bell notificationshomepageloginedit profileclubsdmBox

Read Ebook: Histoire littéraire d'Italie (1/9) by Ginguen Pierre Louis Daunou P C F Pierre Claude Fran Ois Editor

More about this book

Font size:

Background color:

Text color:

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

Ebook has 629 lines and 137590 words, and 13 pages

Enfin la d?cadence litt?raire, qui se faisait sentir d?s le commencement de cette ?poque, nous est prouv?e par l'un des ouvrages m?mes les plus pr?cieux qui nous en soient rest?s, par les Nuits attiques du grammairien Aulu-Gelle. A l'exception du philosophe Favorinus, son ma?tre, auteur de ce beau discours adress? aux m?res pour les engager ? nourrir leurs enfans, de qui Aulu-Gelle nous parle-t-il, sinon de quelques grammairiens ou rh?teurs, aujourd'hui tr?s-obscurs, et qui, faute d'orateurs et de po?tes, occupaient alors l'attention publique? Ce Sulpicius Apollinaire qu'il nous vante, et qui se vantait lui-m?me d'?tre le seul qui p?t alors entendre l'histoire de Salluste, nous prouve par ce trait m?me, combien les Romains ?taient d?chus de leur gloire litt?raire, et, si j'ose ainsi parler, de leur propre langue. Aulu-Gelle en d?plore souvent la corruption et la d?cadence. Du reste, tous les savants qui figurent dans ses Nuits attiques, et c'?taient les plus c?l?bres, qui fussent alors ? Rome, paraissaient presque toujours occup?s de recherches p?nibles sur des questions purement grammaticales de peu d'importance; et l'on y voit un certain esprit de petitesse, bien ?loign? de la mani?re de penser grande et sublime des anciens Romains.

La science du grammairien embrassait alors tout ce que nous appelons aujourd'hui la critique. Tandis que la critique s'occupe des auteurs vivants, elle est une preuve de plus des richesses litt?raires du temps: elle est elle-m?me une branche de ces richesses, pourvu qu'elle soit ?clair?e, ?quitable et d?cente. Mais lorsque chez une nation et ? une ?poque quelconque, la critique ne s'exerce plus que sur les anciens auteurs, et sur ceux qui ont ?crit, chez cette nation, ? une ?poque ant?rieure, elle est une preuve sensible de l'absence totale des grands talents et de l'affaiblissement des esprits.

Tel ?tait donc le mis?rable ?tat o? les lettres ?taient r?duites ? l'av?nement de Constantin. On voit que la pente qui les entra?nait vers une ruine totale ?tait d?j? bien ?tablie, et qu'elle n'avait pas besoin de devenir plus rapide. Elle le devint cependant lorsque cet empereur eut transf?r? ? Bysance le si?ge du gouvernement imp?rial. Les flatteurs de Constantin l'ont appel? Grand: les chr?tiens, dont il pla?a la religion sur le tr?ne, l'en ont pay? par le titre de Saint: les philosophes sont venus, et lui ont reproch? des petitesses et des crimes qui attaquent ?galement sa grandeur et sa saintet?: ce n'est sous aucun de ces rapports que je dois le consid?rer, mais seulement quant aux effets qu'il produisit sur les lettres et sur les lumi?res de son si?cle.

Les auteurs ultramontains, qui ont ?crit dans le pays o? la religion de Constantin a le plus de force, o? sa m?moire est par cons?quent presque sacr?e, ont eux-m?mes reconnu le mal irr?parable que son ?tablissement ? Bysance, et le soin qu'il prit d'?lever et de faire fleurir cette capitale nouvelle aux d?pens de l'ancienne, avaient fait non seulement ? l'Italie mais aux lettres. Les courtisans, les g?n?raux, les grands suivirent l'empereur, avec leurs richesses, leurs clients, leurs esclaves. Les premiers magistrats, les conseillers, les ministres, accompagn?s de leurs familles et de leurs gens, formaient un peuple innombrable, si l'on songe au luxe de Rome et ? celui de cette cour. L'argent, les arts, les manufactures suivirent cette premi?re roue de l'ordre politique, autour de laquelle, comme il arrive d'ordinaire dans les ?tats monarchiques, ils ?taient forc?s de tourner. La t?te et la force principale des arm?es, qui ne pouvait se s?parer du chef supr?me, enfin tout ce qu'il y avait de plus important partit, et laissa en Italie un vide immense d'hommes et d'argent; car le num?raire, passant par les tributs publics dans le tr?sor imp?rial, et circulant autour du tr?ne, y entra?na avec lui le commerce et l'industrie, sans revenir jamais, pendant plus de cinq si?cles, au lieu d'o? il ?tait parti.

Comment les lettres auraient-elles fleuri dans un pays d?pouill? de tout son ?clat, de tous ses moyens de prosp?rit?, soumis ? un ma?tre, et priv? de ses regards? Il n'y a que dans les pays libres, comme autrefois dans la Gr?ce, comme depuis dans l'ancienne Rome, comme ? Florence parmi les modernes, que les lettres naissent d'elles-m?mes, et prosp?rent spontan?ment: ailleurs il leur faut l'oeil du ma?tre, ses r?compenses, sa faveur. Mais autour de Constantin m?me, et sous l'influence imm?diate des gr?ces qu'il pouvait r?pandre, il ?tait survenu dans les ?tudes et dans les exercices de l'esprit, des changements qui n'?taient pas propres ? leur rendre leur ancienne splendeur.

Une litt?rature nouvelle ?tait n?e depuis d?j? pr?s de deux si?cles. Elle parvint sous cet empereur ? son plus haut degr? de gloire: elle compta parmi ses principaux auteurs, des hommes d'un grand caract?re, d'un grand talent et m?me d'un grand g?nie. Ils produisirent des biblioth?ques enti?res d'ouvrages volumineux, profonds, ?loquents. Ils forment dans l'histoire de l'esprit humain, une ?poque d'autant plus remarquable, qu'elle a exerc? la plus grande influence sur les ?poques suivantes.

Je ne r?p?terai ni ne contredirai les ?loges que l'on a donn?s aux Basiles, aux Gr?goires, aux Chrysost?mes, aux Tertulliens, aux Cypriens, aux Augustins, aux Ambroises. Je chercherai plut?t les causes qui rendirent leurs productions inutiles au progr?s de l'?loquence et des lettres, qui firent que, dans un temps o? florissaient de tels hommes, elles continu?rent ? se corrompre et ? d?choir. Pour ne point all?guer ici d'autorit?s suspectes, c'est encore dans les auteurs italiens, que je puiserai les principaux traits dont je t?cherai de caract?riser ce qu'on est convenu d'appeler la litt?rature eccl?siastique.

<>. La religion chr?tienne elle-m?me s'introduisit et se r?pandit d'abord par la pr?dication, et d?s qu'il y eut un peu de foi, par les miracles. Mais elle commen?a bient?t ? devenir l'objet de questions et de disputes; par cons?quent ? occuper l'attention et l'?tude des savants, et ? former ainsi une partie de la litt?rature.

Ceci est exactement emprunt? de Voltaire, il est juste de le lui rendre. <>.

Les h?r?sies, qui ne tard?rent pas ? s'?lever dans le sein m?me du christianisme, fournirent aux docteurs orthodoxes de nouvelles mati?res d'?tudes et de travaux, et surtout un vigoureux exercice ? leurs dialectiques. Avant la fin du second si?cle, Ir?n?e avait d?j? fait un gros ouvrage de la simple exposition des dogmes de toutes les h?r?sies n?es jusqu'alors, et de leur r?futation. Leur nombre s'accrut, les objections se multipli?rent, et les ?crits apolog?tiques en m?me proportion. Le texte de l'?criture attaqu? dans un sens, d?fendu dans un autre, ?tait le sujet ordinaire de ces violents combats. Il fallut donc ?tudier ce texte, le m?diter, le corriger, l'interpr?ter, le commenter sans cesse. Dans la foule de ces champions infatigables, on distingue surtout Cl?ment d'Alexandrie, Tertullien et Orig?ne.

Les vicissitudes du christianisme, sa propagation rapide, les actes de ses d?fenseurs, les miracles qu'il certifiait et qui lui servaient de preuves, devinrent bient?t aux yeux des chr?tiens un sujet digne de l'Histoire. H?g?sippe, dont il n'est rest? que quelques fragments, fut leur premier historien, et il eut dans peu des imitateurs.

Ce furent autant de branches de cette litt?rature nouvelle, qui eut des ?coles et des biblioth?ques, en Egypte, en Perse, en Palestine, en Afrique. C'est l? que s'instruisirent et que commenc?rent ? s'exercer les grands hommes, qui firent du quatri?me si?cle ce qu'on appelle le si?cle d'or de la litt?rature eccl?siastique. Arnobe, Lactance, Eus?be de C?sar?e, Athanase, Hilaire, Basile, les deux Gr?goire de Nic?e et de Nazianze, Ambroise, J?r?me, Augustin, Chrisost?me, remplirent un si?cle entier de leur gloire. Des conciles nombreux et c?l?bres furent aussi, dans ce si?cle, un vaste champ pour l'argumentation et pour la sorte d'?loquence qui pouvait s'y exercer. Leurs d?cisions compliqu?rent encore la doctrine, et exig?rent de nouveaux efforts des ?tudians et des docteurs. Le droit canon prit naissance: il y eut un code de lois eccl?siastiques, qui s'est beaucoup accru depuis, mais qui servit d?s-lors de noyau et comme de fondement ? cette partie de la science.

Les ?coles et les biblioth?ques d'Alexandrie, d'?desse, de J?rusalem, d'Hippone, etc.

Maintenant, le reproche que l'on fait ? cette litt?rature d'avoir ?touff? l'autre et d'en avoir compl?t? la d?cadence, est-il m?rit?? est-il injuste? C'est une question qui se pr?sente naturellement, et sur laquelle on ne peut ni se taire, ni s'appesantir. De quelque mani?re qu'on entende un passage des Actes des Ap?tres, o? il est dit, qu'? Eph?se plusieurs de ceux qui s'?taient adonn?s ? d'autres sciences, apport?rent et jet?rent au feu leurs livres, apr?s une pr?dication de S. Paul, il est certain que voil? d?j? un bon nombre de livres br?l?s. Les auteurs chr?tiens des premiers si?cles montrent, dit-on, dans leurs ?crits une grande connaissance des ouvrages, des pens?es et des syst?mes philosophiques des anciens auteurs: une multitude de morceaux et de passages ne s'en sont m?me conserv?s que dans leurs ?crits; et en effet il fallait bien qu'ils en eussent fait une ?tude tr?s-attentive, pour se mettre en ?tat de les combattre. Oui, mais ne voit-on pas que, dans cette disposition d'esprit, tout occup?s des erreurs ils l'?taient fort peu des beaut?s; qu'ils devaient mettre peu de z?le ? en recommander l'?tude; que le peu qu'ils en souffraient encore, recevait d'eux une direction plus religieuse que litt?raire, et qu'il n'y avait pas loin entre se croire oblig?s de les combattre et de les r?futer continuellement et les ?carter des mains de la jeunesse, les rel?guer dans les biblioth?ques, et enfin les proscrire?

Par un canon d'un ancien concile, il est d?fendu aux ?v?ques de lire les auteurs pa?ens. On a beau dire que cela ne regardait que les ?v?ques, dont la principale sollicitude devait ?tre occup?e du bien de leur troupeau, comment l'un des objets de leur sollicitude n'e?t-il pas ?t? de d?tourner les brebis de ce troupeau, d'une p?ture qui leur ?tait d?fendue ? eux-m?mes, comme dangereuse et mortelle?

S. J?r?me se plaint am?rement de ce que les pr?tres, laissant ? part les ?vangiles et les proph?tes, lisaient des com?dies, chantaient des ?glogues amoureuses, et avaient souvent en main Virgile. Il est, dit-on, tr?s-?vident qu'il n'est ici question que de r?primer un exc?s et un abus; mais qui nous fera conna?tre o? le z?le de ce P?re de l'?glise trouvait que commen??t l'abus, et ? quelle ?tude des anciens les jeunes eccl?siastiques auraient d? s'arr?ter pour qu'il ne s'en effarouch?t pas?

Concile de Carthage, IV, c. 16.

Tiraboschi, loc. cit.

Tirab. loc. cit.

On ne sait que trop quels furent dans ce si?cle m?me, les funestes effets d'un faux z?le que la religion d?savoue aujourd'hui. La destruction g?n?rale des temples du paganisme n'entra?na pas seulement la perte ? jamais d?plorable d'?difices, o? le g?nie des arts avait prodigu? ses merveilles: les collections de livres se trouvaient ordinairement plac?es, aussi bien que les statues, dans l'int?rieur ou le voisinage des temples, et p?rissaient avec eux. Le sort de la biblioth?que d'Alexandrie est connu. Un patriarche fanatique, Th?ophile, appela sur le temple de S?rapis les rigueurs du cr?dule Th?odose; le temple fut abattu, la riche biblioth?que qu'il renfermait fut d?truite. Orose, qui ?tait chr?tien, atteste avoir trouv?, vingt ans apr?s, absolument vides les armoires et les caisses qui contenaient des livres dans les temples d'Alexandrie; et c'?taient, de son aveu, ses contemporains qui les avaient d?truits. Enfin la barbarie de Th?ophile, dont on parle peu, ne laissa presque rien ? faire, plusieurs si?cles apr?s, ? celle des Sarrazins, dont on a fait tant de bruit. On ne peut douter que ces ravages ne se soient ?tendus partout o? s'exer?ait le m?me z?le, et que les exp?ditions destructives de l'?v?que Marcel contre les temples de Syrie, de l'?v?que Martin contre les temples des Gaules, et de tant d'autres, n'aient eu les m?mes effets.

Orose, lib. VI, c. 15.

Ces funestes effets d'un z?le mal entendu ne pouvaient ?tre compens?s par les moyens d'instruction employ?s dans les ?coles. Il y en avait de particuli?res aupr?s de chaque ?glise, o? les jeunes eccl?siastiques ?taient instruits, dit-on, dans les sciences divines et humaines; mais ce qui pr?c?de fait assez voir ce qu'on doit entendre par ces sortes d'humanit?s. Outre ces ?coles priv?es, il y en avait un grand nombre de publiques, destin?es ? former de vaillants athl?tes qui puissent d?fendre avec vigueur la foi et l'orthodoxie contre les h?r?tiques, les juifs et les gentils: or cette direction donn?e aux ?coles publiques par une religion dominante et exclusive, dut en peu de temps r?duire toute l'instruction de la jeunesse ? des questions de controverse et en bannir toutes les ?tudes, qui ne font que polir l'esprit, aggrandir l'?me, et l'?lever de la connaissance au sentiment et ? l'amour du beau. On sait que quand une fois le go?t des lettres a commenc? ? se corrompre et ? d?cliner chez un peuple, tous les efforts de la Puissance, toutes les influences dont elle dispose, suffisent ? peine pour en retarder la ch?te totale; qu'est-ce donc lorsque les choses en sont au point o? nous les avons vues avant Constantin, et que les esprits re?oivent tout ? coup une telle impulsion, qu'ils la re?oivent universelle et qu'elle reste permanente?

Mais qu'arriva-t-il de cette r?volution? ce qui ?tait in?vitable: c'est que les ?tudes eccl?siastiques elles-m?mes d?churent et tomb?rent bient?t. On ne vit pas que ceux qui en avaient ?t? les lumi?res s'?taient, dans leur jeunesse, nourris du suc litt?raire qu'on ne peut tirer que de ces auteurs qu'on appelait profanes, comme si ce titre avait jamais pu s'appliquer ? un Platon, ? un Cic?ron, ? un Virgile, ? un Sophocle, ou au divin Hom?re; qu'en retranchant aux esprits cette nourriture, pour les alimenter de questions de controverse, on leur faisait perdre non seulement la gr?ce, toujours n?cessaire ? la force, mais la force elle-m?me; qu'enfin les lettres eccl?siastiques ?taient bien une branche de la litt?rature, et si l'on veut, la plus pr?cieuse et la plus belle, mais que si l'on abattait, ou si on laissait d?p?rir le tronc, cette branche ne tarderait pas ? ?prouver le m?me sort.

Aussi, d?s le si?cle suivant, vit-on commencer ? se ternir ce grand ?clat qu'avait jet? celui de Constantin et de Th?odose. On y aper?oit encore un Cyrille, un Th?odoret, un L?on et quelques autres; mais les connaisseurs dans ces mati?res voient en eux une grande inf?riorit?; et une ?poque dont ils font toute la gloire, en est s?rement une de d?cadence et d'appauvrissement.

Le cinqui?me si?cle.

On appelle ainsi le quatri?me, quoique Constantin soit mort en 336, et que Th?odose n'ait r?gn? que depuis 379 jusqu'en 394.

Chrysost?me v?cut jusqu'en 407, treizi?me ann?e du r?gne d'Arcadius et d'Honorius; mais il appartient au quatri?me si?cle.

Quant aux lettres, que nous n'appellerons point profanes, mais purement humaines, au milieu de leur d?cadence rapide, quelques noms surnagent encore dans les derniers si?cles que nous venons de parcourir. Je ne parlerai point de Victorin le rh?teur, ? qui pourtant on ?leva de son vivant des statues publiques, et dont tous les auteurs de ce temps, S. Augustin entre autres font des ?loges sans mesure, mais qui nous a laiss? des ouvrages de rh?torique et de grammaire, un commentaire sur deux livres de Cic?ron, quelques ?crits religieux, et un petit po?me sur les Machab?es, o? la grossi?ret? et l'obscurit? du style, la m?diocrit? des id?es, en un mot le d?faut absolu de talent, d?posent vigoureusement contre ces ?loges et contre ces statues, ou plut?t nous attestent de la mani?re la moins suspecte quelle ?tait la mis?re et la honte litt?raire de ce temps. Un certain sophiste grec, nomm? Pro?r?sius, eut encore plus de renomm?e: des statues furent aussi dress?es en son honneur, non seulement ? Rome mais ? Ath?nes. Celle de Rome portait une inscription qu'on peut rendre ainsi:

Rome, Reine du monde, au Roi de l'?loquence:

Marius Victorinus Africanus.

Sa vie a ?t? longuement et pompeusement ?crite: ses contemporains ne tarissent point sur sa louange. Il ?tait chr?tien, et cependant l'empereur Julien lui ?crivit dans les termes de l'admiration la plus exag?r?e. Mais ce qu'il y a peut ?tre de plus heureux pour lui, c'est qu'il ne nous est rest? que ces ?loges, et que nous n'avons aucun ouvrage de lui pour les d?mentir.

L'art oratoire ?tait r?duit alors aux pan?gyriques directs et prononc?s en pr?sence, genre mis?rable, o? l'orateur ne peut le plus souvent satisfaire l'orgueil, pas plus que blesser la modestie, ou m?me un reste de pudeur. Ceux qui se sont conserv?s et qu'on joint souvent au pan?gyrique par lequel Pline le jeune outragea l'amiti? qui l'unissait avec Trajan, sans pouvoir lasser sa patience, sont bien au-dessous de ce chef-d'oeuvre de l'adulation antique. Claude Mamertin, Eum?ne, Nazaire, Latinus Pacatus, les prononc?rent dans des occasions solennelles; le temps qui a d?vor? tant de chefs-d'oeuvre les a respect?s, mais s'ils sont de quelque utilit? pour l'Histoire civile et litt?raire, ils en ont peu pour l'?tude de l'art oratoire et pour la gloire de ces orateurs.

Symmaque plus c?l?bre qu'eux tous, passa du plus haut degr? de faveur et de gloire au comble de l'infortune. Th?odose avait trouv? fort bon qu'il pronon??t devant lui son pan?gyrique; mais lorsqu'il apprit que Symmaque avait aussi prononc? celui de ce tyran Maxime, qui avait r?gn? quelque temps avant lui et qu'il avait, par politique, reconnu lui-m?me, il exila ce pan?gyriste trop flexible, le pers?cuta et le r?duisit ? se r?fugier, quoique pa?en, dans une ?glise chr?tienne, pour mettre sa vie en s?ret?. A entendre le po?te Prudence, qui a pourtant ?crit deux livres contre lui, ce Symmaque ?tait un homme d'une ?loquence prodigieuse, et sup?rieur ? Cic?ron lui-m?me: Macrobe le propose pour mod?le du genre fleuri; d'autres auteurs rench?rissent encore sur cet ?loge; et cependant si nous voulons y souscrire, il faut nous dispenser de lire les dix livres de lettres qui nous restent seuls de lui. Cette lecture rend tout-?-fait inconcevables les louanges prodigu?es ? leur auteur.

Q. Aurelius Symmachus.

Saturnal. liv. V, c. 1.

Macrobius Ambrosius Aurelius Theodosius.

Marcianus Mineus Felix Capella.

Grammaire, dialectique, rh?torique, arithm?tique, g?om?trie, astronomie et musique.

Les fables d'Avien n'ont certainement pas la gr?ce et l'?l?gante simplicit? de celles de Ph?dre; mais leur auteur tient encore un rang honorable parmi les fabulistes. Sa traduction des ph?nom?nes d'Aratus, et celle du po?me g?ographique de Denys P?ri?g?te en vers hexam?tres, prouvent qu'il savait s'?lever ? de plus hauts sujets. Selon Servius, il avait rempli une t?che plus laborieuse, et dont il n'est pas ais? d'apercevoir l'utilit?; c'?tait de traduire en vers ?ambes toute l'Histoire de Tite-Live. Claudien eut Stilicon pour M?c?ne aupr?s d'Honorius. Il l'en paya par de longs pan?gyriques et par des satires violentes contre Eutrope et Ruffin, ennemis de ce ministre. Deux po?mes sur la guerre contre Gildon et contre les Goths, et plus encore son po?me de l'Enl?vement de Proserpine, ne l'ont pas mis dans l'Epop?e, de pair avec les po?tes latins du grand si?cle, ni m?me, quoi qu'on en dise, avec ceux de l'?ge suivant, Lucain, Stace et Silius, mais imm?diatement apr?s eux, et c'est encore une assez belle gloire. Numatien n'a laiss? qu'une esp?ce de po?me en vers ?l?giaques, o? il raconte son voyage de Rome dans les Gaules, sa patrie. Le style en est sans ?l?gance, mais on peut r?p?ter encore qu'il vaut mieux que celui de la prose du m?me temps. Le faible, mais assez ?l?gant Ausone, et le prolixe pan?gyriste Sidoine Apollinaire, et m?me Prudence et S. Prosper, quoiqu'il y ait dans leurs tristes vers, plus de pi?t? que de po?sie, sont des auteurs qu'on ne lit gu?re, mais qui se maintiennent pourtant dans toutes les biblioth?ques. On y trouve moins souvent un certain Porphyre, non le philosophe, mais le po?te, qui vivait sous Constantin, et qui a adress? ? cet empereur un po?me en acrostiches, en lettres crois?es et autres inventions pareilles, dont on croit qu'il fut le premier ? donner le ridicule exemple.

Rufus Festus Avienus.

Ces deux po?mes furent imprim?s pour la premi?re fois ? Venise, en 1488, in-4?.

Claudius Claudianus.

Claudius Rutilius Numatianus.

Publius Optatianus Porphyrius.

Je pourrais citer encore ici d'autres noms de po?tes, qui firent dans leur temps quelque bruit, et heureusement oubli?s dans le n?tre; mais je les laisse ensevelis dans les livres, o? sont laborieusement entass?s des noms d'auteurs obscurs et des titres d'ouvrages que personne ne conna?t s'ils existent, et que personne ne regrette s'ils n'existent plus.

Celui de tous les genres en prose, qui ?tait le moins d?chu, ?tait l'Histoire. Aur?lius Victor, Eutrope, et surtout Ammien Marcellin, ne sont pas sans quelque m?rite, quoique bien inf?rieurs aux historiens m?me du second rang, et quoique les temps o? ils v?curent, semblassent, du moins au premier coup-d'oeil, faits pour inspirer mieux la Muse historique. Il est certain que jamais ?poque ne fut plus f?conde en ?v?nements. En voyant les rapides successions d'empereurs, leur vie agit?e et leur mort presque toujours tragique, les divisions et les r?unions de l'Empire, les guerres intestines et ?trang?res, les invasions multipli?es des Barbares, les maux affreux o? l'Orient et l'Occident furent plong?s par ces hordes f?roces et par la faiblesse de leurs d?fenseurs, qui semblait augmenter ? mesure que se multipliaient les dangers, on croirait que le pinceau de l'Histoire avait la mati?re ? de grands tableaux, et que si un Polybe, un Salluste, un Tite-Live avaient alors v?cu, ils auraient eu une vaste carri?re o? exercer leurs talents. Mais il semble, au contraire, que le d?sordre et la confusion qui r?gnaient dans l'Empire, se communiquaient ? ceux qui en ?crivaient l'histoire; si ces grands historiens eussent v?cu, s'ils eussent vu la chaise curule chang?e en tr?ne, ce tr?ne transf?r?, d?membr?, souill? de crimes, ensanglant? d'assassinats; la belle Italie d?chir?e, d?peupl?e, occup?e de pointilleries th?ologiques, assaillie, ravag?e, domin?e par des Goths, des Vandales, des Erules, des Alains, des Su?ves et d'autres peuplades ignorantes et barbares; son culte chang?, ses institutions d?truites, sa langue vici?e par un m?lange impur avec celles de ses vainqueurs; en un mot, si, dans le m?me pays, ils s'?taient trouv?s comme transport?s au milieu d'un tout autre ordre de choses, et parmi une tout autre race d'hommes, est-il s?r, ou plut?t est-il croyable qu'ils eussent retrouv? leur g?nie et leur talent? Ce n'est pas toujours la multiplicit? des ?v?nements, leur agitation, leur fracas, qui est favorable au g?nie de l'Histoire, c'est leur caract?re et celui des Personnages qui en sont les acteurs, ce sont aussi leurs r?sultats. Quand ces r?sultats sont des maux irr?m?diables et toujours croissants, quand ce caract?re manque aux hommes et aux choses, les ?v?nements se multiplient, se compliquent et se succ?dent en vain: il y aura des m?moires, si l'on veut, mais point d'Histoire.

La division des empires d'Orient et d'Occident, avait interrompu presque tout commerce entre les Grecs et les latins, et semblait avoir priv? les uns et les autres de la mutuelle communication des lumi?res; mais c'?taient en effet les Latins qui avaient tout perdu. Ils rest?rent d?pouill?s des grands mod?les de la litt?rature grecque, et des livres o? ?taient d?pos?s les ?l?ments de toutes les sciences. La langue grecque leur devint bient?t enti?rement ?trang?re. La lecture de Platon, d'Aristote, d'Hippocrate, d'Euclide, d'Archim?de, leur fut interdite, aussi bien que celle d'Hom?re, d'Anacr?on, d'Euripide et de Th?ocrite; tandis que le progr?s des id?es religieuses et de l'enseignement sacerdotal, rel?guait pour eux par degr?s les grands ?crivains qui avaient illustr? la litt?rature latine, au m?me rang et dans la m?me obscurit? que les auteurs grecs; tandis que S. Augustin, Marcian Capella, S. Isidore, et quelques autres ?crivains de la basse latinit?, avaient pris dans le peu d'?coles qui subsistaient encore, la place de ces sublimes instituteurs du monde. Enfin l'Italie ?tait r?duite au point, que, parmi le peu d'auteurs qui y jetaient encore quelques rayons de gloire litt?raire, presque tous ?taient ?trangers; Claudien, ?gyptien; Ausone, Prosper et Sidoine Apollinaire, n?s dans les Gaules; Prudence, espagnol; Aur?lius Victor, africain; Ammien Marcellin, grec, natif d'Antioche, etc.

En Orient, au contraire, les grands mod?les existaient dans la langue qui continuait d'?tre celle du pays m?me, et de plus, on s'enrichit ? cette ?poque des bons auteurs latins qu'on y avait presque enti?rement ignor?s jusqu'alors. Une cour form?e ? Rome, un conseil d'?tat et un Tribunal supr?me, compos?s de praticiens et de jurisconsultes venus de Rome ou du moins d'Italie, les y transport?rent avec eux. Mais ce grand nombre de Romains et d'Italiens qui s'y ?tablirent, ne pouvait ?galer ni contrebalancer celui des Grecs et des Asiatiques qui parlaient la langue grecque. Les auteurs latins, quoique mieux connus, rest?rent toujours au second rang dans l'opinion.

La place m?me qu'occupait Constantinople, si?ge du nouvel Empire, entre la Gr?ce et l'Asie, ?tait tr?s-propre ? faire fleurir la langue grecque, commune depuis plusieurs si?cles entre ces deux parties du monde. Cette situation devait augmenter l'obstination de ces peuples ? ne faire usage que de leur ancienne langue. Enfin la cour elle-m?me, quoique venue de l'Occident, cultiva bient?t le grec aux d?pens du latin; la preuve en est dans les ?crits de Julien, neveu de Constantin, et depuis empereur lui-m?me; ?lev? en Italie, et long-temps Gouverneur des Gaules, o? le latin ?tait la langue dominante; il ?crivit en grec ses ouvrages; et ce fut en grec qu'il pronon?a ses pan?gyriques et ses autres discours publics. Ces m?mes ouvrages, o? des ?crivains ?lev?s dans des pr?ventions de religion et d'?tat contre Julien, ne peuvent se dispenser de reconna?tre un haut degr? de m?rite, et surtout un sel et une finesse qu'on ne trouve peut-?tre dans aucun auteur depuis Lucien, prouvent que les lettres grecques, quoique d?chues, ?taient encore loin d'une ruine totale.

Si la po?sie en g?n?ral ?tait presque enti?rement ?clips?e, si surtout la passion effr?n?e pour les jeux du Cirque avait enti?rement ?touff? la po?sie dramatique; si l'?loquence d?lib?rative et politique ne pouvait plus se relever sous le gouvernement despotique d'un seul, un Th?mistius, un Libanius dans la rh?torique et l'art oratoire; un Porphyre, un Iamblique dans la philosophie, n'?taient point encore des ?crivains ? d?daigner; quelques historiens, et quelques autres auteurs dans diff?rents genres, ?crivaient encore avec bien plus de talent et de go?t, que ne le firent et que ne le pouvaient faire en latin, ceux qui, dans la malheureuse Italie, ?crivirent pendant le quatri?me si?cle et surtout pendant le cinqui?me.

Cyrille et Nestorius.

Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page

 

Back to top