Read Ebook: L'Illustration No. 0006 8 Avril 1843 by Various
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Ebook has 83 lines and 15753 words, and 2 pages
avec une facilit? charmante, et les moindres d?tails spirituellement trait?s.
Un condottiere fourbit activement sa cuirasse, tandis que ses camarades interrogent les d?s, qu'une jeune femme, le dos tourn? ? la table des joueurs, les pieds ?tendus vers la flamme du foyer, semble chercher sur des cordes de sa guitare l'expression de sa pens?e insouciante et r?veuse.--Sur le premier plan, couch?s ? terre, un enfant et un chien.--Les figures sont remarquablement expressives, m?me on y voit peinte une certaine cr?nerie, qui rappelle les personnages ? plumets des com?dies de cape et d'?p?e; ces condottieri conservent, en pleine paix, leur air de bravoure, et, si l'on peut dire ainsi, leur visage ne d?sarme pas.
Mon verre est bien petit, mais je bois dans mon verre.
La Vengeance des Tr?pass?s.
NOUVELLE.
Mira no tardes, Que suele en un momento Mudarse al ayre.
Avant qu'ils eussent fini, une fen?tre s'?tait ouverte, et une jeune dame avait paru derri?re les barreaux; elle ?couta attentivement les chanteurs. Aussit?t le couplet achev?, don Christoval adressa la parole ? la ma?tresse de ce logis, et renouvela sa requ?te, si brutalement repouss?e par le portier. La dame avan?a le bras hors des barreaux comme pour faire un signe d'assentiment, puis elle se retira, et la fen?tre fut referm?e.... Mais quelques minutes apr?s, la grand'porte s'ouvrit, et le portier, tenant une lanterne, vint chercher les ?trangers. Il s'empara du cheval en grommelant: <
Don Christoval remarqua que les deux soeurs portaient de jolis gants noirs qui montaient jusqu'au coude, et par cons?quent ne permettaient pas de juger de la beaut? des bras. Le vieillard ?tait pareillement gant? de noir, mais seulement ? la main droite; la gauche ?tait nue.
La conversation s'engagea, et les voyageurs furent naturellement amen?s ? dire qui ils ?taient, d'o? ils venaient, o? ils allaient. Don Christoval se garda bien de faire conna?tre la v?rit?; mais comme il avait infiniment d'esprit, il improvisa une histoire suivant laquelle il se nommait don Fernand Tellez, nouvellement mari?, et allant avec sa femme rejoindre sa famille ?tablie ? Jaen, ou dans les environs. Il arrangea si bien la chose, avec force d?tails, qu'il ?tait impossible de soup?onner sa v?racit?. De sa part, le ma?tre de la maison ne voulut pas demeurer en reste, il leur apprit donc qu'il s'appelait Ibrahim, natif du port de Ceuta, par cons?quent Moresque de nation et de religion, il avait longtemps habit? Cordoue, o? il avait fait fortune par le commerce; mais des chagrins et des malheurs particuliers l'avaient d?go?t? de cette ville et m?me de la fr?quentation des hommes; en sorte qu'il s'?tait retir? avec ses deux filles et son fr?re dans cette demeure isol?e, o? ils vivaient en paix, conservant les pratiques religieuses et les moeurs de leur pays, sans jamais voir personne, si ce n'est de temps ? autre quelque passant ?gar? de sa route, ? qui ils accordaient avec plaisir l'hospitalit?.
En cet endroit, la porte de la salle s'ouvrit, et l'on vit para?tre un second vieillard. Mais autant le premier avait la contenance noble et la mine loyale, autant celui-ci avait l'ext?rieur commun et repoussant, mauvaise figure, les yeux enfonc?s, le regard faux, un long nez perpendiculaire et la barbe horizontale; ses l?vres minces semblaient vouloir se cacher dans sa bouche. Cet autre vieillard avait aussi la main gauche nue et la droite couverte d'un gant noir. Ah! s'?cria Ibrahim, voil? mon fr?re Diego, dont je vous parlais; il revient de la ville, o? le soin de nos affaires le contraint d'aller quelquefois. Puisqu'il est arriv?, rien ne nous emp?che plus de nous mettre ? table. On vient de m'avertir que le souper ?tait servi. Passons, s'il vous pla?t, dans la salle ? manger.
Amine et Rachel s'approchant de leur p?re, lui prirent chacune un bras et l'aid?rent ? se lever avec des difficult?s inou?es. Les ?trangers s'aper?urent alors que ce beau vieillard avait la moiti? du corps paralys?e. Pour le faire avancer, une de ses filles poussait doucement du pied la jambe insensible, et le pauvre Ibrahim s'aidait de l'autre comme il pouvait, s'appuyant de tout son poids sur ses belles conductrices. Cette op?ration ne se lit pas sans bien des g?missements ? demi ?touff?s de la part du malade, et une grande compassion de la part des assistants. Ibrahim fit m?me quelques exclamations que L?onor et don Christoval ne purent comprendre, car il se servait de la langue arabe. On parvint ? la fin dans la salle ? manger, et Ibrahim une fois assis, ne tarda pas ? reprendre sa belle humeur. Il fit mettre L?onor aupr?s de lui; don Christoval se mit en face, entre Amine et Rachel; le fr?re Diego s'assit ? la gauche d'Ibrahim.
Amine et Rachel, apr?s s'?tre plac?es, commenc?rent ? tirer leurs gants. Elles ?t?rent celui du bras gauche, et don Christoval, qui avait une passion particuli?re pour les beaux bras, faillit tomber en extase devant la perfection de ceux qu'on offrait ? ses regards. Il attendait avec impatience le moment de juger si les bras droits seraient aussi admirables; mais son attente fut vaine. Les gants du bras droit demeur?rent en place, et les deux hommes conserv?rent aussi le gant noir de leur main droite. Cela parut tr?s-singulier ? don Christoval; car ?videmment cette main droite gant?e devait ?tre incommode ? table. Il y avait donc quelque chose l?-dessous. Don Christoval ne savait que penser: mais il ?tait trop bien ?lev? pour se permettre aucune question sur cette bizarrerie, et m?me pour avoir l'air de s'en apercevoir. Il finit par s'imaginer que c'?tait un point de religion, ou peut-?tre un voeu obligatoire pour tous les membres de cette famille, de ne pas d?couvrir leur main droite.
Ibrahim, en chef de maison, commen?a par faire ses excuses ? ses h?tes pour la mauvaise ch?re. Effectivement la table n'?tait garnie que de fruits; mais c'?taient des fruits magnifiques servis dans des vases et des corbeilles d'argent cisel?; un seul plat couvert ?tait au milieu, et Ibrahim ayant enlev? le couvercle, on vit qu'il contenait deux poulets accommod?s au riz. Nous ne buvons point de vin, dit Ibrahim, notre loi nous le d?fend; mais comme nos h?tes ne sont pas assujettis ? nos pratiques, j'ai fait placer devant vous un flacon du meilleur cru d'Espagne. Ne vous en faites pas faute.
Les convives se mirent ? manger de bon app?tit, et la conversation s'?tant anim?e: Fr?re, demanda Ibrahim, que dit-on de nouveau ? la ville? On ne s'y entretient, r?pondit Diego, que d'un accident arriv? chez les nonnes de Sainte-Claire, et qui a failli les consumer toutes vives dans leur maison. Une jeune religieuse avait l'habitude de lire en cachette, pendant la nuit, des livres de po?sie et d'amour. Or, la nuit derni?re le sommeil l'ayant surprise, le feu se mit ? ses rideaux et se communiqua avec rapidit?. Par bonheur, le jardinier, qui faisait le guet contre les voleurs, dans son verger, donna l'alarme assez ? temps, et les secours qu'on s'empressa d'apporter sauv?rent les b?timents du monast?re. Les soeurs en seront quittes pour quelques cellules r?duites en cendres.--Personne au moins n'a p?ri? dit L?onor d'une voix ?mue--Pardonnez-moi. La jeune religieuse fut d?vor?e par les flammes; on ne retrouva que ses os calcin?s. De plus, une vieille touri?re, dont la cellule touchait le foyer de l'incendie, p?rit ?galement ?touff?e par la fum?e qui l'emp?cha de fuir. Comme vous voyez, le dommage n'est pas grand! Il n'y a de regrettable que la jeune fille; car pour la d?cr?pite, il y aura toujours assez de celles-l?. La perte des meubles n'est rien. Les nonnes ont fait une qu?te dont le produit, ? ce qu'on assure, r?parerait deux ou trois d?sastres pareils; de sorte qu'elles y gagneront encore en fin de compte. Est-ce que les nonnes et les moines ne se tirent pas toujours d'affaire?
Le vilain Diego se tut sur cette interrogation. L?onor ?tait extr?mement p?le et agit?e. Pour emp?cher qu'on ne prit garde ? son trouble et pour donner un autre tour ? la conversation, don Christoval se mit ? dire: Excusez ma franchise, mon cher h?te; mais ce riz me para?t bien fade. Je crois que votre cuisinier y a totalement oubli? le sel; je n'en vois pas non plus sur la table. Ne serait-il pas possible d'en avoir?--Nous n'en faisons point usage, dit gravement Ibrahim; mais on va vous en donner.--Il lit un signe, et l'esclave noir qui servait ? table ?tant dehors pour le moment, Rachel se leva, sortit par une porte situ?e derri?re don Christoval, par cons?quent vis-?-vis L?onor, et rentra une minute apr?s tenant une sali?re. Don Christoval, l'ayant remerci?e, sala son riz et prit du sel sur la pointe de son couteau, pour en mettre dans celui de L?onor; mais en passant par-dessus l'assiette de Rachel, quelques grains y tomb?rent. Rachel ne s'en aper?ut pas d'aburd, mais ? la premi?re cuiller?e elle ne put douter de ce qui ?tait arriv?. Elle r?agit et regarda fixement don Christoval, qui n'y faisait point attention, ?tant absorb? par l'?tat o? il voyait sa compagne. En effet, depuis une minute, la p?leur de L?onor s'?tait consid?rablement accrue; on aurait dit le visage d'une morte, et malgr? tous ses efforts pour combattre l'?vanouissement, elle se laissa aller ? la renverse sur le dos de son si?ge, en poussant un faible soupir comme une personne ? l'agonie.
Aussit?t le repas est interrompu, on entoure L?onor, on la secourt, on la questionne.--Ce n'est rien, dit-elle, en reprenant ses esprits, ce n'est rien. La fatigue de cette journ?e a ?t? grande pour moi; j'avais la fi?vre en me mettant ? table; le r?cit de don Diego m'a vivement ?mue; il n'est pas surprenant que mon souper m'ait tait mal J'ai eu tort de manger; j'avais plus besoin de repos que de nourriture. Je sens que le lit me remettra; je souhaiterais me retirer pour dormir.--A l'instant, r?pondit Ibrahim d'un ton plein de bont?. Et il ajouta, en regardant ses filles et avec un clignement d'oeil qui n'?chappa point ? don Christoval:--Tout est-il pr?pare dans la chambre des h?tes?--Rachel se h?ta de pr?venir sa soeur, et r?pondit:-Non, mon p?re; mais ce soin me regarde: dans une minute tout sera pr?t.--En disant ces mots, elle s'?lan?a hors de la salle, mais non par la m?me porte par o? elle ?tait all?e chercher le sel.
Amine apporta des senteurs exquises ? L?onor, qui parvint enfin ? comprimer le, frisson nerveux dont elle ?tait saisie. Don Christoval ?tait r?veur; Ibrahim et Diego gardaient le silence. Tous les personnages commen?aient ? ?tre embarrass?s les uns des autres, sans trop savoir pourquoi. L?onor voulut essayer de faire quelques tours dans le salon; Amine lui offrit son bras, qu'elle accepta, et elles allaient commencer leur promenade, quand Rachel reparut une bougie ? la main. On se donna mutuellement le bonsoir, et, avec un sourire ?quivoque, Diego ajouta, par forme d'encouragement: <
Lorsqu'ils furent seuls dans leur chambre, la porte ferm?e au verrou, L?onor s'arma de r?solution et murmura ? l'oreille de don Christoval; < --Comment, qui vous l'a dit? --Quand vous avez demand? du sel, Rachel est all?e vous en chercher. Lorsqu'elle est rentr?e, j'avais par hasard les yeux attach?s sur la porte par o? elle ?tait sortie et ? laquelle vous tourniez le dos. H? bien, quelle qu'ait ?t? sa promptitude ? refermer cette horrible porte, mon regard s'est gliss? dans la pi?ce voisine, et je suis certaine d'avoir entrevu, ? la faible lueur d'une flamme qui br?lait dans cette pi?ce, un cadavre humain suspendu au plafond! --? ciel! ?tes-vous bien s?re de ne pas vous ?tre tromp?e? --Et mes pistolets sont rest?s ? l'ar?on de ma selle! J'ai bien un poignard, mais ils auront l'avantage et du nombre et des armes! --Nous ne sommes qu'au premier ?tage; si cette fen?tre donnait sur la campagne, peut-?tre avec les draps du lit...>> Don Christoval courut examiner la fen?tre, et L?onor se mit en devoir de d?faire le lit.
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