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Read Ebook: Vingt années de Paris by Gill Andr Daudet Alphonse Commentator

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Ebook has 736 lines and 29590 words, and 15 pages

En fin de compte, on tomba d'accord qu'il fallait publier son portrait.

Le portrait du melon? Oui.--Dans le journal? Parfaitement. Puisque la censure interdisait tout, puisqu'on ne pouvait plus rien risquer d'expressif, il fallait dessiner le melon. Cela ne voudrait rien dire.

--Qu'importe!

Et je le fis.

Le dessin fut pr?sent?, le lendemain, au minist?re; la Censure fut magnanime, l'autorisation de para?tre fut accord?e.

Mais, d?s le surlendemain, nous recevions, au bureau de la publication, l'ordre de compara?tre devant un juge d'instruction dont le nom m'?chappe,--grand dommage! La nouvelle de cette poursuite fit scandale.

Il se trouva, juste, dans toute la presse, un seul ?tre, depuis ?me-damn?e de Villemessant, pour ne pas nous d?fendre.

Nous ?tions accus?s..... d'obsc?nit?!

C'?tait raide! On en parla huit jours; et la fortune du dessin courut Paris, renforc?e des mille quolibets de la foule, qui a sa fa?on de l?gif?rer, elle aussi.

Comme le croquis ne repr?sentait personne, il fut facile d'en appliquer l'intention ? tout le monde, et chacun de son c?t? le fit pour <>.

M. Francisque Sarcey fit un bon article indign? et gaulois dont je le remercie encore. Et la poursuite fut abandonn?e.

Voici comment:

Au jour indiqu? par l'assignation, je me rendis chez le juge. Nous comptions bien sur le proc?s. N'avais-je pas d?j? retenu, chez un fruitier, un autre melon que je devais pr?senter au tribunal, en arguant de mon innocence par la sienne?

Cela, peut-?tre, e?t ?t? joyeux. Il n'emp?che, qu'? l'exemple de ce juste atterr? sous l'accusation d'avoir vol? les tours de Notre-Dame, j'?tais mal ? l'aise en grimpant les rigides escaliers de pierre et en enfilant les couloirs bourrus du Palais de Justice.

On me fit entrer, asseoir m?me dans le cabinet aux soup?ons. Le greffier poussi?reux, raccorni, se tenait pr?t ? ?crire. Le juge dont j'oublie le nom, l'homme de loi, le roi de pique, celui qu'on appelle David chez les tireuses de cartes, une t?te pointue, l'oeil louche, figure biseaut?e, m'observait de coin: il m'interrogea tout ? coup:

--Vous vous reconnaissez l'auteur d'un dessin repr?sentant un melon, auquel il manque une tranche fuyant devant un crayon, et intitul?: M. X, deux points?

Deux points, trois points, je n'y saisissais nulle malice, et je ne sais pourquoi je r?pondis, pris d'un subit et providentiel souci de la minutieuse exactitude:

--Non, monsieur: X, trois points.

--Bah! fit le magistrat.

Il reprit le journal, regarda.

--C'est vrai, dit-il; vous pouvez vous retirer.

L'instruction ?tait abandonn?e; Th?mis, d?sarm?e!

Comprenez-vous? Moi, j'ai longtemps cherch?.--Accusation d'obsc?nit??--A force de m'exercer ? voir de l'oeil du jurisconsulte de cette ?poque, ? entrer, comme on dit, <>, j'ai fini par supposer vaguement!

Mais cela est tout ? fait impossible ? dire.

JULES VALL?S

C'est bien l? ma mine bourrue, Qui, dans un salon ferait peur, Mais qui, peut-?tre, dans la rue, Plairait ? la foule en fureur. Je suis l'ami du pauvre h?re Qui, dans l'ombre, a faim, froid, sommeil, Comment, artiste, as-tu pu faire Mon portrait avec du soleil?

En voil? un que j'aime de tout mon coeur, et que je vais d?soler en disant le bien que je pense de lui.

La v?rit? avant tout: Vall?s a le caract?re le plus jeune, le plus gai, le plus ?merveill? que je connaisse. Ajoutez ? cela une sant? in?branlable. Il se battrait, peut-?tre encore, avec acharnement, pour le sourire en coulisse d'une danseuse de corde; et, pour ma part, je l'en f?licite. Mais lui, n'aime pas qu'on le sache.

Avec sa chevelure h?riss?e et rebelle, sa barbe bourrue et retrouss?e,--barbe et cheveux blancs aujourd'hui, luisants et noirs, jadis, comme charbon de terre,--avec ses yeux hardis, ronds sous les rudes sourcils, son nez coup? court, retrouss?, aux narines de dogue ou de Socrate, les trente-deux dents ?tincelantes rang?es sous le pli d?daigneux et amer de sa l?vre, avec tout son masque heurt?, aux plans durs, qui semble avoir ?t? martel? par quelque tailleur de fer, en son pays d'Auvergne; avec, surtout, sa voix de cuivre, amoureuse de temp?te, et le roulis farouche de son allure, il s'est fait, autrefois, une renomm?e de casse-cou, d'exalt? violent, dur ? cuir.

C'est son premier succ?s, son succ?s de jeunesse; il y tient.

Et, soigneusement toujours, il a d?fendu, de la retouche et de l'alt?ration, cette extravagante contrefa?on de sa propre physionomie, o?, depuis vingt ans, le public le voit grin?ant de la m?choire, et rageusement camp? devant la soci?t?.

Moi-m?me, pour complaire ? sa manie bien plus qu'? mon sentiment, ne l'ai-je pas caricatur? en chien crott?, lugubre, tra?nant, ? la queue, une casserole bossu?e et retentissante?

--J'ai un cou d'athl?te, un cou d'Auvergnat, r?p?tait-il souvent; les gens qui ont, comme moi, un cou de taureau...

Je regardai, un jour, ce cou fameux, et, saisi de franchise:

--Vous avez un petit cou, lui dis-je.

Il y eut un silence de quelques secondes; puis Vall?s r?pondit:

--Oui, j'ai un petit cou!

Mais j'avais vu flamber son regard: il ?tait vex?.

Tout le faible de Vall?s est l?.

Pour ma part, j'aime en lui jusqu'? cet enfantillage persistant de son h?ro?que d?sir, lequel ne peut s'accommoder, pour enveloppe, de la taille modeste et de la musculature moins terrifiante que fr?le qui lui sont d?volues.

Quand je le rencontrai pour la premi?re fois, il fendait l'espace, en compagnie de Daniel L?vy, son associ? d'une heure: secouant une canne ?norme, il arpentait le boulevard Montmartre; les pans d'une redingote, allong?e d?mesur?ment sur commande, flottaient derri?re lui; un chapeau vertigineux, ?lanc? de sa t?te, mena?ait le ciel...

--Il est un peu haut, lui dis-je.

--Jamais trop haut, me cria-t-il, jamais! pour un chapeau d'ambitieux.

J'avais d?vor? le livre; je rencontrai l'auteur: son aspect, r?barbatif ? d'autres, r?apparaissait absolument joyeux et s?duisant.

Impressions lointaines qui me sont rest?es fid?les. Ces deux artistes, ces deux hommes, si diff?rents, sont demeur?s pour moi l'objet d'une ?gale et tendre admiration.

Vall?s vint loger, rue d'Assas, en la maison de briques dont j'ai parl? d?j?, o? se sont ?coul?es les heures de ma vie les meilleures; c'est l? que j'ai pu appr?cier ce po?te, ce r?veur sensible et vaillant, avec sa belle verve ?ternelle, son intarissable gaiet?.

On rencontrait l? des compagnons dont les noms, accoupl?s, jurent ? cette heure:

Maroteau et Magnard, Francis Enne, Albert Brun, Puissant, Pipe-en-bois, Bellanger et d'autres.

Mes relations avec Vall?s devinrent plus rares; je le rencontrai moins souvent. Il ?tait tout entier repris par ses pr?occupations politiques, lesquelles m'ont toujours navr?.

Il me convient, toutefois, de rappeler ici le grotesque soup?on qu'on a voulu faire peser sur sa vie, ? ce moment. Le mot de police a ?t? prononc?: agent provocateur, a-t-on dit, je crois. Pour qui conna?t, de Vall?s, la hautaine inflexibilit? du caract?re, c'?tait une accusation absurde, ? ce point que je n'en ai jamais voulu conna?tre la teneur pr?cise.

A pr?sent, je le perds de vue presque compl?tement jusqu'au si?ge, o? je le retrouve commandant un bataillon de M?nilmontant, qu'il menait jouer au bouchon, comme les autres, sur le glacis. J'allai voir ses galons et son sabre.

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