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Read Ebook: Les grotesques de la musique by Berlioz Hector

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Ebook has 931 lines and 64150 words, and 19 pages

LETTRE DES CHORISTES DE L'OP?RA

A L'AUTEUR

CHER MA?TRE,

Quand l'heure de commencer approche, si le personnel du choeur n'est pas au grand complet, s'il manque quelqu'un, vous vous promenez autour du piano comme le lion du Jardin des Plantes dans sa cage, vous grondez sourdement en mordant votre l?vre inf?rieure, vos yeux lancent de fauves ?clairs; on vous salue, vous d?tournez la t?te; vous frappez de temps en temps avec violence sur le clavier des accords dissonants qui indiquent votre col?re int?rieure, et nous disent clairement que vous seriez capable de d?chirer les retardataires, les absents... s'ils ?taient pr?sents.

C'est fait, n'en parlons plus.

Mais pourquoi n'?cririez-vous pas maintenant, ? notre intention, un livre du m?me genre, moins philosophique peut-?tre, plus gai, pour conjurer l'ennui qui nous ronge ? l'Op?ra?

Vous le savez, pendant les actes ou les fragments d'actes qui ne contiennent pas de choeurs, nous sommes prisonniers dans les foyers. L? il fait sombre comme dans l'entre-pont d'un vaisseau, il sent l'huile ? quinquets, on est mal assis; on y entend raconter en mauvais termes de vieilles histoires moisies, r?p?ter des mots rances; ou bien le silence et l'inaction nous ?crasent ? la fois, jusqu'au moment o? l'avertisseur vient nous faire rentrer en sc?ne... Ah! le m?tier n'est pas beau, croyez-le. Faire des cinquantaines de r?p?titions pour se fourrer dans la t?te les parties de chant presque inchantables des compositions nouvelles! apprendre par coeur des op?ras qui durent de sept heures ? minuit! changer jusqu'? six fois de costume par soir?e! rester parqu?s comme des moutons, quand il n'y a rien ? chanter, et n'avoir pas, en somme, pendant ces interminables repr?sentations, cinq minutes de bon temps!!... Car nous n'imitons pas vos artistes d'Allemagne, qui se permettent d'ex?cuter ? demi-orchestre les ouvrages dont ils font peu de cas. Nous chantons tout dans tout. Certes, si nous prenions ainsi la libert? de donner de la voix seulement dans les partitions qui nous plaisent, les cas d'esquinancie seraient rares parmi les choristes de l'Op?ra. De plus, nous chantons debout, nous sommes toujours sur nos jambes, tandis que les musiciens d'orchestre jouent assis dans leur cave ? musique. C'est ? devenir hu?tre!

Allons, soyez bon, faites-nous un volume de contes v?ritables, d'histoires fabuleuses, de farces m?me, comme vous en ?crivez souvent quand vous ?tes de mauvaise humeur; nous lirons cela dans nos entre-ponts ? la lueur de nos quinquets; nous vous devrons l'oubli de quelques tristes heures, et vous aurez droit ? toute la reconnaissance du choeur.

Vos fid?les soprani, contralti, t?nors et basses de l'Op?ra.

Paris, le 22 d?cembre 1858.

R?PONSE DE L'AUTEUR

AUX CHORISTES DE L'OP?RA

MESDAMES ET MESSIEURS,

Vous me dites: cher ma?tre! j'ai ?t? sur le point de vous r?pondre: chers esclaves! car je sais ? quel point vous ?tes priv?s de loisirs et de libert?. Ne fus-je pas autrefois choriste, moi aussi? et dans quel th??tre encore! Dieu vous garde d'y entrer jamais.

Je connais donc bien les rudes labeurs que vous accomplissez, le nombre des tristes heures que vous comptez, et le taux des appointements plus tristes encore que vous subissez. H?las! je ne suis ni plus ma?tre, ni plus libre, ni plus joyeux que vous. Vous travaillez, je travaille, nous travaillons pour vivre; et vous vivez, je vis, nous vivons pour travailler. Les saint-simoniens ont pr?tendu conna?tre le travail attrayant; ils en ont bien gard? le secret; je puis l'assurer, ce travail-l? m'est aussi inconnu qu'? vous-m?mes. Je ne compte plus mes tristes heures; elles tombent les unes sur les autres, froides et monotones comme ces gouttes de neige fondue qui alourdissent ? Paris le sombre silence des nuits d'hiver.

Quant ? mes appointements, n'en parlons pas...

Et vous savez comme on les paye!!...

Ils ne changent pas de costume toutes les demi-heures, c'est encore vrai; mais l'obligation o? ils sont depuis peu de se pr?senter ? l'orchestre en cravate blanche est ruineuse pour eux. Il y a de nos pauvres confr?res musiciens de l'Op?ra qui touchent, dit-on, environ 66 fr. 65 c. par mois. A quatorze repr?sentations par mois, cela ne fait pas 5 fr. par s?ance de cinq heures; c'est un peu moins de vingt sous par heure, moins que l'heure d'un fiacre. Et maintenant ils se trouvent grev?s de frais de toilette. Il leur faut au moins sept cravates blanches par mois, en supposant qu'ils sachent en retourner adroitement quelques-unes pour les faire servir plusieurs fois. Et ces frais de blanchissage finiront avec le temps par produire une somme assez ronde. Combien co?te en effet le blanchissage et le repassage d'une cravate blanche empes?e ? Quinze centimes. Admettons que l'artiste s'abstienne par ?conomie de la faire empeser, et la fasse repasser pour les repr?sentations solennelles seulement. De quinze centimes ses frais seront ainsi r?duits ? deux sous. Eh bien, voyez, il devra au bout du mois ?crire sur son livre de d?penses le compte suivant:

Cravate pour les Huguenots 3 sous. Id. pour le Proph?te 3 >> Id. pour Robert le Diable 3 >> Id. pour le Cheval de bronze 3 >> Id. pour Guillaume Tell 3 >> Id. pour la Favorite, quand Mme Borghi-Mamo ne joue pas 2 sous. Id. pour la Juive 3 >> Id. pour la Sylphide 3 >> Id. pour le Violon du Diable 2 >> Id. pour les deux premiers actes de Lucie, quand Roger ne joue pas 2 >> Id. pour Fran?ois Villon 2 >> Id. pour la Xacarilla 2 >> Id. pour le Rossignol 0 >> Id. pour la Rose de Florence 0 >>

Total pour quatorze repr?sentations et sept cravates 1 f. 55 c.

Pour un an 18 f. 60 c.

Pour dix ans 186 f.

Lesquels 186 fr., pr?lev?s sur le budget d'un malheureux violoniste p?re de famille, peuvent le mettre dans l'atroce n?cessit? de recourir ? sa derni?re cravate pour se pendre.

L'existence des musiciens d'orchestre est donc sem?e d'? peu pr?s autant de roses que celle des artistes des choeurs; les uns et les autres peuvent se donner la main.

Adieu, mesdames et messieurs; je baise les belles mains, je serre cordialement les autres, et je vous prie de croire toujours ? la sinc?re et vive affection de votre tout d?vou? camarade,

HECTOR BERLIOZ.

Paris, 21 janvier 1859.

A MES BONS AMIS

LES ARTISTES DES CHOEURS DE L'OP?RA

DE PARIS

VILLE BARBARE

LES GROTESQUES

DE LA MUSIQUE

Je pourrais nommer une foule d'autres ?crivains qui, pour le malheur de l'art et le tourment des artistes, publient leurs id?es sur la musique, en prenant constamment, comme le singe de la fable, le Pir?e pour un homme. Mais je veux me borner ? citer divers exemples de monomanie inoffensive et par cela m?me essentiellement plaisante, que l'histoire moderne me fournit.

Le droit de jouer en fa dans une symphonie en r?.

Un virtuose couronn?.

Un roi d'Espagne, croyant aimer fort la musique, se plaisait ? faire sa partie dans les quatuors de Boccherini; mais il ne pouvait jamais suivre le mouvement d'un morceau. Un jour o?, plus que de coutume, il ?tait rest? en arri?re des autres concertants, ceux-ci, effray?s du d?sordre produit par le royal archet, en retard de trois ou quatre mesures, firent mine de s'arr?ter:--<>

Un nouvel instrument de musique.

Le r?giment de colonels.

Un monsieur, riche propri?taire, daigne me pr?senter son fils, ?g? de vingt-deux ans, et ne sachant, de son aveu, pas encore lire la musique.

--Oh! monsieur, quelle faute! Si vous saviez tous les d?boires de cette carri?re! Les grands compositeurs se d?vorent entre eux; il y en a tant!... Je ne puis d'ailleurs me charger de le conduire au but de sa noble ambition. A mon avis, il fera bien de suivre sa premi?re id?e et de s'engager dans le r?giment dont vous me parliez.

--Quel r?giment?

--Parbleu! le r?giment des colonels.

--Monsieur, votre plaisanterie est fort d?plac?e; je ne vous importunerai pas plus longtemps. Heureusement vous n'?tes pas le seul ma?tre et mon fils pourra se faire grand compositeur sans vous. Nous avons l'honneur de vous saluer.

Une cantate.

Peu de temps avant l'entr?e ? Paris des cendres de l'empereur Napol?on Ier, des marches fun?bres furent demand?es ? MM. Auber, Adam et Hal?vy, pour le cort?ge qui devait conduire le mort immortel ? l'?glise des Invalides.

J'avais, en 1840, ?t? charg? de composer une symphonie pour la translation des restes des victimes de la r?volution de Juillet et l'inauguration de la colonne de la Bastille; en cons?quence, plusieurs journaux, persuad?s que ce genre de musique ?tait ma sp?cialit?, m'annonc?rent comme le compositeur honor? une seconde fois de la confiance du ministre dans cette occasion solennelle.

Un amateur belge, induit en erreur avec beaucoup d'autres, m'adressa alors un paquet contenant une lettre, des vers et de la musique.

La lettre ?tait ainsi con?ue:

<

>>J'apprends par la voie des journaux que vous ?tes charg? de composer une symphonie pour la c?r?monie de la translation des cendres imp?riales au Panth?on. Je vous envoie une cantate qui, fondue dans votre ouvrage, et chant?e par sept ou huit cents voix, doit produire un certain effet.

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