Read Ebook: La vie de Rossini tome I by Stendhal
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Ebook has 721 lines and 79381 words, and 15 pages
LE LIVRE DU DIVAN
STENDHAL
VIE
DE ROSSINI
?TABLISSEMENT DU TEXTE ET PR?FACE PAR
HENRI MARTINEAU
PARIS
VIE DE ROSSINI
EXEMPLAIRE N? 418
STENDHAL
VIE
DE ROSSINI
Laissez aller votre pens?e comme cet insecte qu'on l?che en l'air avec un fil ? la patte.
PR?FACE DE L'?DITEUR
Henri MARTINEAU.
PR?FACE
Depuis la mort de Napol?on, il s'est trouv? un autre homme duquel on parle tous les jours ? Moscou comme ? Naples, ? Londres comme ? Vienne, ? Paris comme ? Calcutta.
La gloire de cet homme ne conna?t d'autres bornes que celles de la civilisation, et il n'a pas trente-deux ans! Je vais essayer de tracer une esquisse des circonstances qui, si jeune, l'ont plac? ? cette hauteur.
Les titres du conteur ? la confiance du lecteur, sont d'avoir habit? huit ou dix ans les villes que Rossini ?lectrisait par ses chefs-d'oeuvre; l'auteur a fait des courses de cent milles pour se trouver ? la premi?re repr?sentation de plusieurs d'entre eux; il a su, dans le temps, toutes les petites anecdotes qui couraient dans la soci?t?, ? Naples, ? Venise, ? Rome, lorsqu'on y jouait les op?ras de Rossini.
L'auteur de l'ouvrage suivant en a d?j? fait deux ou trois autres, toujours sur des sujets frivoles. Les critiques lui ont dit que quand on se m?lait d'?crire, il fallait employer les pr?cautions oratoires, acad?miques, etc.; qu'il ne saurait jamais faire un livre, etc., etc.; qu'il n'aurait jamais l'honneur d'?tre homme de lettres. A la bonne heure. Quelques personnes que le public nommera, ont si bien arrang? ce titre, que tel galant homme peut s'estimer fort heureux de n'y arriver jamais.
Le pr?sent livre n'est donc pas un livre. A la chute de Napol?on, l'?crivain des pages suivantes, qui trouvait de la duperie ? passer sa jeunesse dans les haines politiques, se mit ? courir le monde. Se trouvant en Italie, lors des grands succ?s de Rossini, il eut occasion d'en ?crire ? quelques amis d'Angleterre et de Pologne.
Des lambeaux de ces lettres, transcrits de suite, voil? ce qui forme la brochure qu'on va lire, parce que l'on aime Rossini, et non pas pour le m?rite de la brochure. De quelque mani?re que l'histoire soit ?crite, elle pla?t, dit-on, et celle-ci a ?t? ?crite en pr?sence des petits ?v?nements qu'elle raconte.
Je m'attends bien qu'il y aura trente ou quarante inexactitudes dans le nombre infini de petits faits qui remplissent les pages suivantes.
Le pr?sent livre avait ?t? fait pour ?tre publi? en anglais; c'est une ?cole de musique qu'il a vue pr?s de la place Beauvau, qui a donn? ? l'auteur l'audace d'imprimer en France.
Montmorency, 30 septembre 1823.
INTRODUCTION
Le 11 janvier 1801, Cimarosa mourut ? Venise, des suites des traitements barbares qu'il venait d'?prouver ? Naples, dans les prisons o? l'avait fait jeter la reine Caroline.
Cimarosa agit sur l'imagination par de longues p?riodes musicales qui joignent, ? une extr?me richesse, une extr?me r?gularit?.
Io ti lascio perch? uniti.
Quelli la,
La mani?re bien remarquable de Paisiello est de r?p?ter plusieurs fois le m?me trait de chant, et ? chaque fois avec des gr?ces nouvelles qui le font entrer de plus en plus avant dans l'?me du spectateur.
DIFF?RENCE DE LA MUSIQUE ALLEMANDE ET DE LA MUSIQUE D'ITALIE
En musique, on ne se rappelle bien que les choses que l'on peut r?p?ter; or un homme seul se retirant chez lui le soir, ne peut pas r?p?ter de l'harmonie avec sa voix seule.
Voil? sur quoi est bas?e l'extr?me diff?rence de la musique allemande et de la musique italienne. Un jeune Italien plein d'une passion, apr?s y avoir r?fl?chi quelque temps en silence, pendant qu'elle est plus poignante, se met ? chanter ? mi-voix un air de Rossini, et il choisit, sans y songer, parmi les airs de sa connaissance, celui qui a quelque rapport ? la situation de son ?me; bient?t, au lieu de le chanter ? mi-voix, il le chante tout haut, et lui donne, sans s'en douter, l'expression particuli?re de la nuance de passion qu'il endure. Cet ?cho de son ?me le console; son chant est, si l'on veut, comme un miroir dans lequel il s'observe: son ?me ?tait irrit?e contre le destin, il n'y avait que de la col?re; elle va finir par avoir piti? d'elle-m?me.
A mesure que le jeune Italien se distrait par son chant, il remarque cette couleur nouvelle qu'il donne ? l'air qu'il a choisi; il s'y compla?t, il s'attendrit. De cet ?tat de l'?me ? ?crire un air nouveau, il n'y a qu'un pas; et comme le climat et leurs habitudes ont donn? aux habitants de l'Italie m?ridionale une voix tr?s-forte, le plus souvent ils n'ont pas besoin de piano pour composer. J'ai connu vingt jeunes gens ? Naples qui ?crivent un air avec aussi peu de pr?tention qu'? Londres on fait une lettre ou ? Paris un couplet. Souvent en rentrant chez eux le soir, ils se mettent au piano, et, sous ce d?licieux climat, passent une partie de la nuit ? chanter et ? improviser. Leur esprit est ? mille lieues de songer ? ?crire et ? la gloriole d'auteur; ils ont donn? jour ? la passion qui les anime, voil? tout leur secret, voil? tout leur bonheur. En Angleterre, un jeune homme, dans des circonstances semblables, aurait lu jusqu'? une heure ou deux quelque auteur favori, mais il aurait moins cr?? que le Napolitain, son ?me aurait ?t? moins active; donc il a eu moins de plaisir. Il n'y a plus de distraction possible d?s qu'on improvise au piano, et l'on ne songe qu'? l'expression; il est inutile de s'occuper de la justesse des sons.
A Rome, il y a vingt ans, on d?clara, d'une voix unanime, que les ?trangers vantaient beaucoup trop l'oeuvre de Mozart, et que le morceau des trois orchestres, en particulier, ?tait tout ? fait absurde, et digne de la barbarie tudesque.
Le despotisme minutieux qui depuis deux si?cles enlace et ?touffe le g?nie italien, a fait tomber la critique permise par la censure dans les journaux, au dernier degr? de grossi?ret? et de bassesse; on appelle un homme un sc?l?rat, un ?ne, un voleur, etc., ? peu pr?s comme ? Londres, et bient?t ? Paris, pour peu que la libert? de la presse continue ? nous apprendre ? m?priser un homme vulgaire, m?me lorsqu'il imprime. Ordinairement en Italie le journaliste est lui-m?me l'un des principaux espions de la police, et celui par lequel elle fait injurier tout ce qui acquiert une notabilit? quelconque, et par l? lui fait peur. Or, en Italie comme en France, comme partout, l'opinion publique sur les spectacles ne peut se former que par les journaux; c'est une pens?e qui s'?vapore si personne ne se pr?sente pour la recueillir, et, faute d'avoir not? la premi?re cha?ne du raisonnement, jamais l'on n'arrive ? la seconde.
Je demande pardon d'avoir pr?sent? une id?e odieuse, mais je serais au d?sespoir qu'on juge?t de la belle Italie, de la terre sublime qui recouvre les cendres, encore chaudes, des Canova et des Vigano, par les turpitudes de sa presse p?riodique, ou sur les phrases vides d'id?es des livres que la peur ose encore imprimer. Jusqu'? ce que l'Italie ait un gouvernement mod?r?, comme celui dont on jouit en Toscane depuis dix-huit mois, je demande en gr?ce, et je puis dire en justice, qu'on ne la juge que sur cette partie de son ?me qu'elle peut r?v?ler par les beaux-arts. Aujourd'hui il n'y a que les espions ou les nigauds qui impriment.
Ce trait ne surprit personne, on substitua le nom de Lope de Vega ? celui du Tasse.
Si un air que nous avons entendu il y a dix ans, nous fait encore plaisir, c'est d'une autre mani?re, c'est en nous rappelant les id?es agr?ables dont alors notre imagination ?tait heureuse; mais ce n'est plus en produisant une ivresse nouvelle. Une tige de pervenche rappelait aussi ? Jean-Jacques Rousseau les beaux jours de sa jeunesse.
Tout est, au contraire, incertitude et imagination en musique; l'op?ra qui vous a fait le plus vif plaisir, vous pouvez y revenir trois jours apr?s, et n'y plus trouver que l'ennui le plus plat, ou un agacement d?sagr?able de nerfs. C'est qu'il y a dans la loge voisine une femme ? voix glapissante; ou il fait ?touffant dans la salle; ou l'un de vos voisins, en se balan?ant agr?ablement, communique ? votre chaise un mouvement continu et presque r?gulier. La musique est une jouissance tellement physique, que l'on voit que j'arrive ? des conditions de plaisir presque triviales ? ?crire.
Je suis bien loin de pr?tendre affirmer cette th?orie du philosophe napolitain, je n'ai peut-?tre pas m?me assez de science pour la r?p?ter correctement.
Tout ce que je sais par l'exp?rience de quelques amis intimes, c'est qu'une suite de belles m?lodies napolitaines force l'imagination du spectateur ? lui pr?senter certaines images, et en m?me temps met son ?me dans la situation la plus propre ? sentir tout le charme de ces images.
Lorsqu'on commence seulement ? aimer la musique, on est ?tonn? de ce qui se passe en soi, et l'on ne songe qu'? go?ter le nouveau plaisir dont on vient de faire la d?couverte.
Lorsqu'on aime d?j? depuis longtemps cet art enchanteur, la musique, lorsqu'elle est parfaite, ne fait que fournir ? notre imagination des images s?duisantes relatives ? la passion qui nous occupe dans le moment. On voit bien que tout le plaisir n'est qu'en illusion, et que plus un homme est solidement raisonnable, moins il en est susceptible.
Il n'y a de r?el dans la musique que l'?tat o? elle laisse l'?me, et j'accorderai aux moralistes que cet ?tat la dispose puissamment ? la r?verie et aux passions tendres.
HISTOIRE DE L'INTERR?GNE APR?S CIMAROSA ET AVANT ROSSINI, DE 1800 A 1812
Rossini a ?crit avant 1812; mais ce n'est qu'en cette ann?e-l? qu'il obtint la faveur de composer pour le grand th??tre de Milan.
Pour appr?cier ce g?nie brillant, il faut de toute n?cessit? voir dans quel ?tat il trouva la musique, et jeter un coup d'oeil sur les compositeurs qui eurent des succ?s de 1800 ? 1812.
Je remarquerai en passant que la musique est un art vivant en Italie, uniquement parce que tous les grands th??tres ont l'obligation de donner des op?ras nouveaux ? certaines ?poques de l'ann?e; sans quoi, sous pr?texte d'admirer les anciens compositeurs, les p?dants du pays n'auraient pas manqu? d'?touffer et de proscrire tous les g?nies naissants; ils n'eussent laiss? prosp?rer que de plats copistes.
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