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Read Ebook: Catherine de Médicis (1519-1589) by Mari Jol Jean H Jean Hippolyte

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Ebook has 675 lines and 201791 words, and 14 pages

Jean-H. MARI?JOL Professeur ? la Facult? des Lettres de l'Universit? de Lyon.

CATHERINE DE M?DICIS

LIBRAIRIE HACHETTE 79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, PARIS

A LA M?ME LIBRAIRIE

HISTOIRE DE FRANCE ILLUSTR?E, publi?e sous la direction de M. E. Lavisse TOME VI par M. Jean-H. MARI?JOL

PR?FACE

Cette biographie n'est ni un plaidoyer, ni un r?quisitoire, ni une satire, ni un pan?gyrique, mais une histoire aussi objective que possible de la vie et du gouvernement de Catherine de M?dicis.

Mais l'oeuvre est difficile moins par son ?tendue et sa vari?t? que par l'effort d'impartialit? quelle exige. Le massacre de la Saint-Barth?lemy est si odieux que l'horreur en rejaillit sur tous les actes de celle qui le d?cida et qu'on a peine ? se d?fendre de la juger uniquement sur cette crise de fureur. L'exc?s contraire, et celui-l? inexcusable, ce serait, par r?action contre cet instinct d'humanit?, de vouloir l'absoudre et l'innocenter en tout. Mais, tout en r?pugnant au paradoxe d'une r?habilitation, on a bien le droit de se demander si ce crime de l'ambition et de la peur est l'indice d'une nature perverse. La plupart des historiens repr?sentent cette grande coupable comme indiff?rente au bien et au mal, n'aimant rien ni personne, fausse, perfide et fonci?rement cruelle, en un mot, comme une criminelle-n?e. Ils ont l'air d'oublier qu'elle passait pour douce et b?nigne et qu'au d?but de son gouvernement elle se montra capable de bonnes intentions et de bonnes actions. J'ai v?rifi? les causes de cette r?probation absolue et j'expose ici le r?sultat de mes recherches. Je pense avoir d?couvert une Catherine assez diff?rente du Machiavel f?minin de la l?gende ou de l'histoire et qui n'est ni si noire ni si grande. Peut-?tre me suis-je tromp?, mais c'est de tr?s bonne foi, et l'on se convaincra, je l'esp?re, apr?s m'avoir lu jusqu'au bout, que mon erreur, si erreur il y a, n'est pas sans excuses.

Que saurait-on exactement, sans toutes ces lettres, du caract?re de Catherine, de ses go?ts, de ses sentiments, de ses projets, de ses illusions, de ses r?ves, de toutes les manifestations de la personnalit? qui ?chappent le plus souvent ? l'histoire officielle? Si elles n'apprennent rien sur son ?ducation italienne, elles permettent d'appr?cier, au cours de sa vie en France, sa formation intellectuelle, son tour d'esprit, sa sagesse mondaine, l'agr?ment de son commerce, ses qualit?s d'?pistoli?re, de diplomate, d'orateur, de politique. Elles expliquent ses ambitions, ses variations, ses contradictions, ses complaisances: amour conjugal et partage avec la favorite Diane de Poitiers, tendresse maternelle et jalousie du pouvoir, tol?rance religieuse et guerre d'extermination, alliances catholiques et alliances protestantes, lutte contre l'Espagne et capitulation devant la Ligue. Lues et relues de suite et de pr?s, compl?t?es, ?clair?es, rectifi?es l'une par l'autre, elles aident ? deviner sous la teinte des attitudes une femme d'?tat dont la ma?trise sur elle-m?me fut la grande vertu. Assur?ment, ces investigations ne sont pas toujours favorables ? Catherine, et souvent elles lui sont contraires. On la prend, malgr? ses ?chappatoires, en flagrant d?lit de mauvaise foi, de ruse et de mensonge. Le principal m?rite de sa correspondance, c'est que, sans le vouloir, elle s'y peint elle-m?me au naturel en bien comme en mal.

Il est probable que j'ai commis dans le r?cit des ?v?nements des erreurs de dates ou de faits , mais je ne crois pas qu'il y en ait d'essentielles et qui infirment mes conclusions, et c'est l? ce qui importe. Assur?ment il vaut mieux ?tre exact jusqu'? la minutie, mais, outre qu'il n'est pas toujours facile de mettre d'accord les contemporains et qu'il faut choisir quelquefois, sans contr?le possible, entre diff?rentes indications chronologiques et historiques, il est in?vitable que l'auteur, en un si long effort, soit sujet ? quelques d?faillances. Se tromper d'un ou m?me de plusieurs jours et sur certains d?tails, le mal n'est pas bien grand quand l'ordre des ?v?nements n'est pas interverti et que l'effet n'est pas pris pour la cause ou r?ciproquement. Ce sont peccadilles qui para?tront, je l'esp?re, pardonnables surtout ? ceux qui auront le plaisir de les relever.

CATHERINE de M?DICIS

LA JEUNESSE DE CATHERINE DE M?DICIS

Apr?s la victoire de Marignan et la conqu?te du Milanais, Fran?ois Ier, d?sireux de changer en alliance la paix qu'il venait d'imposer ? L?on X, avait pris rendez-vous avec lui ? Bologne, et l?, dans les entretiens o? fut ?bauch? le plan du Concordat , il lui parla de ses projets sur Naples. Le Saint-Si?ge ?tant le suzerain de droit de ce royaume, dont les Espagnols ?taient les ma?tres de fait, il offrait au Pape, en ?change de l'investiture, de favoriser ses ambitions de famille. L?on X, qui avait autant ? coeur l'int?r?t des siens que le repos de la chr?tient?, accueillit bien les avances du Roi et ne d?couragea pas ses pr?tentions; des avantages qui s'annon?aient imm?diats pouvaient bien ?tre pay?s d'un vague acquiescement ? des r?ves de conqu?tes. Les M?dicis, qui avaient recouvr? leur pouvoir ? Florence en 1512, apr?s un exil de dix-huit ans, devaient craindre que le parti r?publicain, mal r?sign?, ne cherch?t, conform?ment ? ses traditions, encouragement et secours aupr?s du roi de France. L'amiti? de Fran?ois Ier, leur proche voisin ? Milan et ? Plaisance, les garantissait contre les complots et les agressions. Elle leur permettait par surcro?t les grands desseins.

De la descendance l?gitime de C?me l'Ancien, il ne restait que trois m?les, le Pape, son fr?re Julien--qui mourut d'ailleurs ? la fin de 1516,--et Laurent, le fils de son fr?re a?n?. Sur ce neveu reposait l'avenir de la dynastie. L?on X le fit reconna?tre par le peuple chef de la R?publique . En m?me temps, il le nomma capitaine g?n?ral de l'?glise, et il lui conf?ra le duch? d'Urbin, un fief pontifical, dont il d?pouilla le titulaire, Fran?ois-Marie de La Rovere, que son oncle, Jules II, en avait investi. Il n'aurait pas risqu? ce coup d'autorit? et la guerre qui s'ensuivit, sans la connivence du ma?tre de Plaisance et de Milan. Fran?ois Ier applaudit ? cet acte de n?potisme. Dans une lettre d'Amboise, du 26 septembre 1517, il f?licitait le nouveau duc de ces faveurs qui en pr?sageaient d'autres, ajoutant: <>.

Fran?ois Ier esp?rait tant pour ses entreprises italiennes de son entente avec le Pape qu'il c?l?bra le mariage ? Amboise avec autant de magnificence que si c'e?t ?t? celui d'une de ses filles avec un souverain ?tranger . Il donna ? l'?poux une compagnie de gendarmes et le Collier de l'Ordre , il dota l'?pouse d'une pension de dix mille ?cus sur le comt? de Lavaur. Au banquet de noces, il les fit asseoir ? sa table. Le service ?tait solennel; les plats arrivaient annonc?s par des sonneries de trompettes. Trois jours avant, au bapt?me du Dauphin que Laurent tint sur les fonts pour L?on X, il y avait eu des danses et un ballet o? figuraient soixante-douze dames, r?parties en six groupes diversement <>, dont un ? l'italienne, avec masques et tambourins. De nouveau, le soir du mariage, ? la lumi?re des torches et des flambeaux, qui ?clairaient comme en plein jour, <>. Un festin suivit jusqu'? deux heures, et alors, dit le jeune Florange, qui enviait peut-?tre le bonheur de cet Italien, on mena coucher la mari?e, <>.

Le lendemain se firent <>. <>

Ce que Florange ne dit pas, c'est que le duc d'Urbin n'?tait pas compl?tement remis d'une arquebusade ? la t?te, qu'il avait re?ue pendant la conqu?te d'Urbin. Aussi se garda-t-on de l'exposer dans un tournoi, qui repr?sentait trop fid?lement le si?ge et la d?livrance d'une place forte, <>, et d?fendue par quatre grosses <>, tirant <>. Les assi?g?s, renforc?s par un secours, que le Roi leur amena, sortirent ? la rencontre des assi?geants. L'artillerie des remparts lan?ait de <>, qui, bondissant et rebondissant, frappaient les hommes et <> Mais le choc des deux troupes, <>, fut si rude qu'il y eut <>.

Mais Laurent de M?dicis emporta en mourant les r?ves du penseur la?que et les esp?rances du Pape. C'?tait un brave soldat, sinon un capitaine. Il passait, comme sa m?re, Alfonsina Orsini, pour orgueilleux et autoritaire; il s'isolait de ses concitoyens, et L?on X l'avait, dit-on, s?v?rement repris de les regarder comme des sujets. Il ne s'?tait jamais compl?tement remis du coup d'arquebuse re?u dans la campagne d'Urbin et aussi, s'il fallait en croire quelques chroniqueurs fran?ais ou italiens, d'un mal qui aurait d? retarder, sinon emp?cher son mariage. Madeleine aurait ?pous? le mari et le reste.

Cette belle jeune Fran?aise avait fait son entr?e ? Florence le 7 septembre 1518. Elle tenait ? plaire et elle y r?ussit. C'?tait, dit le fr?re Giuliano Ughi, <>.

Mais elle eut juste le temps de se faire regretter: le 13 avril 1519, elle accoucha d'une fille--c'?tait la future reine de France--et quinze jours apr?s , elle mourut de la fi?vre. Laurent, qui, depuis le mois de d?cembre, gardait le lit ou la chambre, ne lui surv?cut que quelques jours .

L'enfant avait ?t? baptis?e le samedi 16 avril ? l'?glise de Saint-Laurent, la paroisse de M?dicis, par le R?v?rend P?re Lionardo Buonafede, administrateur de l'h?pital de Santa Maria Nuova, en pr?sence de ses parrains et marraines: Francesco d'Arezzo, g?n?ral de l'Ordre des Servites, Francesco Campana, prieur de Saint-Laurent, soeur Speranza de' Signorini, abbesse des Murate, Clara degli Albizzi, prieure du couvent d'Annalena, Pagolo di Orlando de' Medici, et Giovanni Battista dei Nobili, deux eccl?siastiques, deux nonnes et deux membres de l'aristocratie florentine. Elle re?ut les pr?noms de Catherine et de Marie, l'un qui lui venait de sa m?re ou de son arri?re grand'm?re paternelle, l'autre de la Madone, ? qui le jour du samedi est plus particuli?rement consacr?. Fran?ois Ier avait promis de tenir sur les fonts baptismaux le premier enfant de Laurent et de Madeleine, si c'?tait une fille. Mais l'?tat des parents ne laissa pas le temps de prendre ses ordres.

En ao?t, Catherine fut malade ? mourir. L?on X en fut tr?s affect?, contrairement ? son habitude de prendre l?g?rement les mauvaises nouvelles. Elle se r?tablit vite, et, en octobre, elle fut amen?e ? Rome par sa grand'm?re, Alfonsina. Le Pape racontait ? l'ambassadeur de Venise qu'il avait ?t? ?mu par le chagrin de sa belle-soeur, pleurant la mort des siens, ou, comme s'exprimait ce pontife lettr?, <>. Et ces paroles, continue l'ambassadeur, il les disait les larmes aux yeux, et il me dit encore quelques mots ? ce sujet, et que la petite ? feu D. Lorenzo ?tait <>

Son successeur ne fut pas un M?dicis, mais le pr?cepteur de Charles-Quint, Adrien d'Utrecht, un th?ologien flamand tr?s aust?re, qui se passionna pour la r?forme de l'?glise, et qui, par r?action contre le n?potisme, laissa Fran?ois-Marie de La Rovere rentrer en possession du duch? d'Urbin. Catherine ne fut plus duchesse qu'en titre. Elle avait perdu sa grand'm?re, Alfonsina Orsini, deux ans avant son grand-oncle . Pendant l'absence du cardinal de M?dicis, qui ?tait parti pour Florence quelques jours apr?s l'?lection d'Adrien, elle v?cut ? Rome sous la garde soit de sa grand'tante, Lucr?ce de M?dicis, mari?e au banquier Jacques Salviati, soit de sa tante germaine, Clarice, femme de Philippe Strozzi, une M?dicis intelligente, vertueuse et si ?nergique qu'on l'avait surnomm?e <>.

Avec Catherine vivaient deux b?tards, son cousin Hippolyte, n? le 23 mars 1511 de Julien de M?dicis et d'une dame de Pesaro, et son fr?re Alexandre, que Laurent avait eu, en 1512, d'une belle et robuste paysanne de Collavechio , sujette ou serve d'Alfonsina Orsini.

Heureusement pour Catherine, Adrien VI mourut apr?s un an et demi de r?gne . Les cardinaux, las de l'outrance r?formatrice de ce barbare du Nord, ?lurent un grand seigneur italien, ce cardinal Jules, que L?on X avait plac? en r?serve dans le Sacr? Coll?ge pour continuer la dynastie pontificale des M?dicis .

En tout cas le sort de Florence ?tait r?gl?. Comme Capponi l'avait pr?vu, Fran?ois Ier fit lui aussi la paix avec l'Empereur , et, moyennant l'abandon des clauses les plus on?reuses du trait? de Madrid, il abandonna sans fa?on ses alli?s et ses clients d'Italie, le duc de Ferrare, les V?nitiens et les Florentins au bon vouloir de Charles-Quint. Une arm?e imp?riale se joignit aux troupes pontificales pour attaquer Florence. En octobre 1529, l'investissement de la place commen?a.

Elles n'en firent rien heureusement; l'enfant entendit de la bonne musique.

On a quelques renseignements sur elle dans une chronique du couvent ?crite, entre 1592 et 1605, par la soeur Giustina Niccolini, qui avait entendu <> parler du s?jour de Catherine au couvent. Les <>... et qui <>. Le charme de cette petite personne fut si efficace que quelques unes des religieuses, la majorit? peut-?tre, se d?clar?rent pour les M?dicis. Mais d'autres r?sist?rent ? l'entra?nement et la communaut? fut partag?e.

Le fait est confirm? par l'un des d?fenseurs de Florence, Busini. <>.

Busini, l'ancien combattant, n'est pas ?loign? de croire ? quelque noir dessein contre la R?publique. Un complot au couvent! Il oublie l'?ge de la fillette.

Mais il est toutefois notable que Catherine, ? peine au sortir de l'enfance, ait eu un pareil succ?s de s?duction. Les nonnes, que sa bonne gr?ce enthousiasmait, s'enhardirent jusqu'? envoyer aux partisans de sa maison qui avaient ?t? emprisonn?s des p?tisseries et des corbeilles de fruits, avec des fleurs dispos?es de fa?on ? figurer les six boules h?raldiques des M?dicis.

C'?tait une insulte ? ce peuple qui, malgr? le nombre des assi?geants, l'inertie calcul?e d'un haut condottiere ? sa solde, Hercule d'Este, la trahison du gouverneur, Malatesta, la canonnade, le blocus, la peste et la famine, s'opini?trait ? r?sister. Des furieux, Lionardo Bartolini et Ceo, parlaient de faire mourir l'enfant, ou de l'exposer sur les remparts aux coups des ennemis; d'autres, plus forcen?s encore, de la mettre dans un lupanar.

Les Dix de la Libert?, qui dirigeaient la d?fense, s'?taient eux aussi ?mus de la provocation des religieuses; et comme d'autre part ils savaient que le Pape et le Roi projetaient de faire ?vader la pensionnaire, ils d?cid?rent de l'enfermer ? Sainte-Lucie, une communaut? de religieuses que dirigeaient les Dominicains de Saint Marc, toujours fid?les ? l'esprit r?publicain de Savonarole. Un soir, tard, raconte la soeur Giustina Niccolini, des commissaires, escort?s d'arquebusiers, vinrent la chercher, et, sur le refus des Murate de la livrer, ils menac?rent de briser la porte et de mettre le feu au couvent. Les nonnes en larmes finirent par obtenir un jour de r?pit. Catherine croyait qu'on allait la conduire ? la mort. Avec une d?cision remarquable pour son ?ge, elle coupa ses cheveux et rev?tit une robe de religieuse, esp?rant qu'on n'oserait pas porter la main sur une vierge consacr?e. C'est dans ce costume que la trouva, le lendemain, de tr?s grand matin, le chancelier Salvestro Aldobrandini, charg? d'ex?cuter les ordres de la Seigneurie. <> Aldobrandini la rassura, lui promettant qu'avant un mois elle reviendrait aux Murate, et la d?cida ainsi ? le suivre. Elle traversa la ville ? cheval, en son habit de nonnette , sous la garde de magistrats et de citoyens en armes, et fut conduite chez les Dominicaines, ? Sainte-Lucie, o? elle avait peut-?tre pass? quelques mois avant d'entrer aux Murate .

La premi?re lettre qu'on ait d'elle, et qui est de 1529 ou de 1530, est une recommandation adress?e au Roi de France en faveur du fils de son gouverneur, ce Messer Rosso Ridolfi, qui l'avait servie six ans avec un entier d?vouement. Apr?s la reddition de Florence, elle sauva la vie ? Salvestro Aldobrandini, qui, dans l'accomplissement de son devoir, s'?tait montr? bon pour elle. Elle fit la fortune des fils de Clarice Strozzi. Elle garda toujours un tendre souvenir aux bonnes dames des Murate. D?s le plus jeune ?ge, elle se r?v?le capable de sentiment et de ressentiment. C'est un trait de caract?re ? retenir.

Pendant que les cours d'Europe ?taient occup?es de cette question de mariage, Catherine vivait ? Florence sa derni?re ann?e de jeune fille, dans le palais M?dicis . Le Pape l'avait plac?e sous la garde d'Ottaviano de M?dicis, un vieux parent, qui pendant le si?ge l'avait prot?g?e de son mieux, et il l'avait confi?e aux soins de Maria Salviati, veuve de Jean des Bandes Noires, dont le fils C?me ?tait du m?me ?ge que sa cousine et partagea probablement ses jeux. Elle avait en 1532 treize ans accomplis. Soeur du duc r?gnant et promise d'un fils de France, elle avait sa place imm?diatement apr?s son fr?re dans les c?r?monies officielles et les f?tes. Jamais elles ne furent si nombreuses et si brillantes qu'en cette premi?re ann?e du r?gne, pour donner occasion aux Florentins de comparer aux mis?res de l'anarchie les plaisirs et les magnificences de l'ordre monarchique.

Le 26 avril, Marguerite, avec le m?me apparat et le m?me cort?ge, sortit de la ville et se dirigea vers Naples. Catherine jouait son r?le dans les repr?sentations officielles; mais elle ?tait naturellement vive et gaie, et, ? l'occasion, le laissait voir. Le peintre Vasari, alors tout jeune mais d?j? c?l?bre, avait ?t? charg? de faire son portrait pour Henri d'Orl?ans, son fianc?, et il s'?tait install? au palais avec tout son appareil. Un jour qu'il ?tait sorti pour aller d?ner, Catherine et sa compagnie prirent les pinceaux et peignirent une image de moresque en tant de couleurs et si ?clatantes qu'on aurait cru voir trente-six diables. Lui-m?me, quand il revint, allait ?tre trait? de la m?me fa?on, et enlumin? comme sa toile, s'il n'avait descendu l'escalier ? toutes jambes.

Vasari, qui avait vingt ans, ?tait ravi de cette espi?glerie. Il promettait ? un ami de Rome, Messer Carlo Guasconi, de lui faire une copie de ce portrait, apr?s celle qu'il destinait ? Ottaviano de M?dicis, le bon vieux parent de Catherine.

<>.

Ainsi, tous les t?moignages s'accordent ? donner de Catherine l'id?e d'une jeune fille pr?cocement intelligente, lib?rale et prodigue, capable d'affection et de rancune, et qui avait ? un haut degr? le don de plaire. Mais ils ne disent presque rien de son ?ducation. Quels ma?tres a-t-elle eus ? Rome et ? Florence, et que lui ont-ils enseign?? Que savait-elle quand elle partit pour la France? On en est le plus souvent r?duit ? des conjectures.

Elle a commenc? ? apprendre le fran?ais en 1531, quand il a ?t? question de son mariage avec Henri d'Orl?ans, et probablement elle le parlait et l'?crivait en 1533, ? son d?part de Florence; mais longtemps encore elle correspondit plus volontiers en italien. En outre de ces deux langues, on lui a enseign? sans doute, comme il ?tait d'usage, les ?l?ments des lettres et des sciences, et par exemple, l'histoire sainte et le calcul. Mais c'?tait un minimum et, qui devait para?tre tel, pour une femme de son rang, aux religieuses du couvent mondain des Murate. Sans doute, les Isabelle d'Este, les ?l?onore de Gonzague, les Vittoria Colonna, pour ne parler que des grandes dames italiennes, qui ?galaient par leur culture les hommes les plus cultiv?s, et qui les surpassaient par le charme et la distinction de l'esprit, ?taient et ne pouvaient ?tre que des exceptions. Mais, sans viser ? cet id?al, les ?ducateurs de la Renaissance estimaient que l'intelligence des femmes devait ?tre d?velopp?e autant que celle des hommes, et que le moyen de ce d?veloppement, c'?tait, pour les uns et pour les autres, l'?tude des anciens. Malheureusement, il n'est pas possible de savoir combien de temps Catherine a ?t? soumise ? cette discipline, ni si m?me elle y a ?t? soumise.

Ni?ce de deux papes et vivant dans leur intimit?, Catherine circulait librement dans le Vatican, dont les cours et les jardins servaient alors de mus?e aux chefs-d'oeuvre retrouv?s de la sculpture antique: le Laocoon, le Torse, l'Apollon du Belv?d?re, etc. Elle a vu de ses yeux curieux d'enfant resplendir en leurs fra?ches d?corations sur les murs des chapelles et des appartements les sujets sacr?s ou quelquefois profanes trait?s par les peintres du Quattrocento et du Cinquecento. Elle a regard? au plafond de la Sixtine la fameuse fresque o? Michel-Ange a racont?, avec une grandeur et une po?sie surhumaines, l'histoire du monde, de la Cr?ation jusqu'au D?luge et jusqu'? la conclusion d'une nouvelle alliance entre Dieu et sa cr?ature en faveur des m?rites de No?. Elle a parcouru le long des <> la Bible que Rapha?l et ses ?l?ves y ont illustr?e, et dans les <> la succession des grands panneaux all?goriques, o? le ma?tre a distribu? en groupes harmonieux autour du Christ, d'Apollon, de Platon et d'Aristote, et comme propos? ensemble ? l'admiration de la Chr?tient?, les saints de l'Ancien Testament, les docteurs de la nouvelle loi, les philosophes de l'antiquit? avec des savants, des hommes d'?tat, des artistes et les plus grands po?tes de tous les ?ges.

? Florence, o? elle a pass? plus de temps encore qu'? Rome, le palais Pitti sur sa base de blocs rustiques, le palais Strozzi, en la gr?ce de son aust?rit?, et enfin le palais M?dicis, sa maison patrimoniale, avec ses cours et ses jardins anim?s de marbres antiques, r?pondaient ? l'id?al classique et en renfor?aient l'impression.

Catherine doit encore ? sa ville natale une conception plus large de l'art. Le milieu florentin a r?sist? ou ?chapp? ? cet exc?s d'id?alisme qu'a provoqu? ailleurs la superstition de l'antiquit?. Le quattrocento o? il a donn? sa mesure et produit ses chefs-d'oeuvre est une ?poque de sinc?rit? et de spontan?it? plus que d'inspiration savante ou de recherche ?perdue de la perfection. Il ne s'est pas d?tourn? de la r?alit? par d?go?t de ses tares; il a embelli sans affadir. Michel-Ange est un g?nie isol?, qui, par del? les ?ges chr?tiens, retrouve et traduit la grandeur de la vieille Rome et l'ardente po?sie d'Isra?l. L?onard de Vinci, interpr?te p?n?trant de l'?me et qui excelle ? repr?senter en beaut? sensible sa gr?ce et sa morbidesse, ?chappe lui aussi ? l'influence du milieu et du temps. Mais la plupart des Florentins sont de leur temps et de leur pays. Masaccio, Ghirlandajo, Botticelli, pour n'en citer que quelques-uns, sont les peintres v?ridiques de la vie et de la figure florentine. Benozzo Gozzoli, dont Catherine voyait l'?clatante fresque ? la messe dans la chapelle de son palais, avait repr?sent? le fils et le petit-fils de C?me l'Ancien, Pierre et Laurent, l'empereur d'Orient, Jean Pal?ologue, le patriarche de Constantinople, Joseph, tels que Florence, lors du c?l?bre concile de 1439, les avait vus passer en procession solennelle, avec leurs costumes ?clatants d'or et de pierreries, mont?s sur des chevaux richement harnach?s et suivis d'une troupe somptueuse de serviteurs, de soldats et de clients. Plus r?alistes encore sont, ? quelques exceptions pr?s, les sculpteurs florentins de la m?me ?poque, Verrocchio, Donatello, etc., qui avaient peupl? d'images l'int?rieur ou les fa?ades des ?glises et des palais. Beaucoup de monuments ?taient debout dont Vitruve, le th?oricien consultant de la Renaissance, avait ignor? la forme. Le Palazzo Vecchio, avec son beffroi ? m?chicoulis d'o? Alexandre venait de faire descendre la cloche qui sonnait les assembl?es du peuple , rappelait probablement de trop mauvais souvenirs ? Catherine pour qu'elle f?t sensible ? sa grandeur s?v?re, mais l'avenir prouvera qu'elle a aim?, en la gaiet? de leurs marbres polychromes, Santa Maria del Fiore, le Campanile et le Baptist?re. Ce que Florence a de diff?rent de Rome et de l'antiquit? a laiss? son empreinte dans l'imagination de la jeune fille.

Elle se souviendra de ce qu'elle a vu dans l'une et l'autre ville, quand, devenue reine de France, elle fera travailler ? ses maisons de campagne, ? ses palais de ville, au tombeau de son mari et de ses enfants. Que ces grands mus?es ? ciel ouvert de Florence et de Rome et que l'atmosph?re d'art o? elle s'est mue si longtemps aient profond?ment contribu? ? sa formation intellectuelle, c'est ce que prouvent assez la pr?f?rence de ses go?ts et le caract?re particulier de sa culture. Les deux princesses, ses contemporaines, ? qui son mariage avec Henri d'Orl?ans allait l'apparenter, Marguerite d'Angoul?me et Marguerite de France, la soeur et la fille de Fran?ois Ier, sont des lettr?es; mais elle, elle pr?side au groupe des souveraines encore plus curieuses d'art que de lettres.

Cependant l'?poque fix?e pour le mariage approchait. Le Pape et le Roi s'?taient donn? rendez-vous, d'abord ? Nice, puis ? Marseille, pour les ?pousailles.

Le duc Alexandre s'?tait occup? de faire le trousseau de sa soeur. Sous pr?texte de se procurer des fonds pour les fortifications de la ville, il leva sur les Florentins un emprunt forc? de 35 000 ?cus, qui servit ? l'achat de broderies ? l'aiguille , de bijoux, de v?tements, de velours, de rideaux de lit d'or.

Visites, entrevues, discussion du contrat commenc?rent. Apr?s l'entr?e solennelle du Roi et de la Reine, Catherine fit la sienne le 23 octobre en grand apparat, pr?c?d?e d'un carrosse de velours noir--v?hicule nouveau en France,--de huit pages ? cheval de la maison d'Hippolyte, habill?s aussi de velours noir, et de six haquen?es, conduites ? la main, dont une toute blanche, couverte de toile d'argent. Elle montait une haquen?e rousse, qui ?tait capara?onn?e d'une toile d'or tiss?e en soie cramoisie et s'avan?ait escort?e par la garde du Roi et du Pape, et suivie de Catherine Cibo, de Marie Salviati et de douze demoiselles ? cheval, toutes v?tues ? l'italienne et tr?s richement.

Le Roi et le Pape ?taient log?s en deux maisons s?par?es seulement par une rue et qu'on avait reli?es par un pont en bois, pour qu'ils pussent, ? l'insu des indiscrets et des curieux, se voir et causer ? toute heure.

Ils valaient ensemble 27 900 ?cus d'or. Les plus beaux et les plus chers ?taient une ceinture d'or avec huit beaux rubis balais et d'autres diamants estim?e 9 000 ?cus, une <> de 6 500 ?cus, et, comme pi?ce d'une parure, une table d'?meraude ? laquelle pendait une <>.

CHAPITRE II

DAUPHINE ET REINE

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