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Read Ebook: L'Illustration No. 0009 29 Avril 1843 by Various

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Ebook has 253 lines and 33193 words, and 6 pages

L'ILLUSTRATION,

No 0009, SAMEDI 29 AVRIL 1843

Ab. pour Paris.--3 mois, 8 fr.--6 mois, 16 fr.--Un an, 30 fr Prix de chaque N?, 75 c.--La collection mensuelle br. 2 fr. 75.

Ab. pour les Dep.--3 mois, 9 fr.--6 mois, 17 fr--Un an, 32 fr. pour l'?tranger -- 10 -- 20 -- 40

SOMMAIRE.

Courrier de Paris.

MONROSE.--MADAME DAMOREAU.--LES BOUTIQUES ET LES COMTESSES.--M. LE PRINCE DE MOSKOWA.--LE LILAS ET LA PIERRE DE TAILLE.--LA POLITIQUE ET LES CASSEROLES.--M. ALEXANDRE DUMAS.--LES DEMOISELLES DE SAINT-CYR.--LES POETES AU D?SESPOIR.--UN MOT DE BOILEAU.--LE CHAMP-DE-MARS A LOUER.

La semaine a commenc? tristement, avec la nouvelle de la mort de Monrose. Comment ne pas s'occuper d'abord de ce tr?pas subit qui nous enl?ve un de nos plus adorables et de nos plus spirituels com?diens? L'autre jour, un millionnaire expirait dans son luxe et dans sa magnifique oisivet?. Qui s'en est inqui?t?? Quels regrets cette mort splendide a-t-elle excit?s dans la ville? On a dit: Il vivait, il est mort, et un instant apr?s, except? les h?ritier>>, personne n'y songeait plus. Monrose meurt, il meurt pauvre, et voil? que partout on s'en afflige. Ainsi la foule a d'admirables moments de discernement et de justice; elle est ingrate parfois, et les philosophes n'ont pas manqu? de l'en accuser. Mais entre deux tombes, il est rare qu'elle se trompe et ne se contente pas de donner un regard de curiosit? au mort fastueux, pour aller accompagner de ses adieux le mort utile. C'est ainsi que Monrose a recueilli la part des souvenirs et des regrets, dans cette rencontre fun?bre. Avec le riche s'est ?teint le bruit de ses f?tes retentissantes: sur la tombe de Monrose, survit la m?moire de ses services, de son talent et de l'honn?te plaisir qu'il a donn?. Et qui pourrait nier que la vie d'un com?dien comme Monrose ne soit aussi regrettable qu'elle a ?t? agr?able et utile aux autres? N'est-ce donc rien d'avoir attir? la foule, pendant plus de trente ans, aux jeux po?tiques de la fantaisie et de l'esprit, pour lui offrir anim?s et vivants, par une sorte de merveilleuse incarnation, tous les types sortis du cerveau de nos meilleurs auteurs comiques? L'acteur qui s'associe avec ce bonheur, cette v?rit? et cette puissance aux cr?ations de l'esprit et du g?nie, n'honore-t-il pas, ? son tour, son pays et son ?poque? N'a-t-il point sa place marqu?e ? la droite des hommes illustres dont il a ?t? le traducteur habile et le v?ridique interpr?te?

La com?die avait tout pr?par? pour que Monrose ne p?t lui ?chapper. Fils de com?dien, n? en pleine com?die, il fut pour ainsi dire ondoy? dans la coulisse. Vers 1785, ? Besan?on, naquit Monrose. Autour de son berceau, tout jouait la com?die: p?re, m?re, tantes, fr?res et soeurs. On peut dire que Monrose su?a, au biberon, des fragments de Moli?re, de Regnard, de Marivaux et de Beaumarchais. Enfant, il avait d?j? des airs ?veill?s de Frontin, de Figaro, de Labranche et de Mascarille. Devenu jeune homme, il ne d?g?n?ra point de ses p?res; Monrose lit ses premi?res armes en province, comme Moli?re peut-?tre, entre quatre chandelles sur quelques planches mal closes. Puis, il vint ? Paris; ce fut un grand jour pour notre artiste que le jour o? il monta, Figaro imberbe, sur le th??tre des jeunes ?l?ves, arm? de la guitare et coiff? de la r?sille. On l'applaudit; car il ?tait difficile ? cet oeil intelligent, ? cette vive et mobile physionomie, ? toute cette verve et ? tout cet esprit, de ne pas r?ussir d?s son premier mot. De l?, Monrose passa au th??tre Montansier; par Thalie! c'?tait faire un pas de g?ant. Il y rencontra Brunet et Tiercelin; Potier ne devait pas tarder ? compl?ter le triumvirat. Monrose, tout Figaro qu'il ?tait, eut peur de ces grands noms et de ces grandes renomm?es; dans un acc?s de modestie, il alla chercher des rivaux moins en cr?dit; et ainsi Monrose ?chappa au vaudeville. Moli?re s'en r?jouit et l'adopta d?finitivement.

Monrose fit rire Bordeaux, ?gaya Nantes, amusa l'Italie, ? la suite de mademoiselle Rancourt qui avait l'emploi de l'?pouvanter; quand la sombre Cl?op?tre ou l'implacable Athalie avait donn? le frisson ? Naples et ? Milan, Monrose arrivait, et le sourire et la gaiet? avec lui. L'invasion de 1814 for?a Monrose de rentrer en France, comme s'il e?t ?t? un corps d'arm?e ou un capitaine. Les succ?s qu'il obtint sur le grand th??tre de Lyon ?murent la Com?die-Fran?aise, qui l'appela enfin et lui dit: Sois mon Figaro!

Depuis ce moment, Monrose s'?tait donn? corps et ?me ? l'?tude de son art, au culte des ma?tres de la sc?ne, ? la prosp?rit? du th??tre, aux plaisirs du public, pr?tant aux po?tes anciens et nouveaux le feu de son regard, l'accent vibrant de sa parole, la vivacit? et l'ardeur de son talent incisif. Et partout, en tout temps, avec tout le monde, soit qu'il e?t affaire ? Moli?re ou ? Regnard, ? Dancourt, ? Beaumarchais, ? Boissy, ? Destouches, ? Marivaux, ? Le Sage; soit que Picard, Alexandre Duval, ou M. Scribe, l'appelassent ? leur aide, il leur pr?tait ? tous avec prodigalit?, vieux ou jeunes, hommes de g?nie ou hommes d'esprit, les tr?sors de verve comique dont il ?tait dou?: un organe sonore, mordant et souple, un geste prompt, net, expressif, ?tincelant, un coup d'oeil plein de hardiesse, d'intelligence et de feu, la singuli?re mobilit? d'un masque enjou? et provoquant, la charmante l?g?ret? du jarret et de l'allure, la promptitude du trait et de la r?partie aiguis?e au fil de la parole, et tous ces jets ?blouissants, toutes ces fantaisies audacieuses qui caract?risent le Frontin, le Mascarille et le Figaro; art charmant, qui faisait de Monrose le com?dien le plus piquant, le plus spirituel, le plus d?li?, le plus hardi, le plus entra?nant, et aujourd'hui le plus regrettable.

Maintenant, cette gaiet? est ?teinte et ensevelie. Mais le public sait-il assez tout ce que co?te ? l'acteur le rire qu'il excite et le plaisir qu'il donne? A la fin de sa vie, Monrose ?tait tomb? dans une sombre m?lancolie; il est mort inquiet et profond?ment triste. O public! amuse-toi et ris ? gorge d?ploy?e!--Le cort?ge fun?bre ?tait nombreux: les lettres et le th??tre s'y montraient en deuil. M. Samson a prononc? sur la tombe des paroles touchantes; et qui pouvait mieux parler de Monrose que l'homme dont le talent survivant adoucit sa perte? A ce titre M. R?gnier, de la Com?die-Fran?aise, aurait pu louer Monrose ? cot? de M. Samson.--Ainsi, tout est dit, en ce monde, pour ce charmant com?dien, qui fut en m?me temps un homme de talent et un honn?te homme. Mais quelle voix d?licate et souple chante m?lodieusement du c?t? de l'Op?ra? Cette voix a une douceur et un charme auxquels nous ne sommes plus accoutum?s; elle arrive et chatouille notre oreille meurtrie par les efforts violents et les oeuvres assourdissantes. Qu'est-ce donc? un gosier de fauvette ou madame Damoreau? C'est madame Damoreau! Vraiment, nos seigneurs et ma?tres les th??tres lyriques sont de singuliers sultans: ils avaient l?, en leur pouvoir, cette voix exquise et suave, cette m?lodie qui s'appelle madame Cinti-Damoreau, et les maladroits l'ont laiss?e partir et s'envoler de royaume en royaume, jusqu'au fond de la Russie, comme un ?cho charmant qui s'?teint en s'?loignant, et qu'on ?coute encore. L'?cho est revenu, la f?e m?lodieuse vient de repara?tre au milieu de son cort?ge de notes gracieuses et caressantes, mais de repara?tre un soir seulement, pour recueillir la moisson dor?e et parfum?e d'une repr?sentation ? b?n?fice. N'aurez-vous pas, cette fois, le bon esprit de la garder et de la retenir? et faudra-t-il qu'elle aille encore attendrir les rochers de quelque Norv?ge-, adoucir et civiliser les ours du Volga ou du Don, ou faire marcher les murailles de Novogorod?

On va le soir porter son bravo ? la voix de madame Damoreau; le matin, on avait donn? son offrande aux infortunes de la Guadeloupe: ainsi l'on passe de la charit? au plaisir. Quel meilleur emploi de la vie? Si le plaisir est ing?nieux ? s?duire, heureusement la charit? ne l'est pas moins. Apr?s les bals bienfaisants et les concerts philanthropiques, que faire? Il semblait qu'on f?t ? bout d'attrayantes inventions; mais la charit? a de l'imagination, Dieu merci! Voyez-vous ce palais d'un roi transform? en bazar? Des boutiques, des marchandises, des marchandes s'?tablissent et s'?talent sous ces lambris qui n'ont abrit? jusqu'ici que des princes, des rois et des empereurs. Entrez, Messieurs! entrez, Mesdames! le vaste magasin est ouvert: choisissez ? votre go?t, achetez ? votre fantaisie: l'or que vous jetterez ici retombera en consolations sur une terrible infortune; il donnera du pain aux affam?s et rel?vera les maisons incendi?es. Marie-Am?lie a patronn? de sa protection royale cette vente publique au profit de la Guadeloupe infortun?e, et aussit?t la salle du Palais-Royal, dite salle de la Reine, s'est ouverte ? cette pens?e bienfaisante. Comtesses et duchesses, le faubourg Saint-Germain et la Chauss?e-d'Antin, prennent pince au comptoir. Voulez-vous des tableaux et des bronzes? madame de Chabot en tient un entrep?t complet. Des bretelles ou des gants? voyez madame de Montesquiou. Madame de Coigny ne laisse rien ? d?sirer pour la confection des ch?les et des mantelets; et pour la bijouterie, mesdames d'Elchingen, de Fezensac, d'Hautpoul et de Castellane n'ont pas leurs pareilles. N'oubliez pas surtout mesdames de Tr?vise, de Praslin, de S?gur, de Montjoye, d'Audenarde, du Roure, de Lariboissi?re, de Vatry, etc., etc., elles sont assorties ? la derni?re mode et dans le go?t du jour.

N'ayant pas de babilles ? gagner comme leurs p?res, les fils des h?ros de l'Empire cherchent un champ de combat dans les arts. Heureux ceux qui trouvent ? y occuper noblement leurs loisirs! Il y a quelques semaines, l'h?ritier d'un nom des plus redout?s et des plus vaillants a lanc?, au second Th??tre-Fran?ais, une petite com?die en vers, faute de pouvoir jeter un escadron sur les Prussiens et les Cosaques. Aujourd'hui c'est M. le prince de la Moscowa qui dirige une arm?e harmonique dont il est le fondateur et le g?n?ral. Les diff?rents r?gimens, fl?tes, violons, basses, bassons, tout ce qui constitue la grande arm?e musicale, ont fait l'autre jour leurs manoeuvres dans la salle de Hertz. M. le prince de la Moscowa commandait avec un sang-froid et un talent remarquables, et son arm?e a triomph? sur toute la ligne. Quelle plus charmante et plus agr?able victoire, aujourd'hui que le temple de Janus est ferm?!

La pierre de taille envahit Paris de plus en plus: c'est le moment de s'?crier comme Horace: <> Un pauvre jardin ?tait ?chapp?, sous mes fen?tres, ? la f?rocit? de la truelle; ils viennent de le d?truire! et quelle saison ont-ils choisie pour cet assassinat? le mois de mai, le temps on la victime me souriait dans sa jeune verdure et renaissait. Un lilas en fleurs est rest?, charmant, parfum?, ?talant sa robe embaum?e. Le premier jour, ? la vue de cette fleur si tendre, le coeur leur a manqu?; mais, les ma?ons qu'ils sont, ils la tueront demain!

Les grands pr?paratifs pour le bal de M. Sauzet continuent; il est surtout question d'un souper monstre: le pr?sident de la Chambre des D?put?s irait sur les bris?es de Lucullus. M. Sauzet est pourvu, dit-on, d'un Vatel bien capable, par ses talents superfins, de sortir victorieusement de cette grande nuit culinaire. Un d?put? du centre, ami particulier de M. Sauzet, vient d'?tre mis en communication avec ce grand homme, pour s'entendre sur le menu: M. Sauzet a bien d'autres soins en t?te, et le repas parlementaire qu'il pr?side tous les jours en s?ance publique lui suffit et au-del?. L'ami s'entretenait donc avec le grand Vatel.--Vous savez que nous avons toute la Chambre, lui dit-il, la gauche et la droite, le centre, le tiers-parti et les extr?mit?s. Comment pouvez-vous traiter tous les partis?--Monsieur, r?pondit fi?rement Vatel, comme homme, j'ai une opinion; mais comme cuisinier, je n'en ai pas.>>

Le Champ-de-Mars lui-m?me n'?chappera pas ? la sp?culation. On annonce qu'une soci?t? s'est form?e pour le prendre ? bail, et le transformer en caf?-restaurant et dansant. Nous arriverons, peu ? peu, ? faire une salle de billard de la plaine Saint-Denis.

Cours scientifiques.

SORBONNE.

ZOOLOGIE.--M. DUCROTAY DE BLAINVILLE.

Afin de faire mieux comprendre ? ses auditeurs ces notions si ?lev?es, M. de Blainville affectionne la figure suivante:

Homme Singe Chat Oiseau Pt?rodactyle. L?zard. Grenouille. Serpent. Poisson Insecte. Crabe. Hu?tre. Corail. Infusoires. ?ponges

Ces id?es sont ?troites et mesquines, ce sont les faibles produits de notre intelligence born?e qui veut tout comprendre. Dirons-nous pour cela que tout n'est que myst?re, que nous ne pouvons rien lire dans le livre de la nature? Loin de l?. Il est sans doute de grandes lois qu'il a ?t? donn? ? l'homme de d?couvrir ? force de patience et de g?nie; mais il ne faut pas trop se h?ter de conclure. Soyons timides dans nos recherches. L'homme seul met en oeuvre de petits moyens pour arriver au but; mais les lois qui dirigent le monde sont grandes comme la cr?ation elle-m?me.

M. de Blainville s'attache ? d?montrer que la s?rie animale ?tant une s?rie d?croissante, tous les organes doivent exprimer cette d?croissance, toujours plus visible ? mesure que l'on descend l'?chelle des ?tres. Ainsi, si nous prenons pour exemple la grande division des mammif?res, les quadrup?des de Buffon, le premier d'entre eux sera le plus voisin de l'esp?ce humaine, et le dernier le plus rapproch? des oiseaux, qui suivent imm?diatement les mammif?res. Les diff?rences successives se traduiront ? l'ext?rieur par des d?g?n?rations correspondantes dans les organes. Les changements qui se manifestent dans l'organisation des animaux devant influer en premier lieu sur l'appareil digestif, puisqu'avant tout l'animal se nourrit. Olivier, pour exprimer ces caract?res diff?rentiels, avait donn? une tr?s-grande importance au syst?me dentaire. Mais avant de m?cher ses aliments, l'animal doit les porter ? sa bouche, et, quand c'est un ?tre sup?rieur, c'est ? l'aide de la main que ce mouvement s'ex?cute. Aussi M. de Blainville a-t-il ?tabli ces divisions sur les caract?res tir?s de la perfection plus ou moins grande de cet organe. D'apr?s sa d?finition, la main la plus parfaite sera celle dans laquelle les doigts seront le plus ind?pendants les uns des autres dans leurs mouvements. Or ce caract?re ne se montre nulle part dans la s?rie animale d'une mani?re plus compl?te que dans l'esp?ce humaine. Et, si nous suivons la s?rie des mammif?res, nous trouvons que la main se d?grade toujours davantage; les doigts, encore tr?s-libres chez les singes, qui de tous les animaux sont les plus voisins de l'homme, le deviennent bient?t moins dans les chats, chez lesquels l'ongle les recouvre en partie, et finissent par se souder enti?rement chez le cheval, on l'on ne trouve plus qu'un seul doigt, rentrant pour ainsi dire dans l'ongle qui l'enveloppe pour constituer le sabot. Dans les c?tac?s, dont l'organisation est si loin de la n?tre, la main a perdu tous ses mouvements, une peau dure et coriace la recouvre et la transforme en rame.

Un second caract?re de sup?riorit? tir? de la main, et qui est encore port? au plus haut degr? possible dans l'esp?ce humaine, est la diff?rence extr?me qui existe entre la main et le pied Suivant la remarque ing?nieuse de Bichat, dans la main, la partit.' la plus consid?rable de l'organe est destin?e au mouvement; dans le pied, c'est le contraire, la plus grande partie du membre est consacr?e ? l'immobilit?, conformation que la station bip?de rendait indispensable. Chez les animaux il n'en est plus ainsi, la main devient toujours plus semblable au pied, et dans certaines esp?ces, le cheval par exemple, cette similitude est port?e ? un tel point qu'il faut quelques connaissances anatomiques pour distinguer au premier coup d'oeil le squelette du membre ant?rieur de celui du membre post?rieur.

Pour donner ? nos lecteurs quelque id?e de la mani?re dont M. de Blainville expose les faits, nous avons pris la main pour exemple; mais tout autre organe aurait pu remplir ?galement bien notre but. D'apr?s les id?es de l'illustre professeur, tous les organes des animaux ne sont en effet que des d?pendances du syst?me nerveux, et sont d'autant plus parfaits que ce syst?me est plus d?velopp? lui-m?me. De l? la d?licatesse extr?me, le m?canisme admirable de nos organes, instruments aveugles de l'intelligence. Mais de l? aussi l'imperfection de ceux de ces ?tres inf?rieurs qui sont pour ainsi dire aussi loin de l'homme sous le rapport physique que sous le rapport intellectuel et moral.

Une visite ? la Chambre des D?put?s..

Tout le monde, en France, s'occupe de la Chambre des D?put?s; on en parle au moins une fois chaque jour en chaque commune de France. L'habitant de la province, lorsqu'il vient ? Paris, ne manque pas plus de visiter le palais des repr?sentants, qu'un vrai croyant de se prosterner dans le temple de la Mecque. Cependant, peut-?tre en est-il de la Chambre comme de beaucoup de choses qu'on a sous les yeux, et qu'on se contente de voir sans jamais les regarder; peut-?tre une vue d'ensemble manque-t-elle ? ceux qui connaissent bien les d?tails, une vue des d?tails ? ceux qui connaissent l'ensemble. Voulez-vous, lecteur, m'accepter pour cic?rone, et me suivre au palais de ceux qui ont l'honneur d'?tre nos repr?sentants, ou, si vous l'aimez mieux, qui nous font l'honneur de nous repr?senter?

Chemin faisant, et pour semer la route de r?flexions conformes ? l'objet de notre voyage, jetons un moment les yeux, s'il vous plait, sur les vicissitudes du gouvernement repr?sentatif, dans notre pays, depuis son origine. Il n'a pas encore soixante ans d'existence, ce qui para?t, pour les gouvernements, figurer ? peu pr?s les mois de nourrice, et pourtant que de changements, que de retours, que de convulsions dans ce berceau! Les peuples en r?volution semblent, sous la main de Dieu, comme un balancier sous une main puissante. Sous cette impulsion, le pendule d?crit d'abord un secteur ?norme, et atteint, du premier bond, un point bien ?loign? de son point de d?part; puis, par un retour subit, il revient sur lui-m?me avec furie, et d?passe dans sa course r?trograde l'endroit d'o? il avait pris son ?lan. Enfin, apr?s quelques oscillations, il se fixe et s'arr?te sur un point interm?diaire, r?trograde, si on ne pense qu'? celui qu'il avait d'abord atteint; progressif, si on consid?re celui qu'il avait quitt?. Ainsi nous avons vu le balancier populaire, une fois mis en branle par la Constituante, s'?lancer jusqu'? la Convention, puis revenir jusqu'au despotisme arm? de l'Empire, plus dur, peut-?tre, plus solide et plus prestigieux certainement que celui de l'ancienne monarchie; enfin, apr?s les oscillations de 1814 et de 1815, s'asseoir et se suspendre dans ce qu'on a nomm? le r?gime constitutionnel.

Cette rapide excursion ? travers le pr?c?dent demi-si?cle nous a conduits ? la porte du Palais-Bourbon.

Si nous somme>> venu>> par la place de la Concorde, croyez-moi, ne regardons pas long-temps l'?difice. Il est lourd sans m?me avoir l'apparence de la grandeur, nu sans les semblants de la simplicit?. Ces murs aveugles qui s'attachent comme deux ailes ? la colonnade du fronton, sont du style le plus indigent, et offrent l'aspect d'un b?timent inachev?. Mais Alcibiade, comment? par Rabelais, nous apprend que la docte antiquit? elle-m?me renfermait dans le>> bo?tes les plus bizarres les plus pr?cieux onguents; ne nous arr?tons dont pas ? l'apparence, et entrons ensemble dans le palais.

Voici d'abord une premi?re salle d'attente ou se tiennent quelques personnes de la livr?e de la Chambre. Elles doivent v?rifier les cartes d'admission dont il faut ?tre porteur pour p?n?trer plus avant. Telle est la consigne rigoureuse, mais elle n'est pas toujours ex?cut?e, et il est rare, au contraire, qu'on ne puisse passer directement dans la salle suivante, qu'en style de palais on appelle la salle des Pas-Perdus. Deux groupe>> de bronze se font face aux deux extr?mit?s.

L'un est une cent milli?me reproduction du Laocaon antique. Quoique dans la salle des s?ances, qui ouvre sur celle-ci, on parle souvent de l'hydre de l'anarchie, on m'a assur? que le serpent mythologique n'?tait nullement une allusion. L'autre groupe se compose de Paetus et de sa femme: ce groupe, qui, malgr? la gravit? du lieu, doit rappeler aux d?put?s leurs plaisanteries de coll?ge, n'est pas plus symbolique que le premier; car l'exaltation toute sto?cienne du suicide et du m?pris de la vie, qu'il repr?sente, n'a pas de sens applicable, que je sache, ? nos pacifiques citoyens venant discuter annuellement les affaires du pays. Cette salle des Pas-Perdus pr?sente g?n?ralement un aspect assez anim?. Des groupe affair?s s'y croisent en tous sens. Ici, c'est une famille de province qui accoste un huissier de la Chambre et l'envoie demander le d?put? de l'arrondissement d'o? elle vient pour qu'il lui donne des billets d'entr?e. L?, c'est un solliciteur de fonctions publiques qui entretient un d?put? de sa p?tition; le d?put?, soucieux, ennuy? comme un homme ? qui on demande; le solliciteur, pressant, ?nergique, magniloquent comme un homme qui demande. Plus loin, un d?put? prie un journaliste de rectifier une erreur qui s'est gliss?e dans le compte-rendu d'une des opinions qu'il a soutenues dans les bureaux. On cause, on va, on vient dans cette salle, avant, pendant et apr?s les s?ances.

Je ne vous parlerai pas de la salle des Conf?rences, ni de la biblioth?que, ni de la buvette, qui ne sont pas des lieux ouverts au public: je dirai seulement, comme un trait de moeurs qui n'est pas sans importance, que la buvette ne date que de l'Empire pour les assembl?es d?lib?rantes. Peut-?tre leur avait-elle ?t? donn?e pour les consoler de ne pas d?lib?rer. La buvette de l'ancien r?gime, que d?funte Batonette a illustr?e, ainsi que les serviettes qu'elle en emportait, ?tait pour la Convention, par exemple, parmi les traditions d'un pass? d?truit. Ce petit fait, si les recherches qui me l'ont fait conna?tre sont exactes, en dit plus qu'on ne pense: car il est notoire qu'il faut que les d?put?s, comme les autres hommes, se trouvent dans des circonstances bien terribles pour qu'ils oublient de se rafra?chir.

Les tambours ont battu aux champs. Le pr?sident a pass? devant la haie des gardes qui lui pr?sentent les armes. Il entre dans la salle, et la s?ance est ouverte. On peut dire que chaque s?ance a sa physionomie distincte: quelquefois agit?e, passionn?e, sombre, concentr?e; souvent calme, tranquille, assoupie, selon la nature des questions qui s'y succ?dent. Cependant cette vari?t? n'est pas sans quelque fond d'uniformit?. Il y a des traits fondamentaux qui ne changent pas ou qui du moins ne se modifient gu?re, et parmi lesquels on peut compter l'absence de solennit? dans la tenue de l'assembl?e. Presque toujours, au commencement des s?ances, la Chambre ressemble, qu'on me passe la comparaison, ? une classe d'?coliers indociles: les huissiers crient: Silence! au milieu du bruit; le pr?sident agite en vain sa sonnette; l'orateur qui est ? la tribune s'entend ? peine lui-m?me et n'est entendu de personne.

MM. A. Entr?es de MM. les D?put?s. G. Couloir de gauche. 14. Soult, id. D. Couloir de droite. 15. Duch?tel, id. B. Tribune des orateurs. 16. Guizot, id. 17. Berryer, d?put? 1. Le pr?sident de la Chambre. 18. Salvandy, id. M. Sauzet 19. Thiers, id. 2. Secr?taires: MM Boissy-d'Anglax, 20. Lefebvre, id. Las Cases.... 21. Carn?, id. 3. Secr?taire MM. de l'Esp?e 22. Jaubert, id. Lacrosse. 23. S?bastiani, id. 4. Huissiers. 24. Fulchiron, id. 5. Secr?taire de la pr?sidence. 25. Gouin, id. 6. St?nographes. 26. Dupin, id 7. Bnreau du Moniteur 27. Vivien, id. 28. Boudet, id. MM. 29. G. de Beaumont. 30. Tocquevilie, id. 8. Cunin-Gridaine, ministre 31. Delessert, id. 9. Teste, id. 32. Vitet, id. 10. Villemain, id. 33. Duvergier de Hauranne, id. 11. Martin id. 34. R?musat, id. 12. Duperr?, id. 35. Billaut, id. 13. Laplagne, id. 36. Jacqueminot, id.

Il y a plusieurs causes ? cette simplicit? bourgeoise des s?ances: le d?faut d'uniforme y est pour quelque chose, mais surtout le caract?re et la position sociale des membres de la d?putation. Industriels pour la plupart, ils n'ont ni l'habitude, ni le go?t, ni le besoin de ces formes que les aristocraties se plaisent ? multiplier, et qui y sont en effet non-seulement des privil?ges, mais des garanties et des libert?s. Au contraire, ces formes r?pugnent aux pouvoirs d?mocratiques, pour qui elles n'ont plus de sens ni d'utilit?: et plus ceux-ci ont d'attrait et de puissance r?elle, plus ils d?daignent l'apparat et le costume. A la Chambre, les d?put?s causent entre eux avec le laisser-aller du coin du feu; cependant ils votent une loi qui obligera trente millions d'hommes. Ils sont l? quatre cents citoyens pour la plupart dans un costume plus que simple et que rien ne distingue; cependant ils sont en fait le premier pouvoir de l'?tat.

Pour qui arrive ? la Chambre des D?put?s avec la r?solution de ne voir que les faits actuel, sans la juger au point de vue du droit et de la th?orie, l'audition des s?ances est encore un sujet de graves r?flexions. Ces, hommes, ? qui la loi a impos? le p?rilleux devoir de r?glementer leurs semblables, ces hommes qui d?cident en dernier ressort de toutes les questions d'autorit? et de libert?, de religion et de morale, d'?conomie politique et de droit public, du moins dans ce qu'elles ont d'ext?rieur, pour ainsi dire, et d'applicable ? la vue des nations, ces hommes sont-ils par leurs lumi?res par leurs moeurs, tout ? fait ? la hauteur de cette mission redoutable? Ont-ils tous ? un degr? assez ?lev? l'amour d?vou? de l'humanit?, eux qui ont une t?che cent fois plus difficile et plus haute que de la gouverner; celle de la r?gler et de la conduire? Sont-ils tous mus par le sentiment religieux et ?clair?e de la marche incessante des hommes vers le mieux, sans lequel la loi ?troite et injuste devient une barri?re qui parque les peuples dans le malheur et dans l'ignorance, au lieu d'?tre la source f?conde de leur am?lioration dans la science du bien-?tre ou dans la science plus importante des moeurs? Il n'entre pas dans nos intentions de faire ici une satire trop facile et trop commune! Aucune malveillance ne nous anime, et ce serait sans vouloir diminuer en rien la sinc?rit?, la dignit?, ni les talents d'aucun des membres de la Chambre, qu'apr?s nous ?tre pos? ces questions nous h?siterions ? les r?soudre par une heureuse affirmative. Il n'est que trop vrai que ce terne mat?rialisme, qui des doctrines philosophiques du dix-huiti?me si?cle est aujourd'hui pass? dans les moeurs, et qui forme comme la religion de nos contemporains, est trop fid?lement repr?sent? ? la Chambre par la majorit?. Qui peut le nier? La majorit? y est incr?dule et indiff?rente. Les questions mat?rielles y ont le pas sur les questions morales: et qu'on ne dise pas que c'est l? une n?cessit? de la politique pratique, une tendance utile qu'il faut encourager plut?t que la restreindre: car, encore qu'il soit hors de doute que les int?r?ts mat?riels d'un peuple sont dignes de toutes les m?ditations du l?gislateur, il n'est pas moins incontestable que les questions d'int?r?t mat?riel elles-m?mes sont susceptibles d'?tre trait?es dans un esprit moral, que dis-je? ne peuvent ?tre compl?tement et efficacement r?solues que lorsqu'un esprit moral les a ?tudi?es, ?clair?es, agrandies en les rattachant aux questions d'ordre sup?rieur, dont on ne les s?pare jamais impun?ment. Or, c'est la ce qui manque surtout ? la Chambre. Certains ?conomistes peuvent se plaindre qu'elle n'apporte pas assez de lumi?res sp?ciales, qu'elle n'ob?isse pas toujours dans ses d?cisions au mouvement progressif de la science contemporaine. Tout en admettant la justice de ces critiques, je dirais volontiers que ce ne serait l? qu'un m?diocre mal, qu'un mal pour ainsi dire in?vitable. Les savants, comme les philosophes, vont toujours plus avant que leur si?cle>>, et on ne peut faire un crime ? celui-ci de ne les suivre qu'? pas in?gaux. Mais lorsqu'? des lumi?res sp?ciales, m?me assez born?es, se joint un grand sens de la marche de l'humanit?, une ?quitable conscience du droit et du devoir, tout se r?pare, tout s'accomplit dans une mesure suffisante, rien ne se d?chire v?ritablement dans le tissu de cette grande trame dont Dieu a voulu que les si?cles fussent les tisserands. Et, je le r?p?te avec regret, c'est ce g?nie de l'ensemble, cette compr?hension philosophique des choses, cette active et g?n?reuse passion du bien public, ce sont toutes ces vertus essentielles du l?gislateur qui sont souvent ? d?sirer dans l'assembl?e de nos repr?sentants. On y est trop port? ? n'imaginer que la politique consiste dans le d?dain des grands probl?mes de notre destin?e, et se renferme tout enti?re dans je ne sais quelle prudence ?go?ste, quelle administration plus ou moins habile des int?r?ts de l'industrie, isol?e de tous les autres mobiles de l'activit? humaine On dira qu'il est impossible que les repr?sentants d'une soci?t? engourdie dans le mat?rialisme aient un autre g?nie que le genre de la soci?t? qu'ils repr?sentent. Sophisme, argument fataliste contre lequel doivent armer tous les nobles instincts. Sans doute il y a dans la loi du d?veloppement des peuples une force secr?te qui les entra?ne, mais cette force n'est pas irr?sistible: mais les soci?t?s, comme les hommes, ne sont elles-m?mes ce qu'elles sont, mais il leur reste toujours l'initiative morale et la puissance n?cessaire pour l'accomplir. Que les d?put?s se souviennent que c'est d'en haut que viennent les exemples puissants ?nergiques, invincibles pour les masses; qu'ils se fassent la g?n?reuse avant-garde de toutes les id?es de civilisation, de morale, de droit, d'?quit?, d'am?lioration du sort des classes souffrantes, et, quel que soit le sommeil qui s'est appesanti sur les ?mes, le concours de la nation ne leur faillira pas. Nous sommes toujours les fils de ceux qui mouraient pour sauver l'int?grit? du pays apr?s avoir fond? sa libert? politique: et jamais les lois de l'honneur, du courage, de l'humanit? et du patriotisme, ne seront invoqu?s avec sinc?rit? et conviction sans ?veiller aussit?t dans toutes les fibres de la France un long et immense fr?missement.

Femmes Fran?aises

AUTEURS DRAMATIQUES.

BRUTUS.

N'ach?ve pas: dans l'horreur qui m'accable, Laisse encore douter ? mon esprit confus S'il me demeure un fils, ou si je n'en ai plus.

TITUS.

Non, vous n'en avez point, etc.

Voici le m?me passage dans Voltaire:

Arr?te, t?m?raire: De deux fils que j'aimais le ciel m'avait fait p?re; J'ai perdu l'un; que dis-je! Ah! malheureux Titus, Parle, ai-je encore un fils?

TITUS Mon, vous n'en avez plus.

Th??tres.

Nous voici d'abord ? Collatie, dans la maison de Lucr?ce; le mari de Lucr?ce, Collatin, est absent,--occup? au camp des Tarquins qui assi?gent Ard?e. Lucr?ce cherche-t-elle dans Rome quelque distraction ? ce veuvage? Gardez-vous de le croire. Simplement et chastement retir?e dans la pudeur et la modestie du foyer domestique, elle se livre aux soins de sa maison. Ses esclaves, arm?es de fuseaux, filent de la laine, et elle fait comme ses esclaves. Cependant sa nourrice s'inqui?te: Lucr?ce aurait besoin de repos et de sommeil.

Faut-il donc que vos yeux s'usent, toujours baiss?s, A suivre dans vos doigts le fil que vous tressez?

Les veilles fatigueront sa jeunesse. Un peu de plaisir et de danse ram?nerait la joie et le sourire dans ce foyer d?sert. Ainsi parle la nourrice; mais Lucr?ce aussit?t de l'accuser de manquer de sagesse et de pudeur. Peu lui importe que le travail ternisse sa beaut?! Ce qu'elle vont pr?server, c'est la beaut? de son ?me et sa pudeur. Son a?eule l'a instruite aux moeurs laborieuses et pures; elle restera fid?le aux le?ons de son a?eule.

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