Read Ebook: Mémoires de Madame la Duchesse de Tourzel tome second Gouvernante des enfants de France pendant les années 1789 à 1795 by Tourzel Louise Elisabeth Duchesse De Des Cars Fran Ois Joseph De P Russe Duc Editor
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Un grand nombre de m?contents, auxquels s'?tait jointe une troupe de femmes, se rassembla dans l'?glise des Cordeliers et somma L?cuyer et ses complices de s'y rendre sur-le-champ. L?cuyer n'osa s'y refuser. Press? par cette assembl?e de rendre compte des effets dont il s'?tait empar?, la frayeur s'empara de lui; il perdit la t?te et voulut s'enfuir. Il excita par l? la fureur des meneurs de cette assembl?e, qui se jet?rent sur lui et le mirent en pi?ces.
Les brigands de Savians, pour venger sa mort, massacr?rent quatre-vingt-dix habitants d'Avignon qu'ils retenaient prisonniers depuis le 21 ao?t. Des familles enti?res subirent le m?me sort dans leur maison, et chaque heure annon?ait de nouveaux malheurs. L'abb? Mulot et M. Lesc?ne des Maisons furent d?nonc?s pour s'?tre oppos?s ? de pareilles horreurs et avoir requis, quoique inutilement, de M. de Ferri?re les soldats qu'il avait ? sa disposition. Ce dernier n'eut pas honte de prot?ger ces brigands et de leur laisser commettre tranquillement des crimes qui font fr?mir la nature. Ces monstres, ne voulant cependant pas laisser conna?tre le nombre de leurs victimes, firent ouvrir une glaci?re, o? ils firent jeter p?le-m?le les morts et les mourants, parmi lesquels se trouvaient des femmes et des enfants, que leur barbarie n'avait pas m?me ?pargn?s.
Rov?re, soi-disant d?put? d'Avignon, associ? aux Jourdan, Manvielle, Tournel, Rapha?l et autres brigands du Comtat, se chargea de l'apologie de ces sc?l?rats et d?non?a l'abb? Mulot et Lesc?ne des Maisons comme ne leur ayant pas pr?t? l'appui n?cessaire et ayant, au contraire, prot?g? leurs victimes: <
Le Pape, d?poss?d? de la souverainet? du Comtat par des moyens aussi iniques, fit publier un manifeste pour se plaindre d'une pareille violation du droit public. Il y d?veloppa toutes les manoeuvres qui avaient ?t? employ?es, et les crimes commis pour parvenir ? op?rer cette r?union, et il envoya le manifeste ? toutes les puissances de l'Europe.
ANN?E 1791
R?VOLTE DES COLONIES DE SAINT-DOMINGUE
Le coeur du Roi ne devait plus ?prouver un seul instant de consolation. Chaque jour annon?ait les nouvelles les plus d?sastreuses des diff?rentes parties du royaume, et celle de la r?volte des colonies y mit le comble. Le d?cret du 15 mai de l'Assembl?e constituante, qui avait att?nu? celui qui avait ?t? rendu au mois de novembre pr?c?dent, relativement aux colonies, joint aux men?es des commissaires envoy?s par les amis des noirs, exalta tellement l'esprit de ces derniers, qu'ils se r?volt?rent contre les blancs, sous pr?texte d'avoir une part ?gale ? la leur dans le gouvernement. Et comme rien n'arr?te des gens sans ?ducation, et dont la violence est l'essence du caract?re, ils se livr?rent aux plus grands exc?s. Trente mille d'entre eux ?taient en pleine insurrection et avaient d?j? incendi? deux cent dix-huit plantations de sucre et massacr? trois cents blancs. Ils avaient ?tabli un camp ? six milles du Cap, dans des retranchements garnis de canons. Chacun ?tait livr? ? la plus violente inqui?tude. La division que les diff?rents d?crets avaient mise parmi les colons augmentait encore le danger.
Des lettres du Havre annon?aient que tous les magasins ?taient ferm?s et que la consternation ?tait g?n?rale. Le Roi apprit avec la plus vive douleur les nouvelles de cette insurrection et en fit part sur-le-champ ? l'Assembl?e. Brissot, Condorcet et les amis des noirs commenc?rent par mettre en doute la v?rit? de cette nouvelle, qui pouvait ?tre, disaient-ils, un artifice des colons pour appesantir le joug de leurs malheureux esclaves, et ils discoururent longtemps sur la n?cessit? d'en attendre la confirmation. Mais des lettres re?ues par diverses maisons de commerce des principaux ports du royaume ne laiss?rent plus de doute sur l'existence de cette terrible insurrection, qui fut encore confirm?e par M. Barth?lemy, charg? d'affaires ? Londres.
Il avait appris de plus, par des lettres arriv?es directement en Angleterre, la r?union d'une partie des troupes aux conjur?s. Les malheureux colons avaient demand? du secours aux Anglais et aux Espagnols; mais ceux-ci, ayant besoin de leurs troupes pour garantir leurs possessions d'une pareille insurrection, n'avaient pu leur en envoyer. Les Anglais leur avaient seulement fait parvenir sur-le-champ cinq cents fusils et quatre cents livres de balles, avec permission d'acheter de la poudre et autres provisions.
Les colons et les propri?taires d'habitations ? Saint-Domingue s'assembl?rent sur-le-champ ? l'h?tel de Massiac, et y r?dig?rent une adresse pour demander au Roi d'y envoyer les secours les plus prompts pour arr?ter, s'il en ?tait encore temps, les malheurs qui mena?aient le reste de la colonie. Cette adresse d?peignait de la mani?re la plus touchante les d?sastres de Saint-Domingue. Elle accusait la soci?t? des amis des noirs de jeter des germes de discorde dans ce malheureux pays; elle leur attribuait la surprise faite ? la religion de l'Assembl?e nationale lorsqu'elle avait rendu le fatal d?cret du 15 mai, qu'on pouvait regarder comme la cause des malheurs de Saint-Domingue, et elle se terminait en assurant que si cette r?volte n'?tait promptement dissip?e, elle entra?nerait la ruine de six millions de Fran?ais et du commerce de la France, qui ne pouvait s?parer sa ruine de celle des colons; que leur cause ?tait celle des cr?anciers de l'?tat, expos?s ainsi qu'eux, par cet ?v?nement, ? voir leur fortune an?antie par une banqueroute universelle. Les colons suppliaient le Roi, comme chef supr?me de la puissance ex?cutive et protecteur-n? des propri?t?s, de prendre les colonies sous sa sauvegarde et d'opposer son autorit? aux nouvelles tentatives de ces hommes qui travaillaient ? augmenter nos malheurs, et contre lesquels ils demandaient les informations les plus s?v?res et la plus ?clatante justice.
Cette adresse, sign?e par les principaux propri?taires de Saint-Domingue, fut pr?sent?e au Roi par leurs colons, tous v?tus de noir, et ayant ? leur t?te M. du Cormier, regard? comme un homme du premier m?rite. Le Roi r?pondit, avec la plus vive ?motion, qu'il ?tait p?n?tr? de douleur de la situation de la colonie de Saint-Domingue; que, n'en ayant point encore de nouvelles directes, il se flattait que les maux ?taient moins grands qu'on ne les annon?ait; qu'il s'occupait sans rel?che des moyens d'y porter rem?de, par tout ce qui ?tait en son pouvoir; qu'il les acc?l?rerait le plus possible, et qu'ils pouvaient assurer les colons et la colonie du vif int?r?t qu'il prenait ? leur sort.
Les colons all?rent ensuite chez la Reine et dirent ? cette princesse: <
Toute la famille royale ?tait dans la plus profonde douleur de cette affreuse catastrophe, douleur qu'augmentait la conviction des entraves que mettrait l'Assembl?e aux mesures qu'allait prendre le Roi pour venir au secours de cette malheureuse colonie.
Mgr le Dauphin, ? qui la Reine avait racont? en deux mots les malheurs de Saint-Domingue, et qui avait entendu louer l'?loge qu'avait fait M. du Cormier du courage de cette princesse, lui demanda de lui donner son discours: <
Les nouvelles que l'on re?ut de M. de Blanchelande, gouverneur de Saint-Domingue, ne confirm?rent que trop les malheurs que l'on redoutait.
Le Roi en fit part sur-le-champ ? l'Assembl?e, qui chargea ce prince de donner l'?tat du secours qu'exigeait la position des colonies. Le Roi, qui avait examin? d'avance avec M. Bertrand tout ce que lui permettait la Constitution, demanda dix millions ? l'Assembl?e et lui annon?a qu'il avait donn? des ordres pour l'armement des vaisseaux et l'embarquement des troupes qu'il ?tait n?cessaire d'envoyer. <
Les commer?ants du Havre et des autres ports du royaume offrirent tous ceux de leurs b?timents qui ?taient arm?s pour le transport des troupes. Mais l'Assembl?e trouva moyen de paralyser les efforts du Roi, et sa coupable n?gligence causa la ruine de colonies aussi pr?cieuses, et entra?na avec elles celle du commerce de la France.
Le d?cret de l'Assembl?e du 7 d?cembre, qui bornait l'envoi des troupes ? r?primer seulement la r?volte des noirs et confirmait les droits accord?s aux gens de couleur, acheva d'?ter tout espoir aux colons. Ceux-ci s'adress?rent encore une fois au Roi pour lui demander de venir ? leur secours. Mais le malheureux prince, qui se voyait d?pouill? chaque jour de quelque portion de sa faible autorit?, ne pouvait que g?mir sur leurs malheurs et s'attrister de ceux que pr?paraient ? la France les meneurs de cette nouvelle Assembl?e.
Les factieux tent?rent ?galement d'introduire la r?volte ? la Martinique, ? Sainte-Lucie et ? Tabago; mais leurs efforts furent rendus inutiles par le courage des habitants de ces diverses ?les, qui, effray?s de l'exemple de leurs voisins, se mirent en mesure d'en r?primer les effets. Ils d?clar?rent unanimement qu'ils p?riraient tous plut?t que de laisser introduire dans leurs colonies un r?gime qui avait occasionn? ? Saint-Domingue de si cruels malheurs; leur fermet? les sauva. Ils eurent aussi de grandes obligations au vicomte de Damas, qui s'opposa courageusement aux efforts des malveillants. Aussi t?moign?rent-ils les plus vifs regrets de son rappel en France, et la satisfaction qu'ils avaient ?prouv?e en l'y sachant heureusement arriv?.
M. de la Jaille, officier de marine tr?s-distingu?, et que le Roi avait nomm? pour commander les vaisseaux envoy?s ? Saint-Domingue pour porter des secours aux colons, fut assailli en arrivant ? Brest par une multitude soudoy?e pour s'?crier qu'on y envoyait un contre-r?volutionnaire pour massacrer les patriotes. Il aurait ?t? mis en pi?ces sans le courage d'un charcutier, qui parait les coups qu'on lui portait. La municipalit? ne trouva d'autre moyen pour r?tablir l'ordre que d'emprisonner M. de la Jaille; et l'Assembl?e, en donnant des ?loges ? sa conduite, se garda bien d'improuver celle de ce peuple ?gar? par les meneurs de toutes ces ?meutes.
ANN?E 1791
Pers?cution contre les pr?tres inserment?s.--Injures que leur prodigue l'Assembl?e, et d?cret prononc? contre eux.--Discussion sur les ?migr?s, et loi qui en fut la suite.--Nomination de M. Cayer de Gerville au minist?re de l'int?rieur, et celle du comte Louis de Narbonne ? la guerre.--D?marche du Roi aupr?s des puissances ?trang?res pour faire cesser les rassemblements des ?migr?s, et le peu de succ?s de cette d?marche.--D?nonciation contre les ministres.--P?thion nomm? maire de Paris, et Manuel procureur de la Commune.
Il y avait peu de s?ances o? l'on ne trouv?t moyen de faire intervenir les pr?tres inserment?s, que les pr?tres jureurs devenus ?v?ques poursuivaient avec une haine implacable. Il pleuvait de tous c?t?s des accusations qui, quoique d?nu?es de preuves, n'en ?taient pas moins favorablement accueillies. On les accusait, malgr? la tranquillit? de leur conduite, d'?tre les moteurs de toutes les insurrections. Chabot, capucin, et Lequinio, un des plus violents d?magogues de l'Assembl?e, ?taient leurs principaux accusateurs. Le Josne, qui ne leur c?dait en rien, leur imputait tous les malheurs de la France; il voulait qu'on les rel?gu?t dans les chefs-lieux de d?partements, avec injonction de se pr?senter tous les jours ? leur directoire. Vaublanc, quoique oppos? aux d?magogues, les traitait de fanatiques. Tout leur pr?sageait une violente pers?cution. Baert, qu'on ne pouvait soup?onner d'attachement au clerg?, se r?volta contre cette injustice et repr?senta que la Constitution ayant d?cr?t? la libert? des cultes, on devait laisser les pr?tres tranquilles, et leur accorder, m?me dans les villes, une chapelle pour y exercer leur culte sur la demande de trois cents citoyens.--<
L'abb? Fauchet se permit les plus sanglantes invectives contre les pr?tres inserment?s, demanda qu'on supprim?t tous leurs traitements, les compara ? des loups que la faim ferait sortir du bois. Il ajouta qu'il n'?tait point ? craindre que le Roi v?nt ? leur secours, car il devait ?tre bien aise de se d?barrasser d'une pareille vermine.
Torn?, ?v?que constitutionnel, au lieu d'accuser les pr?tres inserment?s des malheurs de la France, pla?a la racine du mal dans la Constitution et dans le gouvernement, qui avait la manie d'affaiblir son autorit? pour qu'on le cr?t paralys?. Il s'opposa ? la cessation du traitement des pr?tres inserment?s, mesure qui, sans avoir l'iniquit? du voleur, aurait au moins la duret? du corsaire. Il d?clara tenir les sacrements administr?s dans les maisons aussi licites que les bals, les ?vocations magiques et autres divertissements; que le pr?tre inserment? devait avoir la libert? d'?tre absurde dans sa croyance, implacable dans sa haine et insociable avec ses rivaux de doctrine; mais qu'il fallait qu'il s'abst?nt de toute s?dition, sans quoi il provoquerait lui-m?me la vengeance de la loi: <
Apr?s une longue discussion sur le d?cret ? proposer ? l'Assembl?e, celui de Fran?ois de Neufch?teau obtint la pr?f?rence. Le pr?ambule en ?tait la comparaison d'un champ rempli de reptiles venimeux qu'un p?re de famille s'occupait ? d?truire, et non ? nourrir de son sang; et le r?sultat de cette belle comparaison fut la proposition suivante: <
Deux ou trois mauvais sujets excitaient-ils du d?sordre, on le mettait sur le compte des pr?tres inserment?s, et une d?nonciation suffisait pour les faire bannir ou jeter dans les fers. On invitait les bons esprits ? se rallier contre le fanatisme religieux et ? d?fendre le peuple des pi?ges qu'on lui tendait sous le pr?texte d'opinions religieuses. Les voix qui s'oppos?rent ? ce d?cret, en raison de son inconstitutionalit?, furent ?touff?es par les clameurs de l'Assembl?e, et il fut accept? par la majorit? et port? ? la sanction du Roi.
Il y eut cependant diff?rentes r?clamations de plusieurs d?partements sur l'injustice d'un pareil d?cret; celui de Paris, notamment, vint prier le Roi de refuser sa sanction ? un d?cret aussi injuste qu'inconstitutionnel.
Les clubs, plus puissants que jamais, et les tribunes qu'ils avaient soin de garnir de leurs affid?s, ?taient encore une arme dont se servaient les factieux. Ils r?pandirent des brigands dans toutes les sections de Paris pour former des r?clamations sur l'arr?t? du d?partement, en annon?ant les plus grands malheurs si le Roi refusait sa sanction ? ce d?cret. Sa Majest?, bien d?cid?e ? ne le pas sanctionner, ne tint aucun compte de leurs menaces, non plus que de la col?re de l'Assembl?e lorsqu'elle apprendrait son refus.
Ce d?cret, quoique non sanctionn?, ne s'en ex?cuta pas moins dans les d?partements influenc?s par les Jacobins. Aussi la pers?cution y fut-elle violente. Elle redoubla m?me de force lorsque l'on apprit que le Roi avait refus? sa sanction. C'?tait un art des Jacobins d'y pr?senter des d?crets injustes pour avilir ce prince par leur acceptation, ou pour faire retomber sur le refus de son acceptation les troubles dont ils ?taient les premiers moteurs.
La conduite de l'Assembl?e n'?tait pas propre ? appuyer l'invitation faite par le Roi aux ?migr?s de rentrer en France. Il n'y avait pas encore un mois qu'elle tenait ses s?ances, lorsqu'elle ordonna aux comit?s de s'occuper d'une loi sur les ?migr?s, et nomm?ment sur les princes fran?ais. M. de Condorcet, apr?s un discours aussi vague qu'insignifiant, soutint qu'on ne pouvait emporter ses richesses ni porter les armes contre la patrie sans m?riter d'?tre puni comme tra?tre et assassin. Il traita les princes et la noblesse de <
Vergniaud les compara ? des Pygm?es luttant contre des Titans, et engagea le Roi ? ne pas ?couter sa sensibilit? sur les objets chers ? son coeur, et ? imiter Brutus immolant ses enfants au bien de la patrie.
M. de Girardin demanda qu'au pr?alable l'Assembl?e f?t en trois jours une proclamation qui oblige?t Monsieur ? rentrer en France sous deux mois, sous peine d'?tre cens? avoir abdiqu? son droit ? la r?gence. Ramond demanda qu'on se donn?t le loisir de discuter une question aussi importante; mais M. de Girardin s'y opposa, et la motion fut d?clar?e urgente.
D?s que les trois jours furent r?volus, Isnard monta ? la tribune, traita les princes de conspirateurs, bl?ma la pusillanimit? de ceux qui redoutaient de prononcer des peines contre eux: <
On reprit la loi g?n?rale sur les ?migr?s. Chaque s?ance ?tait accompagn?e d'invectives et de d?clamations contre leurs personnes, et l'on finit par d?cr?ter la peine de mort contre tous les Fran?ais qui seraient encore, le 1er janvier, en ?tat de rassemblement. On d?clara que leurs biens seraient s?questr?s au profit de la nation, sans pr?judice des droits de leurs femmes, de leurs enfants et de leurs cr?anciers. Le m?me d?cret pronon?a la peine de mort contre les princes fran?ais et les fonctionnaires publics faisant partie de ces rassemblements qui ne seraient pas rentr?s le 1er janvier, ordonna le s?questre des biens des princes, avec d?fense de leur payer aucun traitement sous peine de vingt ans de g?ne contre les ordonnateurs de ces payements; la destitution et la perte du traitement de tout fonctionnaire public absent sans cause l?gitime avant et depuis l'amnistie. M?me peine contre tout fonctionnaire public qui sortirait du royaume sans un cong? du ministre de son d?partement. On y soumit ?galement les officiers g?n?raux, les officiers sup?rieurs et m?me les sous-officiers. Tout officier militaire abandonnant ses fonctions sans cong? ou d?mission devait ?tre r?put? d?serteur et puni comme tel; et tout embaucheur au dedans comme au dehors devait aussi ?tre puni de mort.
L'Assembl?e chargea, en outre, le comit? diplomatique de lui proposer les mesures ? prendre ? l'?gard des princes ?trangers qui souffraient des rassemblements dans leurs ?tats, et de prier le Roi de les accepter. Elle termina tous les articles de ce d?cret en d?clarant qu'elle d?rogeait ? toutes les lois qui pourraient y ?tre contraires.
Le garde des sceaux apporta la sanction du Roi au d?cret concernant Monsieur, et son refus sur celui des pr?tres et des ?migr?s; et comme il voulait faire quelques observations sur ce refus, l'Assembl?e s'y opposa, et il y eut un vacarme ?pouvantable: <
Les pamphlets r?pandus contre le refus de la sanction du Roi engag?rent les ministres ? lui faire faire de nouvelles proclamations et ? ?crire aux princes ses fr?res pour les engager ? revenir et ? ne pas mettre en doute sa volont? prononc?e d'observer et de faire observer la Constitution. Ils crurent utile de r?pandre dans le public ces lettres et ces proclamations; mais elles ne firent aucun effet, et les troubles et les pers?cutions qui se multipliaient dans chaque partie de la France augment?rent encore l'?migration.
L'Assembl?e d?cr?ta, de plus, que tout Fran?ais ayant traitement, pension ou rente sur le tr?sor national, serait oblig? de se pr?senter en personne avec un certificat vis? par la municipalit? de son domicile et par le directoire, lequel prouverait qu'il avait habit? l'empire fran?ais pendant six mois. Tout transport et d?l?gation ne pouvait non plus ?tre valable qu'avec le m?me certificat pour les vendeurs et les acheteurs. Les seuls commer?ants furent except?s de cette loi, en produisant qu'ils exer?aient le commerce avant le d?cret.
Le Roi nomma M. Cayer de Gerville ministre de l'int?rieur, et M. de Lessart resta ministre des affaires ?trang?res. M. Cayer de Gerville ?tait avocat et tr?s-r?volutionnaire. Il avait ?t? envoy? comme commissaire ? Nancy lors de la r?volte des r?giments, et ?tait rempli de vanit? et de susceptibilit?. Il finit cependant par prendre de l'attachement pour la personne du Roi, mais en obligeant ce prince ? user avec lui de grands m?nagements, pour ne pas choquer son amour-propre accompagn? d'une grossi?ret? r?volutionnaire. M. du Portail, ministre de la guerre, ne pouvant plus tenir aux insultes journali?res qu'il ?prouvait, donna sa d?mission, et fut remplac? par le comte Louis de Narbonne. Rempli de pr?somption et se croyant appel? ? de grandes destin?es, celui-ci accepta avec joie la place de ministre. La l?g?ret? de son caract?re ne lui permit pas de calculer les obstacles qu'il devait n?cessairement rencontrer. Convaincu que cette place lui donnait le moyen de satisfaire son ambition et le mettait m?me ? port?e de procurer au Roi quelques chances heureuses pour sortir de sa cruelle situation, il s'occupa de r?aliser les esp?rances qu'il avait con?ues. La guerre fut celui qui lui parut le plus propre ? remplir ce but, et il travailla de tout son pouvoir ? la faire d?sirer ? l'Assembl?e, sous le pr?texte de venger la nation des insultes qu'elle recevait des puissances ?trang?res.
Enivr? de ses folles esp?rances et persuad? de ses grandes capacit?s, il vint un jour trouver la Reine et lui pr?senta un m?moire pour lui prouver la n?cessit? d'opposer une attitude formidable aux menaces des puissances ?trang?res. Il appuya sur l'utilit? que la France retirerait d'une guerre qui ferait conna?tre ? ces puissances la force d'une nation qui avait recouvr? sa libert?, et il travailla ensuite ? persuader cette princesse de l'avantage que le Roi pouvait tirer de la nomination d'un premier ministre, qui r?unirait ? l'attachement ? sa personne l'instruction, la capacit? et l'art de la persuasion pour ramener les esprits ?gar?s: <
Je tiens cette anecdote de la bouche de cette princesse; j'ignore si cette conversation a ?t? connue, mais peu de jours apr?s il courut dans Paris une caricature repr?sentant M. de Narbonne avec une t?te de linotte, et dont le titre ?tait celui de ministre linotte.
L'Assembl?e, dirig?e par les Jacobins, nomma pour membres du comit? de surveillance Isnard, Bazire, Merlin, Grangeneuve, Fauchet, Goupilleau de Fontenai, Chabot, Lecointre de Versailles, Lacroix, Lacretelle, Quinette, Chauvelot, et pour suppl?ants: Antonnelle, maire d'Arles; Jagault et Montaut. Ces derniers entr?rent promptement en fonction. Trois d'entre eux ayant donn? leur d?mission, presque tous p?rirent dans la suite sous la hache r?volutionnaire et condamn?s par leurs semblables. Car d?s que les sc?l?rats furent les ma?tres, ils form?rent diverses fractions, et chaque fraction qui avait la pr?pond?rance envoyait ? l'?chafaud celle qui lui ?tait oppos?e.
Les ministres regardant comme avantageux que le Roi r?pondit en personne ? la demande que lui faisait l'Assembl?e de s'occuper de mesures qui fissent cesser les rassemblements ext?rieurs qui entretenaient l'inqui?tude de la France et rendaient la guerre pr?f?rable ? une paix ruineuse et avilissante, le Prince s'y rendit en personne pour l'assurer qu'il ne n?gligerait rien pour r?pondre ? ses d?sirs: <
Cependant les d?nonciations contre les ministres se renouvelaient journellement; l'abb? Fauchet attaqua M. de Lessart de la mani?re la plus violente, attribuant les massacres d'Avignon au retard de l'envoi du d?cret de r?union du Comtat ? la France, et il demanda que le ministre f?t d?cr?t? d'accusation. Sa demande fut renvoy?e au comit? pour en faire un rapport; mais M. de Lessart se justifia si pleinement de toutes ces imputations, qu'on ne put y donner aucune suite.
P?thion fut nomm? maire de Paris, Manuel procureur-syndic de la Commune, et toutes les places furent remplies par les cr?atures des Jacobins. Il ?tait impossible de ne pas fr?mir de la rapidit? avec laquelle ils allaient ? leur but. Toutes les d?marches que l'Assembl?e exigeait du Roi n'avaient pour but que de l'avilir, et nomm?ment celle de r?it?rer aupr?s des cantons suisses la demande de la gr?ce des d?serteurs de Ch?teauvieux.
M. de Narbonne, pour persuader de plus en plus l'Assembl?e de son patriotisme, imagina d'exiger des six mar?chaux de France r?sidant encore en France un serment encore plus constitutionnel que le serment civique d?cr?t? par l'Assembl?e. Mais il fut refus? par MM. de Beauvau, de Noailles, de Mouchi, de Laval et de Contades, et un seul, M. de S?gur, acc?da ? la demande du ministre.
Les d?crets rendus contre les ?migr?s ne firent sur ceux-ci aucune impression. D'un autre c?t?, les r?ponses des puissances ?trang?res aux diverses demandes du Roi, par les voeux qu'elles formaient pour qu'il trouv?t dans la Constitution le bonheur qu'il en esp?rait, irrit?rent l'Assembl?e, plus enorgueillie que jamais d'un pouvoir qu'elle cherchait ? accro?tre journellement.
ANN?E 1792
D?cret de l'Assembl?e pour faire sortir des gal?res les soldats de Ch?teauvieux.--Pers?cution contre les officiers fid?les au Roi, et projet de l'Assembl?e de les remplacer par ses cr?atures.--Lettre du Roi ? l'Assembl?e en lui envoyant celle de l'Empereur relative aux menaces faites ? l'?lecteur de Tr?ves.--D?cret contre les princes fr?res du Roi.--Autre d?cret pour faire payer aux ?migr?s les frais de la guerre.--Empire que prennent les Jacobins sur toutes les parties de la France par la terreur qu'ils inspirent.--Demande de mettre en activit? la haute cour nationale.--Rapport satisfaisant de M. de Narbonne sur l'?tat de l'arm?e, et d?nu? de toute v?rit?.--Brissot d?clare qu'on ne peut compter sur aucune puissance ?trang?re.--Crainte des Jacobins d'une m?diation arm?e entre toutes les puissances pour le maintien de l'ordre en France.--?tablissement de la garde constitutionnelle du Roi.
La municipalit? ayant demand? ? l'Assembl?e de vouloir bien fixer le jour o? elle recevrait ses hommages ? l'occasion du nouvel an, M. Pastoret se r?cria contre un usage aussi vicieux et indigne d'une Assembl?e qui ne d?sirait d'autre hommage que l'assurance du bonheur du peuple, et fit d?cr?ter qu'on n'en pr?senterait aucun ? qui que ce f?t.
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