Read Ebook: Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5 - (D - E- F) by Viollet Le Duc Eug Ne Emmanuel
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page
Ebook has 321 lines and 146484 words, and 7 pages
Droits de traduction et de reproduction r?serv?s.
PARIS IMPRIM? CHEZ BONAVENTURE ET DUCESSOIS Quai des Augustins, 55, pr?s du Pont-Neuf.
PAR
M. VIOLLET-LE-DUC ARCHITECTE DU GOUVERNEMENT INSPECTEUR-GEN?RAL DES ?DIFICES DIOC?SAINS
TOME CINQUI?ME
PARIS B. BANCE, ?DITEUR RUE BONAPARTE, 13.
? cette ?poque d?j?, les dais bourguignons sont surmont?s d'?dicules en forme de pyramide ou de tour, pos?s sur l'assise engag?e dans la b?tisse. Cette superf?tation ne se trouve que plus tard dans les ?difices de l'?le-de-France et de la Champagne.
Voici l'une de ces pierres grav?es, autour de laquelle on lit cette inscription:
Nous donnons ici une portion du dallage de la chapelle Sainte-Osmane. La marche de l'autel, dont notre planche laisse voir une portion en A, repr?sente les quatre Vertus, avec un encadrement d'ornements tr?s-d?licats compos?s de quatre-feuilles contenant des animaux fantastiques.
Autour de cette marche, relev?e de 0,14 c. au-dessus du pav? de la chapelle, se d?veloppent des sujets dans des m?daillons circulaires repr?sentant les travaux et plaisirs des douze mois de l'ann?e . Cet encadrement, relev? par des fonds noirs, se d?tache sur un fond plus simple compos? de grands quatre-feuilles avec rosettes, entre lesquels sont grav?s des animaux symboliques, des chasses entrem?l?es de feuillages. Une fine bordure B encadre l'ensemble de cette composition. On remarquera combien l'aspect d?coratif de ce riche dallage est d?licat, sans ?tre confus; l'artiste a eu le soin de faire les ornements de la marche de l'autel sur une ?chelle beaucoup plus petite que ceux du fond du dallage, afin de donner ? cette marche relev?e quelque chose de particuli?rement pr?cieux. ? distance, le dessin g?n?ral se comprend, et de pr?s il attire les yeux par la combinaison gracieuse des gravures, qui sont toutes remplies de mastic noir. Quelquefois, comme dans la chapelle de Saint-P?r?grin de la m?me ?glise, le dallage se compose d'un dessin uniforme entour? d'une bordure ou d'une inscription . Ce dallage, dont nous donnons ci-contre un fragment au quart de l'ex?cution, est de m?me en liais. Le fond des fleurs de lis est noir, le fond des rosaces vert olive, les rosettes rouges ainsi que l'inscription; de petits cubes de verre dor?s incrust?s en A ?gayent l'ensemble de la coloration un peu sombre.
Les dallages des terrasses de Notre-Dame de Paris reposent sur des pannes en pierre dure B, port?es sur des arcs band?s de distance en distance et suivant la projection horizontale donn?e par les arcs des vo?tes, afin de ne pas multiplier les pouss?es. Au sommet et ? l'extr?mit? inf?rieure de la pente, les dalles s'appuient sur le ch?neau D et sur une assise saillante C incrust?e dans le mur.
On trouve aussi des exemples de dallages dont la combinaison est moins simple, mais est plus propre encore ? ?viter l'entretien, en ce qu'aucun joint n'est d?couvert. Ce sont des dallages combin?s ? peu pr?s comme l'?taient les couvertures en marbre ou en terre cuite des ?difices grecs de l'antiquit?. Des arcs l?gers sont espac?s de fa?on ? recevoir des rangs de dalles creuses superpos?es; sur les rang?es de dalles servant de canal sont pos?s d'autres rangs de dalles formant un recouvrement complet, comme le fait voir le profil A. Dans ces sortes de dallages, il n'est besoin nulle part de mastic ou de mortier pour calfeutrer les joints sont tous masqu?s. On trouve de ces sortes de dallages sur les bas-c?t?s de l'?glise de Chaumont et sur ceux de l'?glise coll?giale de Poissy. Toutefois ces dallages sont chers, en ce qu'ils obligent de multiplier les arcs et exigent des tailles nombreuses.
Voici , en A, comment sont taill?s ces damiers, dont chaque rang est pris dans une assise de 0,25 c. de hauteur.
D?LIT .
Quelquefois, lorsque les dents-de-scie de cette ?poque ont une petite dimension, particuli?rement dans les monuments de l'Ouest, elles sont taill?es encore ? angles droits G. Les dents-de-scie doubl?es ou chevauch?es sont taill?es ainsi que l'indique la figure 3, de fa?on ? pr?senter un rang de pointes passant sur l'autre. Dans les archivoltes, souvent plusieurs rangs de dents-de-scie sont superpos?s, s'alternant et formant les sailles indiqu?es en E. Conform?ment ? la m?thode employ?e par les architectes du moyen-?ge, chaque rang de dents-de-scie ?tait pris dans une hauteur d'assise, les joints verticaux tombant dans les vides. Comme ces ornements ?taient taill?s avant la pose et que les appareilleurs ne voulaient pas perdre de la pierre, il en r?sultait que les dents-de-scie ?taient souvent in?gales en largeur, puisqu'il fallait toujours comprendre un certain nombre de dents enti?res dans une pierre, quelle que f?t sa longueur. Mais ces irr?gularit?s ne paraissent pas avoir pr?occup? les architectes; il faut dire cependant qu'elles sont beaucoup plus prononc?es dans les ?difices b?tis avec parcimonie, comme les ?glises de village, par exemple, que dans des monuments importants. Les dents-de-scie appartiennent bien au moyen ?ge; rien dans les ?difices romains ne pouvait donner l'id?e de cet ornement, qui donne tant de vivacit? aux profils, aux bandeaux, et qui fait si bien valoir les parties nues de l'architecture .
On le voit, vers la fin du moyen ?ge, le diable a vieilli et ne fait plus ses affaires. Les arts plastiques de cette ?poque ne font que reproduire l'esprit de ces l?gendes populaires dont nous avons suivi les derni?res traces sur le th??tre des marionnettes, o? le diable, malgr? ses tours et ses finesses, est toujours battu par Polichinelle.
Au moyen ?ge, il en ?tait de m?me du ch?teau, et le donjon ?tait au ch?teau ce que celui-ci ?tait ? la ville. Les garnisons du moyen ?ge poss?daient une d?fense de plus que les n?tres: chass?es de la cit?, elles se retiraient dans le ch?teau; celui-ci pris, elles se r?fugiaient dans le donjon; le donjon serr? de trop pr?s, elles pouvaient encore courir la chance de s'?chapper par une issue habilement masqu?e ou de passer ? travers les lignes de circonvallation, la nuit, par un coup hardi. Mais cette disposition du donjon appartenant ? la forteresse f?odale n'?tait pas seulement prise pour r?sister ou ?chapper ? l'ennemi du dehors, elle ?tait la cons?quence du syst?me f?odal. Un seigneur, si puissant qu'il f?t, ne tenait sa puissance que de ses vassaux. Au moment du p?ril, ceux-ci devaient se rendre ? l'appel du seigneur, se renfermer au besoin dans le ch?teau et concourir ? sa d?fense; mais il arrivait que ces vassaux n'?taient pas toujours d'une fid?lit? ? toute ?preuve. Souvent l'ennemi les gagnait; alors le seigneur trahi n'avait d'autre refuge que son donjon, dans lequel il se renfermait avec ses gens ? lui. Il lui restait alors pour derni?re ressource, ou de se d?fendre jusqu'? l'extr?mit?, ou de prendre son temps pour s'?chapper, ou de capituler.
Nous l'avons dit ailleurs , le syst?me de la d?fense des places, pendant la f?odalit?, n'?tait qu'une s?rie de moyens accumul?s par la d?fiance, non-seulement envers un ennemi d?clar?, mais envers les garnisons m?mes. C'est pourquoi l'?tude des forteresses de cette ?poque fournit un sujet in?puisable d'observations int?ressantes; la d?fiance aiguise l'esprit et fait trouver des ressources. En effet, si quelques ch?teaux pr?sentent des dispositions d'ensemble ? peu pr?s semblables, les donjons offrent, au contraire, une vari?t? infinie, soit dans la conception g?n?rale, soit dans les d?tails de la d?fense. Les seigneurs, pouvant ?tre ? chaque instant en guerre les uns avec les autres, tenaient beaucoup ? ce que leurs voisins ne trouvassent pas, s'ils venaient l'attaquer, des d?fenses dispos?es comme celles qu'ils poss?daient chez eux. Chacun s'ing?niait ainsi ? d?router son ennemi, parfois l'ami de la veille; aussi lorsqu'un seigneur recevait ses ?gaux dans son ch?teau, fussent-ils ses amis, avait-il le soin de les loger dans un corps de b?timent sp?cial, les recevait-il dans la grand'salle, dans les appartements des femmes, mais ne les conduisait-il que tr?s-rarement dans le donjon, qui, en temps de paix, ?tait ferm?, mena?ant, pendant qu'on se donnait r?ciproquement des t?moignages d'amiti?. En temps de paix, le donjon renfermait les tr?sors, les armes, les archives de la famille, mais le seigneur n'y logeait point; il ne s'y retirait seulement, avec sa femme et ses enfants, que s'il lui fallait appeler une garnison dans l'enceinte du ch?teau. Comme il ne pouvait y demeurer et s'y d?fendre seul, il s'entourait alors d'un plus ou moins grand nombre d'hommes d'armes ? sa solde, qui s'y renfermaient avec lui. De l?, exer?ant une surveillance minutieuse sur la garnison et sur les dehors , ses fid?les et lui tenaient en respect les vassaux et leurs hommes, entass?s dans les logis; ? toute heure pouvant sortir et rentrer par des issues masqu?es et bien gard?es, la garnison ne savait pas quels ?taient les moyens de d?fense, et naturellement le seigneur faisait tout pour qu'on les cr?t formidables. Il est difficile de trouver un plus beau programme pour un architecte militaire; aussi les donjons, parmi les ?difices du moyen ?ge, sont-ils souvent des chefs-d'oeuvre de pr?voyance. Nous avons trouv? dans ces constructions, peu connues g?n?ralement ou incompl?tement ?tudi?es, des dispositions qui demandent un examen attentif, parce qu'elles mettent en lumi?re un des c?t?s de la vie f?odale.
Disons d'abord un mot de la b?tisse. Ici, comme dans la plupart des ?difices militaires de l'?poque romane, la construction est faite suivant le mode romain, c'est-?-dire qu'elle se compose d'un blocage compos? de silex noy?s dans un bain de mortier tr?s-dur et grossier, parement? de petites pierres d'appareil de 0,15 c. ? 0,20 c. de hauteur entre lits, sur 0,20 c. ? 0,32 c. de long. Ce parement est en calcaire d'eau douce provenant de la vall?e de la Sie, d'une bonne qualit? quoique assez tendre, mais durcissant ? l'air. Nous devons r?clamer toute l'attention de nos lecteurs pour nous suivre dans la description suivante, que nous allons essayer de rendre aussi claire que possible.
La fig. 1 donne le plan du rez-de-chauss?e du donjon d'Arques qui se trouve situ? pr?s de la porte m?ridionale du ch?teau . En A est l'entr?e avec son pont volant, sa double d?fense B, en forme de tour int?rieure, avec large m?chicoulis commandant la porte A. Un long couloir d?tourn? conduit dans la cour int?rieure. En C ?tait un petit poste, sans communication directe avec l'int?rieur du donjon, mais enclav? dans son p?rim?tre. Pour p?n?trer dans le fort, il fallait se d?tourner ? gauche et arriver ? la porte D. Cette porte franchie, on trouvait une rampe ? droite avec une seconde porte E perc?e ? travers un contre-fort; puis, en tournant ? main gauche, on montait un degr? tr?s-long E', direct et assez roide. Nous y reviendrons tout ? l'heure. Le long du rempart du ch?teau en F, et masqu?e du dehors par le relief du chemin de ronde cr?nel?, on arrive ? une autre porte G tr?s-?troite, qui donne entr?e dans une cage d'escalier, contenant un degr? central se d?tournant ? main gauche, formant une r?volution compl?te et arrivant ? un palier I, d'o?, par une rampe tournant ? droite dans l'?paisseur du mur, on monte au second ?tage, ainsi que nous allons le voir. Les deux salles basses JJ n'avaient aucune communication directe avec le dehors et n'?taient m?me pas en communication entre elles.
On devait descendre dans ces deux salles basses par des escaliers ou ?chelles passant par des trappes m?nag?es dans le plancher du premier ?tage. Ces salles ?taient de v?ritables celliers propres ? contenir des provisions. En K est un puits de plus de 80 m?tres de profondeur et dont l'enveloppe est ma?onn?e jusqu'? la hauteur du plancher du second ?tage. N'omettons pas de signaler l'escalier M taill? dans le roc et descendant par une pente rapide jusqu'au fond du foss? ext?rieur. Signalons aussi l'escalier N qui passe par-dessus le couloir d'entr?e B; son utilit? sera bient?t d?montr?e.
De tout ceci on peut admettre d?j? que la garnison du donjon ?tait double dans les deux ?tages ; que ces deux fractions de la garnison n'avaient pas de communication directe entre elles; que, pour ?tablir cette communication, il fallait monter au troisi?me ?tage occup? par le commandant, et que, par cons?quent, si l'un des c?t?s du donjon ?tait pris, la garnison pouvait se r?unir ? la partie sup?rieure, reprendre l'offensive, ?craser l'assaillant ?gar? au milieu de ce labyrinthe de couloirs et d'escaliers, et regagner la portion d?j? perdue.
La fig. 7 pr?sente la fa?ade du donjon d'Arques, sur la cour. En A est le d?bouch? du grand couloir de la porte ext?rieure; en B, l'entr?e de la rampe du donjon. Les autres parties de cette figure s'expliquent d'elles-m?mes par l'examen des plans.
La fig. 9 trace la coupe du donjon sur la ligne CC, DD des plans. En A se d?tache du corps principal le contre-fort servant de traverse, pour voir le fond du foss? et le commander du sommet du donjon. En B est tranch? le couloir au niveau du deuxi?me ?tage qui commande le chemin de ronde D et le terre-plein C. En E se voient les grands m?chicoulis avec la d?fense sup?rieure ? deux ?tages prise aux d?pens des murs sur les arcs.
La coupe , faite sur la ligne EE, FF des plans, permet de comprendre la combinaison ing?nieuse des escaliers. En A se profile la grande rampe arrivant au second ?tage avec les m?chicoulis sup?rieurs qui commandent ses derni?res marches et son palier. En R, on voit l'un des deux trottoirs dispos?s pour recevoir les d?fenseurs de la rampe et pour ?craser les assaillants. En D appara?t la trace de l'?troit degr? int?rieur qui aboutit au couloir S indiqu? sur le plan du deuxi?me ?tage, et qui permet aux d?fenseurs de se d?rober ou de sortir par l'escalier ? r?volution B. En C est un contre-palier qui commande les r?volutions de l'escalier B.
Le ch?teau d'Arques, admirablement situ?, entour? de foss?s larges et profonds, command? par un donjon de cette importance, devait ?tre une place inexpugnable avant l'artillerie ? feu. ? peine construit, il fut assi?g? par Guillaume le Conqu?rant et ne fut pris que par famine apr?s un long blocus. R?par? et reconstruit en partie par Henri Ier en 1123, il fut assi?g? par Geoffroy Plantagenet, qui ne put y entrer qu'apr?s la mort de son commandant, Guillaume Lemoine, tu? par une fl?che; ce si?ge avait dur? une ann?e enti?re, 1145. Philippe-Auguste investit le ch?teau d'Arques en 1202, et leva bient?t le si?ge ? la nouvelle de la captivit? du jeune Arthur de Bretagne, tomb? entre les mains de Jean sans Terre. Le donjon d'Arques fut la derni?re forteresse qui se rendit au roi de France, apr?s la conqu?te de la Normandie ?chapp?e des mains de Jean sans Terre. Henri Ier, comme nous l'avons dit, fit ex?cuter des travaux consid?rables au ch?teau d'Arques; mais l'examen des constructions existantes ne peut faire supposer que le gros oeuvre du donjon appartienne ? cette ?poque. Peut-?tre Henri restaura-t-il les parties sup?rieures qui n'existent plus, peut-?tre m?me les grands m?chicoulis de la fa?ade datent-ils du r?gne de ce prince, car les arcs de ces m?chicoulis, que nous avons figur?s plein cintre, sont des arcs bris?s sur le dessin de 1708, trac? incorrect d'ailleurs, puisqu'il n'indique pas avec exactitude les parties de la construction que nous voyons encore debout. Quant aux dispositions g?n?rales, quant au syst?me de d?gagements, d'escaliers, avec un peu de soin on en reconna?t parfaitement les traces, et c'est en cela que le donjon d'Arques, qui jamais ne fut pris de vive force, est un ?difice militaire du plus haut int?r?t, et, malgr? son ?tat de ruine, beaucoup plus complet, au point de vue de la d?fense, que ne le sont les c?l?bres donjons de Loches, de Montrichard, de Beaugency, construits ? peu pr?s d'apr?s les m?mes donn?es. Ce qui fait surtout du donjon d'Arques un type complet, c'est sa position dans le plan du ch?teau; prot?g? par les courtines de la place et deux tours, il commande cependant les dehors; il poss?de sa porte de secours ext?rieure bien d?fendue; il prot?ge l'enceinte, mais aussi il peut la battre au besoin avec succ?s; il est absolument inattaquable par la sape, seul moyen employ? alors pour renverser des murailles; il permet de renfermer et de maintenir une garnison peu s?re, car ses d?fenseurs ne peuvent agir qu'en aveugles et sur le point qui leur est assign?. Une trahison, une surprise n'?taient pas praticables, puisque, une partie du donjon prise, il devenait facile ? quelques hommes d?termin?s de couper les communications, de renfermer l'assaillant, de l'?craser avant qu'il ne se f?t reconnu. Comme derni?re ressource, le commandant et ses hommes d?vou?s pouvaient encore s'?chapper. Le feu seul pouvait avoir raison de cette forteresse; mais quand on consid?re la largeur des foss?s du ch?teau creus?s au sommet d'une colline, l'?l?vation des murs, l'absence d'ouvertures ext?rieures, on ne comprend pas comment un assaillant aurait pu jeter des mati?res incendiaires sur les combles, d'autant qu'il lui ?tait difficile de s'?tablir ? une distance convenable pour faire agir ses machines de jet avec succ?s.
Les donjons normands et les donjons romans, en g?n?ral, sont ?lev?s sur plan rectangulaire; c'est une habitation fortifi?e, la demeure du seigneur; ils contenaient des celliers ou caves pour les provisions, une chapelle, des salles avec cabinet, et toujours, au sommet, un grand espace libre pour organiser facilement la d?fense. La plupart de ces logis quadrangulaires poss?dent leur escalier principal s?par? du corps de la b?tisse, et quelquefois ce mur de refend qui les divise en deux parties ?gales. L'entr?e est habituellement plac?e beaucoup au-dessus du sol, au niveau du premier ?tage. On ne peut s'introduire dans le donjon que par une ?chelle ou au moyen d'un pont volant avec escalier de bois que l'on d?truisait en temps de guerre.
Le second ?tage ?tait destin? ? l'habitation du seigneur. Il est muni de deux chemin?es O et poss?de des latrines en L. On voit en G' l'arriv?e de l'escalier dans une embrasure de fen?tre dont le sol est plac? un peu au-dessous du plancher. Quatre colonnes engag?es portent deux gros arcs doubleaux diagonaux dont nous reconna?trons l'utilit? tout ? l'heure; de plus, deux autres arcs doubleaux sont band?s en P, pour porter le comble central. L'escalier ? vis continuait et arrivait au niveau du troisi?me ?tage cr?nel? dispos? pour la d?fense. Le comble se composait d'un pavillon carr? p?n?tr? par des croupes coniques. Supposons maintenant une coupe faite sur la ligne AB des plans. Nous voyons en F la fausse entr?e int?rieure perc?e au niveau du sol de la poterne et tombant dans la cave; en B', la rampe descendant sur le sol de cette cave le long du puits; en G, l'arriv?e de la rampe au niveau du sol du premier ?tage; en H, la porte donnant entr?e dans le corps-de-garde situ? au-dessus du vestibule de la poterne et dans l'escalier, partie ? vis, dont la premi?re issue se voit en G', ? quelques marches au-dessous du sol du second ?tage. En continuant ? monter cet escalier ? vis, on arrivait ? la porte M, perc?e au niveau du plancher du troisi?me ?tage, au-dessus de la grand'salle, ?tage uniquement destin? ? la d?fense. Mais pour que les d?fenseurs pussent recevoir facilement des ordres du commandant demeurant ans cette grand'salle, ou le pr?venir promptement de ce qui se passait au dehors, on avait ?tabli des sortes de tribunes T ? mi-hauteur de cette salle, dans les quatre lobes form?s par le quatre-feuilles, tribunes auxquelles on descendait par des ?chelles de meunier passant ? travers le plancher du troisi?me ?tage, ainsi que l'indique le plan de la partie sup?rieure . Cette disposition avait encore l'avantage de permettre de r?unir toute la garnison dans la grand'salle sans encombrement, et d'envoyer promptement les d?fenseurs aux cr?neaux. On retrouve en place aujourd'hui les scellements des poutres principales de ces quatre tribunes, les corbeaux qui recevaient les liens, les naissances des arcs doubleaux diagonaux et des arcs parall?les avec l'amorce des deux murs qu'ils portaient; les baies sup?rieures sont conserv?es jusqu'? moiti? environ de leur hauteur. Le plan fait voir que la partie sup?rieure ?tait compl?tement libre, travers?e seulement par les murs portant sur les deux arcs doubleaux marqu?s P dans le plan du second ?tage, murs perc?s de baies et destin?s ? porter la toiture centrale. Les deux gros arcs doubleaux diagonaux supportaient le plancher et le poin?on du comble. En effet, ce plancher, sur lequel il ?tait n?cessaire de mettre en r?serve un approvisionnement consid?rable de projectiles, et qui avait ? r?sister au mouvement des d?fenseurs, devait offrir une grande solidit?. Il fallait donc que les solives fussent soulag?es dans leur port?e; les arcs diagonaux remplissaient parfaitement cet office. L'?tage sup?rieur ?tait perc? de nombreux cr?neaux, ainsi que l'indique une vue cavali?re grav?e par Chastillon, et devait pouvoir ?tre garni de hourds en temps de si?ge, conform?ment au syst?me d?fensif de cette ?poque. Ces hourds, que nous avons figur?s en plan , se retrouvent en S' sur l'un des lobes de la tour en ?l?vation ext?rieure . Cette ?l?vation est prise du c?t? de la poterne. Aujourd'hui les constructions sup?rieures, ? partir du niveau V, n'existent plus; mais, quoique ce donjon soit fort ruin?, cependant toutes ses dispositions int?rieures sont parfaitement visibles et s'expliquent pour peu qu'on apporte quelque attention dans leur examen. La b?tisse est bien faite; les pieds-droits des fen?tres, les arcs, les piles et angles sont en pierre de taille; le reste de la ma?onnerie est en moellon r?uni par un excellent mortier. Le donjon d'?tampes devait ?tre une puissante d?fense pour l'?poque; tr?s-habitable d'ailleurs, il pouvait contenir une nombreuse garnison relativement ? la surface qu'il occupe.
Suger dit quelques mots du ch?teau de La Roche-Guyon, ? propos de la trahison de Guillaume, beau-fr?re du roi, envers son gendre Gui. < ... Nam quamvis Thessala vates Vim faciat satis, dubium est quid tra erit illue, Aspiciat Stygias, an quod descenderit, umbras. De l? peut-?tre descend-on aux enfers.>> La fig. 21 donne, en A, l'emplacement du ch?teau de La Roche-Guyon. Par un pont volant B communiquant avec les ?tages sup?rieurs du ch?teau, on arrivait ? la plate-forme C taill?e dans la colline coup?e ? pic; cette plate-forme donnait entr?e dans un premier souterrain ascendant, qui aboutissait ? une seconde plate-forme D ? ciel ouvert. Une coupure E interceptait toute communication avec une troisi?me plate-forme F. Un pont de bois, que l'on pouvait d?truire en cas d'attaque, permettait seul d'arriver ? cette troisi?me plate-forme. De l?, par un long souterrain ascendant dont les marches taill?es dans la craie et le silex n'ont pas moins de 0,30 c. ? 0,40 c. de hauteur, on arrivait, en G, dans la seconde enceinte du donjon, b?ti sur le penchant de l'escarpement. En K est trac?e la coupe transversale de ce souterrain. Il ?tait absolument impossible de forcer une semblable entr?e, et l'assaillant qui se serait empar? du ch?teau e?t ?t? facilement ?cras? par la garnison du donjon. Voyons maintenant comment sont dispos?es les d?fenses du donjon proprement dit, plac?, ? La Roche-Guyon, dans une position exceptionnelle. Voici le plan, ? rez-de-chauss?e, de ce donjon. C'est en A que d?bouche le passage souterrain; ? c?t? sont dispos?es des latrines dans l'?paisseur de la chemise. Un petit redan commande l'orifice inf?rieur du tuyau de chute de ces latrines. Du d?bouch? A pour monter au donjon, il faut se d?tourner brusquement ? droite et monter le degr? B qui aboutit ? la poterne C. ? gauche, on trouve l'escalier ? vis qui dessert les ?tages sup?rieurs. Le palier devant la poterne, ? l'ext?rieur, ?tait en bois et mobile, ainsi que le ponceau D qui aboutissait au chemin de ronde E, commandant l'escarpement. En P est un puits; en S, un petit silo destin? ? conserver des salaisons. De l'enceinte int?rieure du donjon, on d?bouchait dans l'enceinte ext?rieure par deux poternes GG', qui sont intactes. Passant sur une fosse F, les assi?g?s pouvaient sortir au dehors par la poterne ext?rieure H, parfaitement d?fendue par les deux parapets se coupant ? angle droit. En I, ? une ?poque assez r?cente, on a perc? une seconde poterne ext?rieure; mais, primitivement, la tour I ?tait pleine et formait un ?peron ?pais et d?fendable du c?t? o? l'assaillant devait diriger son attaque. Un foss? taill? dans le roc entourait la premi?re enceinte, et un syst?me de palissades et de tranch?es reliait le donjon ? un ouvrage avanc? indiqu? dans les fig. 8 et 9 de l'article CH?TEAU. Si nous coupons le donjon longitudinalement sur la ligne OX, nous obtenons la fig. 23. Dans cette coupe, on voit comme les deux chemises de la tour principale s'?l?vent en suivant la pente du plateau pour commander les dehors du c?t? attaquable, comme ces chemises et la tour elle-m?me forment ?perons de ce c?t?. De la tour principale, la garnison se r?pandait sur le chemin de ronde de la seconde chemise au moyen du pont volant indiqu? en D au plan; par une suite de degr?s, elle arrivait au point culminant R. Par des portes m?nag?es dans le parapet de cette seconde enceinte, elle se jetait sur le chemin de ronde de la premi?re, dont le point culminant est en T. Un assaillant ne pouvait songer ? attaquer le donjon par les deux flancs M et N . Il devait n?cessairement diriger son attaque principale au sommet de l'angle en I; mais l?, s'il voulait escalader les remparts, il trouvait derri?re les parapets les d?fenseurs mass?s sur une large plate-forme; s'il voulait employer la sape, il rencontrait une masse ?norme de rocher et de ma?onnerie. En admettant qu'il p?t p?n?trer entre la premi?re et la seconde enceinte, il lui ?tait difficile de monter sur le chemin de ronde de la chemise ext?rieure, et il se trouvait expos? aux projectiles lanc?s du haut des chemins de ronde de la premi?re et de la seconde chemise. Les m?mes difficult?s se rencontraient s'il voulait percer cette seconde chemise. S'il parvenait ? la franchir, il lui ?tait impossible de se maintenir et d'agir dans l'?troit espace laiss? entre la seconde chemise et la tour. Il n'y avait d'autre moyen de s'emparer de ce donjon que de cheminer, par la mine souterraine, du point I au point S; or on comprend qu'une pareille entreprise f?t longue et d'une ex?cution difficile, d'autant que l'assi?g? pouvait contre-miner facilement entre les deux chemises et d?truire les travaux des assi?geants. L'?l?vation lat?rale indique la pente du plateau de craie, son escarpement fait ? main d'homme, la position des souterrains communiquant avec le ch?teau et les niveaux diff?rents des parapets des deux chemises, ainsi que le commandement de la tour principale. Tout, dans cette construction enti?rement d?pourvue d'ornements, est profond?ment calcul? au point de vue de la d?fense. Le renforcement des murs des deux chemises, ? mesure que ces murs prennent plus d'?l?vation et se rapprochent du point attaquable, la disposition des ?perons destin?s ? r?sister ? la sape et ? recevoir un nombre consid?rable de d?fenseurs ? l'extr?mit? du saillant en face la partie dominante du plateau, la mani?re dont les poternes sont dispos?es de fa?on ? ?tre masqu?es pour les assaillants, tout cela est fort sagement con?u et ex?cut? avec soin. Ici la r?gle < On observera que les donjons romans que nous avons reproduits jusqu'? pr?sent ne sont pas vo?t?s ? l'int?rieur, mais que leurs ?tages sont habituellement s?par?s par des planchers de bois; les d?fenseurs admettaient qu'un ?tage inf?rieur ?tant pris, la d?fense pouvait encore se prolonger et la garnison reprendre l'offensive. L'assaillant avait cependant un moyen bien simple de s'emparer de la forteresse s'il parvenait ? p?n?trer dans les ?tages bas: c'?tait de mettre le feu aux planchers. Les assi?g?s devaient d?ployer une bien grande activit? s'ils voulaient emp?cher cette catastrophe. Il est certain que ce moyen fut souvent employ? par des assaillants; aussi pensa-t-on bient?t ? vo?ter au moins les ?tages inf?rieurs des donjons. La fig. 26 donne le plan du premier ?tage de ce donjon; c'est seulement au niveau de cet ?tage que l'on trouvait quatre poternes I mises en communication avec la chemise ext?rieure au moyen de ponts volants. D'un c?t?, au sud, l'un de ces ponts volants, tombant sur une chauss?e d?tourn?e, correspondait au mur de prolongement D aboutissant ? la porte de Paris et mettant le parapet de la chemise en communication avec le chemin de ronde de ce rempart. Par l'escalier ? vis K, on montait aux chemins de ronde sup?rieurs ind?pendants du logis. Il fallait du premier ?tage descendre au rez-de-chauss?e, qui n'avait avec les dehors aucune communication. On trouve dans l'?paisseur du mur du rez-de-chauss?e un assez vaste cachot qui, dit-on, servit de prison ? Jean le Bon, duc de Bretagne. Le premier ?tage pr?sente un grand nombre de r?duits, de pi?ces s?par?es propres au logement des chefs. On pouvait du premier ?tage, par les quatre poternes I, se r?pandre facilement sur le chemin de ronde de la chemise, terrass?e aujourd'hui. Le second ?tage fait voir, en K, l'arriv?e de l'escalier ? vis; en L, les chemins de ronde cr?nel?s auxquels on arrive par les petites rampes doubles N; en M, les quatre tourelles flanquantes. Ici, comme ? Chambois, un chemin de ronde vo?t? en berceau se trouve sous le cr?nelage sup?rieur. La vue perspective du donjon du Ch?teau-Gaillard, prise du c?t? de la poterne, explique la disposition savante de ces m?chicoulis, compos?s d'arcs port?s sur des contre-forts plus larges au sommet qu'? la base et naissant sur un talus prononc? tr?s-propre ? faire ricocher les projectiles lanc?s par les larges rainures laiss?es entre ces arcs et le nu du mur. Le plan de ce donjon, pris au niveau de la poterne qui s'ouvre au premier ?tage, fait voir la disposition de cette poterne P, avec sa meurtri?re enfilant la rampe tr?s-roide qui y conduit et le large m?chicoulis qui la surmonte; les fen?tres ouvertes du c?t? de l'escarpement; l'?peron saillant A renfor?ant la tour du c?t? attaquable et contraignant l'assaillant ? se d?masquer; le front B d?velopp? en face la porte du ch?teau. Le degr? C aboutissait ? une poterne d'un acc?s tr?s-difficile m?nag?e sur le pr?cipice et s'ouvrant dans l'enceinte bien flanqu?e d?crite dans l'article CH?TEAU, fig. 11. Le donjon, dont le pied est enti?rement plein et par cons?quent ? l'abri de la sape, se composait d'une salle ronde ? rez-de-chauss?e ? laquelle il fallait descendre, d'un premier ?tage au niveau de la poterne P, d'un second ?tage au niveau des m?chicoulis avec chemin de ronde cr?nel?, d'un troisi?me ?tage en retraite, ferm?, propre aux approvisionnements de projectiles, et d'un quatri?me ?tage cr?nel? et couvert, commandant le chemin de ronde et les dehors au loin . Du c?t? de l'escarpement abrupt D, qui domine le cours de la Seine , les m?chicoulis ?taient inutiles, car il n'?tait pas possible ? des assaillants de se pr?senter sur ce point; aussi Richard n'en fit point ?tablir. ? l'int?rieur, les divers ?tages n'?taient en communication entre eux qu'au moyen d'escaliers de bois traversant les planchers. Ainsi, dans ce donjon, rien de trop, rien d'inutile, rien que ce qui est absolument n?cessaire ? la d?fense. Cet ouvrage, ? notre avis, d?voile, chez le roi Richard, un g?nie militaire vraiment remarquable, une ?tude approfondie des moyens d'attaque employ?s de son temps, un esprit pratique fort ?loign? de la fougue inconsid?r?e que les historiens modernes pr?tent ? ce prince. Aujourd'hui les constructions sont d?ras?es ? la hauteur de la naissance des m?chicoulis en O . Cependant ce donjon fut pris par Philippe-Auguste, sans que les d?fenseurs, r?duits ? un petit nombre d'hommes, eussent le temps de s'y r?fugier; ces d?fenses ?taient encore trop ?troites, l'espace manquait; il faut dire que cette tour ne doit ?tre consid?r?e que comme le r?duit d'un ouvrage tr?s-fort qui lui servait de chemise. Les portes relev?es des donjons romans, auxquelles on ne pouvait arriver qu'au moyen d'?chelles ou de rampes d'un acc?s difficile, ?taient, en cas d'attaque vive, une difficult? pour les d?fenseurs aussi bien que pour les assi?geants, si ces d?fenseurs, ? cause de la faiblesse de la garnison, se trouvaient forc?s de descendre tous pour garder les dehors. Mais alors, comme aujourd'hui, toute garnison qui n'?tait pas en rapport de nombre avec l'importance de la forteresse ?tait compromise, et ces r?duits devaient conserver leur garnison propre, quitte ? sacrifier les d?fenseurs des ouvrages ext?rieurs, si ces ouvrages ?taient pris. ? la prise du Ch?teau-Gaillard, Roger de Lascy, qui commandait pour le roi Jean sans Terre, ne poss?dant plus que les d?bris d'une garnison r?duite par un si?ge de huit mois, avait d? se porter avec tout son monde sur la br?che de la chemise ext?rieure du donjon pour la d?fendre; ses hommes et lui, entour?s par les nombreux soldats de Philippe-Auguste se pr?cipitant ? l'assaut, ne purent se faire jour jusqu'? cette rampe ?troite du donjon: Roger de Lascy fut pris, et le donjon tomba entre les mains du vainqueur ? l'instant m?me. Il semble que cette exp?rience profita ? Philippe-Auguste, car lorsque ce prince b?tit le donjon du Louvre, il le per?a d'une poterne presque au niveau du sol ext?rieur avec pont ? bascule et foss?. Du donjon du Louvre il ne reste que des descriptions tr?s-laconiques et des figur?s fort imparfaits; nous savons seulement qu'il ?tait cylindrique, que son diam?tre ext?rieur ?tait de vingt m?tres et sa hauteur de quarante m?tres environ. Philippe-Auguste para?t avoir consid?r? la forme cylindrique comme ?tant celle qui convenait le mieux ? ces d?fenses supr?mes. Si le donjon du Louvre n'existe plus, celui du ch?teau de Rouen, b?ti par ce prince, existe encore, du moins en grande partie, et nous donne un diminutif de la c?l?bre tour du Louvre dont relevaient tous les fiefs de France. Ce donjon ?tait ? cheval sur la courtine du ch?teau et poss?dait deux entr?es le long des parements int?rieurs de cette courtine. Ces entr?es, peu relev?es au-dessus du sol, ?taient en communication avec de petits degr?s isol?s, sur la t?te desquels tombaient des ponts ? bascule. Voici le plan du rez-de-chauss?e du donjon de Coucy. La poterne est en A; c'est l'unique entr?e d?fendue par un pont ? bascule tr?s-adroitement combin? , par un m?chicoulis, une herse, un ventail barr?, un second ventail au del? de l'entr?e de l'escalier et une grille. Une haute chemise en ma?onnerie prot?ge la base du donjon du c?t? des dehors, et, entre cette chemise et la tour, est un foss? de huit m?tres de largeur, enti?rement dall?, dont le fond est ? cinq m?tres en contre-bas du seuil de la poterne. Le couloir d'entr?e permet de prendre ? droite une rampe aboutissant ? un large escalier ? vis qui dessert tous les ?tages. En se d?tournant ? gauche, on arrive ? des latrines B. En D est un puits tr?s-large, qui n'a pas encore ?t? vid?, mais qui, dans l'?tat actuel, n'a pas moins de trente m?tres de profondeur. De plain-pied, par le couloir de la poterne, on entrait dans une salle ? douze pans perc?s de douze niches ? double ?tage pour pouvoir ranger des provisions et des armes; une de ces niches, la seconde apr?s le puits, sert de chemin?e. Cette salle, ?clair?e par deux fen?tres carr?es tr?s-relev?es au-dessus du sol, ?tait vo?t?e au moyen de douze arcs aboutissant ? une clef centrale perc?e d'un oeil, pour permettre de hisser au sommet les armes et engins de d?fense. Nous avons fait, au centre de cette salle, une fouille, afin de reconna?tre s'il existait un ?tage souterrain; mais la fouille ne nous a montr? que le roc ? une assez faible profondeur, de sorte que les pionniers qui seraient parvenus ? percer le cylindre au niveau du fond du foss? auraient pu cheminer sans rencontrer de vide nulle part. On remarquera que, du fond des niches ? la circonf?rence de la tour, la ma?onnerie n'a pas moins de cinq m?tres cinquante centim?tres. Reprenant l'escalier ? vis, nous montons au second ?tage , qui nous pr?sente l'une des plus belles conceptions du moyen ?ge. Cet ?tage, vo?t? comme ceux du dessous, se composait d'une salle dod?cagone entour?e d'une galerie relev?e de 3m,30 au-dessus du pav? de cette salle et formant ainsi un large portique avec balcons dispos?s pour r?unir toute la garnison sur un seul point, en permettant ? chacun d'entendre les ordres g?n?raux et de voir le commandant plac? au centre. Deux fen?tres et l'oeil central ?clairaient cette salle. Sous les balcons, en G, sont des niches qui ajoutent ? la surface de la salle. L'escalier ? vis est dispos? de fa?on ? donner entr?e ? droite et ? gauche dans le portique. Le troisi?me ?tage est ? ciel ouvert, perc? de nombreuses meurtri?res et de cr?neaux; des corbeaux en pierre, formant une forte saillie ? l'ext?rieur, ?taient destin?s ? supporter un double hourdage en bois, propre ? la d?fense. La vo?te centrale ?tait couverte de plomb ainsi que celles du portique. Les cr?neaux, ferm?s par des arcs bris?s, sont surmont?s d'une belle corniche ? doubles crochets avec larmier. Les donjons normands sont des logis plus ou moins bien d?fendus, ?lev?s par la ruse et la d?fiance; les petits moyens sont accumul?s pour d?router l'assaillant: ce sont des tani?res plut?t que des ?difices. Au fond, dans ces forteresses, nulle disposition d'ensemble, mais force exp?dients. Le donjon normand tient encore de la demeure du sauvage rus?; mais, ? Coucy, on reconna?t la conception m?thodique de l'homme civilis? qui sait ce qu'il veut et dont la volont? est puissante; ici plus de t?tonnements: la forteresse est b?tie rapidement, d'un seul jet; tout est pr?vu, calcul?, et cela avec une ampleur, une simplicit? de moyens faites pour ?tonner l'homme ind?cis de notre temps. < Ici les sujets de peinture sont emprunt?s ? l'antiquit? pa?enne. Souvent, dans ces peintures, les artistes interpr?taient, de la fa?on la plus singuli?re, les traits de l'histoire grecque et romaine, les soumettant aux moeurs chevaleresques de l'?poque. Hector, Josu?, Scipion, Judas-Macchab?e, C?sar, se trouvaient compris parmi les preux, avec Charlemagne, Roland et Godefroy de Bouillon. Les h?ros de l'histoire sacr?e et profane avaient leurs armoiries tout comme les chevaliers du moyen ?ge. En continuant ? monter par cet escalier ? vis, on arrive au-dessus de la chambre de la herse, dans l'?tage perc? de m?chicoulis; traversant un couloir; on descend une rampe O, qui vous conduit au premier ?tage de la tour carr?e, d'o? on peut p?n?trer dans les grandes pi?ces du logis principal, lesquelles se composent d'une vaste salle P, en communication directe avec le grand escalier ? vis E, de deux salons R avec logis S au-dessus de la porte d'entr?e, et des chambres prises dans les deux grosses tours d?fendant l'ext?rieur. En T sont des garde-robes, latrines et cabinets. On voit encore en place la belle chemin?e qui chauffait la grande salle P, bien ?clair?e par de grandes fen?tres ? meneaux, avec doubles traverses. Un second ?tage ?tait ? peu pr?s pareil ? celui-ci, au moins quant aux dispositions g?n?rales; l'un et l'autre ne se d?fendaient que par l'?paisseur des murs et les flanquements des tours. Le ch?teau de V?z relevait du ch?teau de Pierrefonds; il est situ? non loin de ce domaine, sur les limites de la for?t de Compi?gne, pr?s de Morienval, sur un plateau ?lev? qui domine les vall?es de l'Automne et de Vandi. Sa situation militaire est excellente en ce qu'elle compl?te au sud la ligne de d?fense des abords de la for?t, prot?g?e par les deux cours d'eau ci-dessus mentionn?s, par le ch?teau m?me de Pierrefonds au nord-est, les d?fil?s de la for?t de l'Aigle et de la rivi?re de l'Aisne au nord, par les plateaux de Champlieu et le bourg de Verberie ? l'ouest, par le cours de l'Oise au nord-nord-ouest. Le ch?teau de V?z est un poste tr?s-ancien, plac? ? l'extr?mit? d'un promontoire entre deux petites vall?es. Louis d'Orl?ans dut le reb?tir presque enti?rement lorsqu'il voulut prendre ses s?ret?s au nord de Paris, pour ?tre en ?tat de r?sister aux pr?tentions du duc de Bourgogne, qui, de son c?t?, se fortifiait au sud du domaine royal. V?z n'est, comparativement ? Pierrefonds, qu'un poste d?fendu par une enceinte et un petit donjon merveilleusement plant?, b?ti avec le plus grand soin, probablement par l'architecte du ch?teau de Pierrefonds. La fig. 46, qui donne l'?l?vation perspective du donjon de V?z, prise de l'int?rieur de l'enceinte, fait voir la disposition des ?chauguettes flanquantes R de la courtine B, la poterne avec son petit foss? et son pont ? bascule, l'ouverture du puits, la disposition des m?chicoulis-latrines, le long de l'escalier, le sommet de l'escalier termin? par une tourelle servant de guette. Du premier ?tage du donjon, on communiquait aux chemins de ronde des deux courtines par de petites portes bien d?fendues. Ainsi la garnison du donjon pouvait, en cas d'attaque, se r?pandre promptement sur les deux courtines faisant face aux deux fronts qui seuls ?taient attaquables. Si l'un de ces fronts, celui C, ?tait pris , les d?fenseurs pouvaient encore conserver le second front B, rendu plus fort par les ?chauguettes int?rieures R ; s'ils ne pouvaient garder ce second front, ils rentraient dans le donjon et de l? reprenaient l'offensive ou capitulaient ? loisir. Dans un poste si bien dispos?, une garnison de cinquante hommes arr?tait facilement un corps d'arm?e pendant plusieurs jours; et il faut dire que l'assaillant, entour? de ravins, de petits cours d'eau et de for?ts, arr?t? sur un pareil terrain, avait grand'peine ? se garder contre un corps de secours. Or le ch?teau de V?z n'?tait autre chose qu'un fort destin? ? conserver un point d'une grande ligne de d?fenses tr?s-bien choisie. Peut-?tre n'a-t-on pas encore assez observ? la corr?lation qui existe presque toujours, au moyen ?ge, entre les diverses forteresses d'un territoire; on les ?tudie isol?ment, mais on ne se rend pas compte g?n?ralement de leur importance et de leur utilit? relative. ? ce point de vue, il nous para?t que les fortifications du moyen ?ge ouvrent aux ?tudes un champ nouveau. DOSSERET, s. m. C'est un bout de mur en retour d'?querre sur un autre, portant un linteau de porte ou un arc. AA sont les dosserets d'une baie. ?BRASEMENT, s. m. Indique l'ouverture comprise entre le tableau d'une fen?tre et le parement du mur int?rieur d'une salle. L'?brasement s'?largit du dehors au dedans, afin de faciliter l'introduction du jour et aussi de d?gager les vantaux d'une crois?e ouvrante .
Add to tbrJar First Page Next Page