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Read Ebook: Les Troubadours: Leurs vies — leurs oeuvres — leur influence by Anglade Joseph

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Ebook has 624 lines and 66505 words, and 13 pages

Les troubadours ?tudi?s jusqu'ici sont originaires du Sud-Ouest de la France. Marcabrun est Gascon, Jaufre Rudel appartient ? la Saintonge, Bernard de Ventadour au Limousin. C'est aussi au Limousin et ? la contr?e voisine, le P?rigord, qu'appartiennent les troubadours suivants: Arnaut de Mareuil, Giraut de Bornelh, Arnaut Daniel, Bertran de Born. Avec Bernard de Ventadour, dont ils sont contemporains, ils forment un groupe de troubadours que nous pouvons appeler classiques. Les deux premiers se rattachent ? lui par leur conception de l'amour; Arnaut Daniel, s'en distingue, ? son dam, par une recherche exag?r?e du style obscur et de la rime difficile; Bertran de Born enfin introduit d?finitivement dans la po?sie proven?ale le sirvent?s politique. Ils ont v?cu ? la m?me ?poque ; ils sont n?s dans la m?me r?gion, le Limousin et le P?rigord; la nature les a pour ainsi dire r?unis; il n'y a pas de raison pour les s?parer dans notre ?tude. Avec Bernard de Ventadour, et deux ou trois autres troubadours dont il sera question plus loin, ils repr?sentent ce que la po?sie proven?ale a produit de plus parfait. Il y a, dans la p?riode suivante, des troubadours aussi brillants; il n'y en a pas, sauf peut-?tre une exception, de sup?rieurs.

Le premier, Arnaut de Mareuil, originaire du P?rigord, ?tait de petite naissance. Il fut clerc dans sa jeunesse; mais il quitta bient?t cette condition pour courir le monde. <> Il avait de pr?cieux talents de soci?t?: <>; de plus il ?tait tr?s <>. Il ?crivit pour elle de nombreuses chansons; mais il prenait la pr?caution un peu enfantine de faire croire qu'il n'en ?tait pas l'auteur; il se trahit un jour; la vicomtesse accepta ses hommages, elle lui fit donner de beaux habits--chose tr?s importante selon les moeurs du temps--et lui accorda la permission de composer des vers en son honneur.

Suivant une autre tradition, le pauvre troubadour eut bient?t un rival redoutable en la personne d'Alfonse II d'Aragon, qui aimait la vicomtesse et qui s'?tait aper?u des sentiments qu'elle t?moignait ? son po?te. Le roi fit si bien qu'elle se s?para d'Arnaut de Mareuil, et il s'en vint triste et <> aupr?s du seigneur de Montpellier. C'est sans doute l? qu'il passa la plus grande partie de sa vie. Ses po?sies lyriques, au nombre d'une vingtaine, ont presque toutes trait ? l'amour, elles renferment peu d'allusions ? la vie de leur auteur.

Sa conception de l'amour ne diff?re gu?re de celle de Bernard de Ventadour; et il l'exprime comme lui avec sinc?rit? et na?vet?. Il a moins d'imagination peut-?tre, les d?buts de ses chansons sont moins po?tiques, on n'y trouve pas ces traits de pittoresque qu'on est souvent surpris et charm? de trouver chez Bernard; mais il a la m?me sinc?rit? un peu ing?nue, la m?me gr?ce. La convention est encore absente de cette po?sie; ou du moins on la sent ? peine et Arnaut de Mareuil a eu la pr?tention d'?tre original et sinc?re. Tous les troubadours, dit-il, affirment que leur dame est la plus belle qui soit au monde; je leur sais gr? de cette affirmation, dit-il ? la sienne, <>; moi seul, vous et amour, continue-t-il, connaissons notre serment.

S'il l'oubliait d'ailleurs, ou si seulement il ?tait tent? de l'oublier, un messager fid?le et discret viendrait le lui rappeler. Ce messager n'est autre que le coeur du po?te qui par fiction est rest? aupr?s de sa dame. C'est lui qu'il met en sc?ne dans une gracieuse ?p?tre; c'est un genre nouveau qui appara?t dans la litt?rature proven?ale avec Arnaut de Mareuil: genre un peu faux sans doute, mais qui ne l'est qu'aux mains des po?tes maladroits. L'?p?tre d'Arnaut de Mareuil, malgr? un exc?s de recherche et de finesse, malgr? en un mot la pr?ciosit?, peut rester comme mod?le du genre.

Je suis afflig?, dame, quand mes yeux ne peuvent vous voir; mais mon coeur est rest? pr?s de vous, depuis le jour o? je vous vis et il ne vous a jamais quitt?e... il est nuit et jour pr?s de vous, o? que vous soyez; nuit et jour il vous courtise... quand je pense ? autre chose, il me vient de vous un courtois message, port? par mon coeur qui est votre h?te...

Ce n'est pas un messager muet ou malhabile que ce coeur; il rappelle au po?te oublieux non seulement les nobles qualit?s morales de sa dame, mais aussi sa beaut?. Et voici le curieux portrait que nous en trace Arnaut de Mareuil; voici quel ?tait ? ses yeux, et sans doute aux yeux de ses contemporains, l'id?al de la beaut? f?minine. Le gentil messager qu'est mon coeur, dit-il ? sa dame, me montre <> Telle est l'image que le messager remet sous les yeux du po?te pr?t ? oublier. La femme ainsi d?crite ressemble comme une soeur ? ces miniatures qui ornent certains manuscrits du moyen ?ge, ceux du cycle breton par exemple. La blancheur du teint, la fra?cheur des couleurs, des dents blanches, des doigts gr?les, des yeux clairs et rieurs et un nez bien fait forment les principaux ?l?ments de leur beaut?; et, ? comparer plusieurs de ces miniatures au portrait ici trac?, nous pouvons avouer sans peine que nos a?eux n'eurent pas trop mauvais go?t.

Qu'on ne s'?tonne pas de l'impression produite sur le po?te par cette vision; il s'incline les mains jointes et les yeux baiss?s vers le pays o? est sa dame. N'avions-nous pas raison de dire que les troubadours ont invent? le culte de la femme? Nous n'aurons pas ? nous ?tonner de la transformation qui changera bient?t l'amour ainsi entendu en amour mystique.

Nous rel?verons encore un trait dans cette curieuse composition: <> Il y a l? en germe ce que Victor Hugo a si bien rendu avec son ordinaire splendeur verbale:

Donc je marchai vivant dans mon r?ve ?toil?.

Ce po?me renferme des consid?rations g?n?rales sur la courtoisie, l'honneur, la vaillance, la g?n?rosit?, les belles mani?res, en un mot sur l'ensemble des qualit?s qui font ? ses yeux et aux yeux de ses contemporains l'homme parfait. Cet homme ne peut se rencontrer que dans les trois classes suivantes, les bourgeois, les clercs et les chevaliers.

Arnaut de Mareuil reconna?t aux bourgeois de son temps toutes sortes de qualit?s: il en est de vaillants, de courtois, d'aimables; ils savent se pr?senter dans les cours, connaissent l'art de courtiser les dames, savent danser et dire des choses aimables.

Les clercs ont plusieurs mani?res de se distinguer: par leurs sentiments religieux, sans doute, mais aussi par la courtoisie, par la bont?, par les belles actions et par leur talent de parole.

Quant aux qualit?s qui conviennent aux chevaliers, elles sont assez vari?es; la vaillance, la courtoisie, les mani?res aimables, la g?n?rosit?, la fid?lit? ? servir le suzerain en sont les principales; l'ensemble de ces qualit?s et de quelques autres encore formerait assez bien l'id?al du parfait <> du temps. Id?al assez relev? par certains c?t?s, mais o? les belles mani?res, les petits talents de soci?t? tiennent trop de place ? c?t? des plus hautes vertus. Une autre qualit? y occupait une place ?minente: c'?tait l'art de donner, de faire des lib?ralit?s, des largesses; la prodigalit?, la magnificence, sont des vertus au m?me titre que la vaillance, la g?n?rosit? et la fid?lit?. C'est sur elles que se fondent les meilleures r?putations, c'est par elles qu'elles durent. Arnaut de Mareuil le rappelle, sans cependant trop insister; mais les troubadours qui suivirent us?rent de moins de discr?tion.

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