Read Ebook: Recherches sur les substances radioactives by Curie Marie
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RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
TH?SE PR?SENT?E A LA FACULT? DES SCIENCES DE PARIS POUR OBTENIR LE GRADE DE DOCTEUR ?S SCIENCES PHYSIQUES;
PAR
Mme SKLODOWSKA CURIE.
PARIS, GAUTHIER-VILLARS, IMPRIMEUR-LIBRAIRE DU BUREAU DES LONGITUDES, DE L'?COLE POLYTECHNIQUE, Quai des Grands-Augustins, 55. 1904
PARIS.--IMPRIMERIE GAUTHIER-VILLARS, 35119 Quai des Grands-Augustins, 55.
RECHERCHES SUR LES SUBSTANCES RADIOACTIVES.
INTRODUCTION.
Le pr?sent travail a pour but d'exposer les recherches que je poursuis depuis plus de 4 ans sur les substances radioactives. J'ai commenc? ces recherches par une ?tude du rayonnement uranique qui a ?t? d?couvert par M. Becquerel. Les r?sultats auxquels ce travail me conduisit parurent ouvrir une voie si int?ressante, qu'abandonnant ses travaux en train, M. Curie se joignit ? moi, et nous r?un?mes nos efforts en vue d'aboutir ? l'extraction des substances radioactives nouvelles et de poursuivre leur ?tude.
D?s le d?but de nos recherches nous avons cru devoir pr?ter des ?chantillons des substances d?couvertes et pr?par?es par nous ? quelques physiciens, en premier lieu ? M. Becquerel, ? qui est due la d?couverte des rayons uraniques. Nous avons ainsi nous-m?mes facilit? les recherches faites par d'autres que nous sur les substances radioactives nouvelles. A la suite de nos premi?res publications, M. Giesel en Allemagne se mit d'ailleurs aussi ? pr?parer de ces substances et en pr?ta des ?chantillons ? plusieurs savants allemands. Ensuite ces substances furent mises en vente en France et en Allemagne, et le sujet prenant de plus en plus d'importance donna lieu ? un mouvement scientifique, de sorte que de nombreux M?moires ont paru et paraissent constamment sur les corps radioactifs, principalement ? l'?tranger. Les r?sultats des divers travaux fran?ais et ?trangers sont n?cessairement enchev?tr?s, comme pour tout sujet d'?tudes nouveau et en voie de formation. L'aspect de la question se modifie, pour ainsi dire, de jour en jour.
Si, au point de vue chimique, la question que nous nous sommes primitivement pos?e peut ?tre consid?r?e comme r?solue, l'?tude des propri?t?s physiques des substances radioactives est en pleine ?volution. Certains points importants ont ?t? ?tablis, mais un grand nombre de conclusions portent encore le caract?re du provisoire. Cela n'a rien d'?tonnant, si l'on consid?re la complexit? des ph?nom?nes auxquels donne lieu la radioactivit? et les diff?rences qui existent entre les diverses substances radioactives. Les recherches des divers physiciens qui ?tudient ces substances viennent constamment se rencontrer et se croiser. Tout en cherchant ? me conformer au but pr?cis de ce travail et ? exposer surtout mes propres recherches, j'ai ?t? oblig?e d'exposer en m?me temps les r?sultats d'autres travaux dont la connaissance est indispensable.
J'ai d'ailleurs d?sir? faire de ce travail un M?moire d'ensemble sur l'?tat actuel de la question.
J'ai ex?cut? ce Travail dans les laboratoires de l'?cole de Physique et de Chimie industrielles de la Ville de Paris avec l'autorisation de Sch?tzenberger, le regrett? Directeur de cette ?cole, et de M. Lauth, le Directeur actuel. Je tiens ? exprimer ici toute ma reconnaissance pour l'hospitalit? bienveillante que j'ai re?ue dans cette ?cole.
HISTORIQUE.
La d?couverte des ph?nom?nes de la radioactivit? se rattache aux recherches poursuivies depuis la d?couverte des rayons R?ntgen sur les effets photographiques des substances phosphorescentes et fluorescentes.
Les premiers tubes producteurs de rayons R?ntgen ?taient ces tubes sans anticathode m?tallique. La source de rayons R?ntgen se trouvait sur la paroi de verre frapp?e par les rayons cathodiques; en m?me temps cette paroi ?tait vivement fluorescente. On pouvait alors se demander si l'?mission de rayons R?ntgen n'accompagnait pas n?cessairement la production de la fluorescence, quelle que f?t la cause de cette derni?re. Cette id?e a ?t? ?nonc?e tout d'abord par M. Henri Poincar?.
Peu de temps apr?s, M. Henry annon?a qu'il avait obtenu des impressions photographiques au travers du papier noir ? l'aide du sulfure de zinc phosphorescent. M. Niewenglowski obtint le m?me ph?nom?ne avec du sulfure de calcium expos? ? la lumi?re. Enfin, M. Troost obtint de fortes impressions photographiques avec de la blende hexagonale artificielle phosphorescente agissant au travers du papier noir et un gros carton.
Les exp?riences qui viennent d'?tre cit?es n'ont pu ?tre reproduites malgr? les nombreux essais faits dans ce but. On ne peut donc nullement consid?rer comme prouv? que le sulfure de zinc et le sulfure de calcium soient capables d'?mettre, sous l'action de la lumi?re, des radiations invisibles qui traversent le papier noir et agissent sur les plaques photographiques.
M. Becquerel a fait des exp?riences analogues sur les sels d'uranium dont quelques-uns sont fluorescents. Il obtint des impressions photographiques au travers du papier noir avec le sulfate double d'uranyle et de potassium.
Les travaux d'autres physiciens sont venus confirmer et ?tendre les r?sultats des recherches de M. Becquerel, sauf en ce qui concerne la r?flexion, la r?fraction et la polarisation des rayons uraniques, lesquels, ? ce point de vue, se comportent comme les rayons R?ntgen, comme cela a ?t? reconnu par M. Rutherford d'abord et ensuite par M. Becquerel lui-m?me.
RADIOACTIVIT? DE L'URANIUM ET DU THORIUM. MIN?RAUX RADIOACTIFS.
Ces propri?t?s des compos?s d'urane ne sont dues ? aucune cause excitatrice connue. Le rayonnement semble spontan?; il ne diminue point d'intensit? quand on conserve les compos?s d'urane dans l'obscurit? compl?te pendant des ann?es; il ne s'agit donc pas l? d'une phosphorescence particuli?re produite par la lumi?re.
La spontan?it? et la constance du rayonnement uranique se pr?sentaient comme un ph?nom?ne physique tout ? fait extraordinaire. M. Becquerel a conserv? un morceau d'uranium pendant plusieurs ann?es dans l'obscurit? et il a constat? qu'au bout de ce temps l'action sur la plaque photographique n'avait pas vari? sensiblement. MM. Elster et Geitel ont fait une exp?rience analogue et ont trouv? ?galement que l'action ?tait constante.
J'ai mesur? l'intensit? du rayonnement de l'uranium en utilisant l'action de ce rayonnement sur la conductibilit? de l'air. La m?thode de mesures sera expos?e plus loin. J'ai ainsi obtenu des nombres qui prouvent la constance du rayonnement dans les limites de pr?cision des exp?riences, c'est-?-dire ? 2 pour 100 ou 3 pour 100 pr?s.
On utilisait pour ces mesures un plateau m?tallique recouvert d'une couche d'uranium en poudre; ce plateau n'?tait d'ailleurs pas conserv? dans l'obscurit?, cette condition s'?tant montr?e sans importance d'apr?s les observateurs cit?s pr?c?demment. Le nombre des mesures effectu?es avec ce plateau est tr?s grand, et actuellement ces mesures portent sur un intervalle de temps de 5 ann?es.
Des recherches furent faites pour reconna?tre si d'autres substances peuvent agir comme les compos?s d'urane. M. Schmidt publia le premier que le thorium et ses compos?s poss?dent ?galement cette facult?. Un travail analogue fait en m?me temps m'a donn? le m?me r?sultat. J'ai publi? ce travail, n'ayant pas encore eu connaissance de la publication de M. Schmidt.
Par leurs effets photographiques et ?lectriques les rayons de Becquerel se rapprochent des rayons de R?ntgen. Ils ont aussi, comme ces derniers, la facult? de traverser toute mati?re. Mais leur pouvoir de p?n?tration est extr?mement diff?rent: les rayons de l'uranium et du thorium sont arr?t?s par quelques millim?tres de mati?re solide et ne peuvent franchir dans l'air une distance sup?rieure ? quelques centim?tres; tout au moins en est-il ainsi pour la grosse partie du rayonnement.
Les travaux de divers physiciens, et, en premier lieu, de M. Rutherford, ont montr? que les rayons de Becquerel n'?prouvent ni r?flexion r?guli?re, ni r?fraction, ni polarisation.
Le faible pouvoir p?n?trant des rayons uraniques et thoriques conduirait ? les assimiler aux rayons secondaires qui sont produits par les rayons R?ntgen, et dont l'?tude a ?t? faite par M. Sagnac, plut?t qu'aux rayons R?ntgen eux-m?mes.
D'autre part, on peut chercher ? rapprocher les rayons de Becquerel de rayons cathodiques se propageant dans l'air . On sait aujourd'hui que ces divers rapprochements sont tous l?gitimes.
On arrive tr?s facilement ? ce r?sultat en soutenant le poids ? la main et en ne le laissant peser que progressivement sur le plateau ?, et cela de mani?re ? maintenir l'image de l'?lectrom?tre au z?ro. Avec un peu d'habitude on prend tr?s exactement le tour de main n?cessaire pour r?ussir cette op?ration. Cette m?thode de mesure des faibles courants a ?t? d?crite par M. J. Curie dans sa th?se.
Voici, ? titre d'exemple, des courbes qui repr?sentent l'intensit? du courant en fonction du champ moyen ?tabli entre les plateaux pour deux distances des plateaux diff?rentes. Le plateau B ?tait recouvert d'une couche mince d'uranium m?tallique pulv?ris?; le plateau A, r?uni ? l'?lectrom?tre, ?tait muni d'un anneau de garde.
La figure 2 montre que l'intensit? du courant devient constante pour les fortes diff?rences de potentiel entre les plateaux. La figure 3 repr?sente les m?mes courbes ? une autre ?chelle, et comprend seulement les r?sultats relatifs aux faibles diff?rences de potentiel. Au d?but, la courbe est rectiligne; le quotient de l'intensit? du courant par la diff?rence de potentiel est constant pour les tensions faibles, et repr?sente la conductance initiale entre les plateaux.
En plus de la diff?rence de potentiel que l'on ?tablit entre les plateaux, il existe entre ces derniers une force ?lectromotrice de contact, et ces deux causes de courant ajoutent leurs effets; c'est pourquoi la valeur absolue de l'intensit? du courant change avec le signe de la diff?rence de potentiel ext?rieure. Toutefois, pour des diff?rences de potentiel notables, l'effet de la force ?lectromotrice de contact est n?gligeable, et l'intensit? du courant est alors la m?me, quel que soit le sens du champ entre les plateaux.
L'?tude de la conductibilit? de l'air et d'autres gaz soumis ? l'action des rayons de Becquerel a ?t? faite par plusieurs physiciens. Une ?tude tr?s compl?te du sujet a ?t? publi?e par M. Rutherford.
Les lois de la conductibilit? produite dans les gaz par les rayons de Becquerel sont les m?mes que celles trouv?es avec les rayons R?ntgen. Le m?canisme du ph?nom?ne para?t ?tre le m?me dans les deux cas. La th?orie de l'ionisation des gaz par l'effet des rayons R?ntgen ou Becquerel rend tr?s bien compte des faits observ?s. Cette th?orie ne sera pas expos?e ici. Je rappellerai seulement les r?sultats auxquels elle conduit:
D'apr?s des recherches r?centes de M. Townsend, le ph?nom?ne est plus complexe quand la pression du gaz est faible. Le courant semble d'abord tendre vers une valeur limite constante quand la diff?rence de potentiel augmente; mais, ? partir d'une certaine diff?rence de potentiel, le courant recommence ? cro?tre avec le champ, et cela avec une rapidit? tr?s grande. M. Townsend admet que cet accroissement est d? ? une ionisation nouvelle produite par les ions eux-m?mes quand ceux-ci, sous l'action du champ ?lectrique, prennent une vitesse suffisante pour qu'une mol?cule du gaz, rencontr?e par un de ces projectiles, se trouve bris?e et divis?e en ses ions constituants. Un champ ?lectrique intense et une pression faible favorisent cette ionisation par les ions d?j? pr?sents, et, aussit?t que celle-ci commence ? se produire, l'intensit? du courant cro?t constamment avec le champ moyen entre les plateaux. Le courant limite ne saurait donc ?tre obtenu qu'avec des causes ionisantes, dont l'intensit? ne d?passe pas une certaine valeur, de telle fa?on que la saturation corresponde ? des champs pour lesquels l'ionisation par choc des ions ne peut encore avoir lieu. Cette condition se trouvait r?alis?e dans mes exp?riences.
L'ordre de grandeur des courants de saturation que l'on obtient avec les compos?s d'urane est de 10^ amp?res pour un condensateur dont les plateaux ont 8cm de diam?tre et sont distants de 3cm. Les compos?s de thorium donnent lieu ? des courants du m?me ordre de grandeur, et l'activit? des oxydes d'uranium et de thorium est tr?s analogue.
L'?paisseur de la couche du compos? d'urane employ? a peu d'influence, pourvu que la couche soit continue. Voici quelques exp?riences ? ce sujet:
On peut conclure de l?, que l'absorption des rayons uraniques par la mati?re qui les ?met est tr?s forte, puisque les rayons venant des couches profondes ne peuvent pas produire d'effet notable.
Les nombres que j'ai obtenus avec les compos?s de thorium m'ont permis de constater:
Il y a dans la nature du ph?nom?ne une cause d'irr?gularit?s qui n'existe pas dans le cas des compos?s d'urane. Les nombres obtenus pour une couche d'oxyde de 6mm d'?paisseur variaient entre 3,7 et 7,3.
Les exp?riences que j'ai faites sur l'absorption des rayons uraniques et thoriques ont montr? que les rayons thoriques sont plus p?n?trants que les rayons uraniques et que les rayons ?mis par l'oxyde de thorium en couche ?paisse sont plus p?n?trants que ceux qu'il ?met en couche mince. Voici, par exemple, les nombres qui indiquent la fraction du rayonnement que transmet une lame d'aluminium dont l'?paisseur est 0mm,01:
Avec les compos?s d'urane, l'absorption est la m?me quel que soit le compos? employ?, ce qui porte ? croire que les rayons ?mis par les divers compos?s sont de m?me nature.
Voici la liste des substances qui ont fait partie de mon ?tude sous forme d'?l?ment ou de combinaison:
Je suis tr?s reconnaissante aux savants cit?s plus haut, auxquels je dois des ?chantillons qui ont servi pour mon ?tude. Je remercie ?galement M. Moissan qui a bien voulu donner pour cette ?tude de l'uranium m?tallique.
Dans les limites de sensibilit? de mon appareil je n'ai pas trouv? de substance simple autre que l'uranium et le thorium, qui soit dou?e de radioactivit? atomique. Il convient toutefois de dire quelques mots sur ce qui est relatif au phosphore. Le phosphore blanc humide, plac? entre les plateaux du condensateur, rend conducteur l'air entre les plateaux. Toutefois, je ne consid?re pas ce corps comme radioactif ? la fa?on de l'uranium et du thorium. Le phosphore, en effet, dans ces conditions, s'oxyde et ?met des rayons lumineux, tandis que les compos?s d'uranium et de thorium sont radioactifs sans ?prouver aucune modification chimique appr?ciable par les moyens connus. De plus, le phosphore n'est actif ni ? l'?tat de phosphore rouge, ni ? l'?tat de combinaison.
Dans un travail r?cent, M. Bloch vient de montrer que le phosphore, en s'oxydant en pr?sence de l'air, donne naissance ? des ions tr?s peu mobiles qui rendent l'air conducteur et provoquent la condensation de la vapeur d'eau.
Certains travaux r?cents conduiraient ? admettre que la radioactivit? appartient ? toutes les substances ? un degr? extr?mement faible. L'identit? de ces ph?nom?nes tr?s faibles avec les ph?nom?nes de la radioactivit? atomique ne peut encore ?tre consid?r?e comme ?tablie.
L'uranium et le thorium sont les deux ?l?ments qui poss?dent les plus forts poids atomiques ; ils se rencontrent fr?quemment dans les m?mes min?raux.
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