laisse voir une pr?f?rence pour la doctrine des antipodes et l'isolement de la Terre, mais il est pr?occup? plus que de raison des objections populaires. Si la Terre est isol?e dans l'espace, se demande-t-il, pourquoi ne tombe-t-elle pas? Sans doute parce qu'elle ne saurait pas o? tomber, ?tant ? elle-m?me son propre centre.
>>Mais on ne consid?re pas que, lors m?me qu'on d?montrerait que la Terre est ronde, il ne s'ensuivrait pas que la partie qui nous est oppos?e n'est pas couverte d'eau. Et d'ailleurs, quand elle ne le serait pas, quelle n?cessit? y aurait-il qu'elle f?t habit?e? D'une part, l'?criture dit que tous les hommes viennent d'Adam et elle ne peut mentir; d'autre part, il y a trop d'absurdit? ? dire que les hommes auraient travers? une si vaste ?tendue de mer pour aller peupler cette autre partie du monde.>>
Les scrupules de saint Augustin ?taient, nous le savons, mal fond?s; mais cette tendance ? subordonner les sciences de la nature ? des consid?rations morales, ? opposer des textes r?v?r?s, mais mal compris, aux r?sultats des recherches physiques, va dominer ? peu pr?s sans conteste pendant le moyen ?ge tout entier.
Ce mouvement ne fut suivi en Occident que d'assez loin, au fur et ? mesure de ce qu'exigeaient les progr?s de la Navigation. Christophe Colomb, persuad? de la rondeur de la Terre par ses voyages au long cours et par la lecture des anciens, adoptait pour la circonf?rence terrestre la fausse ?valuation de Strabon, pour la diff?rence de longitude entre l'Europe et l'Inde une estimation plus fausse encore. Aussi pr?voyait-il que, pour rejoindre les Indes par l'Ouest, il aurait seulement 1100 lieues de mer ? franchir. Heureuse erreur, car, s'il e?t mis en avant le vrai chiffre, qui est de 3000 au moins, il n'e?t trouv? personne pour tenter l'aventure avec lui. On sait quelle peine Colomb eut ? faire accepter ses vues par une assembl?e compos?e des hommes les plus ?clair?s de l'Espagne.
Quoi qu'il en soit, l'?clatant succ?s de Colomb, et bient?t apr?s le retour des compagnons de Magellan, mirent la rondeur de la Terre au-dessus de toute discussion, et il ne se trouva plus personne pour opposer ? la r?alit? des antipodes l'autorit? de Lactance ou de saint Augustin.
Mais le fait qu'une confusion avait pu se produire entre les Indes orientales et les Indes occidentales, si ?loign?es en longitude, montrait la n?cessit? de reprendre le calcul du rayon terrestre. Une tentative int?ressante fut faite dans ce sens, en 1528, par le m?decin Fernel. Il mesura la diff?rence des hauteurs du p?le sur l'horizon de Paris et sur l'horizon d'Amiens. Pour ?valuer la distance, il avait simplement fix? un compteur ? une roue de sa voiture. Le r?sultat publi? par lui est assez exact, mais ce moyen grossier ne pouvait ?videmment inspirer beaucoup de confiance.
Il est facile aujourd'hui d'apercevoir des points faibles dans les op?rations de Snellius. La base effectivement mesur?e est trop petite . Il y a des angles trop aigus dans les triangles et peut-?tre, de l'aveu de l'auteur, des erreurs dans l'identification ? distance des points employ?s comme stations. La valeur annonc?e pour le degr? de latitude est notablement trop petite. Snellius mourut sans avoir pu revoir ses calculs. Faits avec plus de soin, ils auraient donn?, d'apr?s Muschenbroek, 57033 toises, chiffre assez rapproch? de la v?rit?.
Une op?ration analogue, faite quelques ann?es apr?s par le P. Riccioli en Italie, est, ? tous les points de vue, d?fectueuse. La base mesur?e n'a que 1094 pas. Plusieurs angles sont fort aigus et sont conclus par le calcul au lieu d'?tre observ?s. Aux r?sultats de la triangulation, Riccioli propose ? tort de substituer: soit la mesure de la d?pression de l'horizon en un lieu d'altitude connue, soit la mesure des hauteurs apparentes mutuelles de deux points d'altitude connue.
Ces deux m?thodes sont sans valeur pratique ? cause de la petitesse des angles qui interviennent et de l'incertitude des r?fractions terrestres. Riccioli se flatte d'?liminer ces causes d'erreur en observant vers le Midi, dans des lieux fort ?lev?s, par des jours sereins. C'est une dangereuse illusion. Le chiffre donn? s'?carte plus de la v?rit?, en sens contraire, que celui de Snellius.
La premi?re triangulation vraiment entour?e de garanties est celle de Picard en 1671. La base, mesur?e pr?s de Juvisy, avec des r?gles de bois align?es au cordeau, a 5663 toises. L'arc total s'?tend de Malvoisine, au sud de Paris, ? Sourdon, pr?s d'Amiens. Les distances z?nithales m?ridiennes, mesur?es avec un quadrant, sont diff?rentielles, c'est-?-dire ind?pendantes de l'erreur d'index, de la d?clinaison de l'?toile et, dans une grande mesure, de l'erreur d'excentricit?. Le parall?lisme de la lunette au plan du limbe est soigneusement v?rifi? par une m?thode dont Picard est l'inventeur. La m?ridienne est trac?e par l'observation des hauteurs ?gales d'un m?me astre; elle est contr?l?e par des observations de digressions de la Polaire, d'?clipses de satellites de Jupiter ou d'?clipses de Lune. Il y a, en somme, fort peu ? reprendre dans les observations de Picard, et les d?fauts qu'on y rel?ve ne lui sont gu?re imputables. La construction des instruments est ?videmment plus grossi?re que celle des th?odolites modernes. Les signaux naturels, arbres ou clochers, sont utilis?s par ?conomie. Il est ordinairement impossible de placer l'instrument au point m?me que l'on a vis?. D'o? la n?cessit? de r?ductions au centre, toujours p?nibles et incertaines.
L'op?ration de Picard avait ?t? entreprise sous les auspices de l'Acad?mie des Sciences r?cemment fond?e. En m?me temps des missions scientifiques ?taient envoy?es au S?n?gal, ? la Guyane, aux Antilles. Dans les instructions remises aux observateurs, il leur ?tait recommand? de s'assurer si l'intensit? de la pesanteur ne variait pas d'un lieu ? l'autre. Richer, qui observait ? Cayenne, annon?a en 1672 que le pendule ? secondes, emport? de Paris, devait ?tre raccourci pour osciller dans le m?me temps ? Cayenne. En d'autres termes, l'intensit? de la pesanteur diminue quand on se rapproche de l'?quateur.
Vers 1660, para?t-il, Newton avait con?u la pens?e que la m?me force qui d?vie les projectiles de la ligne droite retient aussi la Lune dans son orbite. Il avait tent? de faire une comparaison num?rique en admettant que cette force, dirig?e vers le centre de la Terre, varie en raison inverse du carr? de la distance, mais il ?tait parti d'une valeur tr?s inexacte du rayon terrestre. Les r?sultats ?taient discordants. Newton renon?a ? suivre les cons?quences de cette id?e. Il reprit son calcul quand il connut le r?sultat de Picard: cette fois, la concordance ?tait parfaite. Newton en fut si ?mu qu'il ne put v?rifier lui-m?me son travail et dut recourir ? l'obligeance d'un ami.
De m?me, quand il connut le r?sultat de Richer, Newton fut amen? ? penser, avant toute mesure, que la Terre ne devait pas ?tre sph?rique, mais aplatie vers les p?les. S'il en est ainsi, les points de l'?quateur seront plus loin du centre, et par suite moins attir?s que les p?les.
Il est vrai que, m?me si l'on suppose la Terre sph?rique, la pesanteur doit subir une diminution appr?ciable ? l'?quateur du fait de la rotation. Cette diminution, Newton est en mesure de l'?valuer par le m?me raisonnement qui l'a conduit ? la d?couverte de l'attraction universelle. Il traite le mouvement diurne comme un mouvement absolu et applique les principes de Galil?e: ind?pendance de l'effet d'une force par rapport au mouvement du point d'application, proportionnalit? des forces aux chemins parcourus dans un m?me temps. Soient R le rayon ?quatorial, ? l'angle, en unit? trigonom?trique, dont tourne la Terre en une seconde. Un corps qui demeure en repos relatif ? l'?quateur se rapproche du centre ? partir de la trajectoire rectiligne qui r?sulterait de sa vitesse acquise. Cette d?viation, en 1 seconde, a pour valeur approch?e R??/2.
Cette diminution apparente de la pesanteur a son maximum ? l'?quateur et s'?vanouit progressivement quand on se rapproche du p?le. Mais, du moment que la pesanteur apparente ? la surface est variable, il n'y a plus de probabilit? pour que cette surface soit exactement sph?rique, et il faut qu'elle s'aplatisse pour satisfaire aux conditions d'?quilibre d'une masse fluide homog?ne.
Newton ne poss?de pas les formules d'attraction, aujourd'hui courantes, des ellipso?des homog?nes. Il y suppl?e par des t?tonnements et des artifices g?om?triques. Il arrive ainsi ? reconna?tre que, de l'?quateur au p?le, l'accroissement de la pesanteur apparente est proportionnel au carr? du sinus de la latitude. Laplace dit que ce r?sultat est donn? sans d?monstration. En r?alit? la preuve est ?bauch?e, et les d?veloppements que Newton fonde sur cette loi montrent qu'il l'envisageait autrement que comme une simple conjecture.
On parvient ainsi ? repr?senter assez bien les observations pendulaires des savants fran?ais, faites ? Paris, Gor?e et Cayenne. Il semble cependant que la d?croissance de la pesanteur vers l'?quateur soit plus prononc?e que la formule ne l'indique. Cet ?cart fait pr?sumer ou une densit? croissante vers le centre, ou un aplatissement plus fort. Nous savons aujourd'hui que c'est la premi?re hypoth?se qui est la vraie. Notons encore au passage cette opinion hardie que l'aplatissement pourra ?tre mieux d?termin? par les observations du pendule que par les mesures d'arc de m?ridien.
Pour appr?cier le tr?s haut m?rite de l'oeuvre de Newton, il faut, par un coup d'oeil jet? sur la litt?rature scientifique du temps, se rendre compte combien le champ parcouru par lui ?tait alors inexplor?; combien les id?es qu'il a d?fendues ont eu de peine ? s'imposer aux plus distingu?s de ses contemporains, comme Huygens ou Bernoulli. Entre ces fertiles et brillants esprits, Newton appara?t comme le moins asservi ? ses propres conceptions, comme le plus prompt ? se soumettre ? la d?cision des faits. Il ne s'est pas perdu en doutes st?riles sur la r?alit? des forces, en discussions m?taphysiques sur le caract?re relatif de tout mouvement observ?. Il a ?t? de l'avant sur des hypoth?ses qu'il savait inexactes, mais qui renfermaient un appel implicite ? l'exp?rience. C'est en interrogeant la nature avec une docilit? constante que Newton a obtenu la plus riche moisson qu'il ait jamais ?t? donn? ? un homme de science de recueillir.
L'APLATISSEMENT DU GLOBE. ESSAIS DE TH?ORIE MATH?MATIQUE DE LA FIGURE DE LA TERRE.
La r?alit? de l'aplatissement ?tait mise en doute aussi bien que sa valeur. Thomas Burnet, th?ologien anglais, lui opposait des raisons qui nous semblent aujourd'hui n'avoir rien de scientifique. Eisenschmidt, math?maticien allemand, formulait une objection d'un caract?re plus grave. R?unissant les mesures connues du degr? terrestre, il trouvait que leur valeur lin?aire va en croissant vers l'?quateur, et il en d?duisait, correctement du reste, que la Terre est allong?e vers les p?les.
Consid?rant ce r?sultat comme ?tabli, Mairan entreprit de le justifier th?oriquement. Il d?ploie beaucoup d'ing?niosit? pour mettre en doute la fluidit? primitive de la Terre. Ne peut-elle pas, dit-il, avoir ?t? primitivement allong?e? Alors la force centrifuge n'aurait fait que diminuer l'allongement sans le d?truire. Reste ? concilier la forme oblongue avec l'augmentation constat?e de la pesanteur vers le p?le. Mairan forge dans ce but une loi compliqu?e, faisant varier la pesanteur en raison inverse du produit des rayons de courbure principaux en chaque point de la surface.
Newton accordait, avec raison, peu de cr?dit aux chiffres de Cassini, comme aux raisonnements de Mairan. Dans la troisi?me ?dition de son Ouvrage, parue l'ann?e qui pr?c?da sa mort , il maintient la position qu'il avait prise concernant la figure de la Terre. Mais, sous l'influence d'un amour-propre national mal plac?, l'opinion publique en France se pronon?ait fortement pour Cassini. Celui-ci, d'ailleurs, annon?ait de nouvelles v?rifications. La mesure d'un arc de parall?le par Brest, Paris et Strasbourg, ex?cut?e en collaboration avec Maraldi, de 1730 ? 1734, lui semblait d?cisive. <
Jean Bernoulli, qui s'?tait d?j? trouv? en conflit avec Newton dans une controverse c?l?bre, concourait en 1734 pour un prix de l'Acad?mie des Sciences de Paris. Pour cette double raison, il devait incliner vers l'opinion qui dominait en France. Aussi le voyons-nous s'?crier pour conclure: <
Add to tbrJar First Page Next Page