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Read Ebook: La Nation canadienne Étude Historique sur les Populations Françaises du Nord de L'Amérique by Gailly De Taurines Ch

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Ebook has 882 lines and 74538 words, and 18 pages

LA NATION CANADIENNE

L'auteur et les ?diteurs d?clarent r?server leurs droits de reproduction et de traduction en France et dans tous les pays ?trangers, y compris la Su?de et la Norv?ge.

Ce volume a ?t? d?pos? au minist?re de l'int?rieur en janvier 1894.

PARIS. TYP. DE E. PLON, NOURRIT ET Cie, RUE GARANCI?RE, 8.

LA NATION CANADIENNE

?TUDE HISTORIQUE SUR LES POPULATIONS FRAN?AISES DU NORD DE L'AM?RIQUE

PAR

Ch. GAILLY DE TAURINES

PARIS E. PLON, NOURRIT ET Cie, IMPRIMEURS-?DITEURS RUE GARANCI?RE, 8

INTRODUCTION

La nation canadienne! Voici un terme nouveau dans la classification des peuples. Le nom de Canada et de Canadiens, il n'y a pas bien longtemps encore, n'?veillait gu?re dans l'esprit des Fran?ais que l'id?e des <>, du froid, des sauvages et des castors.

De ce que la France e?t poss?d? autrefois ce pays lointain, et de ce qu'elle l'e?t c?d? ? une nation ?trang?re, nous avions le souvenir sans en avoir le regret, et nous partagions sur cette perte la facile r?signation des contemporains de Voltaire.

Mais voici que sous les yeux m?mes de notre g?n?ration, une apparition ?trange est venue troubler la qui?tude de notre oubli. Apr?s une croissance obscure et ignor?e sur cette terre canadienne, un peuple est apparu tout ? coup ? nos regards ?tonn?s, dou? de toutes les qualit?s, de tous les caract?res qui font les nations fortes, et ce peuple ?tait un peuple fran?ais; il sortait des quelques hommes de notre sang que nous croyions d?finitivement perdus sur une terre que nous nous figurions ingrate. Son merveilleux et rapide d?veloppement venait donner un flagrant d?menti ? l'erreur de nos appr?ciations et provoquer en nous de tardifs remords pour l'injustice de notre oubli.

C'?tait donc une terre fertile et riche que ces quelques arpents de neige; c'?tait donc une population robuste et vivace que ces colons abandonn?s il y a un si?cle sur un sol d?daign?!

De cette nation canadienne, nul ne peut aujourd'hui nier ni l'existence, ni les progr?s; les statistiques constatent la merveilleuse multiplication de sa population. Ses repr?sentants viennent en France, y re?oivent les t?moignages de notre sympathie, et ce n'est pas sans un l?gitime orgueil qu'ils traitent presque d'?gal ? ?gal, de nation ? nation, avec une patrie qui a eu si peu de foi dans leur avenir. A juste titre, ils sont fiers de lui d?montrer son erreur.

Ces ?l?ments sont nombreux et complexes. Une nation, c'est une communaut? d'hommes group?s sur un m?me territoire et reli?s entre eux par des sentiments communs. Les Canadiens r?unissent tous ces caract?res.

Leur population est une de celles dans l'univers entier dont l'augmentation est la plus rapide. Leur territoire est riche et productif: non seulement il suffit ? ses habitants, mais il livre en outre tous les ans des centaines de millions ? l'exportation. Le sentiment national enfin, qui unit entre eux les Canadiens, est ardent, tenace, fier et in?branlable.

Le territoire et la population sont les ?l?ments les plus sensibles et les plus ?vidents, mais ce ne sont ni les principaux ni les plus forts; les liens invisibles et presque ind?finissables du patriotisme contribuent autrement ? la coh?sion et ? la puissance d'une nation. Ces liens, que tout le monde sent mais que personne ne d?finit pleinement, sont ceux qui r?sultent de souvenirs communs, des croyances communes, de travaux accomplis, de souffrances subies c?te ? c?te, de gloire acquise de concert, et d'esp?rances nourries vers un m?me avenir.

Tous ces souvenirs sont entretenus dans l'esprit du peuple par une litt?rature nationale dont l'unique tendance est la glorification et l'amour de la patrie; et de m?me que le titre de Fran?ais r?unit pour nous et r?sume tout ce qu'en dix si?cles nos p?res ont accumul? de gloires et de souvenirs dans notre histoire, celui de Canadien ?voque dans leur coeur l'image de la vieille France leur m?re, condense toute leur histoire, et demeure la seule d?nomination nationale sous laquelle ils veulent ?tre d?sign?s.

D'avantages politiques nous n'avons pas ? en attendre en effet. Mais n'est-ce rien que l'existence en Am?rique d'une nation de langue fran?aise conservant avec opini?tret? d'in?branlables sympathies pour son ancienne patrie? n'est-ce pas l? un contrepoids d?sirable ? la supr?matie par trop grande des peuples de langue anglaise dans le nouveau monde? Il y a trop peu, de par le monde, de terres o? vive notre sang et o? r?sonne notre langue; n'est-il pas consolant de trouver, au del? de l'Oc?an, un peuple qui se pr?pare ? les propager et qui contribue ? donner ? la race fran?aise la place qu'elle doit occuper dans l'Univers?

Les liens qui r?sultent de la communaut? du sang et de la communaut? de la langue sont plus forts que ceux des fronti?res politiques; les uns sont durables et r?sistent ? tous les bouleversements, les autres sont incertains et changeants.

La lutte pour l'existence est la constante destin?e des hommes; au fond du perp?tuel encha?nement de conflits, de guerres, de bouleversements et de r?volutions que nous montre l'histoire, il est facile de reconna?tre l'?ternelle rivalit? des races. D'une fa?on apparente ou cach?e, l'histoire politique tout enti?re est subordonn?e ? l'histoire ethnographique. Les guerres et les trait?s ne sont que les ?pisodes du grand drame qui entra?ne l'humanit? tout enti?re, toujours luttant et toujours combattant, vers sa myst?rieuse destin?e. Nul ne demeure en repos: il faut attaquer ou se d?fendre, et les races les plus fortes, les plus intelligentes et les plus nombreuses, finissent par l'emporter sur les autres et par les dominer.

Dans cet ?ternel combat, toujours renouvel? et jamais fini, c'est pour la race fran?aise que lutte la nation canadienne!

LA NATION CANADIENNE

PREMI?RE PARTIE

ORIGINES ET ?VOLUTION HISTORIQUE DE LA NATION CANADIENNE

CHAPITRE PREMIER

LES ORIGINES.

Emport? par la vapeur sur un luxueux paquebot, le voyageur qui arrive ? Qu?bec par le majestueux estuaire du Saint-Laurent, peut difficilement se faire une id?e de ce qu'?tait, il y a trois si?cles ? peine, la fertile et riche contr?e ?tendue sous ses yeux.

Cette c?te riante, toute couverte de moissons, toute pointill?e de blanches maisons, toute parsem?e de villages qui font briller au soleil l'?clatante toiture m?tallique de leurs clochers, ces vall?es ombrag?es qui viennent jeter au grand fleuve l'eau bondissante de leurs ruisseaux, ces prairies, ces collines si coquettes, tout ce panorama changeant et plein de vie que la marche du navire d?roule avec rapidit? aux regards ?merveill?s des passagers; tout ce mouvement, toute cette activit?, toute cette richesse n'?taient, ? une ?poque qui n'est pas bien ?loign?e de nous, que silence, d?sert et solitude.

Quand en 1535, pouss? par ce vent de d?couvertes qui soufflait depuis Colomb, le marin malouin Jacques Cartier remonte pour la premi?re fois le cours du grand fleuve, il ne trouve sur ses rives que des for?ts sans limites, et, pour toute population, que quelques pauvres tribus indiennes.

Camp? sur la rive pour y passer l'hiver, il voit, ? cet endroit m?me o? s'?l?vent aujourd'hui les fi?res murailles et les gracieux monuments de Qu?bec, ses compagnons d?cim?s par le froid, les maladies et la faim!

Il faut lire le r?cit de cet hivernage dans la relation m?me qu'en a laiss?e Cartier. Une affreuse ?pid?mie, le typhus, d?cimait ses compagnons. Le mal s?vissait avec une telle fureur qu'? la fin de f?vrier, des cent dix hommes de sa flotte, trois ou quatre ? peine restaient capables de porter ? leurs compagnons les soins que r?clamait leur pitoyable ?tat. Vingt-cinq d'entre eux succomb?rent au fl?au. Cartier fit faire l'autopsie du cadavre de l'un d'eux, Philippe Rougemont, d'Amboise, et il relate avec minutie dans son journal tous les d?tails de cette triste op?ration.

<>

Plus de quarante des autres compagnons de Cartier ?taient dans une situation d?sesp?r?e, lorsqu'une femme indienne indiqua ? leur chef un arbre dont l'?corce devait ?tre un rem?de au terrible mal, et qui, en effet, rendit bient?t aux malades <>. <>

Rebut? par tant de difficult?s et de traverses, Cartier, d?s le retour de la belle saison, s'empressa de quitter les eaux du Saint-Laurent et ne laissa sur ses rives aucun ?tablissement durable.

Il fallut aux fondateurs de colonies un coeur fortement tremp?, une triple cuirasse d'airain, comme dit Horace, pour aborder ces pays sauvages et tenter, au milieu des privations et des dangers, de s'y cr?er de nouvelles patries. Ils ob?issaient ? cette force invincible qui fait marcher les peuples vers de myst?rieuses destin?es; le nouveau continent ?tait ouvert ? l'Europe, ils allaient le conqu?rir pour elle.

C'est par ses ordres directs et contre l'avis, bien aveugle cette fois, avouons-le, du sage Sully, que dans l'?t? de l'ann?e 1608, le navigateur saintongeais, Samuel de Champlain, remontait les rives solitaires du Saint-Laurent, examinant la c?te, cherchant sur quel point il pourrait d?barquer avec ses hommes pour ?tablir la colonie qu'il avait mission de fonder.

Par une belle journ?e de soleil, le 3 juillet, il arrivait en vue d'un promontoire <> qui dominait au loin un coude majestueux du grand fleuve. C'?tait <>, comme il le rapporte lui-m?me.

S?duit par l'aspect grandiose de la nature et par la fertilit? du sol, il r?solut de s'arr?ter l?. Aussit?t d?barqu?, dans une modeste maison de bois il ?tablit ses hommes; telles sont les humbles origines de la grande ville de Qu?bec. Elle fut bien longtemps avant de devenir une cit? et ce n'est qu'en 1621 que le premier ?difice en pierre, une ?glise, fut construit par les soins des missionnaires r?collets.

Malgr? la vigoureuse impulsion donn?e par Richelieu au mouvement colonial, malgr? tous les encouragements et tous les soins dont il entoura particuli?rement la colonie naissante du Canada, elle ?tait bien faible encore en 1642. Qu?bec n'?tait alors qu' <>; Montr?al, o? une soci?t? de personnes pieuses venait de fonder une mission, <>, Trois-Rivi?res et Tadoussac, deux petits postes pour la traite des fourrures; et tout cela perdu sur un continent sans limites, la porte de ces pauvres demeures s'ouvrant sur un d?sert de huit cents lieues!

Certes, quiconque e?t vu le Canada en 1642 e?t souri d'incr?dulit? si on lui e?t parl? de sa grandeur future. Quelques colons et quelques cabanes, sont-ce l? les pr?misses d'une nation? Et cependant, c'est bien de ces germes humains, si ch?tifs et si d?biles, pauvres graines jet?es par le vent du destin dans l'immensit? d'un continent, que devait sortir, apr?s deux cents ans de germination et de croissance, la forte nation que nous voyons aujourd'hui prosp?rer et grandir.

L'impulsion dont la colonie avait besoin, c'est Colbert qui la lui donna, et c'est lui qu'on peut consid?rer comme le v?ritable fondateur du Canada.

Le peuplement est le premier besoin d'une colonie. Les diverses compagnies auxquelles Richelieu avait accord?, en ?change de l'obligation d'amener des colons au Canada, le droit d'exploiter le riche et productif commerce de ses fourrures, avaient trop oubli? leurs devoirs pour ne penser qu'? leurs int?r?ts. Les clauses des contrats, qui les obligeaient ? emmener dans chacun de leurs navires un certain nombre d'?migrants, ?taient demeur?es ? peu pr?s lettres mortes, et nous avons dit plus haut combien ?tait faible encore, au milieu du dix-septi?me si?cle, le nombre des habitants de Qu?bec.

Aussi Colbert dut-il prendre d'?nergiques mesures pour provoquer tout d'un coup dans la m?tropole un vigoureux courant d'?migration.

Par ses ordres, les fonctionnaires civils et les autorit?s religieuses, les ?v?ques, les intendants, sont charg?s de rechercher, dans l'?tendue des dioc?ses et des provinces, les personnes des deux sexes d?sireuses de s'?tablir au Canada.

Cette propagande produisit un grand effet; d?s 1663, ce ne sont plus quelques ?migrants isol?s, ce sont de vrais convois qui quittent les c?tes de France et font voile vers Qu?bec. En cette ann?e, trois cent cinquante ?migrants sont en une seule fois embarqu?s ? la Rochelle, et des convois semblables se succ?dent d'ann?e en ann?e durant toute l'administration de Colbert.

En 1667, enfin, un r?giment entier, fort de vingt compagnies, le r?giment de Carignan-Sali?res, d?barque ? Qu?bec et porte l'ensemble de la population ? plus de 4,000 ?mes. C'est alors vraiment que le Canada est cr?? et commence ? devenir non plus un poste de traite, ni une mission, mais une colonie.

Le r?giment de Carignan, dont M. de Sali?res ?tait colonel, rentrait ? peine de cette campagne de Hongrie, o? le mar?chal de La Feuillade, le comte de Coligny et les troupes fran?aises avaient apport? ? l'Empereur, contre l'invasion des Turcs, un secours si puissant et si opportun.

Ce r?giment tout entier re?ut au Canada la r?compense de ses services.

A mesure qu'ils obtenaient leur cong?, officiers et soldats recevaient des terres. Les officiers, presque tous gentilshommes, prenaient naturellement pour censitaires les hommes qui avaient servi dans leurs compagnies. C'est ainsi que l'on forma, tout le long de la rivi?re Richelieu, au sud de Montr?al, sur la fronti?re la plus expos?e aux attaques des Iroquois, une sorte de colonie militaire qui, tout en concourant au progr?s de la culture et du peuplement, servait en m?me temps comme de rempart contre un ennemi toujours en ?veil, toujours pr?t ? s'?lancer pour d?vaster le pays.

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