Read Ebook: Aimer quand même by La Br Te Jean De
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Ebook has 2126 lines and 47285 words, and 43 pages
--C'est certain... et je ne te dis pas de penser ? un mariage vaniteux, mais entre cela et une union comme celle dont tu parles, il y a loin.
--Oui, r?pondit gaiement C?bronne, il y a loin... il y a toute la distance qui s?pare le bonheur exultant des petites joies d'une union terne et conventionnelle. De plus, ce mariage est une bonne action. N'est-il pas navrant de voir une femme, une jeune fille d?licieuse s'?tioler sur un travail qui n'est pas fait pour elle et lui donne ? peine le n?cessaire?
--R?flexion digne de toi, r?pondit M. des Jonch?res. Mais cet aper?u philanthropique ne doit rien d?cider.
--C'est l'amour qui d?cide, r?pliqua Bernard en souriant. Toutefois, mon coeur bat de joie ? l'id?e de l'entourer du bien-?tre dont la ruine l'a priv?e, et de mettre ? sa port?e tous les moyens de suivre les penchants g?n?reux de sa belle nature, que je connais bien!
--Comment la connais-tu si bien? Trop souvent, apr?s un temps beaucoup plus long, on ne conna?t pas les gens que l'on croit avoir p?n?tr?s.
--Oui, mais, dans certaines crises douloureuses, le caract?re se montre ? nu. Fr?quemment, je suis venu voir la malade ? une heure o?, plus libre de mon temps, je pouvais rester et causer un peu avec Mlle Depl?mont. Je lui ai pr?t? des livres que nous avons discut?s ensemble. Elle a une intelligence ouverte, ?lev?e; je l'ai toujours vue d?licate et sens?e dans ses jugements, calme dans le malheur. Elle a ?t? fa?onn?e par une ?ducatrice aust?re: la douleur! qui a d?velopp? et m?ri plusieurs de ses qualit?s principales.
--Ah! tu es bien pris! s'?cria M. des Jonch?res avec ?motion.
Il aimait profond?ment le docteur C?bronne, le regardant comme l'homme le plus droit, comme la nature la plus sympathique qu'il e?t jamais rencontr?s. Il avait beaucoup souffert de le voir malheureux dans une premi?re union, d?nou?e par la mort apr?s trois ann?es tr?s tourment?es, et il redoutait une seconde erreur.
--Je devais, dit-il, te soumettre diff?rentes r?flexions, mais, ? ton ?ge, surtout dans une carri?re comme la tienne, un homme poss?de une grande exp?rience, aussi peut-?tre as-tu raison. Maintenant, je t'en veux d'?tre arriv? ? un moment d?cisif sans m'avoir parl?.
--Je m'en veux ? moi-m?me... et si tu n'avais pas ?t? absent depuis quelque temps, je n'aurais pas attendu si tard. Je pouvais t'?crire, il est vrai, mais...
--Mais tu redoutais mes observations et tu voulais y r?pondre de vive voix... je le comprends! O? demeure cette femme id?ale?
--A deux pas d'ici... rue Vavin.
--Alors je me sauve... tu meurs d'envie d'?tre d?barrass? de moi et de marcher de ton pas ferme vers la r?alisation du r?ve!
--Ne plaisante pas... tout mon avenir heureux d?pend de l'heure pr?sente.
--Mon cher Bernard! Tu connais mon affection? Dieu me garde de te froisser dans un moment aussi s?rieux! Et j'esp?re de tout mon coeur que tu as bien jug?.
--En la voyant, tu comprendras qu'il ne faut ni un grand jugement, ni une grande exp?rience pour appr?cier une femme comme elle.
Il serra de nouveau la main de son ami, et s'?loigna rapidement.
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En trois minutes, M. C?bronne arriva devant une maison d'apparence ordinaire bien qu'elle cont?nt d'assez grands appartements. Le premier ?tait habit? par le parent de madame Depl?mont, mais la maison ?tant double, celle-ci avait pris au dernier ?tage, sur le derri?re, un modeste logement compos? de quatre petites pi?ces claires et a?r?es.
M. C?bronne monta lentement les cinq ?tages et fut introduit dans une chambre qui servait en m?me temps de salon et de salle ? manger. Elle ?tait propre et fort bien tenue, mais d'aspect si mesquin que jamais Bernard n'y p?n?trait sans un serrement de coeur.
Mme Depl?mont et sa fille cousaient devant une table couverte des objets n?cessaires ? leur travail.
--Comment va mon ancienne malade? demanda le docteur C?bronne en prenant la main de Mme Depl?mont.
--Tr?s bien, docteur, r?pondit-elle, bien que sa p?leur et une sorte de f?brilit? la missent en contradiction avec sa r?ponse.
--La convalescence a ?t? rapide, gr?ce ? votre science et ? vos bons soins, docteur, dit Gertrude avec un sourire qui laissait voir des dents superbes.
--Je voudrais la mine meilleure, r?pondit C?bronne. Il y a huit jours, c'?tait mieux. Avez-vous souffert depuis ma derni?re visite?
--Je vous assure que je vais tr?s bien, r?pondit Mme Depl?mont.
--Alors, insista Bernard en la regardant attentivement, vous avez eu quelque vive ?motion?
--C'est vrai! dit Gertrude. Une tr?s vive ?motion! Mais maintenant, tout va bien.
M. C?bronne pensa que le ton contraint de la jeune fille et la tristesse qui pesait ?videmment sur elle et sur sa m?re, indiquaient, au contraire, que tout allait mal.
Il remarquait ?galement que Gertrude, dont la belle sant? r?sistait ? des ?preuves multipli?es et ? une vie de travail assidu, ?tait p?le et fatigu?e. Il avait toujours vu de la douleur au fond des grands yeux d'un bleu presque noir, mais l'expression douloureuse s'accentuait ce jour-l? au point de devenir presque sombre.
Le docteur C?bronne n'?tait pas un homme h?sitant; il prenait promptement ses d?cisions et les ex?cutait non moins rapidement. La conviction qu'un nouveau chagrin frappait celle qu'il aimait n'?tait pas faite pour modifier ses habitudes, et, dans cette circonstance d?licate, il parla sans aucun pr?liminaire diplomatique.
--Je suis venu, dit-il, non pour revoir ma malade, mais pour lui poser quelques questions.
--Des questions? r?p?ta Mme Depl?mont en regardant sa fille avec anxi?t?.
--Il faut m'en reconna?tre le droit, madame, dit-il doucement; j'aime mademoiselle Gertrude et je viens vous dire mon espoir.
Se tournant vers la jeune fille, il s'aper?ut que son beau visage ?tait boulevers?.
--Si vos sentiments r?pondaient aux miens, dit-il avec ardeur, je serais le plus heureux des hommes!
En le voyant entrer, elle avait pressenti le motif de sa visite. Plus d'une fois, elle s'?tait crue aim?e, elle aimait elle-m?me passionn?ment l'homme qu'elle avait vu, pendant des mois, attentif et d?vou?, intelligent de fa?on sup?rieure dans les id?es discut?es avec elle, bon dans tous les sentiments qu'il laissait entrevoir.
Il avait puissamment adouci l'impression am?re de Gertrude sur la vie, jug?e souvent par elle avec une misanthropie bien naturelle chez un ?tre jeune qui a pass? par de terribles et humiliantes souffrances.
Elle l'aimait pour lui-m?me, elle l'aimait ?galement parce qu'il avait dissip? les t?n?bres qui assombrissaient sa vie morale.
Cependant elle se demandait quelquefois s'il lui ?tait attach? au point d'?pouser une femme non seulement sans fortune, mais assez pauvre pour vivre du travail de ses mains. Etait-il au-dessus du singulier pr?jug? fran?ais qui met en ?tat d'inf?riorit? sociale la femme du monde oblig?e de travailler? Elle r?pondait affirmativement; elle croyait avoir assez justement observ? le caract?re de C?bronne pour ?tre en droit de se dire ? elle m?me:
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Le moment ?tait arriv?; il l'inondait en m?me temps de joie et de douleur. Elle luttait contre les sentiments presque irr?sistibles qui l'entra?naient vers un amour partag?, et le regard de d?tresse qu'elle jeta ? sa m?re impressionna p?niblement M. C?bronne.
--Parle, Gertrude, r?ponds toi-m?me, dit Mme Depl?mont d'une voix alt?r?e.
Bernard observait avec surprise l'effort de Gertrude pour se dominer et parvenir ? exprimer sa pens?e.
--R?pondez, je vous en conjure, dit-il. Je vous aime tant! que je saurai me faire aimer, si vous m'honorez assez pour m'?pouser.
--Je ne puis ni ne veux me marier, r?pondit-elle sans h?siter, et je regrette infiniment pour vous que votre coeur se soit ?gar? de mon c?t?.
--Egar?! r?p?ta C?bronne avec ?tonnement.
--Oui... Ma m?re vous dira le pourquoi de mon refus.
--Vous avez parl? de questions, dit Mme Depl?mont. Il y a dans notre pass? des points trop douloureux pour que nous les abordions, et nous vous supplions de comprendre ? demi-mot.
Ces allusions n'apprenaient rien ? M. C?bronne, mais il n'admettait pas qu'on e?t la pens?e de couper court ? une explication.
--Mademoiselle, dit-il, si ce pass?, dont parle madame votre m?re, n'existait pas, m'accepteriez-vous comme mari?
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