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Read Ebook: Catherine de Médicis (1519-1589) by Mari Jol Jean H Jean Hippolyte

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Ebook has 675 lines and 201791 words, and 14 pages

DAUPHINE ET REINE

Catherine avait quatorze ans quand elle fit ses d?buts ? la Cour de France, o? elle allait s'?lever par degr?s jusqu'au premier rang, duchesse d'Orl?ans, dauphine et enfin reine. C'?tait un milieu tr?s diff?rent de celui o? elle avait v?cu. Mais elle avait une exp?rience au-dessus de son ?ge.

Dans les s?jours qu'enfant et d?j? grande fille elle fit ? Rome, capitale religieuse et centre des affaires du monde, l'arriv?e des ambassadeurs des divers pays, leurs entr?es et leurs audiences solennelles lui avaient appris, en une suite de le?ons vivantes, les noms et les int?r?ts des princes et des peuples, la g?ographie et l'histoire politique de l'Europe. Pour avoir d'elle une id?e juste, il ne faut pas se figurer une infante d'Espagne, ?lev?e dans une sorte de claustration, sans connaissance du dehors ni culture, ni m?me une princesse fran?aise du temps de la Renaissance, dress?e aux ?l?gances et aux biens?ances de la Cour, et le plus souvent ignorante du reste du monde. Cette jeune Florentine avait le sens des r?alit?s de la vie et de la politique.

Elle n'oubliait pas non plus par quel coup de fortune elle ?tait entr?e dans la maison royale de France. Elle ?tait la premi?re femme de sa famille qui e?t fait un si grand mariage, et elle sentit vivement toujours, avec une modestie dont l'expression cause parfois quelque malaise, le rare honneur qu'elle avait eu d'?pouser un fils de roi. Plus tard, quand elle fut r?gente du royaume, apr?s la mort de son mari, elle parlait de ses enfants comme s'ils ?taient d'une autre race qu'elle, <>. Bien des complaisances de sa vie s'expliquent par le sentiment qu'elle avait de la m?diocrit? de son origine.

Encore moins l'entourage d'Alexandre de M?dicis, le nouveau duc de Florence, aurait-il pu donner ? Catherine l'id?e du monde o? elle entrait. Le gouvernement tenait tout entier dans le palais de la Via Larga, la demeure patrimoniale des M?dicis. Il n'y avait l? ni pass?, ni tradition, ni ?tiquette. Le Duc avait un train de vie plus somptueux que celui des autres grandes familles florentines, une client?le plus nombreuse et le privil?ge d'une garde. C'?taient toutes les marques ext?rieures d'une fortune de fra?che date.

Le roi de France ?tait le souverain h?r?ditaire d'une grande nation, attach?e ? sa personne et ? sa race par une habitude s?culaire de respect et d'ob?issance. Sa Cour ?tait un petit monde de princes, de grands officiers, de pr?lats, de seigneurs, de conseillers, une France en raccourci, mais ?minente en dignit?, qui vivait avec lui et l'accompagnait dans ses d?placements et ses voyages, le centre de la vie politique et des affaires, une vraie capitale ambulante que suivaient les ambassadeurs, et o? affluaient les solliciteurs et les ambitieux, quiconque d?sirait une pension, un b?n?fice, une charge.

La pr?sence de tant de femmes, dont beaucoup ?taient belles, intelligentes et cultiv?es, changea le caract?re de cette Cour, et d'une r?union d'hommes d'?tat et de capitaines, fit le lieu d'?lection des f?tes et des plaisirs. Les divertissements prirent une tr?s large place dans le c?r?monial. Bals, concerts, assembl?es chez la reine, banquets, d?fil?s et cort?ges, furent autant d'occasions d'?taler le luxe des v?tements et les magnificences de la chair. Mais l'esprit pa?en de la Renaissance, qui triomphait dans cette glorification de la richesse et de la beaut?, inspirait aussi la recherche de plaisirs plus d?licats. Le go?t des lettres antiques gagnait les plus hautes classes: de tr?s grandes dames se faisaient gloire de les cultiver, et celles m?me qui n'en avaient ni le temps ni la force respiraient dans l'air les id?es et les sentiments que les ?crivains y avaient r?pandus.

Devenue par cet accident dauphine et reine en expectative, elle continua comme auparavant ? ne laisser voir d'autre ambition que de plaire. Elle s'attachait ? dissiper les pr?ventions et ? gagner les sympathies. Elle se montrait douce, aimable, pr?venante. L'ambassadeur v?nitien dit ce mot caract?ristique: <> C'?tait un de ses grands moyens de s?duction.

L'homme qu'apr?s son mari elle avait le plus d'int?r?t et qu'elle mit le plus de soin ? gagner, ce fut le Roi, que d'ailleurs elle admirait beaucoup. Plus tard, quand elle gouverna le royaume, elle se proposa et proposa toujours ? ses enfants la Cour et le gouvernement de Fran?ois Ier comme le mod?le ? imiter. Le Roi-chevalier ?tait aimable, et m?me en son ?ge m?r il restait pour les femmes le h?ros de Marignan et de Pavie. Des sentiments qu'il inspirait, on peut juger par la lettre que lui ?crivirent les princesses de sa famille et l'amie ch?re entre les plus ch?res, la duchesse d'?tampes, en apprenant qu'il venait de prendre Hesdin aux Imp?riaux :

<>.

Au nom de la Reine et des dames, elles le suppliaient de leur permettre d'aller le voir en tel lieu qu'il lui plairait.

<

<>

La lettre est trop jolie pour ?tre de Catherine, bien qu'elle ait sign? la premi?re en sa qualit? de dauphine; on y reconna?t la mani?re de la reine de Navarre, ce d?licat ?crivain; et comme elle traduit bien, avec l'adoration de la soeur, l'enthousiasme de ces jeunes femmes.

La favorite en titre, Anne de Pisseleu, duchesse d'?tampes, qui signait avec les princesses, ?tait une de ces triomphantes beaut?s, le d?sespoir des reines et l'ornement de la Cour de France. Catherine s'?tait li?e avec elle, sachant que c'?tait une voie tr?s s?re pour arriver au coeur du Roi. En sa vieillesse, comme elle avait souffert cruellement elle-m?me de la faveur d'une ma?tresse, elle s'excusera sur la n?cessit? d'avoir autrefois fr?quent? des dames de m?diocre vertu. <>. Mais il ne semble pas que l'ob?issance lui ait co?t?. Fran?ois Ier avait form? une petite bande <> avec lesquelles <>. Catherine <> Fran?ois Ier, qui <>, l'en aima plus encore, <>.

Elle se plaisait comme lui aux exercices de plein air. C'?tait un go?t qu'elle tenait probablement des M?dicis. Son oncle, L?on X, partait tous les ans pour les r?gions giboyeuses de Civita-Vecchia, de Corneto et de Viterbe avec ses cardinaux favoris, ses musiciens, sa garde et la troupe des piqueurs, rabatteurs et valets, en tout plus de trois cents personnes. Il traquait ? cheval les b?tes sauvages, petites ou grandes, non quelquefois sans p?ril. Dans une de ces battues dont un po?te de cour a c?l?br? les incidents dramatiques, le cardinal Bibbiena avait tu? d'un coup d'?p?e un sanglier qui fon?ait sur le cardinal Jules de M?dicis ; le Pape, assailli par un loup, avait ?t? sauv? par les cardinaux Salviati, Cibo, Cornaro, Orsini; l'?loquent g?n?ral des Augustins, Egidio de Viterbe, avait fait voir qu'il valait <>. Avant de quitter l'Italie, Catherine, d?j? grande fille, a d? suivre des chasses. Autrement on ne s'expliquerait pas qu'aussit?t arriv?e en France, elle ait montr? l'ardeur dont parle Ronsard, peut-?tre avec quelque exag?ration po?tique:

Laquelle d?s quatorze ans Portoit au bois la sagette La robe et les arcs duisans Aux pucelles de Taygette. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Toujours d?s l'aube du jour Alloit aux for?ts en queste Ou de reths tout ? l'entour Cernoit le trac d'une beste: Ou pressoit les cerfs au cours; Ou par le pendant des roches, Sans chiens assailloit les ours Et les sangliers aux dents croches.

Elle abandonna la <>, sorte de selle en forme de fauteuil o? les dames ?taient assises de c?t?, les pieds appuy?s sur une planchette, mais ne pouvaient aller qu'? l'amble, et elle introduisit l'usage, qu'elle avait d?j? peut-?tre pratiqu? en Italie, de monter ? cheval comme les amazones d'aujourd'hui, le pied gauche ? l'?trier et la jambe droite fix?e ? la corne de l'ar?on. Elle pouvait ainsi courir du m?me train que les hommes et les suivre partout. Fran?ois Ier, grand chasseur, appr?ciait fort cette enrag?e chevaucheuse, que les chutes ne d?courageaient pas. Elle ne renon?a qu'? soixante ans ? ce plaisir dangereux.

Sa vive intelligence, ? d?faut de ses habitudes de complaisance, lui rendait facile de s'adapter aux go?ts lettr?s de cette Cour. Elle avait tr?s bien appris le fran?ais que d'ailleurs elle ?crivit toujours en une orthographe tr?s personnelle et elle le parlait non sans une pointe d'accent exotique, dont elle ne parvint jamais ? se d?barrasser.

Quelle dame a la pratique De tant de math?matique? Quelle princesse entend mieux Du grand monde la peinture, Les chemins de la nature, Et la musique des cieux?

Ce qui probablement veut dire qu'elle ?tait savante en g?ographie, en physique et en astronomie. C'?tait dans la famille royale une originalit?. Elle se distinguait par l? des autres princesses de la Renaissance fran?aise, qui ?taient de pures lettr?es.

Toutes deux et le Dauphin <> <<... d'en faire chacun dix et d'assembler jusques ? dix personnes qu'ils pensoient plus dignes de racompter quelque chose>>. Mais on se garderait de s'adresser ? des <>, car Henri, ce robuste gar?on, ? qui l'on n'a pas coutume de pr?ter tant de finesse, <>

Catherine venait d'un pays o? toutes sortes de po?mes ?taient chant?s ? quatre, cinq, six ou huit voix, que les instruments soutenaient. En France m?me, la tradition des jongleurs, conteurs et chanteurs, ne s'?tait pas encore perdue, et les po?tes contemporains, comme Mellin de Saint-Gelais, s'accompagnaient du luth autrement que par m?taphore. Quand Cl?ment Marot eut rim? en fran?ais les trente premiers psaumes de David, les grands musiciens d'alors, Certon, Jannequin, Goudimel, s'empress?rent de les mettre en musique. Ces chants o? le musicien et le po?te ont chacun, ? sa fa?on, traduit et souvent trahi la grandeur, la couleur et la passion de la po?sie h?bra?que, eurent ? la Cour de Fran?ois Ier un grand succ?s, mais moins d'?dification que de mode.

L'amateur le plus ardent de cette musique sacr?e, c'?tait le Dauphin, qui la faisait chanter ou la chantait lui-m?me <>. Aussi les gens de son entourage, en bons courtisans, voulaient tous avoir leur Psaume, et s'adressaient au ma?tre pour leur en trouver un qui r?pondit ? leurs sentiments. Il s'?tait r?serv? pour lui le Psaume:

Bien heureux est quiconques Sert ? Dieu volontiers, etc.

et il en avait fait lui-m?me la musique. Catherine choisit le 141e, dont le traducteur est inconnu:

Vers l'?ternel des oppressez le P?re Je m'en yrai...

Dans sa douleur de n'avoir pas d'enfant, apr?s neuf ans de mariage, elle recourait ? Dieu, comme ? l'unique esp?rance. Mais le chant des Psaumes ?tait si cher aux h?r?tiques qu'il en devint suspect. La Cour laissa les cantiques pour les <> d'Horace, qui, disait un r?form?, <>.

Catherine, toujours d?f?rente, fit f?te aussi aux <>.

Ce n'est pas merveille qu'avec cette bonne volont?, elle ait r?ussi ? retourner l'opinion. L'ambassadeur v?nitien, Matteo Dandolo, disait dans sa Relation de 1542: <>.

Elle craignait d'?tre r?pudi?e comme st?rile, depuis que son mari avait su par exp?rience qu'il pouvait avoir des enfants. En 1537, lors de sa campagne en Pi?mont avec le conn?table de Montmorency, il connut ? Moncallier une jeune fille, Philippa Duc, soeur d'un ?cuyer de la grande ?curie, Jean-Antoine, et eut d'elle une fille qu'il l?gitima plus tard sous le nom de Diane de France et maria ? Hercule Farn?se, duc de Castro. Les anciens adversaires du mariage florentin crurent tenir leur revanche. <>. Il assure que <>. Mais Brant?me n'?tait pas n? en 1538 et ne parle que par ou?-dire. L'ambassadeur v?nitien, Lorenzo Contarini, qui ?crivait treize ans apr?s la crise, rapporte au contraire que le beau-p?re et le mari ?taient d?cid?s au divorce, et que Catherine r?ussit ? les fl?chir. Elle alla trouver le Roi et lui dit que pour les grandes obligations qu'elle lui avait, elle aimait mieux s'imposer cette grande douleur que de r?sister ? sa volont?, offrant d'entrer dans un monast?re, <>.

Fran?ois Ier, ?mu de sa peine et de sa r?signation, lui aurait jur? qu'elle ne serait pas r?pudi?e. Mais elle appr?hendait sans doute un retour offensif de la raison d'?tat. Elle employait tous les moyens pour avoir des enfants, prenant les rem?des des m?decins, buvant les drogues que lui envoyait le Conn?table, et recourant ? l'exp?rience de sa dame d'atour, Catherine de Gondi, m?re d'une nombreuse famille. Enfin, apr?s dix ans de mariage, le 20 janvier 1544, elle mit au monde un fils, dont la naissance fit pleurer de joie le Roi et sa soeur Marguerite et fut c?l?br?e ? l'?gal d'une victoire par Marot, Mellin de Saint-Gelais et Ronsard.

Une cause de chagrin qui s'?ternisa, ce fut la passion de son mari pour Diane de Poitiers, veuve du grand s?n?chal de Normandie, Louis de Br?z?, une des plus grandes dames de la Cour. Henri avait en 1538, quand il se lia avec elle, dix neuf ans; elle en avait trente-huit, et pourtant il l'aima et jusqu'au bout lui resta fid?le de coeur.

Ce r?ve sentimental avait ses dangers. Il mena?ait le mariage, qui n'a pas l'amour pour unique ou m?me pour principal objet, et, ? vrai dire, il ne se d?ployait ? l'aise qu'en dehors de lui. Les plus raffin?s, parmi ces admirateurs de Platon, n'estimaient pas suffisamment h?ro?que une constance qui serait, apr?s un temps d'?preuve, pay?e de retour; ils voulaient un renoncement sans espoir et un sacrifice sans r?compense. Ce serait un sacril?ge de ravaler ? son plaisir l'?tre ? qui l'on avait dress? un autel et un culte. Mais la nature a ses exigences et la vie ses obligations. Aussi la morale romanesque, pour concilier le besoin d'id?al et les n?cessit?s physiques ou sociales, admettait comme l?gitime qu'on e?t une femme et une <>, celle-l? m?re des enfants et continuatrice de la race, celle-ci inspiratrice de grandes et nobles pens?es. L'attachement du mari de Catherine pour Diane de Poitiers serait l'exemple le plus illustre, quoique rare, de ce compromis amoral du temps.

C'est probablement la v?rit?. Henri aimait beaucoup les dames, et se plaisait <>. Si Brant?me dit vrai, ses nombreuses exp?riences lui auraient permis un jour de faire par comparaison un ?loge fort indiscret de sa femme. Ses po?tes favoris ?taient Lancelot de Carles et Mellin de Saint-Gelais, qui ne sont pas des chantres de l'amour transi. Mais il est vrai qu'il n'aimait pas le scandale et se d?barrassait vite des femmes qui, glorieuses de son choix, faisaient, comme dit Catherine, <> de leur faveur. Aussi donna-t-il cong? ? une grande dame ?cossaise, Lady Fleming, qui, ayant eu de lui un enfant, affectait les pr?tentions d'une ma?tresse en titre. Et cependant il reconnut le fils qu'il avait eu d'elle, Henri d'Angoul?me, comme il avait reconnu Diane de France, la fille de Philippa Duc. S'il n'a pas avou? l'enfant de Nicole de Savigny, c'est peut-?tre que la m?re ?tant mari?e, l'attribution de paternit? restait douteuse. Il a eu bien d'autres caprices qui n'ont pas laiss? de traces.

Est-il vraisemblable que cet homme de temp?rament amoureux ait, dans l'ardeur de sa jeunesse, ador? de loin Diane de Poitiers, cette beaut? savoureuse, alors dans l'?panouissement de sa maturit??

Quelle adoration et qui s'accorde si bien avec ses lettres d'amant humble et tendre! Pour qu'il lui ait gard? jusqu'? la mort le m?me amour, et comme une sorte de reconnaissance ?mue, il faut bien qu'elle ne l'ait pas rebut? dans la crise de d?sir de sa jeunesse; et peut-?tre qu'?prise elle-m?me--elle avait en 1538, quand il la connut, pr?s de quarante ans, l'?ge des grandes passions,--elle se soit donn?e et abandonn?e.

La principale int?ress?e, Catherine n'avait aucun doute sur la nature des rapports de son mari avec Diane. Elle dissimula la haine que lui inspirait la ma?tresse en titre tant que v?cut Henri II, et m?me apr?s la mort du Roi elle s'abstint, par respect pour sa m?moire, de trop vives repr?sailles. Mais elle n'oubliait pas. Veuve depuis vingt-cinq ans, elle remontrait ? sa fille, la reine de Navarre, dans une lettre du 25 avril 1584, qu'elle ne devait pas caresser les ma?tresses de son mari, car celui-ci pourrait croire que, si elle se montrait si indulgente, c'est qu'elle trouvait son contentement ailleurs. Et, allant au-devant de l'objection probable, elle ajoutait: <>.

Il est possible qu'au d?clin de son automne, la favorite, intelligente et avis?e, comme on le voit par ses lettres, ait compris qu'un tel attachement, pour durer toujours, devait changer de nature. Elle pouvait craindre, ? mesure que la diff?rence d'?ge apparaissait mieux, le ridicule et la d?saffection.

Le r?le d'amie, pr?n? par les doctrines litt?raires et sentimentales du temps, la gardait de ce risque. Ce fut d?s lors, pour les courtisans et les po?tes qui voulaient plaire, une v?rit? ?tablie que Diane, plus belle qu'H?l?ne et plus chaste que Lucr?ce, ?tait ch?rie du Roi, dit Ronsard, <>. Mais le souvenir de la possession, si la possession a cess?, resta si vif chez Henri II que, pour expliquer l'empire sans limite ni terme de cette femme qui n'?tait plus jeune sur cet homme qui l'?tait encore, le grave historien De Thou admet l'emploi de moyens magiques, le charme d'un mal?fice.

Catherine avait pour l'infid?le, son mari et son roi, une tendresse m?l?e de respect. Plus tard, au commencement de sa r?gence, en pleine p?riode d'incertitude et de trouble elle rappelait ? sa fille ?lisabeth, reine d'Espagne, le temps o?, disait-elle, je n'avais <>. Elle avait toujours souffert du partage, et quand Henri fut devenu roi, elle en souffrit plus encore, mais pour d'autres raisons. Henri II ?tait aimable et plein d'?gards pour sa femme. A son av?nement, il lui avait assign? deux cent mille francs par an et retenu ? son service <>. Mais personne n'ignorait que Diane avait la premi?re place dans son coeur et sa faveur. Lorsqu'il fit son entr?e solennelle ? Lyon, en 1548, 23 septembre, les consuls, bons courtisans, imagin?rent de le faire recevoir, au portail de Pierre Encize, par une Diane chasseresse, qui menait en laisse un lion m?canique <>, les couleurs de la favorite. Une Diane figurait aussi au fronton de l'arc triomphal dress? ? la porte du Bourg-Neuf. Le lendemain, quand la Reine fit son entr?e , la Diane arriva encore avec son automate qui <> de Catherine <>, elle <>. La Reine <> passa outre et s'attarda ailleurs ? des symboles plus plaisants. Dans les f?tes que donna le cardinal Jean du Bellay ? Rome pour la naissance du quatri?me enfant du roi un d?fil? de nymphes pr?c?da le tournoi. <>. Lors du sacre de la Reine ? Saint-Denis , Diane de Poitiers marchait ? sa suite en compagnie des princesses du sang.

La favorite et un favori, Anne de Montmorency, accaparaient le pouvoir et tenaient la Reine ? l'?cart des affaires. C'?tait, explique le V?nitien Contarini, parce que, malgr? sa sagesse et sa prudence, <>. Mais n'en pouvait-on pas dire autant de la toute-puissante ma?tresse? Les po?tes et les courtisans arrang?rent l'histoire. Ronsard mettant en sc?ne le dieu fluvial du Clain, un petit cours d'eau qui passe ? Poitiers, lui faisait pr?dire ? l'anc?tre de la maison des Poitiers une descendance royale. Il apparentait probablement de parti pris et confondait avec intention les comtes de Valentinois, la grande famille dauphinoise d'o? Diane ?tait issue, avec les anciens souverains du pays, les Dauphins de Vienne, qui se sont constitu?s, pour ainsi dire, par adoption une lign?e royale, en l?guant leur titre avec leurs domaines au fils a?n? du roi de France. On imagine combien Catherine devait souffrir de voir exalter l'origine de la favorite et rabaisser la sienne. Et cependant, pour complaire ? son mari, elle dissimulait sa jalousie et m?me faisait bonne gr?ce ? sa rivale.

Les ?gards m?me que la favorite lui montrait ne devaient pas la lui rendre plus ch?re. Diane s'occupait des enfants royaux comme s'ils ?taient siens. Elle servit ? la Reine de garde-malade. Souvent, dit une relation v?nitienne de 1551, elle envoyait le Roi coucher avec elle. Mais c'?tait une attention humiliante et qui n'?tait pas d?sint?ress?e. Sans doute elle aimait mieux qu'il pr?t son plaisir en lieu l?gitime que de courir les aventures, o?, entre autres risques, il pouvait rencontrer une nouvelle passion. Les deux femmes s'?taient unies contre Lady Fleming.

Le grand amour de Catherine appara?t surtout dans la correspondance, quand son mari fait campagne. Henri II, ? l'exemple de Fran?ois Ier, s'?tait alli? avec les protestants d'Allemagne contre Charles-Quint et, pour prix de son concours, il avait obtenu d'occuper Metz, Toul et Verdun, ces trois ?v?ch?s de langue fran?aise, qui ?taient membres du Saint-Empire . Il alla lui-m?me en prendre possession avec une arm?e que commandait son ami de coeur, le conn?table de Montmorency, et il y r?ussit presque sans coup f?rir.

La Cour avait suivi de loin. A Joinville, en Champagne, Catherine tomba malade, en fin mars 1552, d'une fi?vre pourpre dont elle faillit mourir. Le m?decin Guillaume Chrestien affirme qu'elle fut sauv?e par les soins et les pri?res de Diane. Mais Diane elle-m?me indique, avec peut-?tre quelque ironie, un meilleur rem?de: <>. En cet extr?me danger, Henri II se montra pour sa femme si attentif et si tendre, qu'on en fut, ?crit le 5 avril l'agent du duc de Ferrare, <>. Mais cette crise d'affection dura aussi longtemps que la fi?vre.

Pendant cette campagne, et pendant les deux qui suivirent, en 1553 et 1554, le Roi fut souvent absent de la Cour. Catherine alors s'habillait de noir et de deuil et obligeait son entourage ? faire comme elle. <>. Michel de l'H?pital, alors chancelier de Marguerite de France, duchesse de Berry, disait en vers latins au cardinal de Lorraine, qui avait suivi le Roi dans ce voyage d'Austrasie. <>.

La femme et la ma?tresse faisaient au Conn?table, chef de l'arm?e, les m?mes recommandations. Veillez sur le Roi, ?crit Diane, <>. Battez les ennemis, ?crit Catherine , mais tenez le Roi loin des coups, <> Peu lui importe le reste, <>. Les lettres de la ma?tresse semblent d'une ?pouse, inqui?te sans doute, mais s?re de l'affection de l'absent; celles de la femme sont d'une ma?tresse amoureuse. Catherine ?crit ? la duchesse de Guise, qui a rejoint son mari ? l'arm?e: <>. Elle est irrit?e contre Horace Farn?se, duc de Castro, le mari de Diane de France, qui venait de capituler dans Hesdin, apr?s avoir re?u d'ailleurs un coup d'arquebuse dont il mourut: <> Ce n'est pas qu'elle paraisse sensible ? la perte de cette place forte; mais Henri II ?tant retenu ? la fronti?re pour la couvrir contre l'ennemi. Horace Farnese est <>.

Mais lui n'est pas ? l'unisson. Diane parait inform?e jour par jour des ?v?nements; mais Catherine reste longtemps sans l'?tre. Elle apprend en juin 1552, par l'entourage de son mari, qu'elle va se rapprocher de l'arm?e et se rendre ? M?zi?res. <>. Elle se plaint quelquefois de ne pas recevoir de r?ponse ? ses lettres. Henri II laisse tomber la correspondance, peut-?tre pour ?viter les effusions conjugales. Il n'aime que Diane et Montmorency, et c'est ? eux qu'il r?serve ses d?clarations d'amour. Catherine en est r?duite ? demander de ses nouvelles ? tout le monde et ? se recommander par interm?diaire ? sa bonne gr?ce. Elle multiplie les lettres au Conn?table, qu'elle prie de dire au Roi la passion qu'elle a pour son service et pour sa personne. <>.

Dans une autre lettre au Conn?table , elle s'excusait de ne rejoindre son mari que le lendemain. Mais la lettre du Roi portait qu'elle devait venir le plus t?t qu'elle pourrait avec toute la compagnie, ses enfants compris. S'il lui e?t ?crit d'arriver tout de suite, elle n'aurait pas manqu? de partir seule, m?me sans chevaux. Ce n'?tait qu'un retard d'un jour, et cependant elle s'en justifiait comme d'une faute, protestant que <<... Dieu mercy, depuis que j'ay l'onneur de lui estre ce que je luy suis, je n'ay jamais failly de faire ce qu'il m'a command?, m'aseurant qu'il me faict cest honneur de le croire ainsi dans son cueur, qui me faict estre contante et m'aseurer que j'aye cest heur que d'estre en sa bonne grace et qu'il me cognoist pour telle que je luy suis.>>

Elle revient plusieurs fois, comme pour s'en bien convaincre elle-m?me, sur cette assurance o? elle est de n'?tre <> de sa bonne gr?ce, ajoutant pour le Conn?table <>

Comme elle craint de d?plaire! Et cependant, ? la m?me ?poque, elle montrait quelque vell?it? de rompre avec ses habitudes d'effacement. Elle osa se plaindre de la fa?on dont le Roi, partant en campagne, avait organis? le gouvernement. Il l'avait d?clar?e r?gente , mais au lieu de lui conf?rer pleine et enti?re autorit?, comme c'?tait l'usage et comme il le lui avait promis, elle se d?couvrit pour compagnon le garde des sceaux, Bertrandi, une cr?ature de Diane. Ainsi que l'?crivait au Conn?table le sieur du Mortier, Conseiller au Conseil priv?, c'est Bertrandi lui-m?me qui avait fait r?former le pouvoir de la Reine, lors de la premi?re lecture qui en fut faite au Roi, <>, hardiesse qu'assur?ment, on peut le croire, il ne se f?t pas permise s'il n'y avait ?t? pouss? par la toute-puissante favorite. En outre, les affaires occurrentes devaient ?tre d?lib?r?es avec <> du Conseil priv?, qui donneraient leur <>. Ainsi la R?gente partageait avec le garde des sceaux la pr?sidence du Conseil priv?, et dans le Conseil les d?cisions seraient prises ? la majorit? des voix. Pour plus de complication, Catherine ?tait autoris?e--avec l'avis du Conseil--? lever les troupes que le besoin requerrait pour la d?fense du royaume; et l'Amiral de France--c'?tait alors Claude d'Annebaut--avait charge lui aussi de s'occuper des m?mes choses concernant le fait de la guerre, dont il lui serait toujours <>. L'Amiral ne savait comment concilier ses attributions avec celles du Conseil priv? et du Garde des sceaux.

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