Read Ebook: Le Tour du Monde; En Roumanie Journal des voyages et des voyageurs; 2e Sem. 1905 by Various Charton Douard Editor
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page
Ebook has 830 lines and 40977 words, and 17 pages
Trois cents ouvriers, tout habill?s de blanc, travaillent dans cette grande salle; quelques-uns ne conservent que le pantalon, car la besogne est rude. L'extraction se fait dans le bas dans le sol m?me, qui va ainsi toujours s'approfondissant. Depuis la muraille jusqu'au petit chemin m?nag? au centre de la galerie pour la circulation des wagonnets, on creuse, ? la pioche, des sillons parall?les, distants de 60 centim?tres et ayant 20 centim?tres de largeur sur 50 de profondeur. Puis, au moyen de lourds leviers actionn?s par deux ou trois hommes, on d?tache du sol de gros blocs qu'on divise ensuite en morceaux de 25 ? 50 kilos. Dans la salle que nous visitons, le travail est ex?cut? par des hommes libres, mais dans des galeries s?par?es, il est fait par des for?ats. Avant 1848, ces malheureux, une fois descendus dans la mine, ne remontaient plus au jour, et bien peu d'entre eux survivaient ? trois ou quatre ann?es de ce r?gime barbare. Aujourd'hui, leur vie est devenue supportable et, tous les jours, apr?s huit heures de travail en hiver et douze heures en ?t?, ils rentrent au p?nitencier. En outre, ils re?oivent une gratification de 60 ? 80 bani par jour.
Le sel de Slanic est r?put? le plus beau de la Roumanie, et ses salines seules fournissent au commerce 300 000 kilos par jour. On le d?bite sous deux formes: ou bien en gros blocs informes, ou bien pil? sur place et mis en sac. Apr?s la Serbie, les principaux d?bouch?s sont la Bulgarie et la Russie.
? peine avons-nous quitt? Slanic, que nous entrons dans la r?gion p?trolif?re. Toutes les gares sont encombr?es de wagons-r?servoirs qui r?pandent au loin une odeur naus?abonde. Nous sommes dans le district de Prahova, qui occupe le premier rang dans la production totale du pays.
De Campina, o? nous faisons arr?t, nous nous rendons en voiture ? Doftana pour visiter les puits et les raffineries. Aux approches du village, de larges conduites, longeant la route et suintant un liquide gras et boueux, annoncent le voisinage de la r?gion industrielle. Il nous faut mettre pied ? terre devant la Doftana, dont les eaux sont si basses qu'elles forment une s?rie d'?lots rocailleux entre lesquels se pr?cipitent des courants imp?tueux. Un pont en bois traverse la rivi?re. Pour y aboutir, il faut marcher pendant cinq minutes sur la cr?te ?troite d'un mur qui longe la rivi?re, et qui retient ses eaux aux ?poques des crues. Mais notre ?quipage, qui ne peut naturellement suivre cette route d'acrobate, doit descendre dans la rivi?re, chercher les endroits gu?ables, et, par de nombreux circuits, gagner la rive oppos?e. Nous voici dans la r?gion des exploitations. ? droite et ? gauche, un peu partout autour de nous, d'?normes pyl?nes en charpente nous indiquent les puits en activit?. Tout le sol est impr?gn? de p?trole, l'air est satur? de ses ?manations, et les arbres tout alentour sont sans feuillage. Comme au Caucase et en Am?rique, le forage des puits se fait au moyen du derrick. Mais on ne rencontre que rarement, en Roumanie, ces sources o?, sous la pression des gaz emmagasin?s, la soude fait jaillir violemment le liquide au-dessus du sol. G?n?ralement on a affaire ? des nappes souterraines non jaillissantes, ou ? des couches d'argile ou de schiste qui retiennent le p?trole ? la fa?on d'une ?ponge. Dans ce dernier cas, on fore le sol en plusieurs endroits, et le p?trole va se r?unir, par exsudation, au fond d'un puits creus? au moyen d'une pompe ? succion.
Mais que l'on se trouve en pr?sence d'une nappe souterraine, ou que le p?trole se d?pose par suintement au fond d'un puits artificiel, la mani?re de l'amener au jour est la m?me. On descend dans les trous de sonde, garnis au pr?alable de tuyaux en fonte comme les puits art?siens, un cylindre de 4 ? 5 m?tres de longueur sur 15 ? 20 centim?tres de diam?tre, et muni d'un clapet ? son extr?mit? inf?rieure. Ce cylindre est suspendu ? une longue cha?ne qui, s'enroulant autour d'une poulie, au sommet du pyl?ne, redescend et va se fixer ? un balancier ? contrepoids. Un ouvrier, ? l'aide du balancier, fait agir tout le m?canisme, descend le cylindre dans le puits, et le remonte ensuite ? la surface. Alors un second ouvrier ouvre la soupape, et le liquide se d?verse dans des conduites de bois qui le m?nent dans des r?servoirs larges et peu profonds.
Le p?trole, ? la sortie du puits, est un liquide ?pais, trouble et onctueux, de couleur brun-rouge avec des reflets verd?tres.
Des r?servoirs, o? on le d?verse ? sa sortie du sol, on le conduit, ? l'aide de pipelines, aux usines de raffinage qui se trouvent dans la vall?e. La pente du sol ne suffirait pas pour faire voyager le liquide charg? de mati?res ?trang?res, et on doit le refouler au moyen de pompes sp?ciales, parfois tr?s puissantes.
? la raffinerie, on soumet le p?trole ? des temp?ratures s'?levant jusqu'? 270 degr?s centigrades. Pour les op?rations de distillation, on l'enferme dans des cornues d'o? les gaz ne peuvent s'?chapper. Il s'y transforme en naphte, gazoline, etc., etc.
Mais les progr?s de l'exploitation ne sont pas en rapport avec l'importance des gisements p?trolif?res; et les vices d'organisation des Soci?t?s exploitantes, l'absence de dividendes r?mun?rateurs, ?loignent les capitaux ?trangers cependant si n?cessaires ? la prosp?rit? industrielle de la Roumanie.
La promenade de Campina ? Sina?a par la route de voiture est une des plus po?tiques qu'on puisse r?ver. Une s?rie de paysages riches, d'un coloris superbe, se d?roule ? nos yeux, tandis que nous remontons la vall?e de la Prahova. La rivi?re est bord?e de rochers rouge?tres couverts de maigres prairies, dans le bas. Dans le haut, des touffes de saules, d'un gris d'argent, sont jet?es en d?sordre sur leurs flancs. Les fermes sont plus grandes, mieux construites, bien entretenues, et les habitants n'ont plus l'aspect servile et craintif, l'air de chien battu que nous avons remarqu? chez presque tous les campagnards.
Une importante fabrique de ciment groupe autour d'elle tout un village aux habitations blanches, recouvertes de tuiles rouges. C'est la richesse qui p?n?tre dans la r?gion; mais avec elle le charme, la po?sie disparaissent, et bient?t cette route sera souill?e et ternie par les fum?es des usines qui ne tarderont pas ? s'installer sur ses bords.
Au fond de la vall?e, large et profonde, roule la Prahova, dont les m?andres et les circuits innombrables vont se perdre dans la plaine lointaine. Ses eaux, divis?es en une infinit? de minces filets, scintillent au soleil comme de longues et capricieuses tra?n?es d'argent, escort?es des deux rubans d'acier de la voie ferr?e. Franchissant des ravins sauvages, c?toyant de sombres pr?cipices, nous entrons dans la for?t, suivant ? mi-c?te les sinuosit?s de la montagne.
Au coeur de la for?t, au pied d'un ?norme rocher de 2 500 m?tres, tout dentel?, tout d?nud?, s'abrite Sina?a.
Sina?a, vill?giature de cr?ation r?cente, doit sa prosp?rit? au s?jour du roi et de la reine de Roumanie, qui choisirent un des sombres vallons de la Prahova comme r?sidence d'?t?. Autour d'eux, se groupa bient?t toute la haute soci?t? du royaume: ministres, d?put?s, ambassadeurs, dignitaires de la Cour et de l'arm?e. Aujourd'hui, tout ce que Bucarest a de plus distingu? passe l'?t? ? Sina?a.
Nous p?n?trons dans Sina?a par une large et somptueuse avenue, bord?e de villas magnifiques, qui aboutit ? un jardin tout ?maill? de fleurs, ?gay? de jets d'eau, avec de vastes pelouses, courtes et serr?es, servant de plaines de jeux. Les h?tels de Sina?a sont ?tablis dans ce jardin. Ils ne sont gu?re nombreux, du reste: trois, quatre, peut-?tre. Aussi sont-ils bond?s d'?trangers, et nous avons de la peine ? y trouver logement.
? l'h?tel Sina?a, qu'on nous a sp?cialement recommand?, l'h?tel Cara?man ?tant en reconstruction, il ne reste plus que des mansardes au second. Comme nous h?sitons ? accepter ce logement, on nous montre des chambres voisines, dispos?es de la m?me mani?re et occup?es par des ambassadeurs. Cela nous d?cide.
L'h?tel est bon, mais d'une propret? orientale ? laquelle malheureusement nous ne parvenons pas ? nous faire. Dans la plupart des appartements, on ne trouve que des divans, qui, pour la nuit, sont transform?s en lits, et qui, le jour, servent de si?ges.
Au restaurant, toutefois, on se croirait encore ? Paris. Tout le monde parle fran?ais; on sert la cuisine fran?aise, et seule la mignonne tasse de caf? turc, qu'on vous pr?sente ? la fin du repas, vous rappelle que vous ?tes aux portes de l'Orient.
Les vins roumains sont g?n?ralement fins et d?licats. Les vins blancs de Dragashani et de Cotnar surtout, conqui?rent imm?diatement nos suffrages. Nous appr?cions moins favorablement les vins rouges, dont on semble faire beaucoup de cas, et qu'on cherche ? mettre sur le m?me pied que les vins du Bordelais. Bien que les Roumains aient fait de louables efforts pour faire prosp?rer leurs vignobles, qu'ils aient m?me fait venir de France de nombreux vignerons pour la pr?paration de leurs vins rouges, ceux-ci ne pourront jamais supporter la comparaison avec les vins fran?ais.
? Sina?a, la vie est luxueuse et ch?re; d'ailleurs, le Roumain riche est d?pensier: il aime la toilette, le plaisir: c'est un civilis? dans toute la force du terme.
Le monde qui nous entoure ? l'h?tel est du monde officiel. C'est l'h?tel des ambassadeurs, des ministres ? portefeuille. Il y a l? des familles roumaines qui m?nent grand train, et se distinguent par des allures fort mondaines.
Les grands noms qu'elles portent me rappellent une des particularit?s de l'?tat civil roumain. Ce n'est pas qu'on puisse mettre en doute l'authenticit? de leur haute origine; mais, jusqu'en ces derni?res ann?es, l'h?r?dit? des noms n'existait pas. G?n?ralement m?me on s'appelait tout simplement Jean fils de Philippe, Philipesco, comme on dit en Serbie Pavitsh, fils de Paul, et chacun pouvait ? son gr? ajouter ? son pr?nom le nom de son voisin, voire le nom d'un prince ou d'un g?n?ral illustre, qu'il faisait sien, et transmettait ? ceux de ses h?ritiers qui voulaient l'accepter. De sorte que ces grands noms, qui nous rappellent des personnages c?l?bres, ne doivent pas nous faire croire qu'on se trouve n?cessairement en pr?sence de leurs descendants, mais plut?t des descendants d'un admirateur de leur nom illustre.
Une rafale ?pouvantable, accompagn?e d'une pluie diluvienne, a secou? nos fen?tres durant la nuit enti?re, et le matin, ? notre lever, nous voyons les routes, lamentablement boueuses, se perdre dans un brouillard de triste augure. Que faire ? Sina?a quand il pleut? On n'y voit ni kursaal, ni casino; et dans les h?tels, trop ?troits d?j? pour le nombre de voyageurs qui s'y entassent, on trouve ? peine un salon de lecture et une salle de billard. Malgr? la pluie fine et persistante, nous nous d?cidons ? faire une promenade d'exploration.
Montant un peu dans les bosquets derri?re l'h?tel, nous arrivons bient?t au monast?re. Fond? en 1695 par Michel Cantacuz?ne, il se compose, comme tous les monast?res de quelque importance, de deux cours autour desquelles sont distribu?es les habitations des moines et les d?pendances du couvent. Au centre de chacune des deux cours, se trouve une petite ?glise byzantine. L'une d'elles est aujourd'hui en voie de restauration, et, gr?ce au concours du roi, la restauration promet d'?tre fort belle.
Longtemps le monast?re servit d'asile, dans les temps de troubles, aux habitants de la plaine, qui cherchaient un abri dans les montagnes; plus tard, il offrit encore l'hospitalit? aux voyageurs.
Lorsque le roi Carol et la reine ?lisabeth, attir?s par le charme puissant, l'?trange po?sie de la for?t de Sina?a, la plus verte et la plus touffue des Carpathes, vinrent pour la premi?re fois y passer une partie de la belle saison, c'est dans les d?pendances du monast?re qu'ils s'install?rent d'abord.
Ce n'est qu'apr?s quelques ann?es de vill?giature qu'ils se d?cid?rent ? construire, dans un vallon po?tique, derri?re le couvent, un ch?teau de plaisance qui, gr?ce au go?t artistique de la reine, devint un des joyaux de la Roumanie. Bient?t, cet exemple fut suivi, et du sein de la for?t s'?lev?rent, de tous c?t?s, de gracieuses villas, de ravissants chalets. Le Gouvernement construisit deux h?tels de passage pour les voyageurs: Sina?a ?tait cr??.
Le ch?teau royal, Castel P?l?s, prend son nom de la montagne sur laquelle il est situ?. Vu de loin, il surgit d'une ?paisse for?t de sapins que dominent les ar?tes nues et ros?es des monts Bucegi. Cette superbe construction, en briques et en bois, o? le gothique se m?le au byzantin, est un ensemble harmonieux et s?duisant de tourelles ?lanc?es, de pignons tronqu?s, avec de vastes terrasses et des balcons hardis. C'est un r?ve d'artiste, de po?te, et cet artiste, ce po?te, c'est Carmen Sylva. En effet, qui parle de Sina?a ?voque imm?diatement l'image de la souveraine, de la cr?atrice de cette charmante station d'?t?. La reine de Roumanie, on le sait, est une de ces femmes sup?rieures vivant de po?sie, d'art et de m?lancolie. Elle parcourt volontiers la for?t, elle en conna?t tous les d?tours, et, pour pouvoir y r?ver plus ? loisir, elle s'est fait construire une demeure a?rienne, un chalet suspendu dans des arbres, tout au sommet d'un de ces pics nombreux qui dominent Sina?a. C'est le Nid de la Princesse, comme on l'appelle ici. De l?, son regard s'?tend sur tous les environs.
Il y a quelques ann?es, il n'?tait pas rare de la voir errer dans les bois, rev?tue, ainsi que les dames de sa suite, du charmant costume national, qui seyait ? merveille ? sa taille haute et majestueuse. Mais cette noble tentative pour remettre en honneur, parmi les dames de la haute soci?t?, le gracieux costume blanc, sem? de broderies byzantines, n'a pas rencontr? le succ?s qu'elle m?ritait. Les Roumaines, moins po?tiques que leur souveraine, sont fascin?es par les modes de Paris, et le costume national aujourd'hui fait tache ? Sina?a. On ne le retrouve plus gu?re que comme article de curiosit?, au march? qui se tient le dimanche matin, le long de la grand'route. Des paysannes y ?talent sur le gazon, au bord du chemin et sur les cl?tures des jardins, leurs broderies superbes, des chemises aux dessins riches et vari?s, des voiles vaporeux et des articles de toilette travaill?s avec un go?t exquis et tout ? fait artistique. Vraiment Sina?a est un lieu de vill?giature ?trange! On croirait devoir rencontrer ici des succursales de toutes les grandes maisons de Bucarest, des magasins o? la foule ?l?gante puisse satisfaire tous ses caprices. Erreur!
Nous avons parcouru Sina?a-village. Il ne se compose que d'une ruelle tortueuse et fort en pente. On n'y voit qu'une modeste ?picerie ? c?t? de quelques mis?rables ?choppes o? l'on vend du poisson et des l?gumes. ? Sina?a m?me, vous trouverez un coiffeur, un photographe, des p?tissiers; mais tous les articles de n?cessit? premi?re y font absolument d?faut.
Ce qui fait l'attrait, le charme sp?cial de la localit?, ce sont les ravissantes promenades qu'on peut varier ? l'infini dans les vall?es et sur le flanc des montagnes. D?s qu'on quitte la grand'route, on s'engage dans des sentiers parfaitement entretenus qui m?nent au coeur m?me de la for?t; et c'est ici que l'on comprend le royal caprice de Carmen Sylva. On ne peut rien r?ver de plus sauvage, de plus po?tique, de plus id?al. C'est la for?t vierge, dans toute l'acception du mot. Des arbres de six m?tres de pourtour ? la base et hauts de cinquante m?tres au moins, se pressent les uns contre les autres. Ce sont pour la plupart des sapins et des h?tres, dont la sombre verdure habille les rochers sur une grande altitude.
Tout le sol est tapiss? d'immenses foug?res et de mousse. ?a et l?, d'?normes troncs renvers?s restent abandonn?s sur le sol. Personne ne les enl?ve. La for?t fait partie du domaine royal, et le roi, qui ailleurs exploite tr?s intelligemment ses propri?t?s, ne veut pas qu'on y touche, qu'on enl?ve quoi que ce soit ? cette nature superbement sauvage; et l'ouragan seul peut renverser les g?ants de la for?t.
Chaque sentier de la montagne aboutit ? un site diff?rent. Le hasard nous m?ne ? la promenade Sainte-Anne, ? la limite de la for?t. Au del?, au-dessus de nos t?tes, c'est une ar?te nue, d'un gris ros?, une ar?te qui para?t infranchissable; et pourtant, tout en haut, nous apercevons un pavillon qui semble nous narguer.
Mais il se fait tard, et le temps est incertain. Nous n'osons pas nous aventurer plus loin. Du haut d'un refuge, adoss? d'un c?t? au rocher, tandis que de l'autre il repose dans les branches d'un de ces grands sapins que nous avons tant admir?s, nous jouissons d'une vue remarquable sur les vall?es profondes et verdoyantes qui s'ouvrent au-dessous de nous. Castel P?l?s est ? nos pieds, comme un minuscule jouet d'enfant, perdu dans l'immensit? sombre. Sina?a tout entier est cach? par la for?t, et tout autour de nous c'est la solitude, le silence majestueux et profond.
La brave femme, gardienne du refuge, nous pr?sente du meilleur coeur son manteau de fourrure pour nous prot?ger contre le froid piquant de la montagne; mais nous nous contentons de la d?licieuse tasse de caf? turc qu'elle nous offre, et qui, pris tout br?lant, calme promptement le frisson que nous avions ressenti ? notre arriv?e. Et pendant les quelques moments que nous passons encore chez elle, elle chante, en s'accompagnant de la mandoline, les m?lancoliques chants nationaux roumains.
Si, par les jours de pluie, Sina?a semble d?sert et maussade, d?s que le soleil para?t quelles joyeuses envol?es vers tous les coins de la for?t! La musique militaire ?clate en bruyantes fanfares dans les jardins, tandis que la musique tzigane fait retentir les ?chos de la montagne de ses accents sauvages et passionn?s.
Une des plus int?ressantes excursions aux environs de Sina?a est celle de Busteni, jolie localit? situ?e ? quelque distance de l?. Si l'on a le choix, il faut s'y rendre le dimanche dans l'apr?s-midi. Busteni est alors le rendez-vous des paysans et des paysannes, qui viennent y prendre leurs ?bats.
La route qui y m?ne est resserr?e entre de superbes rochers ros?tres qui s'?lancent vers le ciel, et la rivi?re Prahova, dont le lit ?norme et en grande partie dess?ch? est sillonn? par une infinit? de petits filets d'eau. C'est certainement un des coins les plus sauvages des Carpathes du sud. On est imm?diatement au-dessous de ces ?normes masses nues et dentel?es, dont les premiers contreforts seuls sont couverts par la for?t.
Les habitants de Busteni ont rev?tu aujourd'hui dimanche leurs plus beaux atours, et les paysannes scintillent sous les feux des paillettes qui recouvrent leurs toilettes de f?te. C'est que tous les dimanches il y a des danses publiques dans le village. Aussi, de tous c?t?s, on entend les violons et les fl?tes lancer leurs notes aigu?s, et ? chaque auberge les groupes se forment. Mais les vraies danses n'ont lieu que le soir.
Nous assistons ici, ? une des curieuses petites sc?nes qui accompagnent les mariages roumains. ? l'abri de la v?randa d'une ferme se trouvent les parents et amis des futurs mari?s. Tout ? coup, la fianc?e, en toilette voyante, le voile sem? de paillettes d'or, s'?chappe de la maison en courant, et se pr?cipite sur la grand'route, feignant de fuir. Aussit?t le fianc? et deux de ses amis se mettent ? sa poursuite, la rattrapent et l'entra?nent de force dans la maison. Cette sc?ne est, para?t-il, conserv?e dans les mariages roumains en souvenir de l'enl?vement des Sabines.
? Busteni, se trouve une des douze propri?t?s faisant partie du Domaine de la Couronne. On s'est plu ? y ?riger des ?coles-mod?les, des maisons-mod?les, des fermes-mod?les. On y trouve aussi des scieries, des fabriques de tissus: bref, c'est un modeste village en voie de devenir une vraie cit? industrielle et riche.
Le Domaine de la Couronne exerce partout, du reste, une influence salutaire sur les campagnards. Gr?ce aux nombreuses ?coles construites par l'Administration du Domaine, les paysans sont mis au courant de la mani?re rationnelle de cultiver la terre, et d'utiliser les derniers perfectionnements de l'agriculture. On leur enseigne ce qui concerne les plantations, l'?levage des bestiaux, l'agriculture. Tous les efforts de la Couronne, puissamment second?s par des auxiliaires intelligents, sont dirig?s vers l'am?lioration des classes rurales. Dans le cours de son r?gne, le roi a multipli? les voies de communication, trac? des grand'routes, fait appel aux ing?nieurs ?trangers pour construire des chemins de fer. D'autre part, rien n'a ?t? n?glig? pour instruire le paysan, pour assainir son habitation, pour lui procurer l'outillage n?cessaire, pour l'affranchir de ses nombreux exploiteurs. Mais, on ne saurait assez le r?p?ter, le servage a laiss? des traces profondes; et si certaines r?gions centrales, et notamment celle qui s'?tend de Pr?d?al ? Bucarest, se sont merveilleusement et intelligemment d?velopp?es, les confins montagneux de la Roumanie sont encore, ? peu de chose pr?s, ce qu'ils ?taient sous la domination turque.
Th. HEBBELYNCK.
Droits de traduction et de reproduction r?serv?s.
TABLE DES GRAVURES ET CARTES
L'?T? AU KACHMIR
En <
L'?l?phant du touriste ? Dja?pour. 1
Petit sanctuaire lat?ral dans l'un des temples dja?ns du mont Abou. 2
Pont de cordes sur le Djhilam, pr?s de Garhi. 3
Les <
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page