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Read Ebook: L'Illustration No. 3256 22 Juillet 1905 by Various

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Ebook has 169 lines and 12498 words, and 4 pages

COURRIER DE PARIS

JOURNAL D'UNE ?TRANG?RE

Nous avons fait de la vapeur et de l'?lectricit? nos esclaves, trouv? des rem?des g?niaux aux maux humains; nous avons invent? le t?l?phone, le cin?matographe et la t?l?graphie sans fil; nous saurons demain, peut-?tre, diriger un a?rostat dans la temp?te; nous photographions l'invisible; nous creusons sous les montagnes des tunnels de dix lieues et nous nous entre-tuons, sans nous voir, ? quinze kilom?tres de distance. Tout cela est beau. Mais qu'une embarcation, large comme un bateau de p?che et o? quinze hommes ? peine peuvent tenir, glisse au fond de l'eau, dans un peu de boue, et voil? notre g?nie d?sarm?. La mer est calme comme un lac; ? cinq cents m?tres du bateau disparu, un arsenal offre aux naufrag?s le secours d'un outillage formidable; on s'empresse, on met en oeuvre toutes les comp?tences, tous les courages; et, pendant ce temps, quatorze cr?atures humaines, qu'on ne peut sauver, agonisent, meurent de faim, de soif, d'asphyxie. Il faut travailler huit jours pour amener ? fleur d'eau cette coquille de noix. Huit jours... A peu pr?s, je crois, le temps qu'on met aujourd'hui pour aller du Havre ? Chicago!...

... A l'occasion du 14 Juillet, quelques anciens soldats viennent d'?tre d?cor?s de la m?daille militaire. J'ai lu dans les journaux la liste de leurs noms. Ils sont quatorze. La plupart d'entre eux sont des combattants de 1870 qui ont attendu pendant trente-cinq ans que le gouvernement daign?t s'int?resser ? eux, reconna?tre leurs services et les r?compenser. Encore ceux-l? n'ont-ils pas trop sujet de se plaindre; ce sont les favoris?s, sur qui la R?publique <>. A c?t? de ces chan?ards, j'en rencontre deux, en effet--nomm?s Caseneuve et Marchand--qui, simples soldats, furent <>. Ce sont aujourd'hui de pauvres vieux. Depuis cinquante ans, silencieusement, ils guettaient la r?compense esp?r?e; elle n'arrivait pas vite; ces troupiers n'avaient sans doute ni s?nateurs ni d?put?s dans leurs familles. Caseneuve et Marchand donnent un bel exemple de patience ? la jeunesse. Ils sont la preuve que tout arrive, m?me les choses qu'on a fini de d?sirer.

Mais comment ces aventures comiques sont-elles possibles? L'?tat n'ignorait ni l'existence ni les titres de Caseneuve et de Marchand, puisque, depuis un demi-si?cle, il les pensionnait. Qu'attendait-il, au juste, pour ajouter ? son aum?ne la gloire d'un petit bout de ruban? On m'a racont? que l'ancienne chanteuse Scriwaneck, ayant appris que sa photographie avait ?t? trouv?e, en 1870, dans la poche d'un soldat mortellement bless?, s'?tait ?cri?e: <>

A l'?gard des deux mutil?s de S?bastopol, la grande Chancellerie ne pouvait invoquer ce genre d'excuse. Il y a cinquante ans qu'elle <>...

Une baraque ? la f?te de Montmartre. Mieux qu'une baraque: un vrai th??tre, tout fleuri de lampes ?lectriques. C'est f?te. Il est onze heures du matin et l'on distribue aux petits forains leurs prix de l'ann?e, car les petits forains ont une ?cole et deux institutrices, aussi nomades qu'eux-m?mes, qui les accompagnent dans leurs d?placements. Je passais l?. Cette illumination, en plein jour, d'une baraque de foire et le bruit de l'orchestre invisible m'intriguaient. J'ai demand? ? voir. Le plus obligeamment du monde, un colosse en habit noir et cravat? de blanc m'a conduite dans la salle et fait asseoir pr?s d'une table o? s'empilaient des livres rouges ? tranches dor?es et des couronnes en papier peint.

Les forains eux-m?mes deviennent des <>, et le saltimbanque, en s'enrichissant, s'embourgeoise. Sur le boulevard, entre deux roulottes toutes neuves dont les portes d'entr?e se faisaient face, une jeune femme, d'excellente mine, appr?tait le d?jeuner. Dans l'une des voitures, les fourneaux bien astiqu?s o? fumait un odorant fricot; le couvert dress? sur une nappe blanche; dans l'autre, un mobilier presque cossu de petit salon bourgeois; un piano, des vases pleins de fleurs et, tout au fond, le lit de cuivre de la chambre ? coucher tendue de cretonne claire. Je demandai ? la jeune femme: <> Elle eut un sourire modeste:

--Je ne sais pas, me dit-elle, je suis la bonne.

Le chah de Perse ?tait accompagn?, ? Paris, l'an dernier, d'un ministre nomm? Mahmoud Khan qui ne figure point cette ann?e dans sa suite.

--Qu'est devenu Mahmoud Khan? demandait hier un journaliste de mes amis ? l'un des fonctionnaires de l'entourage de Sa Majest?.

--Il est mort, monsieur.

--Le pauvre homme! Il ?tait jeune, pourtant, et semblait jouir d'une sant? admirable.

--Admirable, en effet.

--Il a ?t? malade longtemps?

--Non, monsieur. Il n'a pas ?t? malade du tout. Il est mort d'une fa?on subite.

--Comment cela?

Le fonctionnaire, d'un air embarrass?:

--Il n'?tait pas sympathique au grand vizir.

SONIA.

M. VILLAVERDE

Avocat r?put?, apr?s avoir commenc? sa carri?re publique comme sous-secr?taire au minist?re des Finances, il ?tait devenu pr?fet de Madrid. Il eut, ensuite, les portefeuilles de la Justice et de l'Int?rieur; puis il fonda, avec M. Silvela, la fraction des conservateurs ind?pendants, distincte du vieux parti catholique. Tr?s comp?tent en mati?re financi?re, il avait pris pour la premi?re fois le portefeuille des Finances au lendemain de la guerre qui aboutit ? la perte de Cuba. On le retrouvait au m?me poste en 1903 et enfin au mois de janvier 1905, ?poque o? il succ?dait au g?n?ral Azcarraga, en qualit? de pr?sident du conseil. Le mois dernier, il quittait le pouvoir, renvers? par une coalition de lib?raux et de conservateurs.

M. Villaverde avait donn? des gages de sympathie pour la France. Ses compatriotes lui savaient gr? d'avoir appliqu? ses aptitudes sp?ciales ? la r?forme des abus et au rel?vement du cr?dit national; aussi sa mort a-t-elle ?t? vivement ressentie en Espagne.

LA V?RITABLE AVENTURE

DU "KNIAZ-POTEMKINE"

Constantza, 12 juillet.

Voici le th??tre o? s'est d?roul? le dernier acte d'un drame qui passionna les deux mondes et qui pouvait plus mal finir: Constantza, aujourd'hui encore une toute petite ville maritime, qu'aper?oivent de la porti?re de leur sleeping les voyageurs de l'Orient-Express en route vers Constantinople; demain, quand les travaux formidables qu'on y ex?cute vont ?tre achev?s, un beau grand port, pourvu d'un mat?riel moderne, et rival d'Odessa peut-?tre.

C'est ? Constantza qu'il est revenu achever son inglorieuse odyss?e.

Tout d'abord, le matelot dont la mort d?cha?na cette r?bellion ne s'appelait pas Omeltchouk. Il se nommait Vakoulemtchouk, mais son camarade ignore son pr?nom. Je l'ai recueilli ? Odessa: Gr?gor.

Le Potemkine, qui n'avait pas encore effectu? ses essais d'artillerie, ?tait parti le 12-25 juin de S?bastopol pour Tendra, pr?s d'Odessa, o? il allait y proc?der.

A l'heure de la soupe, bien peu de matelots descendirent. Le commandant Golickof fut avis? de l'incident. Il le prit assez mal. La viande fut soumise par lui ? l'examen du docteur Smirnof, m?decin en chef du navire, qui, bien s?r de ne pas d?plaire ? l'autorit?, donna tort aux matelots.

Alors, le commandant donna l'ordre de r?unir sur le pont tout l'?quipage. Une batterie des tambours de Pogarneatz? retentit. Les matelots s'align?rent en silence ? l'arri?re. Tous les officiers de service et le m?decin ?taient pr?sents.

--Il para?t, dit le commandant Golickof, que certains d'entre vous ne sont pas contents de la nourriture du bord et protestent. Tant pis pour eux. La viande est excellente et le docteur l'affirme. Mais, comme je veux conna?tre les mauvaises t?tes, que ceux qui veulent bien manger passent ici,--et il d?signait l'espace libre sur le pont, derri?re lui. --Que les autres restent l?,--devant lui.

Tout l'?quipage, ? peu pr?s, d?fila devant le commandant, sans murmures, et vint se ranger o? il avait dit. Demeur? en face d'une trentaine d'hommes qui h?sitaient, il arr?ta le d?fil? et fit sonner ? la garde: dix-huit marins en armes arriv?rent et entour?rent les m?contents.

Le commandant avait perdu tout sang-froid: il commanda de fusiller sur l'heure les mutins. La garde ob?it au commandement de charger les armes, mais ne fit plus un mouvement au cri de: <>

C'est alors qu'indign? de cette d?fection le second du bord, le capitaine Ghelerovski, arrachant ? l'un des marins son fusil, mit en joue le sous-officier qui commandait le peloton. La balle partit, manqua le but, s'?gara. Elle alla frapper Vakoulemtchouk, perdu dans le tas des trente.

Travers? de part en part, ? la hauteur du rein, le matelot eut l'?nergie de descendre dans la batterie pour y prendre son fusil; il fut le premier qui fit ce geste de r?bellion, bient?t imit?, comme on le verra. Sans que j'aie pu faire pr?ciser ce qui se passa ensuite, on le rep?cha, un moment apr?s, de la mer o? il ?tait tomb?, ou s'?tait jet?, ou avait ?t? pr?cipit?. On le transporta ? l'infirmerie. Le signal du carnage ?tait donn?.

Les hommes, ceux d'abord qui ?taient demeur?s ou avaient ?t? laiss?s ? part, puis tous, aussi bien <> que les autres, s'?taient ru?s vers les r?teliers d'armes.

Le commandant Golickof avait fui avec son ?tat-major. Seul le second, Ghelerovski, demeurait sur le pont: ce fut lui la premi?re victime. Puis vint l'officier chef de l'artillerie, le capitaine Nioupako?of. Le m?decin en chef, le docteur Smirnof, se suicida d'un coup de bistouri, ou de sabre, au bas-ventre.

On fusilla l'enseigne Livintsof et le lieutenant de vaisseau qui dirigeait ? bord le service ?lectrique, M. Thone. Enfin on rejoignit dans la chambre de l'amiral le commandant Golickof qui s'?tait terr? l?, avec l'enseigne Alexeief, tous deux enferm?s ? double tour. Le commandant suppliait en pleurant <> de l'?pargner.

Ses pri?res ne pouvaient ?tre entendues!...

Une bande qui remontait, cette sanglante besogne achev?e, avisa, ? l'entr?e du carr?, le pope Parmen, aum?nier du bord, effar?, fuyant. Un des matelots, d'un coup de crosse, lui broya ? demi le visage contre la cloison de fer. C'?tait Matuschenko.

Un officier, qui s'?tait jet? ? la mer pour ?chapper ? la fusillade, fut tu? par un feu de salve.

Le massacre s'arr?ta ? ces sept victimes. On avait supprim? tous ceux qu'on ha?ssait, de qui on avait eu ? se plaindre. On jeta les cadavres ? la mer, sans une b?n?diction. Les autres officiers demeuraient comme otages. On allait en rendre neuf ? Odessa, ne gardant ? bord, de vive force, que ceux qui ?taient n?cessaires ? la marche du navire.

Et le r?gne de Matuschenko commen?a. Il fut peu brillant.

Tous ceux qui, ? Constantza, ont approch? Matuschenko demeurent comme hant?s du souvenir de cette inqui?tante figure de brute, aux pommettes saillantes de Kalmouk, aux yeux haineux, au front obscur, stupide, fourmillant d'id?es f?roces.

Devant Odessa, aucun des r?volt?s ne voulait consentir ? tirer sur la ville. Cette crainte de nuire ? des innocents, de causer des morts inutiles, on la verra de nouveau se manifester devant Th?odosie, bien que, l?, on e?t ?t? attaqu?s, qu'on ait eu des bless?s et des morts.

Les deux coups de canon tir?s ? blanc sur Odessa leur semblaient suffisants pour affoler les autorit?s de la ville et assurer la libert? ? ceux de leurs camarades envoy?s aux obs?ques de Vakoulemtchouk. Matuschenko s'ent?tait, imb?cile, farouche, ? vouloir faire charger les pi?ces ? obus.

--Mais ? quoi bon? lui demandait-on.

--Pour ?trenner les canons!

Quant ? l'un de ses principaux adjudants, Nikishkine, c'?tait un hallucin? qui croyait voir de temps ? autre le Christ lui appara?tre!

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