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Read Ebook: Tableau historique et pittoresque de Paris depuis les Gaulois jusqu'à nos jours (Volume 5/8) by Saint Victor J B De Jacques Benjamin

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Ebook has 641 lines and 131144 words, and 13 pages

Cependant ce qui causa une surprise g?n?rale, c'est que cette assembl?e, qui n'avoit ?t? faite que pour parvenir ? se passer des ?tats-g?n?raux, que l'on consid?roit justement comme un moyen extr?me et dangereux, se termina par la convocation qu'en fit le roi pour un terme tr?s-peu ?loign?. Les Guises avoient depuis chang? de sentiment, et m?ditoient un grand dessein.

Ils vouloient forcer le prince de Cond? ? se d?clarer rebelle en refusant de s'y rendre, ou, s'il s'y rendoit, le faire arr?ter, ayant acquis et acqu?rant chaque jour de nouvelles preuves de ses machinations contre l'?tat. Ils tenoient alors entre leurs mains une grande partie des fils de cette trame: l'arrestation d'un des agents du prince leur livra ceux qui leur manquoient encore, et sa correspondance, dont cet agent ?toit porteur, leur d?couvrit tout le plan des conjur?s. Le roi de Navarre et son fr?re devoient, en s'approchant de la cour, s'emparer de quelques-unes des principales villes qui se trouveroient sur leur route; pendant ce temps le conn?table se seroit rendu ma?tre de Paris, dont son fils le mar?chal de Montmorenci ?toit gouverneur; et au moyen des intelligences que le parti avoit en Bretagne et en Picardie, on ?toit s?r de faire soulever ces deux provinces. Apr?s avoir ainsi assur? de tous les c?t?s la retraite, les deux princes arrivoient aux ?tats suivis d'une arm?e de huguenots; ils ?toient le gouvernement ? la reine et aux princes lorrains; faisoient d?clarer le roi mineur jusqu'? vingt-deux ans, suivant d'anciennes coutumes du royaume qu'ils faisoient revivre, et s'emparoient de la r?gence conjointement avec le conn?table. Toute cette partie ?toit si bien li?e, que l'arrestation de son agent et la saisie de sa correspondance n'emp?ch?rent point le prince de Cond? de suivre l'ex?cution de son plan, et d'en tenter la premi?re entreprise, qui ?toit de se saisir de la ville de Lyon. Malgr? la r?solution des deux fr?res Maligny, qui en avoient ?t? charg?s, elle manqua par la vigilance et la fermet? du gouvernement, et surtout ? cause de l'ind?cision du roi de Navarre. Cet ?v?nement accrut encore le cr?dit et le pouvoir des Guises; et il n'est pas besoin de dire qu'ils surent en profiter. Plus fermes, plus actifs, plus intr?pides que jamais, et, suivant la belle expression d'un de nos grands ?crivains, ne laissant rien ? la fortune de ce qu'ils pouvoient lui ?ter, ils augment?rent encore la garde, d?j? si nombreuse, dont le roi ?toit environn?; sous divers pr?textes, les commandants des places et les gouverneurs de provinces dont ils n'?toient pas s?rs, furent rappel?s; et ceux qui les remplac?rent, choisis parmi les serviteurs les plus d?vou?s et les plus intr?pides, re?urent en cette circonstance des pouvoirs illimit?s et l'ordre de faire main basse sur les huguenots, partout o? ils les verroient s'assembler. Tout ce qu'ils avoient de cr?dit, d'influence et d'autorit? dans les provinces fut employ?, avec autant d'adresse que de bonheur, ? ne faire ?lire pour les ?tats g?n?raux que des d?put?s qui fussent sinc?rement catholiques. La ville de Meaux, indiqu?e d'abord pour le lieu de l'assembl?e, ne leur paroissant pas assez s?re, parce qu'elle ?toit remplie de nouveaux religionnaires, ils choisirent Orl?ans; et le roi partant alors de Fontainebleau, et traversant Paris au milieu d'un appareil militaire qui ressembloit ? une v?ritable arm?e, vint s'?tablir dans cette ville dont les troupes royales occupoient d?j? tous les postes, et dont tous les bourgeois avoient ?t? d?sarm?s. Ce fut alors que, pouvant parler en ma?tres, les deux ministres firent sommer au nom du roi, et le prince de Cond? et le roi de Navarre, de se rendre aux ?tats-g?n?raux; et que l'on vit ceux-ci, r?duits ? un ?tat presque d?sesp?r?, ne pouvoir faire autrement que de s'y rendre, ? la vue de leurs partisans abattus et d?concert?s; eux-m?mes n'ignorant point le danger auquel ils alloient s'exposer, et qu'il n'y avoit plus pour eux aucun moyen d'?viter.

Ce danger ?toit en effet le plus grand qu'ils eussent jamais couru; et le projet des Guises ?toit, comme ils le dirent bient?t hautement, <> Au moment m?me o? ils arriv?rent, les deux princes furent arr?t?s. Le prince de Cond?, jug? ? l'instant m?me par des commissaires que le roi chargea d'instruire son proc?s, et convaincu de trahison, fut condamn? ? perdre la t?te; sa sentence de mort, suspendue un moment, parce qu'on vouloit y envelopper le roi de Navarre et le conn?table, alloit ?tre ex?cut?e; le parti protestant sembloit perdu sans retour, lorsque la mort subite et impr?vue de Fran?ois II, vint une seconde fois ranimer les ambitions, rendre l'esp?rance aux factieux, et changer enti?rement la face des ?v?nements.

Le conn?table revint aussit?t ? la cour, et sa pr?sence y rendit le courage aux Colignis et au roi de Navarre, qui, pour prix de la r?gence ? laquelle il avoit ?t? forc? de renoncer, avoit obtenu le titre de lieutenant-g?n?ral du royaume. Le vieux guerrier, accueilli de la reine m?re et du jeune roi avec toutes les marques les plus flatteuses de confiance et d'affection, y reprit aussit?t l'ascendant que lui donnoit sa haute dignit?; et le prince de Cond?, tir? ? l'instant m?me de sa prison, selon la promesse qui lui en avoit ?t? faite, fut envoy? ? son ch?teau de La F?re, accompagn? d'une garde qu'on lui donna seulement pour la forme, et jusqu'? ce que son innocence e?t ?t? proclam?e par un arr?t des cours souveraines. Les Guises virent ce changement qui s'op?roit dans leur fortune, sans se d?concerter, sans songer un seul instant ? quitter la partie; parce qu'ils pr?voyoient que Catherine auroit incessamment besoin d'eux, et ne se livreroit point enti?rement ? leurs ennemis. Ils se tinrent seulement sur leurs gardes, et ralli?rent leurs partisans; ce que firent de leur c?t? les chefs de l'autre parti, la reine continuant de se m?nager entre eux, flattant de part et d'autre les esp?rances et les pr?tentions, et les emp?chant ainsi de se porter ? de f?cheuses extr?mit?s.

Il y eut donc, gr?ce ? ses intrigues, comme une apparence de rapprochement entre les partis pendant les ?tats d'Orl?ans, qui, ainsi que l'observe tr?s-judicieusement le pr?sident H?nault, ne produisirent aucun bien, et dans lesquels les r?form?s obtinrent quelques concessions, et con?urent de grandes esp?rances. Mais les coeurs ?toient trop ulc?r?s: le prince de Cond? ne pouvoit pardonner aux Guises l'arr?t de mort qu'ils avoient fait rendre contre lui; les Colignis, persuad?s qu'ils avoient voulu les envelopper dans sa perte, ne respiroient que haine et vengeance; la reine Marguerite de Navarre, calviniste opini?tre jusqu'au fanatisme, ne cessoit d'exciter son mari contre les princes lorrains, essayant par tous les moyens de le faire sortir de son indolence et de son ind?cision; et le chancelier, tout d?vou? ? la cause des religionnaires, la secondoit de tous ses efforts. Il ne s'agissoit plus que d'entra?ner tout-?-fait le conn?table qui flottoit encore entre ce qu'il croyoit son int?r?t, celui de ses liaisons de famille, et l'attachement sinc?re qu'il avoit pour la religion catholique. S'ils eussent pu parvenir ? le d?cider, leur manoeuvre ?toit pr?te; et cette manoeuvre, concert?e entre eux ? Paris, consistoit ? profiter de la circonstance particuli?re des ?tats de l'?le de France, qui alloient s'assembler dans cette ville, pour faire demander hautement par le roi de Navarre, le renvoi des deux ministres. Comme on ne doutoit point que la reine, dans le syst?me qu'elle avoit adopt?, ne refus?t absolument une semblable demande, ce prince devoit sur-le-champ quitter la cour et se rendre ? Paris avec le conn?table; et l'on se tenoit assur? qu'au moyen de l'influence du mar?chal de Montmorenci, gouverneur de la ville, les ?tats de la province, d'une voix unanime, reconno?troient ce prince r?gent du royaume, exemple qui, joint aux mesures qu'on avoit prises, entra?neroit infailliblement le reste de la nation. La sc?ne eut lieu ? Fontainebleau, o? ?toit alors le roi, comme elle avoit ?t? concert?e ? Paris, et le trouble, la terreur de Catherine, furent port?s au dernier degr?; mais un exp?dient que proposa le cardinal de Tournon, comme par une inspiration subite, changea en un moment la face des choses. Au moment o? le conn?table, que les conjur?s avoient enfin su gagner, faisoit les pr?paratifs de son d?part, le jeune roi le fit venir dans son appartement, et lui enjoignit, au nom du salut de l'?tat, de rester aupr?s lui. Frapp? de la mani?re dont cet ordre lui fut donn?, et nourri d?s son enfance dans un respect profond pour ses ma?tres, le vieillard ob?it, le roi de Navarre n'osa partir seul, et le complot avorta.

Il suffit de ce retour de Catherine vers les ennemis des Guises, pour rendre aux chefs du parti religionnaire toute leur audace et toute leur activit?. Ils pr?sent?rent aussit?t au roi, et par les mains du roi de Navarre, une requ?te dans laquelle ils accusoient le parlement d'avoir viol? l'?dit de Romorantin qui, lui interdisant la connoissance des crimes d'h?r?sie, l'attribuoit exclusivement aux ?v?ques; et en m?me temps d'avoir adopt? et fait ex?cuter de nouvelles mesures de rigueur contre les h?r?tiques. Le parlement fut aussit?t mand? au conseil d'?tat pour y rendre compte de sa conduite, et pour y recevoir de nouveau l'ordre, tant de fois r?p?t?, d'enregistrer les ordonnances du roi sans d?lai et sans modifications. Au sujet d'une ?meute excit?e par les protestants, et dans laquelle ces sectaires ?toient ?videmment punissables, on rendit plusieurs ordonnances nouvelles tellement favorables au calvinisme, qu'ils assimiloient presque son culte ? celui des catholiques; et le chancelier, pr?voyant l'opposition que la cour ne manqueroit pas d'y apporter, ne craignit point de d?roger ? l'ancienne forme, et de les adresser directement aux tribunaux inf?rieurs. L'?tonnement du parlement fut grand, ses remontrances furent tr?s-vives, et, dans cette circonstance, d'une telle force de raison, qu'on ne jugea pas ? propos d'y r?pliquer. Cependant ces ordonnances s'ex?cutoient: c'?toient les catholiques qui, par une r?volution inou?e, ?toient devenus les opprim?s; et les calvinistes montr?rent bien, dans cette circonstance, l'esprit de faction et d'ind?pendance qui faisoit le caract?re de leur secte, par la mani?re dont ils abus?rent de ce moment de prosp?rit?. Leur insolence et la publicit? qu'ils donn?rent ? leurs pr?ches ? Paris, o? ils ?toient moins nombreux que partout ailleurs, excit?rent de nouveau la fureur du peuple. Il y eut encore des rixes au faubourg Saint-Germain, dans lesquelles les h?r?tiques, la plupart gentilshommes, eurent facilement l'avantage contre des ?coliers et des bourgeois. Ils en tu?rent plusieurs, jet?rent l'?pouvante parmi les autres, et, montrant ensuite les ordonnances du roi, brav?rent impun?ment les tribunaux qui os?rent s?vir contre eux. De tels exc?s produisirent, du reste, une commotion subite et g?n?rale dans le royaume, et firent pr?voir des d?sordres encore plus grands.

Cette agitation extraordinaire des esprits causa de vives inqui?tudes ? la cour; le parti de la reine sentit le danger qu'il y avoit d'employer des moyens arbitraires aussi violents; et il fut d?cid? qu'on r?uniroit ensemble le conseil et le parlement pour statuer sur la libert? civile qu'il ?toit convenable d'accorder ? ceux qui professoient la nouvelle doctrine. Le r?sultat de ces conf?rences fut l'?dit connu sous le nom d'?dit de juillet, et donn? quelques jours apr?s ? Saint-Germain, lequel, quoique moins rigoureux que celui de Romorantin, ne fit qu'aigrir les ressentiments de tout le parti, parce que, si l'on en excepte la peine de mort que les sectaires cessoient d'encourir lorsqu'ils ?toient convaincus, ils se trouv?rent du reste dans une position aussi f?cheuse qu'auparavant, et surtout priv?s de la permission momentan?e qu'ils avoient obtenue de s'assembler publiquement.

Ainsi Catherine n'avait recueilli jusqu'alors d'autre fruit de tous ses vains m?nagements que d'irriter encore davantage les chefs du parti protestant, en se privant de l'appui qu'elle auroit pu trouver dans ceux du parti catholique. Toutefois cet ?dit produisit un calme apparent et de feintes r?conciliations, parmi lesquelles on remarqua celle du prince de Cond? et du duc de Guise, qui, par ordre du roi, se virent et m?me s'embrass?rent. Deux ?v?nements d'une plus grande importance vinrent bient?t occuper les esprits: d'abord les ?tats-g?n?raux tenus ? Pontoise, o? l'administration du royaume pour laquelle elle avoit tout sacrifi?, et sa conscience et ses v?ritables int?r?ts, fut confirm?e ? la reine; dans lesquels, par une contradiction sans doute fort ?trange, tandis que la France enti?re se soulevoit contre l'h?r?sie, le clerg? fut humili? et mis ? contribution; ensuite le colloque de Poissy, o? des ministres protestants, ce qui ?toit encore sans exemple, se rendirent, munis de sauf-conduits, pour disputer contre des ?v?ques catholiques.

La reine avoit elle-m?me provoqu? cette conf?rence fameuse; et elle l'avoit fait pour calmer l'amiral, qui l'accusoit d'?tre le principal auteur de l'?dit de juillet. Elle eut donc lieu, malgr? les fortes et judicieuses repr?sentations du cardinal de Tournon, qui n'eut pas de peine ? d?montrer que rien n'?toit plus dangereux que de permettre que l'on disput?t publiquement sur une religion dont les preuves invincibles ?toient fond?es sur l'autorit?; et qu'en cette circonstance, le danger ?toit d'autant plus grand, que beaucoup d'esprits ?toient d?j? ou corrompus ou ?branl?s par toutes ces doctrines nouvelles, uniquement fond?es sur le raisonnement. Mais Catherine s'inqui?toit peu de ces graves consid?rations: elle suivoit la marche que lui tra?oient les int?r?ts du moment; et nous avons d?j? fait voir, et plus d'une fois, que ces int?r?ts ?toient ? peu pr?s sa seule religion.

Ce colloque de Poissy ne servit qu'? faire ?clater encore davantage le mauvais esprit du chancelier, qui se montra plus ? d?couvert dans cette circonstance qu'il ne l'avoit fait jusqu'alors; et ? rendre ?vidente cette disposition o? ?toit alors la reine de favoriser le parti r?form?. Mais il produisit aussi cet heureux effet que le roi de Navarre, frapp? des variations de la doctrine protestante et de la mauvaise foi de ses d?fenseurs, commen?a ? ?tre ?branl? et ? montrer quelque penchant ? rentrer dans le sein de l'?glise catholique. Les Guises, qui le suivoient, pour ainsi dire, pas ? pas, n'avoient garde de manquer une occasion si d?cisive de se d?livrer enfin et pour toujours des intrigues fatigantes et de la politique inconstante et perfide de Catherine, de se donner ainsi le seul appui qui leur manquoit encore pour n'avoir plus rien ? craindre de personne et se rendre redoutables ? tous. Toute leur habilet? et toutes leurs ressources furent donc mises en oeuvre pour achever ce que le colloque de Poissy avoit commenc?: ils appel?rent ? leur secours le pape et le roi d'Espagne, qui entr?rent avec beaucoup d'ardeur dans cette n?gociation. Aux motifs de conscience qui ?toient de nature ? faire impression sur le roi de Navarre, dont le coeur ?toit naturellement simple et droit, ils surent joindre des motifs d'int?r?t personnels propres ? le toucher vivement; enfin par une de ces r?volutions si fr?quentes dans cette d?plorable ?poque de notre histoire, tandis que Catherine se faisoit en quelque sorte de catholique protestante, Antoine de Bourbon s'appr?toit ? quitter le parti protestant pour se mettre ? la t?te du parti catholique.

Toutefois avant que ce prince timide et irr?solu se f?t enti?rement d?cid?, cette protection marqu?e que la reine m?re accordoit d?j? aux h?r?tiques causa de nouveaux troubles dans Paris. Les pr?dicateurs tonn?rent dans les chaires contre une aussi coupable indulgence; et comme, dans ces temps malheureux, et par des causes que nous avons d?j? fait conno?tre, l'esprit de r?volte ?toit partout; et que ceux-l? m?mes qui d?fendoient les vraies doctrines, protestoient secr?tement contre l'autorit?, qui en est la seule sauve garde, ce z?le religieux, qui n'avoit plus ni r?gle ni frein, s'emporta jusqu'? l'outrage contre ceux qui ?toient charg?s de l'administration publique, et la chaire retentit de maximes s?ditieuses et subversives de toute puissance l?gitime. Ces fougueux orateurs parloient ? un peuple qui n'?toit que trop dispos? ? les ?couter: on craignit les suites de ces sermons fanatiques, et, pour en arr?ter le cours, le prince de La Roche-sur-Yon fit enlever au milieu de la nuit et conduire dans les prisons de Saint-Germain le plus violent de ces pr?dicateurs. Le lendemain il jugea ? propos d'en donner avis au parlement, en lui communiquant l'ordre qu'il avoit re?u du roi: ? peine cette nouvelle se fut-elle r?pandue, que les cours du palais se remplirent de citoyens de tous les rangs; les principaux bourgeois rendirent plainte contre cette violence publique; et leur animosit? alla si loin, que, n'obtenant rien du parlement, ils ne craignirent pas d'aller ? Saint-Germain porter au roi lui-m?me leurs r?clamations; et l? ils s'exprim?rent avec si peu de m?nagements, ils pouss?rent de telles clameurs, qu'on fut oblig? de leur rendre le prisonnier, qu'ils ramen?rent en triomphe dans l'?glise de Saint-Barth?lemi, o? il avoit prononc? son sermon.

En effet le roi de Navarre s'?toit enfin d?clar?: son union avec les triumvirs n'?toit plus un myst?re; et Catherine, ? qui jusqu'alors ce parti avoit sembl? peu redoutable, ?pouvant?e d'une alliance qui n'alloit pas moins qu'? ruiner en un moment ce qu'elle avoit acquis par tant d'artifices et de travaux, ne vit plus pour elle d'autre ressource que de se jeter entre les bras des r?form?s. Par l'entremise de l'H?pital, que l'on voit toujours m?l? ? ces funestes intrigues, et, dans le conseil de cette princesse, toujours opinant pour le plus mauvais parti, une alliance ?troite fut donc form?e entre elle, le prince de Cond? et les Colignis; et le nouveau gage de cette union fut la promesse formelle qu'elle leur fit de r?voquer l'?dit de juillet et de faire enfin obtenir aux r?form?s ce qu'ils d?siroient depuis si long-temps, l'exercice public de leur culte. Ce fut, dit-on, ? cette occasion que l'amiral, qui la croyoit sinc?rement calviniste, crut pouvoir s'ouvrir enti?rement ? elle, et lui d?couvrir les ressources immenses de sa faction: aveu indiscret qui lui apprit bien des choses qu'elle ignoroit encore, et qu'elle renferma dans le fond de son coeur pour en faire son profit, selon que le demanderoient les circonstances et son int?r?t.

Le moment pr?sent demandoit qu'elle f?t ce qui ?toit agr?able aux r?form?s; et, comme elle n'?toit pas s?re du conseil, o? dominoit alors le parti des Guises, elle convoqua ? Saint-Germain et pour le mois de janvier suivant, une assembl?e de notables, particuli?rement compos?e de d?put?s de tous les parlements et de toutes les autres cours souveraines: assembl?e ? laquelle les triumvirs refus?rent d'assister, et que ses manoeuvres et celles du chancelier avoient su composer de telle mani?re que l'?dit de juillet y fut r?voqu?, et remplac? par l'?dit scandaleux et devenu ? jamais c?l?bre sous le nom d'?dit de janvier, dans lequel il fut enfin accord? aux huguenots d'exercer publiquement leur culte, et d'?lever autel contre autel, dans le royaume tr?s-chr?tien. C'est alors que l'on put commencer ? conno?tre cette fausse position dans laquelle s'?toit plac? le parlement, qui depuis si long-temps combattoit ? la fois pour la vraie religion et contre la puissance du chef de l'?glise. Cette puissance, si elle e?t ?t? respect?e en France comme elle l'avoit ?t? jadis et comme elle devoit l'?tre, si elle y e?t exerc? la juste influence qu'il lui appartenoit d'y avoir, e?t coup? ? l'instant m?me le mal dans sa racine; et la sentence qu'elle e?t port?e en cette grave circonstance devenant obligatoire pour tous, cette cour de justice, o? dominoit toujours le parti catholique, se seroit trouv?e dans le cas d'une r?sistance l?gitime contre l'autorit? m?me de son propre souverain, ou de ceux qui le repr?sentoient. Mais, parce que le parlement avoit voulu se faire ind?pendant de l'autorit? spirituelle, le cri de sa conscience contre un acte de l'autorit? temporelle devint un cri de r?volte; et il put apprendre ? ses d?pens que ces deux puissances devoient exercer un empire ?gal, quoique bien diff?rent, sur les soci?t?s chr?tiennes; que vouloir se soustraire ? l'une, c'?toit se faire n?cessairement esclave de l'autre. Lorsqu'il fut question d'enregistrer cet ?dit monstrueux, ce fut vainement qu'? deux reprises il fit les remontrances les plus ?nergiques, et que deux fois il refusa l'enregistrement. Les menaces n'ayant pu vaincre son obstination, on employa contre lui la violence; et il lui fallut c?der. Les autres parlements ne r?sist?rent pas avec moins d'opini?tret?; mais, si l'on en excepte celui de Dijon, tous enregistr?rent ?galement, parce que l'on alla jusqu'? d?ployer contre eux l'appareil de la force militaire. Cependant, comme nous le verrons bient?t, cet ?dit si odieux aux catholiques accrut l'audace des huguenots sans les satisfaire; et, au moyen de ce syst?me funeste de conciliation et de pr?tendue justice distributive, les ressentiments n'en devinrent que plus violents et plus implacables.

Cependant ? peine eut-il ?t? rendu, que commenc?rent ? ?clater tous les d?sordres qui en ?toient l'in?vitable cons?quence; et que dans toutes les parties de la France les scandales se multipli?rent avec les sympt?mes les plus effrayants: un grand nombre se d?claroient calvinistes, qu'on n'avoit point jusque-l? soup?onn?s de l'?tre; des religieux et des religieuses d?sertoient leur clo?tre et apostasioient publiquement; des clercs et des pr?tres alloient se marier au pr?che en vertu de l'?dit; et de toutes parts les catholiques ?toient de nouveau et impun?ment insult?s et menac?s. Mais, dans le temps m?me que les r?form?s se r?jouissoient de ces d?plorables triomphes, la politique profonde des Guises pr?paroit dans l'ombre les ressorts qui devoient porter un coup terrible ? leurs ennemis, et changer enti?rement le cours des ?v?nements.

Voici quelle ?toit alors la position des choses; et il convient de la bien conno?tre pour entendre clairement ce qui va suivre. L'?dit de janvier avoit profond?ment afflig? le souverain pontife, r?duit alors ? n?gocier et ? solliciter en faveur de la religion, au lieu de commander en ma?tre comme il lui auroit appartenu de le faire. Il savoit que c'?toient les pernicieux conseils des Colignis qui avoient pouss? la reine ? prendre d'aussi funestes r?solutions: soutenu de l'ambassadeur d'Espagne, son l?gat, le cardinal de Ferrare, pressa donc Antoine de Bourbon d'user de toute l'autorit? que lui donnoit sa charge de lieutenant-g?n?ral du royaume, pour les faire exiler de la cour; et tous les deux lui firent entendre que le trait? entam? avec lui pour la restitution de la Navarre, ou pour un ?quivalent ? cette restitution, ne pouvoit se conclure qu'? ce prix.

Par suite de ces instances du l?gat, ce prince demanda avec beaucoup d'instances ? la reine d'?loigner les Colignis. Catherine crut trouver dans cette demande une occasion favorable de se d?livrer en m?me temps des principaux chefs du triumvirat, qu'elle craignoit beaucoup plus qu'elle ne prenoit d'int?r?t aux chefs des r?form?s. Elle consentit donc sans beaucoup de peine ? l'?loignement de ceux-ci, toutefois sous la condition expresse que les Guises et le mar?chal de Saint-Andr? s'?loigneroient en m?me temps qu'eux; et ce qui dut sans doute causer quelque ?tonnement, c'est que tous accept?rent cette esp?ce d'exil sans en paro?tre nullement affect?s. En effet, chacun d'eux n'y voyoit rien qui p?t lui nuire et croyoit au contraire y trouver son avantage. Les princes lorrains laissoient ? la cour le roi de Navarre entre les mains du l?gat et de l'ambassadeur d'Espagne, auxquels il ne pouvoit plus d?sormais ?chapper; les Colignis ainsi que le prince de Cond? comptoient sur la reine ? cause de la frayeur que lui causoit le triumvirat, et pensoient que, d?livr?e de la pr?sence des Guises, elle auroit plus de moyens de consolider l'alliance qu'elle avoit contract?e avec eux. La s?paration se fit ? Saint-Germain: le duc de Guise se retira ? Joinville, et le cardinal son fr?re ? Reims; le prince de Cond? et les Colignis se rendirent ? Paris; la reine emmena le roi ? la maison royale de Monceaux situ?e ? quelque distance de la ville de Meaux; et chacun s'occupa sans rel?che de mettre son absence ? profit.

Les chefs des r?form?s avoient un grand projet. Ils vouloient s'emparer de Paris, et c'?toit dans ce dessein qu'ils venoient de choisir cette ville pour le lieu de leur retraite. Avant cette ?poque, le prince de Cond? y avoit d?j? fait de fr?quents voyages; il y entretenoit de nombreuses correspondances; et, plut?t que de s'en ?loigner, il avoit refus? la commission importante d'aller en Gascogne et en Guienne pour y faire ex?cuter l'?dit de janvier. Sa pr?sence y ranima sans doute le courage de ses partisans; toutefois l'entreprise qu'il m?ditoit, pr?sentoit des obstacles insurmontables et qu'il n'avoit pas su pr?voir: car, bien que cette ville e?t ?t? en effet le berceau de la nouvelle doctrine, et que les principes de cette doctrine n'eussent point cess? d'y ?tre pr?ch?s, m?me pendant le feu des plus violentes pers?cutions, cependant l'exemple des premiers magistrats, la vigilance des officiers de police, et bien plus encore la multitude des confr?ries religieuses dans lesquelles chaque citoyen, class? suivant son rang ou sa profession, trouvoit une sorte de sauve garde contre les nouveaut?s religieuses, avoient emp?ch? que l'h?r?sie ne se propage?t dans l'ordre des vrais bourgeois; et si quelques relations nous parlent d'assembl?es de r?form?s montant ? dix mille personnes, il faut sans doute y comprendre une foule d'?trangers, de d?soeuvr?s, de mendiants, de vagabonds, esp?ce de gens qui abondent toujours dans les grandes villes, qu'attirent tous les spectacles, et qui n'ont d'autre mobile que l'int?r?t ou la curiosit?; mais les monuments les plus authentiques t?moignent que le nombre des vrais r?form?s ne passoit pas deux mille, et qu'? peine y comptoit-on un tiers de bourgeois. Quelques mouvements que se f?t donn?s le prince pour accro?tre ce troupeau, il ne paro?t pas qu'il e?t fait de grands progr?s: car les nouvelles dispositions du roi de Navarre ne furent pas plus t?t connues, qu'on vit disparo?tre des pr?ches une grande partie de cette multitude confuse, sur laquelle d'ailleurs on avoit peu compt?; et, quoiqu'il se t?nt encore des assembl?es de sept ? huit mille personnes, les seules forces effectives dont il f?t possible de tirer quelque parti, se r?duisoient ? environ quatre cents gentilshommes, trois cents vieux soldats amen?s par d'Andelot, trois cents ?tudiants, et un nombre ? peu pr?s ?gal de bourgeois qui manquoient d'armes. Il ?toit impossible de se rendre ma?tre, avec cette poign?e d'hommes, d'une ville aussi ?tendue que Paris l'?toit d?s ce temps-l?; et cependant le p?ril croissoit de moment en moment, car les manoeuvres des triumvirs, combin?es avec autant de justesse que de profondeur, ?toient sur le point d'?clater.

En effet les Guises n'avoient point perdu leur temps dans cet exil volontaire auquel ils s'?toient si facilement r?sign?s; ou pour mieux dire, ils ne l'avoient jamais plus habilement employ?: car des n?gociations qu'ils entam?rent aussit?t avec les princes luth?riens d'Allemagne, et dans lesquelles ils profit?rent, avec la plus grande dext?rit?, de la division qui r?gnoit d?j? entre leur ?glise et celle des calvinistes, eurent le r?sultat d?cisif qu'ils vouloient obtenir, qui ?toit d'arr?ter les secours que ceux-ci avoient d'abord ?t? dispos?s ? donner aux religionnaires de France. Pendant ce temps, le l?gat et l'ambassadeur d'Espagne achevoient de conclure avec le roi de Navarre le trait? qui l'encha?noit irr?vocablement au parti catholique. Enfin cet accord tant d?sir? est sign?; et, pour premier gage de la nouvelle alliance, il est convenu que le roi de Navarre commencera par forcer le prince de Cond? de quitter Paris, et appellera aussit?t tous les chefs catholiques aupr?s de lui pour frapper imm?diatement apr?s de plus grands coups.

La marche du duc n'en fut point arr?t?e; elle ne le fut pas davantage par les instances que lui fit la reine, de venir trouver le roi ? Monceaux pour y tenter, avec le prince de Cond?, de nouveaux projets de conciliation; et, redoublant de vitesse ? mesure qu'il approchoit de Paris, il entra dans cette capitale le 16 mars, ? la t?te d'une troupe de quinze cents cavaliers bien arm?s.

Jamais entr?e royale n'eut un appareil plus brillant. Parti de la porte Saint-Denis, ce seigneur traversa la ville aux acclamations redoubl?es d'un peuple entier dans le d?lire de la joie, et qui croyoit voir en lui son unique lib?rateur. Il fut harangu?, comme le souverain lui-m?me, par le pr?v?t des marchands et les ?chevins; et, saisis du m?me enthousiasme que le peuple, ces magistrats le pri?rent de disposer de leurs bras et de leurs fortunes pour la d?fense de la religion. Le duc re?ut leurs offres, mais au nom du roi de Navarre, d?clarant qu'il n'?toit que son soldat, arriv? par son ordre dans la capitale du royaume, et pr?t ? servir l'?tat partout o? il lui plairoit de l'envoyer.

Paris se trouva alors partag? en deux partis, dont les chefs, formant deux conseils s?par?s, ne marchoient qu'entour?s de soldats, et dans l'appareil mena?ant des ennemis les plus acharn?s; avec cette diff?rence que le chef de l'un de ces partis avoit pour lui la population enti?re de la ville, tandis que l'autre, r?duit ? une escorte d'un petit nombre de gentilshommes d?termin?s, qui s'?toient attach?s ? sa fortune, voyoit cro?tre de moment en moment les p?rils de sa situation. Catherine, qui croyoit alors sa puissance et sa fortune attach?es ? celle du prince de Cond? partageoit toutes ses inqui?tudes, s'unissoit plus intimement que jamais ? sa faction, et tentoit tous les moyens possibles d'abattre celle des triumvirs. Sur l'invitation qu'elle lui en avoit faite, le roi de Navarre ?toit all? la rejoindre ? Monceaux, s?r qu'il ?toit maintenant de n'?prouver aucun obstacle pour la quitter, d?s que l'int?r?t de son parti le rappelleroit ? Paris. Elle auroit bien voulu y attirer aussi le duc de Guise; et alors, les retenant tous les deux prisonniers, elle e?t d'un seul coup abattu leur faction. Mais celui-ci ?toit trop habile pour donner dans un semblable pi?ge. Ce fut lui au contraire qui envoya vers le roi de Navarre le pr?v?t des marchands, pour l'inviter ? revenir dans la capitale, o? sa pr?sence seule pouvoit en imposer aux partis pr?ts ? en venir aux mains. Il s'y rendit aussit?t; et c'est alors que, commen?ant ? ex?cuter le plan convenu entre eux, il invita son fr?re, le prince de Cond?, ? en sortir, au nom du salut de l'?tat et de la paix publique. Celui-ci ayant refus? de le faire avec toute la hauteur de son caract?re, le roi de Navarre ?crivit sur-le-champ ? la reine qui, le d?pit dans le coeur, se vit alors forc?e de lui en donner, et au nom du roi, le commandement absolu. Il partit, ne respirant que la vengeance; et, comme tous ses projets et tous ses int?r?ts ?toient li?s alors aux int?r?ts et aux projets de la reine, le duc de Guise, se doutant bien qu'au sortir de Paris ce prince iroit se concerter avec elle; et, jugeant avec sa sagacit? accoutum?e qu'au point o? en ?toient les choses, si elle se livroit, et le roi avec elle, au parti huguenot, le parti catholique deviendrait alors le parti rebelle, il sut faire comprendre au conn?table et au roi de Navarre que, comme ils ne pouvoient conserver aucune esp?rance de la gagner, il n'y avoit plus un moment ? perdre pour s'emparer de la m?re et du fils; que ce qu'ils avoient ? Paris de gens arm?s suffisoit ? ce dessein, dessein que le prince de Cond? ex?cuteroit sans doute lui-m?me et tr?s-incessamment, s'il n'?toit pr?venu: car de toutes parts il recevoit des avis que ses partisans accouroient se r?unir ? lui de tous les coins du royaume.

Ce prince ?toit alors ? Meaux, o? l'amiral et son fr?re ?toient venus le rejoindre; et tous les trois travailloient effectivement avec la plus grande activit? ? r?unir un nombre de soldats suffisants pour voler au secours de Catherine qui, se doutant du projet des triumvirs, avoit quitt? pr?cipitamment Monceau, et de Fontainebleau, o? elle s'?toit retir?e, lui ?crivoit lettre sur lettre pour qu'il se h?t?t de venir la sauver des mains de ceux qu'elle appeloit alors ses ennemis. Mais les triumvirs avoient des ressources plus promptes et plus s?res, et ne mettoient pas une moindre vigilance dans leurs entreprises. Convaincus que le moment ?toit d?cisif, ils partent de Paris avec un corps nombreux de cavalerie, arrivent ? Fontainebleau, et d?clarent ? la reine qu'ils viennent chercher le roi, lui laissant, du reste la libert? de l'accompagner, ou de se retirer o? bon lui sembleroit. Catherine veut r?sister, emploie tour ? tour les pri?res et les menaces; mais pendant ce temps le conn?table fait d?meubler les appartements; et donne le signal du d?part. Ce fut une n?cessit? pour elle de suivre son fils: muette de col?re et de douleur, elle se laissa conduire ? Melun au milieu de ses femmes ?plor?es, et tenant entre ses bras le jeune roi, qui, frapp? d'un tel ?v?nement, versoit des larmes comme s'il ?toit tomb? entre les mains de ses plus cruels ennemis.

Quelques heures plus t?t, le prince de Cond? enlevoit aux triumvirs une proie si pr?cieuse; et il n'?toit plus qu'? quelques lieues de Fontainebleau, lorsqu'il apprit que ceux-ci l'avoient gagn? de vitesse, et que le roi ?toit en leur pouvoir. Profond?ment afflig? d'un revers dont toutes les cons?quences se pr?sentent ? son esprit, mais trop courageux pour en ?tre accabl?, il tourne bride aussit?t, arrive sous les murs de Paris, o? il cause un moment de frayeur, mais dont il s'?loigne d?s qu'on lui a accord? le passage de ses troupes sur le pont de Saint Cloud; puis de l? s'avance, ? marches forc?es, vers Orl?ans, o? d'Andelot, entr? furtivement quelques jours auparavant avec un petit nombre de soldats d?guis?s, se battoit alors contre les catholiques, qui l'avoient d?couvert, et qui vouloient l'en chasser. L'arriv?e du prince d?cida de la victoire, et rendit son parti ma?tre d'une place d'armes capable de lui servir de retraite et de point d'appui. Le prince y emp?cha le pillage et les violences que ses soldats vouloient exercer contre les habitants; mais il leur abandonna les ?glises, dont les richesses furent pill?es, et o? il se commit d'horribles profanations.

Cependant les triumvirs avoient fait conduire le jeune roi de Melun ? Vincennes et de l? ? Paris, seul lieu o? ils jugeassent que sa personne f?t en s?ret?. Ce fut l? que l'on re?ut la nouvelle des exc?s qui venoient de se commettre ? Orl?ans; le conn?table voulut lui-m?me en tirer la premi?re vengeance qui f?t possible en ce moment; et se mettant ? la t?te d'une troupe de soldats, il alla lui-m?me dans les faubourgs donner la chasse aux ministres protestants, fit raser le pr?che de Popincourt, et br?ler les bancs et la chaire d'un autre pr?che situ? sur les foss?s de la porte Saint-Jacques, ne regardant pas, disoit-il, de telles exp?ditions comme indignes de lui, puisqu'il s'agissoit du bien de la religion. Ces actes de s?v?rit? et l'arrestation d'un des plus furieux agents de la r?forme, r?pandirent une telle ?pouvante dans tout le parti, que l'exercice du culte cessa ? l'instant m?me ? Paris, et que les ministres s'enfuirent tous ? Orl?ans, o? s'organisoit d?j? un gouvernement, et se rassembloit une force militaire capable de rivaliser avec celle des triumvirs.

On se pr?para des deux c?t?s ? la guerre: les chefs catholiques, ma?tres de la personne du roi, traitant le prince de Cond? et ses partisans de rebelles ? la puissance l?gitime; le prince pr?textant la captivit? du monarque et de sa m?re pour ?ter ? sa conduite le caract?re de r?bellion. Toutefois les moyens et les avantages ?toient bien diff?rents. C'?toit vainement que le parti r?form? rejetoit les d?clarations de Charles et de Catherine, comme extorqu?es par la tyrannie des triumvirs: ceux-ci, ma?tres de la personne du roi, soutenus de la population enti?re de la capitale et de la majeure partie de la nation, d?fenseurs de la religion de l'?tat, avoient non-seulement les apparences, mais aussi toute la force du parti l?gitime; et le parlement, auquel le prince de Cond? s'adressa, le lui fit bien voir en repoussant avec amertume les apologies, d?clarations et protestations qu'il jugea ? propos de lui envoyer. Cependant, ? peine la nouvelle du pr?tendu massacre de Vassy et de la prise d'Orl?ans se fut-elle r?pandue, que les protestants, qui sembloient n'attendre que le signal de la r?bellion, coururent de toutes parts aux armes, et s'empar?rent par surprise d'un grand nombre de villes, et entre autres de la ville de Rouen, o? ils se livr?rent aux plus grands exc?s. De l'or et de l'argent des ?glises, qui furent d?vast?es et profan?es partout o? pass?rent leurs arm?es, le prince de Cond? fit battre monnoie pour payer ses soldats; et, tandis que les triumvirs n?gocioient avec le pape, le roi d'Espagne, le duc de Savoie, il renouoit ses n?gociations avec les princes allemands et avec la reine d'Angleterre, qui s'appr?toit ? lui faire payer cher son alliance et ses secours. On commen?a ? se battre dans le Languedoc, dans la Guienne, dans le Dauphin?; et, d?s les premiers moments de cette guerre coupable et impie, les huguenots furent ce qu'ils ne cess?rent point d'?tre jusqu'? la fin, fanatiques et cruels jusqu'? la plus atroce barbarie, comme s'ils eussent pris ? t?che de justifier les terribles repr?sailles que les catholiques devoient bient?t exercer contre eux. Aux simples gentilshommes se joignirent bient?t beaucoup de seigneurs des plus consid?rables de la cour, dont plusieurs avoient eu des commandements dans les arm?es, et qui, par leur r?putation, leur habilet? et leur influence, firent depuis la principale force du parti. Enfin le mal devint si violent et si g?n?ral, qu'il e?t fallu une arm?e catholique presque dans chaque province pour en arr?ter les progr?s; et que, sans la fermet? de Blaise de Montluc, commandant pour le roi dans la Guienne, et l'arriv?e des troupes italiennes et des garnisons fran?oises qui entr?rent dans le Dauphin?, c'en ?toit fait peut-?tre en France et de l'autorit? royale et de la religion.

Ce fut dans des circonstances aussi critiques que l'H?pital osa proposer dans le conseil un moyen de conciliation, qui ?toit que le duc de Guise, le conn?table et le mar?chal de Saint-Andr? s'?loignassent de la cour, conditions auxquelles le prince de Cond? promettoit de mettre bas les armes. Cet avis, qu'il avoit concert? avec la reine, dont la politique ?toit toujours la m?me, et qui suivoit avec le m?me ent?tement ses premiers projets d?sormais impraticables, n'eut d'autre effet que de le d?masquer davantage aupr?s de gens bien autrement habiles que lui; et, sous pr?texte qu'il ?toit homme de robe, il fut enti?rement exclu des conseils de guerre.

Pr?ts ? quitter Paris pour aller ? la rencontre de l'ennemi, les chefs du parti catholique jug?rent qu'il ?toit prudent de mettre une ville aussi importante dans un ?tat de d?fense respectable. Il y avoit d?j? quelque temps que le mar?chal de Montmorenci n'en ?toit plus gouverneur; on lui avoit ?t? cette place ? cause de ses liaisons avec le parti r?form?, et elle avoit ?t? donn?e au cardinal de Bourbon. On substitua encore ? celui-ci le mar?chal de Brissac, l'un des plus grands hommes de guerre de son temps, exerc? dans les longues campagnes de Pi?mont ? ?tablir dans les villes une police peu diff?rente de celle d'un camp. <> Dans la premi?re revue que fit le mar?chal de ces milices bourgeoises, il y compta vingt-quatre mille hommes bien arm?s, et dont la plupart auroient pu figurer parmi des troupes de ligne.

Enfin les deux arm?es entr?rent en campagne, et l'on n?gocia d'abord au lieu de combattre; la reine esp?rant toujours profiter de ces n?gociations aux d?pens des deux partis, et la timidit? naturelle du roi de Navarre le portant ? saisir avec empressement tout ce qui sembloit ouvrir quelque voie ? une conciliation. Toutefois ces moyens ne r?ussirent pas. Au point o? en ?toient les choses, ils ne pouvoient en effet r?ussir; et le duc de Guise y triompha, par sa noble et franche conduite, de tous les artifices que l'on employoit de part et d'autre dans ces n?gociations. Cependant aux ?dits mena?ants lanc?s contre les rebelles, et qui ne laissoient pas que de jeter quelque trouble au milieu d'eux, les chefs catholiques joignirent bient?t l'avantage, plus d?cisif sans doute, d'une arm?e plus nombreuse, mieux aguerrie, qui se renfor?oit de jour en jour davantage, tandis que celle des r?form?s, compos?e en grande partie de gentilshommes qui faisoient la campagne ? leurs propres d?pens, se fondit pour ainsi dire ? vue d'oeil, d?s que la guerre eut commenc? ? tra?ner en longueur. Enfin, six mille Suisses que l'on attendoit ?tant venus se joindre aux troupes royales, il arriva que le prince de Cond?, d?sormais incapable d'agir jusqu'? ce qu'il e?t re?u lui-m?me des secours ?trangers, fut r?duit ? se renfermer dans Orl?ans pour y attendre le succ?s de ses n?gociations, tandis que l'arm?e du roi, ma?tresse de la campagne, s'avan?oit sans obstacle dans une partie des provinces o?, peu de temps auparavant, dominoit le parti des rebelles, soumettant sans r?sistance presque toutes les villes dont ceux-ci s'?toient empar?s et qui tenoient encore pour eux. C'?toit le duc de Guise qui avoit trac? le plan de cette exp?dition brillante, dont le r?sultat ?toit d'isoler le prince de Cond? dans Orl?ans, le si?ge de cette ville, qui ne pouvoit manquer d'?tre long et meurtrier, devant terminer cette suite d'op?rations militaires. Ce fut dans ces extr?mit?s que ce prince consomma sa trahison en livrant le H?vre ? la reine d'Angleterre pour prix des secours qu'elle promettoit de lui donner. Cet ?v?nement, qui commen?a ? ouvrir les yeux de Catherine et ? la d?tacher du parti des r?form?s, d?termina les chefs de l'arm?e royale ? presser le si?ge de Rouen, la seule ville qui, dans cette partie de la France f?t encore au pouvoir des huguenots, et la seule dont on n'avoit pas jug? n?cessaire de s'emparer avant d'assi?ger Orl?ans. La ville fut prise; mais le roi de Navarre y fut mortellement bless?, et ainsi commen?a ? s'affoiblir le seul parti qui voul?t sinc?rement le bien de l'?tat. Il alloit bient?t ?prouver une perte, bien autrement difficile ? r?parer.

Ce fut dans cette situation extr?me, et lorsqu'il ne lui restoit plus, de toutes les villes de son parti, que Lyon et Orl?ans, trop ?loign?es pour pouvoir correspondre ensemble, que le prince re?ut enfin un renfort de huit mille Allemands, que d'Andelot lui avoit amen?s ? travers mille obstacles, et avec des peines infinies. L'arriv?e de cette troupe releva ses esp?rances, que la d?faite enti?re d'un corps de partisans qu'on lui amenoit de la Guienne avoit fort abattues; et, sortant aussit?t d'Orl?ans, il marcha droit sur Paris. Il faut croire que son plan ?toit seulement d'en ?pouvanter les habitants, et de les d?go?ter d'une guerre qu'ils avoient si vivement d?sir?e, en d?vastant leurs campagnes, et en br?lant leurs faubourgs: car, d'entreprendre le si?ge d'une ville aussi consid?rable, avec un si petit nombre de soldats, ?toit un projet dangereux et tout-?-fait insens?. Quelle que fut son intention, la suite prouva qu'il n'?toit gu?re possible de prendre un plus mauvais parti. Catherine l'attendoit avec de nouvelles n?gociations, qu'il eut la foiblesse d'?couter, ce qui donna le temps de couvrir d'un rempart trois immenses faubourgs enti?rement ouverts, et que le prince e?t pu d?truire d'abord avec la plus grande facilit?. Quant ? la ville, munie d'une garnison de cinq ? six mille hommes de troupes r?gl?es, et de plus de vingt mille hommes de milices bourgeoises, elle ?toit absolument hors de toute insulte. Les conf?rences eurent pour objet l'?dit de janvier, que la reine offroit de r?tablir en le modifiant, tandis que le prince s'obstinoit ? en demander l'enti?re ex?cution. On ne s'accorda point, et pendant ce temps, non-seulement les fortifications qui assuroient la conservation des faubourgs furent achev?es, mais une partie de l'arm?e royale, alors en Normandie, vint se cantonner dans les villes et bourgs voisins de Paris, tenant ainsi en ?chec l'arm?e des conf?d?r?s, qui, camp?e en pleine campagne au commencement de l'hiver, souffroit horriblement du manque de vivres et des rigueurs de la saison. Si l'on en excepte une escarmouche que le prince tenta au faubourg Saint-Marceau, et qui n'eut d'autre succ?s que de jeter un moment l'alarme dans la ville, on y ?toit du reste si tranquille sur les suites de ce si?ge extravagant, que tandis qu'il d?veloppoit son arm?e dans les plaines de Montrouge, consumant un temps pr?cieux en vaines bravades, se pr?sentant presque tous les jours ? la vue des tranch?es, qu'il n'osoit cependant attaquer, parce qu'il manquoit d'artillerie, le peuple de Paris, plus calme et plus docile qu'il ne l'avoit jamais ?t? en pareille circonstance, ne paroissoit pas plus s'occuper de cette troupe ennemie, que si elle e?t ?t? sous les murs d'Orl?ans. Le parlement n'interrompit pas un seul jour l'exercice de ses fonctions, l'universit? continua ses le?ons, les boutiques rest?rent ouvertes, et tout pr?senta l'image de la plus profonde s?curit?.

Cependant la reine fit proposer au prince une derni?re conf?rence qui fut encore accept?e, et se tint dans un moulin, ? une distance ?gale de Montrouge et des tranch?es du faubourg Saint-Jacques. Les d?bats qu'elle fit na?tre prirent encore plusieurs jours, pendant lesquels le duc de Montpensier revenant de la Guienne, o? les r?form?s n'osoient plus remuer, s'approcha ? marches forc?es de la capitale, ? la t?te d'une arm?e de sept mille hommes, compos?e de Gascons et de troupes espagnoles. Ce fut alors que le prince reconnut, trop tard sans doute, l'embarras de sa situation, et le motif de ces conf?rences dans lesquelles ses ennemis s'?toient montr?s bien plus habiles que lui. Sa retraite, facile quinze jours auparavant, devenoit maintenant extr?mement p?rilleuse au mois de d?cembre, avec des troupes d?courag?es, en pr?sence d'une arm?e sup?rieure, conduite par des chefs exp?riment?s, et ma?tresse de tous les passages. Cependant, quelque pressant que f?t le danger, il lui en co?toit tellement d'abandonner sa proie, qu'il ne voulut point lever le si?ge avant d'avoir fait une derni?re tentative contre les faubourgs. Cette attaque, qui devoit ?tre ex?cut?e la nuit, n'ayant pas mieux r?ussi que le reste, par la d?fection d'un de ses principaux officiers, il se d?cida enfin ? faire sa retraite, en dirigeant sa marche du c?t? de la Normandie: l'arm?e royale se mit aussit?t ? sa poursuite.

Elle l'atteignit pr?s de la ville de Dreux, et c'est l? que fut livr?e la bataille fameuse qui en a conserv? le nom, et que ses diverses circonstances rendent l'une des plus extraordinaires dont il soit fait mention dans l'histoire. On se battit avec acharnement pendant sept heures, et avec des alternatives de succ?s vraiment singuli?res. Les chefs des deux arm?es, le prince de Cond? et le conn?table de Montmorenci, furent faits prisonniers. Vers la fin de l'action, le mar?chal de Saint-Andr? fut tu?, et la victoire des conf?d?r?s paroissoit certaine, lorsque le duc de Guise, qui n'avoit aucun commandement, s'?branlant ? propos, avec un corps de r?serve, et tombant sur cette troupe en d?sordre et fatigu?e de carnage, d?cida du sort de la journ?e. La nouvelle qu'on re?ut ? Paris d'une victoire aussi ?clatante y fit na?tre une joie d'autant plus vive, que les premiers courriers y avoient r?pandu l'accablement et la terreur, en annon?ant la perte de la bataille. Catherine fut la seule qui ne partagea point cette ivresse g?n?rale. Quel que f?t le parti qui triomph?t, elle n'avoit qu'? perdre avec lui de son influence et de son autorit?; et l'int?r?t de son ambition n'?toit point que les choses en vinssent ? des extr?mit?s telles, que les chefs de l'une ou l'autre faction fussent les ma?tres absolus des affaires.

Telle ?toit alors la triste situation de la France. Cependant l'amiral, retir? en Normandie avec les d?bris de l'arm?e conf?d?r?e, y d?soloit le pays, sans que le mar?chal de Brissac, alors charg? du commandement de la ville de Rouen, et dont les troupes peu nombreuses ?toient employ?es ? tenir en ?chec la garnison anglaise qui occupoit le H?vre, p?t opposer le moindre obstacle ? ses mouvements et ? ses entreprises. Ce fut au milieu de ces circonstances difficiles que le duc de Guise fit ses pr?paratifs pour le si?ge d'Orl?ans, qu'il commen?a malgr? la rigueur de la saison; et ses mesures ?toient tellement combin?es, qu'imm?diatement apr?s la prise de cette ville, toutes les forces du royaume qu'il mettoit secr?tement en mouvement vers un point commun, devoient se trouver r?unies pour accabler d'un seul coup l'amiral, lequel tombant, tout le parti dont ce chef ?toit d?sormais l'unique appui, tomboit n?cessairement avec lui.

Un tel plan con?u et ex?cut? par un tel homme, ne pouvoit manquer de r?ussir; et d?j?, la ville d'Orl?ans ?toit sur le point de succomber ? ses dispositions savantes et vigoureuses, lorsque, le 18 f?vrier, retournant le soir ? son quartier, apr?s avoir tout dispos? pour l'attaque du lendemain, le duc de Guise fut atteint d'un coup de pistolet que lui tira de derri?re une haie Jean Poltrot de Merey, gentilhomme angoumois; sept jours apr?s, il mourut des suites de cette blessure. L'amiral fut fortement soup?onn? d'avoir conduit le bras de l'assassin, et la mani?re m?me dont il s'en d?fendit, ne servit qu'? confirmer ce soup?on, qui seul suffiroit pour d?shonorer sa m?moire, que d?shonorent tant d'autres actions coupables et cruelles; qui seul d?truit toute la piti? que pourroit inspirer sa fin, plus malheureuse encore et plus tragique que celle de son ennemi.

On ne peut exprimer la douleur dont le peuple de Paris fut saisi ? la nouvelle de ce triste ?v?nement. Il se pr?cipita tout entier au-devant du corps de cette illustre victime, lorsqu'il fut apport? dans la ville; et les fun?railles que lui d?cerna le voeu unanime des habitants furent plus remarquables encore par les pleurs et les g?missements de la multitude innombrable des assistants, que par une magnificence qui ne le c?da gu?re ? celle que l'on d?ployoit pour les rois, dans ces derni?res solennit?s.

Devenue ma?tresse absolue des affaires, Catherine rentra dans ses voies accoutum?es: l'H?pital domina de nouveau dans le conseil; et l'on reprit aussit?t ces projets de conciliation que les Guises avoient toujours repouss?s, parce qu'ils en avoient reconnu le danger et l'impossibilit?. Les deux prisonniers, le conn?table et le prince de Cond?, furent amen?s ? des conf?rences dans lesquelles l'?dit de janvier, reproduit d'un c?t?, combattu de l'autre, fut enfin r?tabli sous le nom d'?dit d'Amboise, avec plusieurs modifications d?favorables aux protestants, ce qui produisit le double effet de m?contenter ceux-ci, et de ne point satisfaire les catholiques, qui vouloient la suppression enti?re de cet ?dit scandaleux. Toutefois une paix simul?e suivit ces n?gociations; et l'?tat, flottant entre deux partis, se trouva de nouveau dans cette position fausse et p?rilleuse d'o? le duc de Guise avoit su le tirer. Pour avoir voulu m?nager les int?r?ts de tous, la reine vit bient?t se multiplier ses embarras et se soulever contre elle tous les int?r?ts. Il lui fallut se justifier aupr?s du pape et des princes catholiques de cette paix qu'elle venoit d'accorder aux h?r?tiques; le mariage qu'elle continuoit de n?gocier, du roi son fils avec la petite-fille de l'empereur, l'obligeant de s'appuyer des Guises, dont cette princesse ?toit la ni?ce, elle avoit m?content? le conn?table en donnant au jeune prince de Joinville la charge de grand-ma?tre de la maison du roi, que poss?doit son p?re, et il lui fallut apaiser l'ambitieux vieillard par d'autres concessions; enfin, les Colignis s'?toient retir?s dans leurs terres, furieux de la paix conclue par le prince de Cond?, et apr?s lui avoir pr?dit qu'il ne tarderoit point ? s'en repentir. Celui-ci ?toit le seul qui par?t alors agir dans un v?ritable accord avec Catherine, soit qu'il f?t las en effet de la guerre, soit qu'il f?t ?bloui des promesses qu'elle lui avoit faites; ils prirent ensemble la r?solution de faire la guerre aux Anglois, et de les chasser du H?vre, que lui-m?me leur avoit livr?.

La paix avec l'Angleterre suivit de tr?s-pr?s la prise du H?vre; et cette fois la reine ?lisabeth ne recueillit point le fruit des divisions que sa politique trouvoit tant d'int?r?t ? fomenter en France; mais ces divisions renaissoient d'elles-m?mes, et tous les vains m?nagements de Catherine ne servirent qu'? d?montrer avec plus d'?vidence que le plan qu'elle s'?toit fait ?toit le plus mauvais qu'il f?t possible d'adopter. Le prince de Cond?, bien qu'il e?t l'air de s'abandonner aux plaisirs que lui pr?sentoit une cour brillante et voluptueuse, et de se laisser prendre aux s?ductions dont la reine s'?tudioit ? l'environner, n'en conservoit pas moins avec les Colignis des relations intimes que cimentoient leurs communs int?r?ts. Ceux-ci qui, ainsi que nous venons de le dire, se tenoient ?loign?s des affaires, n'en continuoient pas moins d'?tre le centre et le point de ralliement de tout leur parti; et ? peine eut-on donn? un commencement d'ex?cution ? l'?dit d'Amboise, que ce parti jeta les hauts cris, se plaignant de ce que cet ?dit, bien plus d?favorable pour eux que l'?dit de janvier, n'?toit encore qu'imparfaitement ex?cut?. Cependant la famille des Guises, soutenue de la faveur populaire, poss?dant encore parmi ses membres plusieurs personnages d'un m?rite ?minent, et dans le jeune prince de Joinville , un fils qui sembloit devoir un jour marcher dignement sur les traces de son p?re, rallioit autour d'elle les nombreux amis du feu duc et toute la noblesse catholique, maintenoit avec le pape et l'Espagne les relations intimes qu'il avoit su si solidement ?tablir, et se pr?sentoit de nouveau comme la plus s?re esp?rance de l'?tat et de la religion. D'un autre c?t?, le conn?table, profond?ment bless? de n'avoir aucune part au gouvernement, laissoit ?chapper des murmures contre la paix et m?me contre l'?dit, qui cependant ?toit en partie son propre ouvrage. Ces plaintes, avidement recueillies par ses partisans, avoient fait de sa maison le rendez-vous de tous ceux qui partageoient les m?mes opinions: on y d?clamoit hautement contre les mesures impolitiques de la cour, et la guerre y ?toit pr?sent?e comme le seul rem?de aux maux que pr?paroit l'avenir. On la d?siroit ardemment, on l'appeloit hautement; une fermentation g?n?rale agitoit tous les esprits, et les dispositions des princes ?trangers n'?toient pas plus rassurantes. Tous continuoient de t?moigner, dans des communications fr?quentes avec le cabinet fran?ois, combien ils ?toient m?contents de ces concessions, que Catherine avoit faites ? l'h?r?sie dans un royaume aussi vaste, aussi puissant que la France, et dont l'influence ?toit si grande sur les destin?es de la grande soci?t? catholique et europ?enne.

C'est ici que les intrigues de Catherine deviennent encore plus compliqu?es, et que ses v?ritables intentions ?chappent au milieu de tant de mouvements qu'elle se donne, de tant de ressorts qu'elle fait jouer ? la fois. Il fut d?cid? que le roi feroit un voyage aux Pyr?n?es, o? une entrevue avoit ?t? arrang?e entre lui et sa soeur la reine d'Espagne; qu'il profiteroit de cette occasion pour visiter les principales provinces de son royaume; et tout fut pr?par? pour ce voyage myst?rieux, qu'aucun historien n'est encore parvenu ? expliquer d'une mani?re qui le fasse bien comprendre.

La marche du roi se dirigea d'abord vers la Lorraine, et Catherine profita de cette circonstance pour s?duire les princes allemands, et les d?tacher ? l'avenir de l'alliance du parti r?form?: elle r?ussit aupr?s de quelques-uns. De l? le roi s'avan?a ? petites journ?es vers les parties m?ridionales de la France, au milieu d'une cour leste et galante, et dans un appareil de paix qui sembloit devoir bannir toute m?fiance; mais il faisoit d?manteler sur son passage les fortifications qui lui sembloient suspectes; des citadelles s'?levoient aupr?s des grandes villes, dont on soup?onnoit la fid?lit?; en m?me temps paroissoient des ?dits interpr?tatifs de celui d'Amboise, et qui effectivement en restreignoient de plus en plus les clauses favorables aux calvinistes. Ceux-ci se plaignirent encore; et le prince de Cond?, commen?ant ? ouvrir les yeux, adressa, de sa terre de Valleri, une longue remontrance au roi: il n'en re?ut qu'une r?ponse s?che et peu satisfaisante . Ce prince, continuant ensuite son voyage, s'arr?ta ? Avignon, o? la reine m?re eut des entretiens secrets avec un agent affid? du pape. Lorsqu'on fut arriv? ? Bayonne, lieu fix? pour l'entrevue, les espions du parti calviniste remarqu?rent avec inqui?tude, dans la suite de la reine d'Espagne, le fameux duc d'Albe, confident intime de Philippe II; et ces inqui?tudes augment?rent lorsqu'ils d?couvrirent que Catherine avoit aussi avec lui de fr?quentes conf?rences. Le retour ne fit que confirmer ces alarmes: on y remarqua que le jeune roi, traversant la Guienne, montroit ? la reine de Navarre, qui l'avoit accompagn?, les monast?res renvers?s, les ?glises ruin?es, les croix abattues, les statues mutil?es, les campagnes sem?es d'ossements arrach?s aux tombeaux, les villes d?mantel?es, et laissoit exhaler le m?contentement que lui causoit un semblable spectacle en paroles pleines de d?pit; cette reine surtout, attach?e du fond du coeur ? la nouvelle religion, en con?ut une m?fiance que rien depuis ne put dissiper.

On essaya vainement de diminuer ces m?fiances qui se r?pandoient parmi les r?form?s, en faisant des efforts pour amener une r?conciliation entre les deux maisons de Guise et de Ch?tillon. Aussit?t apr?s la mort du duc, les princes lorrains, convaincus que Coligni ?toit le principal auteur de son assassinat, n'avoient cess? d'en demander vengeance, et l'avoient poursuivi devant le parlement. Coligni ?toit venu ? Paris pour se d?fendre, mais dans un appareil si mena?ant, que le roi, craignant les suites d'une querelle qui pouvoit rallumer la guerre civile, avoit ?voqu? l'affaire au grand conseil, et impos? silence aux deux parties pendant trois ans. Le terme expiroit cette ann?e m?me; et l'on profita de l'assembl?e qui se tint alors ? Moulins, non pour juger l'affaire, mais pour essayer de rapprocher ces fiers et implacables ennemis. Ils y consentirent apr?s les plus grandes difficult?s: l'amiral jura qu'il ?toit innocent de la mort du duc, et les Guises feignirent de le croire; brouill? avec le duc de Montmorenci qui, quelque temps auparavant, l'avoit gravement insult?, le cardinal de Lorraine parut aussi se r?concilier avec lui; tous les deux s'embrass?rent, se jur?rent amiti?, et l'on se s?para, plus irrit?, plus soup?onneux, plus d?termin? que jamais ? la vengeance.

Cependant le concile de Trente venoit de finir: l'occasion se pr?sentera bient?t pour nous d'examiner avec quelque d?tail quels en furent les r?sultats relativement ? la France, et de ramener l'attention sur cet ?tat singulier dans lequel s'?toit volontairement plac?e la premi?re nation de l'Europe, menac?e int?rieurement par les ennemis de la religion, pr?te ? s'armer pour les combattre, pr?te ? faire un schisme avec le chef de cette m?me religion auquel elle contestoit ses droits les plus essentiels, se montrant ainsi tout ? la fois favorable et contraire ? l'autorit? de l'?glise et ? son infaillibilit?. L'esprit qui dirigeoit alors les autres puissances catholiques n'?toit ni meilleur ni plus raisonnable: elles affectoient un grand z?le pour la cause du catholicisme; elles offroient m?me ? Catherine de former avec elle une ligue pour d?truire en France le parti protestant; mais, si l'on en excepte la cour de Rome, qui agissoit de bonne foi, toutes avoient des vues plus ou moins int?ress?es et de nature ? alarmer la France; et la reine, qui dans ces circonstances difficiles, commit tant de fautes, fit bien toutefois de refuser leurs dangereux secours. Tels ?toient les fruits amers , tels ?toient, disons-nous, les fruits amers de cette politique qui, depuis deux si?cles, avoit appris aux princes chr?tiens ? se faire des int?r?ts s?par?s de ceux du christianisme, ? se servir de la religion comme d'un instrument pour contenir leurs peuples, en m?me temps qu'ils pr?tendoient se rendre ind?pendants de ses lois et de sa discipline. Cette politique avoit, d?s sa naissance, favoris? les progr?s de l'h?r?sie, que l'accord unanime de ces princes avec le chef de l'?glise e?t ?touff? dans son germe; elle continuoit de les diviser entre eux, de les renfermer dans le cercle ?troit d'une ambition mesquine et ? peu pr?s sans r?sultats; de les embarrasser dans une guerre de chicanes et de ruses diplomatiques, fond?e sur des craintes chim?riques ou sur des esp?rances incertaines; et cependant l'ennemi qui les mena?oit tous, s'avan?oit rapidement, croissoit dans sa marche, et s'appr?toit ? tout envahir. Tandis que Philippe II, en apparence l'ennemi le plus ardent des r?form?s fran?ois, continuoit, autant qu'il ?toit en lui, de tout brouiller au sein de la France, de l'entraver dans ses alliances, de lui susciter des ennemis; que l'empereur, suivant les impressions qu'il recevoit de ce monarque artificieux, pensoit encore ? recouvrer les villes que lui avoit fait perdre la paix de Cateau-Cambr?sis; que le duc de Savoie comptoit ?galement sur les troubles du royaume pour forcer enfin les Fran?ois ? ?vacuer les derni?res places fortes qu'ils occupoient encore dans ses ?tats, l'h?r?sie p?n?troit dans les Pays-Bas, s'y manifestoit par ses exc?s et ses fureurs accoutum?es, y allumoit un feu que bient?t toute la puissance du roi d'Espagne ne pourroit plus ?teindre; et la r?volution qu'elle y op?roit accroissoit en m?me temps, tant en France qu'en Allemagne, les forces du parti protestant. Ce r?gne et le suivant vont nous offrir encore bien d'autres d?plorables effets de cette politique insens?e; plus nous avancerons dans nos r?cits, plus il nous deviendra facile de la signaler; et ainsi sera ?clair?e d'un jour nouveau cette succession de grands ?v?nements que tant d'historiens ont infid?lement racont?s, dont tant d'autres n'ont su se faire qu'une id?e imparfaite, et qu'ils n'ont pu expliquer pour ne les avoir pas compris.

Cependant que faisoit Catherine? que pr?tendoit-elle? quel ?toit son but? De m?me que les autres princes de l'Europe, elle avoit pour premi?re pens?e ses propres int?r?ts, qui ?toient de conserver le pouvoir dont elle ?toit enfin parvenue ? s'emparer; et par cela m?me que ce qui touchoit l'?tat et la religion n'?toit pour elle que d'un int?r?t secondaire, elle ne voyoit qu'? moiti? ce qu'il falloit faire, n'avoit ni id?es fixes, ni plan arr?t?, et, au milieu de tant de dangers qui se multiplioient autour d'elle, continuoit de flotter au gr? de ces int?r?ts, qui varioient eux-m?mes sans cesse au gr? des ?v?nements. Elle n'?toit point ? savoir maintenant combien le parti protestant ?toit alarmant pour l'autorit? royale et pour l'existence m?me du roi: elle avoit bien le projet de le renverser; mais elle e?t d?sir? y parvenir sans ?tre oblig?e d'armer contre lui le parti royaliste dont les chefs ne lui ?toient gu?re moins redoutables; et c'est ainsi que voulant faire, sans troubler la paix, ce qui n'?toit possible que par la guerre, elle ne savoit faire en effet ni la guerre ni la paix. De l? ce syst?me de finesse et de dissimulation qui, lui ?tant la confiance des uns, n'avoit d'autre effet que d'exciter la m?fiance des autres. Cependant le jeune roi, bien qu'exerc? par sa m?re ? une dissimulation profonde, emport? par la violence de son caract?re, ne pouvoit quelquefois s'emp?cher de laisser ?clater son indignation contre les pr?tentions toujours croissantes des sectaires; et les paroles mena?antes qui lui ?chappoient de temps en temps, ?toient recueillies avec soin et transmises fid?lement aux chefs du parti. En m?me temps que le fils laissoit ainsi p?n?trer les secrets desseins de sa m?re, on peut dire que celle-ci se d?celoit, pour ainsi dire, ? force d'artifices et d'impostures, ? cette foule d'yeux si clairvoyants et si int?ress?s ? d?m?ler le fond de sa pens?e. Quelques efforts que l'on f?t pour leur donner le change, ils s'aper?urent enfin qu'on ne temporisoit que pour les perdre plus s?rement, et commenc?rent ? renouer leurs anciennes intelligences, que fortifi?rent des intelligences nouvelles avec les protestants des Pays-Bas. Il s'?toit toutefois pr?sent? une occasion de lever des soldats et d'enr?ler six mille Suisses au service de la France, sans qu'ils pussent en concevoir d'ombrage; et Catherine qui, peu auparavant et pour diminuer leurs soup?ons, avoit commis la faute de licencier une partie des troupes royales, saisit cette occasion avec beaucoup d'adresse et d'habilet?, suivant toujours son projet d'accabler tout ? coup ses ennemis par des forces sup?rieures, et sans que l'on f?t oblig? de tirer l'?p?e. Mais il ?toit impossible de faire avancer dans l'int?rieur du royaume des r?giments ?trangers qui n'avoient ?t? lev?s que sous pr?texte de garantir les fronti?res contre les insultes de l'arm?e du duc d'Albe, sans porter l'alarme au plus haut degr? dans le parti protestant. Les chefs de ce parti re?urent donc des avis certains du danger qui les mena?oit. Ils ?toient gens qui savoient se d?cider; les ex?cutions sanglantes qui se faisoient dans cet instant m?me au sein des Pays-Bas accroissoient encore leurs terreurs, et leur sembloient comme un premier r?sultat des conf?rences de Bayonne et des projets sinistres que l'on y avoit concert?s contre eux. Ils se r?unirent donc aussit?t, d'abord ? Valleri dans le ch?teau du prince de Cond?, ensuite dans celui de l'amiral, et y d?lib?r?rent en hommes qui connoissoient le prix d'un moment.

Le duc de Guise leur avoit donn? un grand exemple en s'emparant du roi avant de commencer les hostilit?s. <> Il proposa donc pour premi?re entreprise de tenter un semblable enl?vement dont le succ?s rejetteroit ce nom toujours odieux de rebelles sur le parti contraire. Monceaux, que la cour habitoit alors, ?toit une maison de plaisance mal gard?e et sans d?fense: ? la v?rit? les Suisses n'en ?toient pas ?loign?s; mais leurs quartiers ?toient s?par?s. <> Ce plan fut adopt?.

La cour venoit effectivement de s'?tablir ? Monceaux, o? le roi avoit d?clar? qu'il passeroit la belle saison; et Catherine, aveugl?e par ses propres ruses, follement persuad?e qu'elles ?toient demeur?es imp?n?trables ? ses ennemis, ?toit dans une telle s?curit? et si ?loign?e de penser qu'ils eussent con?u un si hardi projet, qu'elle rejeta comme une fable ridicule le premier avis qui lui en fut apport?. Cependant, d'autres avis succ?dant ? celui-ci, et arrivant coup sur coup et de tous les c?t?s et avec des circonstances plus alarmantes, elle sortit enfin de ce profond assoupissement, et n'en sortit toutefois que lorsque la troupe des conjur?s, conduite par l'amiral et le prince de Cond?, ?toit d?j? ? Lagni et sur le point d'investir l'habitation du roi. Le conn?table, conservant toute sa pr?sence d'esprit au milieu d'un tel danger, exp?dia ? l'instant m?me un courrier pour donner ordre aux Suisses qui ?toient cantonn?s ? Ch?teau-Thierry, de se rendre ? Meaux ? marches forc?es; et la cour, partant pr?cipitamment de Monceaux et dans le plus grand d?sordre, vint se r?fugier dans cette ville.

Ce conseil timide, bien digne de la politique qui avoit amen? les choses au point o? elles ?toient, alloit pr?valoir, et le conn?table s'y laissoit aller, lorsque l'on apprit que les conf?d?r?s n'?toient pas aussi forts qu'on l'avoit cru d'abord. Sur cette assurance, le duc de Nemours, regard? en ce moment comme le chef de la maison de Guise, parce qu'il avoit ?pous? Anne d'Est, veuve du feu duc, soutint que le parti contraire ?toit ? la fois moins p?rilleux et plus digne d'un roi de France; et le cardinal de Lorraine, ainsi que tous ceux qui ?toient de ce parti, se rang?rent ? son avis. Mais ce fut principalement le colonel Fiffer, commandant des Suisses, qui d?cida la question. Ayant ?t? admis dans le conseil, il y parla avec tant de force, de bon sens, de z?le pour la personne du roi; il supplia avec tant d'instances le jeune prince de s'abandonner ? l'honneur et ? la fid?lit? des braves troupes qu'il commandoit, s'engageant en leur nom ? le rendre sain et sauf ? Paris, qu'il entra?na tous les esprits, et qu'il fut d?cid? que l'on hasarderoit la retraite. <>

? minuit, les tambours battirent dans le quartier des Suisses: ? ce bruit, ministres, ambassadeurs, le roi, la reine, ses enfants, ses femmes, se mettent en mouvement: les Suisses forment un bataillon carr?, re?oivent Charles et sa suite au milieu, comme dans un fort, et partent, pr?c?d?s du duc de Nemours, qui commandoit les chevau-l?gers de la garde soutenus par un gros de courtisans, sans autres armes que leurs ?p?es.

C'?toit l'opinion de toute la cour; mais il ?toit tout simple que les calvinistes, voyant leur coup manqu?, s'en d?fendissent comme d'une horrible calomnie, r?p?tant ce qu'ils n'avoient cess? de dire, qu'ils n'avoient pris les armes que pour chasser leurs ennemis, dont le roi ?toit obs?d?, et qui ne cessoient de l'aigrir contre ses sujets les plus fid?les. Toutefois le plan qu'ils avoient form? de s'emparer des villes les plus importantes, de se saisir du cardinal de Lorraine comme d'un otage, de tailler en pi?ces les Suisses, seule troupe qui leur sembl?t redoutable, ce plan, si bien combin?, avorta dans toutes ses parties; et de m?me que la lenteur et l'irr?solution avoient d?truit tous les projets de Catherine, ce qui les fit ?chouer dans cette circonstance, ce fut une trop grande pr?cipitation qui les poussa ? commencer leur attaque avant d'avoir donn? le temps ? l'infanterie de rejoindre, d'o? il arriva qu'au lieu d'une arm?e, ils n'eurent d'abord qu'un corps de cavalerie, propre, tout au plus ? un coup de main. Malgr? cette foiblesse si ?vidente de leurs moyens, et le mauvais succ?s de leur premi?re entreprise, ils prirent la r?solution de faire une seconde fois le si?ge de Paris, et vinrent audacieusement camper devant ses murailles.

Ce fut vainement que le roi envoya, d?s le lendemain, dans leur camp, une d?claration portant l'ordre formel de mettre bas les armes dans les vingt-quatre heures, avec promesse d'amnistie pour ceux qui ob?iroient, et menace de peine capitale contre les r?fractaires: ils n'en pers?v?r?rent pas moins dans le projet d?raisonnable de bloquer cette grande capitale avec une poign?e de gens, et de la r?duire par la famine. Pour parvenir ? ce but, ils br?l?rent les moulins, s'empar?rent des ponts qui dominoient le cours de la rivi?re, et mirent des garnisons dans les ch?teaux situ?s sur les passages qui communiquoient ? la ville.

Ces dispositions alarm?rent d'abord Catherine, qui sur-le-champ crut devoir recourir ? sa ressource accoutum?e, la n?gociation. Les conf?d?r?s parurent entrer dans ses vues; et, quoique leurs pr?tentions fussent toujours exorbitantes, on en vint jusqu'? dresser un projet d'?dit qui sembloit devoir concilier des int?r?ts si divers, lorsque le parti calviniste d?truisit tout par une d?marche qui donna une derni?re preuve, la plus forte peut-?tre, de cet esprit de faction qui le dirigeoit, et des vues dangereuses dont on l'accusoit. Ses agents demand?rent hautement, dans les conf?rences, l'assembl?e des ?tats, le licenciement des troupes ?trang?res, l'ex?cution pleine et enti?re de l'?dit de janvier, la diminution des imp?ts; et, ne prenant pas m?me la pr?caution de cacher le dessein qu'ils avoient de gagner la multitude par cet app?t us? et cependant toujours employ? avec succ?s, ils firent en m?me temps afficher dans les villes qu'ils occupoient une d?claration portant qu'ils n'avoient effectivement pris les armes que pour obtenir la diminution des taxes et le soulagement des peuples. La reine et son conseil, irrit?s au dernier point d'un semblable proc?d?, rompirent brusquement les conf?rences, et ne voulurent plus entendre parler d'accord.

Aussit?t un h?raut envoy? par le roi se rendit dans la ville de Saint-Denis, dont les conf?d?r?s s'?toient empar?s, et leur signifia un ordre de sa majest?, par lequel il leur ?toit enjoint, ou de mettre sur-le-champ bas les armes, ou de d?clarer qu'ils persistoient dans leur r?volte. Cet ordre, accompagn? de menaces et adress? nominativement ? chacun des chefs, ne laissa pas que de jeter parmi eux quelque trouble, et d'abattre un peu de leur fiert?. Ils le prouv?rent par une requ?te plus modeste qu'il pr?sent?rent, et dont le r?sultat fut de renouer les conf?rences qui venoient d'?tre rompues. Elles se tinrent au village de la Chapelle, entre le conn?table et le prince de Cond?; mais le r?sultat n'en fut pas plus heureux, parce que, loin de faire aucune concession nouvelle aux huguenots, Montmorenci d?clara formellement que celles m?mes qui leur avoient ?t? accord?es ne l'avoient ?t? que pour un temps, et que l'intention du roi ?toit d?finitivement de ne souffrir dans son royaume qu'une seule religion.

On se pr?para donc ? d?cider la question par les armes. Les troupes du prince, bien qu'elles se fussent consid?rablement augment?es pendant tous ces d?bats, et qu'elles lui fournissent alors des moyens suffisants pour s'?tablir dans ses postes et y attendre un corps de re?tres qu'on levoit pour lui en Allemagne, ?toient loin cependant d'?galer l'arm?e royale renferm?e dans Paris; et les royalistes ne pouvoient choisir un moment plus favorable pour l'attaquer. Les Parisiens surtout demandoient la bataille ? grands cris, non qu'ils eussent beaucoup ? souffrir du blocus, qui n'embrassoit qu'une partie de la ville, mais parce que les soldats calvinistes, r?pandus dans la campagne, pilloient leurs fermes et ravageoient leurs terres. Le conn?table temporisoit; et la raison de ces d?lais, qui le faisoient soup?onner d'?tre d'intelligence avec les ennemis, ?toit un message qu'il avoit envoy? au duc d'Albe, et dont il attendoit la r?ponse. Il demandoit ? ce g?n?ral, qui venoit de soumettre les Pays-Bas, de lui pr?ter quelques r?giments au moyen desquels il auroit renferm? les rebelles entre deux arm?es et termin? la guerre d'un seul coup. Le succ?s ?toit immanquable; et c'est ? cause de cela m?me que le duc d'Albe, qui ?toit dans le secret de son ma?tre, employa, pour ?viter de donner ce secours, mille subterfuges qui ?quivaloient ? un refus. Philippe II ne s'?toit int?ress? aux troubles de France, qu'? cause de ceux qui avoient ?clat? dans ses propres provinces: l'incendie ?toit ?teint chez lui, il le croyoit du moins; et, tranquille pour son propre compte, il e?t contribu? lui-m?me ? le rallumer chez ses voisins. C'?toit toujours la m?me politique; il la croyoit savante et profonde: il ne tarda pas beaucoup ? apprendre ce qu'elle ?toit.

Ayant acquis la certitude qu'il n'y avoit rien ? esp?rer de ce c?t?, le conn?table se d?cida enfin ? donner la bataille. Elle fut livr?e le 10 novembre, dans la plaine de Saint-Denis, d'o? elle a pris son nom. Les royalistes avoient l'avantage du nombre, du terrain, et d'une artillerie sup?rieure; les calvinistes, attaqu?s ? l'improviste, et dans un moment o?, priv?s d'un gros d?tachement qu'ils avoient envoy? de l'autre c?t? de la rivi?re, ils n'avoient pas m?me la facult? de r?unir toutes leurs forces, se d?fendirent cependant avec une vigueur qui fit un moment balancer la victoire; mais enfin, accabl?s par le nombre, ce fut une n?cessit? pour eux de c?der, et les catholiques rest?rent ma?tres du champ de bataille.

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