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Read Ebook: Histoire de la civilisation égyptienne des origines à la conquête d'Alexandre by J Quier Gustave

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Ebook has 1326 lines and 95075 words, and 27 pages

B. LES DYNASTIES DES DEMI-DIEUX ET DES MANES

Apr?s cette p?riode divine, qui est celle de la constitution du pays, il en vient une autre qui para?t n'avoir pas ?t? moins longue, mais qui a un caract?re diff?rent: ici on ne trouve plus une s?rie bien nette de rois-dieux ayant chacun sa personnalit? marqu?e, mais des groupes d'?tres dont le r?le nous ?chappe aussi bien que le nom, et dont les Egyptiens eux-m?mes n'avaient gard? qu'un souvenir vague, des demi-dieux d'abord, puis de simples hommes, qui peuvent se r?partir en cinq dynasties, au dire de Man?thon; les fragments de Turin confirment en une certaine mesure son t?moignage.

La liste de neuf dieux, telle que nous la trouvons dans la copie de Georges le Syncelle, para?t tr?s corrompue, et elle contient des r?p?titions de noms de divinit?s figurant d?j? dans la premi?re dynastie et qui sont extr?mement douteux: on peut reconna?tre en effet, ? travers les formes grecques de ces noms, Horus fils d'Isis, Anhour, Anubis, Khonsou, Horus d'Edfou, Ammon, Thot, Shou et Ammon-R?, ce dernier revenant donc deux fois dans la m?me s?rie. Ce chiffre de neuf dieux nous montre tout au moins que cette dynastie formait, comme la premi?re, une enn?ade, calqu?e sans doute sur la deuxi?me enn?ade des dieux h?liopolitains, que nous connaissons tr?s peu.

Apr?s les dynasties divines et semi-divines, calqu?es sur le mod?le des trois cycles de dieux h?liopolitains, et qui servent en quelque sorte de cadre aux souvenirs relatifs ? ces ?poques tr?s anciennes, Man?thon en ?num?re trois autres qui sont compos?es de rois d'une essence plus rapproch?e de la n?tre, et consid?r?s sans doute comme de simples hommes: d'abord ce sont des rois dont il n'indique ni l'origine ni le nombre et qui r?gn?rent en tout 1.817 ans, puis trente rois memphites, pendant 1.790 ans et enfin dix rois thinites, dont les r?gnes successifs dur?rent 350 ans. Au papyrus de Turin, la division de cette p?riode ?tait un peu diff?rente, et dans le fragment qui s'y rapporte, on peut reconna?tre qu'il avait parl? de six dynasties au moins; les noms des rois n'?taient pas donn?s, mais seulement la mention qu'ils s'?taient succ?d? de p?re en fils et que parmi eux se trouvaient sept femmes ayant r?gn?; les chiffres, donnant la somme des ann?es de chaque dynastie, sont trop mutil?s pour que nous puissions en tenir compte.

C. LA CHRONIQUE L?GENDAIRE

Les Egyptiens avaient donc au sujet de leurs origines une tradition qui nous para?t simple et pleine de renseignements pr?cis, si nous la comparons ? celles des autres peuples, souvent remplie de d?tails charmants et inutiles, de digressions qui nuisent ? la clart? de l'ensemble, et font perdre facilement le fil conducteur. Ici c'est une l?gende pour ainsi dire quintessenci?e, prenant le monde ? ses d?buts, l'humanit? ? sa cr?ation m?me, la suivant ? travers les grandes commotions g?ologiques qui boulevers?rent la vall?e du Nil avant le d?but de l'histoire. Nous pouvons, en coordonnant ces traditions, suivre les progr?s, le travail lent, mais s?r, de la civilisation que les r?actions brutales ne peuvent an?antir. Au commencement, ce sont les dieux qui dirigent le mouvement progressif de l'humanit? qu'ils ont eux-m?mes mis en branle, puis peu ? peu ils s'effacent, passant la main ? des ?tres moins sublimes, moins ?loign?s par leur nature m?me de la race qu'ils ont ? gouverner, et enfin ? de vrais hommes, arrach?s d?finitivement ? la sauvagerie primitive et capables en une certaine mesure, apr?s des milliers d'ann?es d'efforts, de s'affranchir de la tutelle directe des dieux. Ces d?buts des hommes furent obscurs et sans doute difficiles, et il fallut encore de longs si?cles avant que l'un d'entre eux p?t saisir d'une main ferme les r?nes du pouvoir et donner ? l'Egypte cette puissante organisation qui devait durer plus longtemps que celle d'aucun autre pays. Les rois locaux ant?rieurs ? M?n?s n'ont pas laiss? de traces dans l'histoire, mais il est possible qu'un certain nombre de leurs noms aient ?t? conserv?s: en effet, au premier registre de la pierre de Palerme, on voit repr?sent?s toute une s?rie de personnages portant la couronne rouge, l'insigne des rois de la Basse Egypte, au-dessus desquels sont grav?s quelques signes qui peuvent fort bien ?tre des noms, mais des noms bizarres qui ne ressemblent gu?re aux noms ?gyptiens ordinaires. Seka, Khaaou, Taou, Tesh, Neheb, Ouazand, Mekha. Ce serait le seul document pr?cis relatif ? la fin de la p?riode l?gendaire, ? ces rois memphites dont parle Man?thon. Quant aux rois de la Haute Egypte, leurs comp?titeurs, peut-?tre devons-nous en reconna?tre quelques-uns parmi les monuments d'Abydos qu'on attribue g?n?ralement ? la Ire dynastie: il s'y trouve en effet quelques noms de rois difficiles ? lire et ? identifier et qui peuvent appartenir ? certains des pr?d?cesseurs imm?diats de M?n?s.

L'?GYPTE ARCHA?QUE

La question semblait donc jug?e et, si invraisemblable que cela paraisse maintenant, on croyait qu'il n'existait en Egypte aucun monument, aucun objet datant d'une ?poque ant?rieure ? celle du fabuleux M?n?s: les deux premi?res dynasties humaines n'ayant laiss? aucune trace autrement que dans la tradition, ? plus forte raison la p?riode qui les pr?c?dait devait-elle rester ? jamais inconnue. On devait cependant admettre que dans un pays o? tout se conserve, comme l'Egypte, il e?t ?t? naturel qu'on retrouv?t quelque chose au moins des d?buts d'une civilisation aussi originale, et on en ?tait venu, pour expliquer en une certaine mesure cette lacune apparente, ? ?mettre l'hypoth?se que les anc?tres directs des Egyptiens avaient pu se d?velopper ailleurs, dans le Bahr-bela-m?, par exemple, le fleuve sans eau, une vall?e du d?sert libyque, ou bien dans le pays des Som?lis ou plus loin encore. Par cons?quent, et malgr? les affirmations cat?goriques des Egyptiens d'?poque historique, la civilisation ?gyptienne ne pouvait ?tre autochtone: une lacune insondable devait pr?c?der l'histoire, il ne pouvait ?tre question de pal?olithique ni de n?olithique, l'Egypte n'avait jamais connu l'?ge de la pierre, et tout au plus pouvait-on consid?rer les premi?res dynasties comme appartenant ? la p?riode du bronze.

On en ?tait l? quand, vers 1896, cette th?orie simpliste re?ut de plusieurs c?t?s ? la fois un choc qui devait non seulement l'?branler, mais l'enterrer ? tout jamais. A ce moment, des fouilles entreprises dans des endroits encore inexplor?s vinrent r?v?ler ? MM. Petrie et Am?lineau l'existence de civilisations tr?s diff?rentes de celles qu'on connaissait, tandis que les recherches plus m?thodiques de M. de Morgan l'amenaient ? la certitude qu'il s'agissait l? d'une r?v?lation inattendue, celle du pr?historique ?gyptien auquel personne ne voulait croire. Du m?me coup l'on voyait r?appara?tre les premiers habitants du pays avec leurs armes de silex, leur c?ramique tr?s particuli?re, leurs tombeaux et m?me leurs villages, et les rois des deux dynasties encore inconnues, avec le m?tal et les premiers monuments de l'?criture hi?roglyphique. Les preuves ?taient si ?videntes qu'en peu de temps tous les ?gyptologues se ralli?rent aux nouvelles th?ories ?tablies par M. de Morgan, les confirm?rent et les compl?t?rent par d'autres recherches, si bien que maintenant on peut se rendre compte de fa?on ? peu pr?s certaine de ce qu'?taient les plus anciens occupants de la vall?e du Nil.

L'?poque pr?historique ne se pr?sente pas en Egypte, comme dans nos pays europ?ens, avec des divisions nettement marqu?es qui sont caract?ris?es par les proc?d?s employ?s dans la fabrication des armes et des outils et par la forme m?me de ces derniers. A peine peut-on faire un groupe distinct pour les instruments les plus anciens et les plus rudimentaires, qui correspondent ? peu pr?s comme type et comme taille ? notre Chell?en, mais ? partir de cette ?poque tr?s recul?e, tous les silex pr?sentent ? peu de chose pr?s le m?me caract?re: si nous les comparons aux silex europ?ens, ils pourraient se ranger aussi bien dans les s?ries pal?olithiques que dans le n?olithique. Les noms de Moust?rien, Solutr?en, Magdal?nien, qui s'appliquent chez nous ? des p?riodes bien d?finies, tr?s diff?rentes les unes des autres, ne correspondent ? rien en Egypte, et leur emploi n'aurait aucune raison d'?tre pour tout ce qui concerne les origines de ce pays.

Si donc nous mettons ? part une premi?re p?riode, celle du pal?olithique proprement dit, une civilisation qui a d? ?tre interrompue brusquement par un cataclysme quelconque, nous trouvons ensuite des s?ries de monuments pr?historiques qui, malgr? leur grande vari?t?, pr?sentent une parfaite homog?n?it?. Les seules diff?rences que nous pouvons remarquer dans la fabrication des outils de pierre sont de nature purement locale, ainsi les silex du Fayoum ne sont pas les m?mes que ceux de Negadah, pas plus que ceux d'H?louan ne ressemblent ? ceux d'Abydos ou d'autres endroits, mais il n'y a pas lieu de tirer de ce fait des conclusions au point de vue chronologique, car rien ne peut faire croire que les uns soient ant?rieurs aux autres. Les ateliers employaient des proc?d?s l?g?rement diff?rents, et surtout des mod?les qui variaient d'un endroit ? l'autre; les uns, dans les lieux o? les habitants se livraient principalement ? la chasse ou ? la p?che, faisaient surtout des armes, couteaux, pointes de lances, de javelots ou de fl?ches, tandis que les autres, dans les centres agricoles, fabriquaient plut?t des outils, mais ces diff?rences sont de nature g?ographique et non historique, et on ne peut en tenir compte pour scinder la p?riode quaternaire en un plus ou moins grand nombre d'?poques distinctes.

L'?volution de la c?ramique, chez les peuples primitifs, suit toujours une marche parall?le ? celle des instruments de pierre, et l'on peut, par ce moyen, contr?ler les conclusions fournies au point de vue historique par l'?tude de la forme et des proc?d?s de fabrication des silex. Il en est de m?me en Egypte, c'est-?-dire que dans le domaine de la c?ramique archa?que, on remarque bien un d?veloppement, un progr?s, mais cette transformation est lente, graduelle, sans secousses. Les anciens mod?les c?dent la place ? de nouveaux, mais pas de fa?on brusque; ils coexistent pendant longtemps et se retrouvent les uns ? c?t? des autres dans les m?mes tombes. On peut arriver ? constater que tel type est plus ancien que tel autre, on ne peut dire qu'il caract?rise une ?poque ou une phase de la civilisation pr?historique. La c?ramique ?gyptienne est du reste tout ? fait sp?ciale et tr?s diff?rente de toutes celles qu'on rencontre en Europe aux ?poques primitives, aussi n'y retrouve-t-on aucun des caract?res sp?cifiques qui permettent aux pr?historiens de classer ces derni?res: les potiers ?gyptiens avaient pouss? cet art ? un haut degr? de perfection d?s les plus anciens temps, et nous leur devons des s?ries tr?s vari?es, tant au point de vue de la technique que de la forme et de la d?coration.

La c?ramique, qui est un des ?l?ments les plus importants pour la classification des restes pr?historiques, ne donne donc lieu ici ? aucun rapprochement, et nous devons nous en tenir aux donn?es que nous fournissent les armes et les outils de pierre; or nous avons vu que tous ces objets sont en pierre taill?e et qu'ils se rattachent, pour les formes comme pour les proc?d?s de taille ? nos instruments pal?olithiques et n?olithiques en silex, tout sp?cialement aux types du Solutr?en et du Moust?rien. Ce qui caract?rise chez nous la p?riode n?olithique, l'?ge de la pierre polie, manque absolument en Egypte: on a r?colt? dans ce pays, pendant ces derni?res ann?es, des centaines de mille et peut-?tre des millions de silex, et dans cette masse ?norme on aurait peine ? trouver cent haches polies, ou autres outils pouvant rentrer dans la m?me cat?gorie. Nous ne constatons cependant aucune solution de continuit? entre la p?riode dite pr?historique et celle des d?buts de l'histoire, aussi pouvons-nous dire avec certitude que non seulement il n'y a pas de divisions sp?ciales ? ?tablir dans l'?poque pal?olithique, mais qu'il n'y a m?me pas lieu de distinguer celle-ci de l'?ge n?olithique. Si donc nous devions conserver ces deux noms qui ont une certaine valeur pratique pour la classification, il faudrait leur donner, pour tout ce qui concerne l'Egypte, un sens un peu diff?rent de celui qu'ils ont pour l'Europe, r?server le mot pal?olithique aux objets les plus anciens, ? ceux qui pour la forme et la facture se rapprochent du chell?en, et ranger tout le reste dans l'?ge n?olithique ou m?me plut?t ?n?olithique qui pr?c?de imm?diatement l'?ge historique.

Dans nos pays septentrionaux, o? le d?veloppement des peuples suivit une marche toute diff?rente, on range encore dans le pr?historique la p?riode des m?taux et l'on fait succ?der l'?ge du cuivre, l'?ge du bronze, puis l'?ge du fer, ? celui de la pierre. Ici il n'y a aucune distinction semblable ? ?tablir puisque les dynasties thinites suivent imm?diatement l'?ge de la pierre, sans aucune transition apparente: les Egyptiens pr?dynastiques sont d?j? en possession des m?taux, ou tout au moins du cuivre qu'ils emploient presque sans alliage et qu'ils arrivent peu ? peu ? travailler avec la plus grande habilet?, en m?me temps qu'ils poussent l'industrie du silex ? un degr? de perfection qui ne fut atteint en aucun endroit du monde. C'est donc au cours de l'?poque pr?c?dant imm?diatement l'histoire que les Egyptiens apprirent ? conna?tre le cuivre, dont l'usage ne rempla?a que tr?s lentement celui de la pierre taill?e; c'est aussi tout ? fait graduellement que les m?tallurgistes arriv?rent ? doser les alliages gr?ce auxquels ils devaient obtenir le bronze, tr?s sup?rieur au cuivre pur. Quant au fer, nous n'avons aucun document qui nous permette de fixer l'?poque ? laquelle il fut introduit dans la vall?e du Nil. Il n'y a donc en Egypte ni ?ge du cuivre, ni ?ge du bronze, ni ?ge du fer, ? proprement parler: la premi?re de ces trois divisions se confond avec la p?riode pr?dynastique, et les deux autres, qui ne sont pas nettement caract?ris?es, appartiennent ? l'?poque historique.

M?n?s, le fondateur de la monarchie pharaonique, symbolise pour nous le d?but d'une civilisation nouvelle, l'organisation d?finitive du pays, et les premiers documents ?crits qui paraissent ? ce moment-l?, montrent bien qu'une ?re nouvelle commence. La transformation ne s'op?ra cependant pas d'une fa?on subite dans tous les domaines, elle se fit graduellement, lentement, comme dans les p?riodes pr?c?dentes, car l'Egypte a toujours ?t? et sera sans doute toujours le pays le moins r?volutionnaire qu'il y ait au monde. Dans la vie civile surtout, que nous connaissons fort bien, puisque une grande quantit? d'objets de toute sorte nous sont parvenus, le progr?s est presque insensible, la c?ramique est ? peu pr?s la m?me qu'auparavant, ? peine un peu d?tr?n?e par l'usage toujours plus r?pandu des vases de pierre, et l'on devait continuer pendant de longs si?cles encore ? fabriquer des armes et des outils en silex, bien qu'on conn?t d?j? fort bien les instruments de m?tal, dont la sup?riorit? ?tait ?vidente. Enfin, si les rois et les grands personnages commencent ? se faire construire des tombeaux monumentaux et adoptent des coutumes fun?raires plus compliqu?es, les populations rurales continuent ? creuser ? la limite des sables du d?sert de petites fosses pour leurs morts, qu'ils ensevelissent accroupis et couch?s sur le c?t?, ou d?membr?s compl?tement, avec le m?me mobilier fun?raire que par le pass?.

Les silex taill?s du type chell?en se retrouvent non seulement en Europe, mais un peu partout, en Palestine, aux Indes, chez les Touaregs; on en rencontre aussi en Egypte, sinon en grande abondance, du moins assez fr?quemment. L'objet le plus caract?ristique de cette ?poque est, ici comme dans les autres gisements, le coup-de-poing, un grand galet de silex amygdalo?de, sur lequel on a enlev? par percussion de gros ?clats, de mani?re qu'une des extr?mit?s forme une pointe plus ou moins prononc?e, tandis que l'autre reste arrondie et ?paisse, et sert de poign?e. A c?t? de cet instrument qui en m?me temps est une arme dangereuse, on trouve encore des outils plus petits, ayant pu servir de hachettes ou de racloirs; et surtout des pointes ou poin?ons, parfois tr?s aigus, du m?me travail un peu rudimentaire, sans retouches fines.

Ces silex se trouvent soit ? la surface du sol, sur les plateaux couronnant les premiers contreforts du d?sert et au sommet des petits monticules qui sont situ?s un peu au-dessous, soit dans les alluvions entra?n?es par les pluies jusque dans la vall?e, tr?s rarement dans la zone sablonneuse qui s?pare les terres cultivables de la montagne. On en a d?couvert depuis les environs de la 1re cataracte jusque pr?s du Caire, ainsi que sur les routes qui conduisent ? travers le d?sert vers les oasis, et enfin, ce qui est plus important au point de vue de la date, dans les alluvions tr?s anciennes, contemporaines du commencement de l'?poque quaternaire, qui est en effet le moment o? l'on place l'?ge chell?en. D'apr?s la position o? ont ?t? trouv?s ces silex, on pourrait conclure que les Egyptiens primitifs habitaient de pr?f?rence, non pas dans la vall?e m?me, mais sur les monticules avoisinants et sur la cr?te des montagnes peu ?lev?es qui bordent le d?sert. Nulle part on ne voit de traces d'habitations construites; ils devaient donc vivre soit en plein air, soit sous de l?gers abris en branchages. C'est sur ces plateaux, o? les indig?nes trouvaient en abondance les rognons de silex qui servaient ? la fabrication de leurs outils, qu'ils ?tablissaient leurs ateliers de taille: ainsi le plateau qui s?pare la Vall?e des Rois du cirque de Deir-el-Bahari, en face de Louxor, o? l'on trouve encore en quantit? des ?clats n'ayant sans doute jamais servi et qui doivent ?tre consid?r?s comme des d?chets de fabrication. La r?alit? est sans doute un peu diff?rente, et si nous ne sommes pas mieux renseign?s sur cette population primitive, sur son habitat et ses coutumes fun?raires, c'est pour la raison qu'elle est ant?rieure ? un de ces bouleversements g?ologiques qui d?vast?rent et d?peupl?rent une partie du monde et qui sont rest?s c?l?bres dans la tradition sous le nom de D?luge. L'Egypte en particulier fut atteinte, la vall?e fut enti?rement submerg?e pendant une p?riode dont nous ne pouvons ?valuer la dur?e et toute trace d'occupation humaine fut effac?e; les hauts plateaux st?riles et le d?sert ?mergeaient encore, mais nous ne savons si quelques restes de la population purent s'y maintenir pour former le noyau de la race ?gyptienne pr?dynastique, ou si celle-ci vint d'ailleurs quand la r?gion redevint habitable.

A. MONUMENTS

Les couches s?dimentaires qui bordent la vall?e du Nil sont extr?mement riches en rognons de silex, qui atteignent parfois de tr?s grandes dimensions; sur les plateaux, le sol est couvert de galets de silex, d'agate et de cornaline. Naturellement la qualit? de la pierre varie suivant les endroits, mais partout elle se pr?te ? la taille et les premiers habitants du pays avaient sous la main, d'un bout ? l'autre du pays, la mati?re premi?re de laquelle ils pouvaient tirer leurs armes et leurs outils. C'est vers le nord de l'Egypte, au Fayoum en particulier, que le silex est le moins abondant, mais les cailloux du diluvium peuvent le remplacer, et les indig?nes en ont tir? un tr?s bon parti.

On trouve de tout cela dans les gisements de silex ?gyptiens, sur la bande sablonneuse qui s'?tend d'un bout ? l'autre du pays, entre les terres arros?es et cultiv?es et les premiers contreforts de la montagne: d'abord les percuteurs, boules qui ont en g?n?ral la grosseur d'une pomme et qui portent des traces tr?s ?videntes d'usage, puis les nuclei ? tous les ?tats, depuis celui qui a ?t? mis au rebut apr?s qu'on en eut d?tach? quelques ?clats seulement, jusqu'? celui qui, compl?tement ?puis?, n'est plus qu'un petit noyau conique ? facettes; ensuite les ?clats eux-m?mes, les uns, informes ou mal venus, rejet?s comme inutilisables, les autres, tr?s tranchants et sans retouches ou retravaill?s seulement ? une extr?mit?; enfin les outils bris?s au cours de la fabrication par suite d'un accident, et ceux qui portent la trace d'un long emploi ou qui, tr?s us?s, ont ?t? retaill?s pour pouvoir ?tre employ?s de nouveau.

Chaque localit?, chaque gisement a pour ainsi dire son propre type, ou ses types de silex taill?s, et l'on ne peut en tirer des conclusions au point de vue de la classification chronologique; il est possible, probable m?me, que dans beaucoup de ces endroits, la fabrication se soit continu?e sans grande modification, pendant des si?cles ou des milliers d'ann?es, comprenant non seulement toute la p?riode archa?que, mais empi?tant aussi sur les ?poques historiques. Nous aurons l'occasion de revenir plus loin sur les diff?rents mod?les d'outils et d'armes, sur leurs formes et leur emploi.

Ces amas de d?tritus ne renferment gu?re d'objets en bon ?tat, ? part quelques outils de silex, mais ils nous livrent des renseignements tr?s importants sur la vie m?me de ces peuplades de l'Egypte pr?dynastique; os d'animaux d'apr?s lesquels on peut, en partie, reconstituer la faune de l'Egypte ? cette ?poque, excr?ments de bestiaux montrant qu'on s'occupait d'?levage, traces de c?r?ales gr?ce auxquelles nous apprenons qu'on connaissait d?j? l'agriculture. Ces documents qui ont si peu d'apparence et paraissent n?gligeables sont donc extr?mement pr?cieux, puisqu'ils font conna?tre les occupations ordinaires, la nourriture, la vie priv?e des premiers Egyptiens.

Si nous ne connaissons qu'un petit nombre de ces restes de villages, dont la plupart ont d? enti?rement dispara?tre ou bien sont trop peu apparents pour qu'on puisse les distinguer, nous avons en revanche une quantit? consid?rable de s?pultures appartenant ? la m?me ?poque. Ces tombes ne sont jamais isol?es, mais forment des n?cropoles plus ou moins vastes, situ?es elles aussi au bord du d?sert, pr?s des terrains cultiv?s, donc ? proximit? imm?diate des habitations des vivants: en effet, chaque fois que nous reconnaissons l'emplacement d'un kjoekkenmoedding, nous sommes s?rs de trouver ? peu de distance, quelques centaines de m?tres ? peine, un cimeti?re qui est vraisemblablement celui des habitants du village.

Ces n?cropoles d'un type tout sp?cial ont tr?s longtemps pass? inaper?ues et elles semblent en effet, au premier abord, fort difficiles ? reconna?tre. C'est avec le jour frisant du soir ou du matin qu'on peut le mieux distinguer ces groupes de d?pressions tr?s l?g?res, ? peine perceptibles en plein soleil, qui sont ? la surface plus ou moins in?gale du terrain le seul indice ext?rieur des tombeaux archa?ques. Les s?pultures sont de simples fosses creus?es dans les bancs de cailloux roul?s qui s'?tendent au pied de la montagne et qui forment un terrain suffisamment consistant pour qu'il ne f?t pas n?cessaire de soutenir, au moyen d'un mur ou d'un enduit, les bords de l'excavation: leur forme g?n?rale est irr?guli?re, ? peu pr?s ovale ou m?me presque ronde, et leur profondeur d'un m?tre ? deux au plus, tandis que l'ouverture d?passe ? peine un m?tre cinquante dans sa plus grande dimension. A c?t? de celles-l? il en existait de plus grandes, ? peu pr?s rectangulaires et atteignant jusqu'? quatre m?tres sur deux, sans que la profondeur en soit augment?e. Apr?s l'ensevelissement, les grandes comme les petites fosses ?taient simplement combl?es avec du sable et des galets et se confondaient avec le terrain environnant; il n'y a jamais la moindre superstructure, pas m?me une pierre tombale.

Les dimensions des petites tombes, qui sont de beaucoup les plus nombreuses, ne permettaient pas d'y d?poser le mort ?tendu tout de son long, comme on le fit plus tard pour les momies aux ?poques historiques; les coutumes fun?raires ?taient en effet tr?s diff?rentes et nous pouvons distinguer deux stages, deux modes d'ensevelissement qui semblent correspondre ? deux p?riodes. Dans les plus anciennes s?pultures, le mort est couch? sur le c?t? gauche, dans la position dite embryonnaire ou assise, c'est-?-dire avec les membres repli?s de mani?re que les mains se trouvent devant la figure, les genoux ? la hauteur de la poitrine et les pieds pr?s du bassin. Etant donn?e l'orientation des tombeaux, qui du reste n'est pas partout rigoureusement exacte, la t?te est g?n?ralement au sud la face tourn?e vers l'ouest.

Le deuxi?me mode d'inhumation, qui para?t ?tre un peu plus r?cent, quoique appartenant toujours ? la p?riode pr?dynastique, est beaucoup plus curieux: ici, et la chose a ?t? constat?e dans de tr?s nombreuses tombes, le corps ?tait enti?rement d?membr? avant d'?tre d?pos? dans la fosse; les os ne sont ni cass?s ni coup?s, mais ils sont plac?s p?le-m?le, et souvent il en manque un certain nombre. Il ne s'agit pas d'un d?p?cement du mort au moment du d?c?s, ni de cannibalisme, comme on pourrait le croire, mais d'une coutume qui se retrouve ailleurs qu'en Egypte, dans tout le bassin de la M?diterran?e, en Cr?te, dans les ?les de l'Archipel, au sud de l'Italie, celle de l'inhumation secondaire: on enterrait provisoirement le mort, puis au bout de deux ou trois ans, quand les chairs s'?taient putr?fi?es et d?sagr?g?es, on l'exhumait et on rassemblait les os pour les d?poser dans le tombeau d?finitif. La transition entre ces deux coutumes fun?raires, qui paraissent si diff?rentes, est marqu?e par certaines tombes o? le corps est repli? et couch? sur le c?t?, mais o? la t?te est s?par?e du tronc et pos?e n'importe o?, ? c?t? du bassin, par exemple. Les vert?bres ?tant intactes, il ne peut ?tre question de d?capitation brutale, mais il s'agit sans doute simplement d'inhumations secondaires o? l'on n'avait pas pratiqu? la d?sarticulation compl?te.

Avant de les d?poser dans le tombeau, on cousait les corps dans des peaux de gazelle ou bien on les enveloppait dans des nattes de jonc; sur quelques os, on a m?me relev? des traces de bitume, et nous pouvons sans doute reconna?tre dans ce fait la premi?re tentative de momification. Dans les tombes ? inhumation secondaire, les cadavres d?membr?s ?taient parfois enferm?s dans de tr?s grands vases larges du bas, avec une petite ouverture seulement ? la partie sup?rieure, ou dans de vraies cistes rectangulaires en argile crue. Ailleurs un vase d'une forme toute diff?rente, sorte d'immense coupe tr?s profonde, est pos? ? l'envers sur le corps repli? et le recouvre compl?tement. Enfin, quelques-unes des grandes tombes renfermaient non pas un seul, mais deux et m?me trois cadavres, simplement pos?s les uns sur les autres, et dans les s?pultures ? inhumation secondaire on rencontre quelquefois deux cr?nes et un nombre d'os tr?s insuffisant pour former deux corps, ou le contraire.

Si, dans la plupart des n?cropoles, les tombes ? corps repli? sont nettement s?par?es de celles ? corps d?membr?, il en est d'autres o? les divers types de s?pulture sont m?lang?s, aussi ne pouvons-nous savoir avec une certitude absolue si ces deux modes d'inhumation appartiennent ? deux races ou ? deux ?poques diff?rentes. Il semble cependant que nous devions adopter la deuxi?me hypoth?se plut?t que la premi?re, bien que les anthropologistes ne soient pas encore arriv?s ? des r?sultats tr?s concluants au sujet de la question des races. Les os sont presque toujours bien conserv?s, et on a recueilli une tr?s grande quantit? de cr?nes en bon ?tat, dont beaucoup m?me portent encore leurs cheveux, et qui peuvent ?tre l'objet de mensurations tr?s exactes, aussi pouvons-nous avoir l'espoir d'?tre une fois au clair sur cette question si importante.

Le mobilier fun?raire est plus ou moins riche suivant les tombes, et comporte des objets de plusieurs esp?ces dispos?s au fond de la fosse, autour du mort. Le choix m?me de ces objets montre clairement que ces Egyptiens d'avant l'histoire se faisaient d?j? des id?es tr?s pr?cises sur la vie d'outre-tombe et croyaient ? la survivance, sinon de l'?me, du moins de la personnalit? des d?funts: pour leur assurer la subsistance mat?rielle, la nourriture, on mettait ? c?t? d'eux des vases contenant des vivres, des grains, des viandes, et sans doute aussi de l'eau ou d'autres liquides dont nous ne retrouvons naturellement plus trace; des armes leur permettaient de lutter contre les ennemis qu'ils pouvaient rencontrer dans l'autre monde, et des ornements de corps, de se parer comme ils le faisaient sur la terre.

Les vivres que le mort emportait avec lui dans la tombe ?taient surtout des viandes, et sp?cialement des t?tes et des gigots de gazelle, dont on retrouve fr?quemment les os ? c?t? du squelette du d?funt; les v?g?taux sont moins bien conserv?s, mais on reconna?t encore au fond des vases, et surtout des vases en terre grossi?re, des traces non ?quivoques de c?r?ales, d'orge en particulier. Ces renseignements ne font du reste que confirmer ceux que nous donnent les kjoekkenmoeddings.

On ne trouve pas des armes dans tous les tombeaux, et dans ceux qui en contiennent, elles ne sont jamais qu'en petit nombre; g?n?ralement m?me il n'y en a qu'une seule, plac?e ? port?e de la main du mort, devant sa figure. Ces armes sont par contre d'une grande beaut? et d'une ex?cution tr?s sup?rieure ? celle des silex qu'on trouve ? la surface du sol: ce sont le plus souvent de longues lances droites finement retouch?es qui pouvaient servir de poignards, des couteaux l?g?rement recourb?s, au tranchant tr?s affil?, des pointes de lances ou de javelots ? double pointe et ? tranchant, ou de forme lanc?ol?e, et parfois des pointes de fl?ches. Les outils tels que racloirs, grattoirs, poin?ons, sont tr?s rares dans les tombes, mais, par contre, on trouve des instruments de p?che, comme des harpons, et ce fait permet de supposer que les armes donn?es au mort ?taient destin?es, non seulement ? le mettre ? m?me de r?duire par la force les ennemis qui pouvaient se trouver sur son chemin, mais surtout ? lui permettre de chasser et de p?cher dans l'autre monde, tant pour assurer sa subsistance que comme d?lassement.

Les objets d'ornement sont abondants, mais presque toujours tr?s simples, ex?cut?s de fa?on sommaire dans des mati?res qui n'ont rien de pr?cieux: ainsi les colliers ? plusieurs rangs qui tombaient sur la poitrine ?taient compos?s de perles irr?guli?res de forme et de grosseur. Ces perles, en terre cuite, en calcaire, en pierres dures, telles que la cornaline, l'agate, le silex, ?taient presque toujours travaill?es de fa?on grossi?re et malhabile; on en trouve aussi qui sont faites de morceaux de coquilles ou de petits oursins fossiles, perc?s d'un trou. Les bracelets sont plus soign?s, ils sont soit en nacre, soit en ivoire, et on les obtenait en sciant la partie inf?rieure d'une dent d'?l?phant ? l'endroit o? elle est creuse, ou le bas d'une grande coquille univalve de la famille des trochid?s; d'autres enfin sont en silex, ?vid?s avec une dext?rit? qui montre jusqu'? quel point ces populations avaient pouss? l'industrie de la pierre taill?e. Les femmes portaient des peignes hauts et ?troits en ivoire ou en os, dont la partie apparente, au-dessus de la chevelure, ?tait g?n?ralement surmont?e d'une figure ornementale. Enfin un certain nombre de pendeloques, perc?es d'un trou, ?galement en os ou en ivoire, parfois en pierre, servaient en m?me temps d'ornements et d'amulettes.

Dans beaucoup de s?pultures on voit ? c?t? de la t?te du mort une plaque en schiste vert qui affecte les formes les plus diverses; les unes sont taill?es en losange, en rectangle ou en carr?, les autres d?coup?es de mani?re ? imiter le profil d'un animal, hippopotame, tortue, poisson, oiseau. La signification de ces objets est encore tr?s incertaine, bien que d'habitude on les consid?re comme des palettes ? broyer le fard vert qu'hommes et femmes se mettaient autour des yeux, ? cause d'une petite d?pression qui existe en effet sur certaines des plaques en losange et qui contient parfois des traces de couleur verte; la forme ?trange donn?e ? beaucoup de ces plaques, le fait qu'elles sont perc?es d'un trou de suspension, les d?corations animales grav?es ? la pointe, qui les ornent quelquefois, et surtout l'analogie avec les grandes plaques de schiste d'?poque thinite, qui ?taient couvertes de sculptures et se trouvaient d?pos?es dans les sanctuaires et non dans les tombes, m'engagent ? y voir des talismans ou des sortes de f?tiches plut?t que des objets usuels.

C'est sans doute aussi ? titre de talisman qu'on d?posait parfois dans les tombes des figurines d'hippopotame en argile: le monstre mis ainsi au service du mort pouvait lui rendre bien des services et le prot?ger de bien des dangers.

C'est ?galement des tombeaux que sont sorties ces s?ries extraordinairement compl?tes de vases qui nous permettent d'?tablir une certaine classification dans la p?riode pr?dynastique, ou tout au moins de suivre en quelque mesure le d?veloppement de la civilisation. Toute cette c?ramique, qui est particuli?re ? l'Egypte et qu'on ne peut comparer ? celle d'aucun autre pays, d?note, d?s l'apparition des plus anciens exemplaires, une habilet? remarquable et une longue pratique du m?tier chez les potiers ?gyptiens: les vases sont absolument r?guliers de forme et d'?paisseur et il faut un examen minutieux pour arriver ? reconna?tre qu'aucun n'a ?t? fait au tour et que tous sont model?s ? la main.

Le plus ancien type est celui de la poterie rouge ? bord noir, qui est extr?mement fr?quent et comprend des vases de plusieurs formes: la coupe profonde, le gobelet, le vase ovo?de ? fond plat ou pointu, ? large ouverture. Ces vases sont faits en une sorte d'argile tr?s fine m?lang?e de sable, enduits ? l'ext?rieur d'une l?g?re couche d'h?matite et liss?s au polissoir, puis cuits dans un feu doux, pos?s l'ouverture en bas sur les cendres du fourneau; la cuisson faite de cette mani?re donne une p?te l?g?re et friable; la couverte expos?e ? une chaleur plus forte pr?s de l'orifice se d?soxyde en cet endroit et devient d'un beau noir tr?s brillant, tandis que le reste du vase garde la teinte rouge fonc?.

La poterie rouge uniforme est exactement semblable ? l'autre comme mati?re, mais le proc?d? de cuisson, un peu diff?rent, emp?che la formation du bord noir; tout le vase reste alors ext?rieurement d'une couleur absolument r?guli?re, d'un beau rouge lustr?. Ce type de poterie qui est, ? peu de chose pr?s, contemporain du type rouge ? bords noirs, pr?sente des formes un peu diff?rentes: ? c?t? de l'?cuelle creuse et du vase ovo?de, on trouve la bouteille ventrue ? fond plat et ? col ?troit et le petit vase globulaire. A un certain moment, on employa ce genre de c?ramique pour faire des vases de formes bizarres, les uns aplatis, les autres jumel?s, d'autres encore en forme de poisson ou d'oiseau; ce ne fut du reste l? qu'une mode qui ne se prolongea que sur une p?riode assez br?ve.

Un autre d?riv? de cette c?ramique rouge, qui est presque aussi ancien qu'elle mais ne dura pas aussi longtemps, est la c?ramique rouge ? d?cor blanc. Le fond est toujours d'un beau rouge lustr? sur lequel se d?tache, en lignes blanches mates, une ornementation emprunt?e au travail de la vannerie, chevrons, lignes pointill?es et entre-crois?es, et parfois m?me quelques repr?sentations animales tr?s sommaires. Les formes employ?es de pr?f?rence pour ce genre de poterie sont les coupes profondes, arrondies ou ? fond plat, et les vases allong?s, renfl?s ? la partie inf?rieure, parfois tr?s ?troits du haut.

La poterie blanche, qui est en r?alit? plut?t d'un jaune ros? est plus r?cente et se perp?tue jusqu'? l'?poque thinite. La p?te en est plus fine, en argile moins m?lang?e de sable, la cuisson meilleure; quant aux formes elles sont peu vari?es. Il n'y a en somme gu?re qu'un type, qui va en se transformant progressivement: les vases les plus anciens sont presque globulaires avec une ouverture tr?s ?troite et deux petites saillies serpentant sur la panse et formant anses. Peu ? peu, la panse se r?tr?cit, l'ouverture s'agrandit, les saillies s'allongent et se rejoignent pour former un cordon circulaire en relief et finalement le vase devient cylindrique. Parfois il est d?cor? de traits rouges entre-crois?s.

La classe la plus int?ressante de la c?ramique archa?que est certainement celle des vases d?cor?s de peintures rouges, qui sont semblables comme p?te et comme cuisson ? ceux de la cat?gorie pr?c?dente, mais dont la facture est plus soign?e et les formes diff?rentes. Ces vases sont globulaires, souvent presque aussi larges que hauts, avec un fond plat, une ouverture assez large et de toutes petites anses perc?es d'un trou servant ? les suspendre; d'autres sont sph?ro?des, un peu aplatis, et munis des m?mes petites anses. Ces derniers, d?cor?s de cercles concentriques ou de points rouges, imitent les vases en pierre dure que nous voyons rarement ? cette ?poque mais que nous retrouverons ? la p?riode thinite en grande abondance, tandis que les autres, qui portent de petits traits horizontaux ou des lignes droites ou sinueuses, rappellent plut?t les ouvrages en vannerie. Enfin sur les plus grands de ces vases, on trouve une d?coration d'un caract?re tout diff?rent, mais toujours trac?e en rouge au pinceau, avec une assez grande s?ret? de main: ce sont soit des v?g?taux, des alo?s plant?s dans des vases, soit des th?ories d'animaux, autruches ou ch?vres sauvages, soit encore des repr?sentations qui paraissent figurer de grands bateaux avec leurs rames, leurs enseignes, leurs superstructures, plut?t que, comme on l'a cru, des villages ou des fermes.

Il faut encore citer deux autres classes de poteries, et d'abord celle des vases en terre brun?tre grossi?re, fa?onn?s sans grand soin pour les usages de la vie courante, et qui affectent diverses formes; on ne voit gu?re ces pots et ces cruches que dans les derniers temps de la p?riode archa?que. Quant aux vases en terre noire ou brun fonc?, ? d?cor incis? et rempli d'une p?te blanch?tre, dont on ne trouve que de rares exemplaires en Egypte, ? cette ?poque aussi bien que sous l'Ancien et le Nouvel Empire, ils n'ont rien d'?gyptien, mais appartiennent ? un type connu, r?pandu surtout dans les pays au nord de la M?diterran?e. Il s'agit donc d'objets d'importation dont ni la mati?re, ni la facture, ni la d?coration en lignes droites irr?guli?res et en points, n'ont de rapport avec quoi que ce soit qui provienne de la vall?e du Nil.

Nous avons vu des vases en terre, de forme globulaire ou sph?ro?de dont la d?coration pr?tendait imiter la mati?re de ces vases en pierre dure que nous trouverons en grande abondance sous les deux premi?res dynasties. Ces vases de pierre devaient donc n?cessairement exister ? la p?riode pr?dynastique, mais ceux qui nous sont parvenus sont en nombre extr?mement restreint. C'?taient sans doute des ustensiles tr?s pr?cieux, et cette raison suffit pour expliquer les imitations peintes. Par contre, les mati?res moins dures que le porphyre ou le basalte et qui se laissent plus facilement travailler, comme le calcaire et l'alb?tre, sont d?j? d'un emploi tr?s fr?quent, et les indig?nes y ont taill? avec habilet? des vases cylindriques et des coupes de toutes formes et de toutes dimensions.

B. CIVILISATION

Apr?s avoir ainsi pass? en revue les nombreux documents que nous poss?dons maintenant sur la p?riode archa?que, il nous reste ? voir quels sont les renseignements utiles que nous pouvons en tirer pour la connaissance des Egyptiens pr?dynastiques et de l'?tat de leur civilisation.

Aujourd'hui la vall?e du Nil forme une longue et ?troite plaine de terres cultivables, bord?e des deux c?t?s par le d?sert ou la montagne; tout le terrain irrigable est utilis? et uniformis?. Cet ?tat est d? non seulement au Nil fertilisateur, mais encore et surtout ? la main des hommes qui, apr?s des si?cles de travail, sont arriv?s ? rendre productif jusque dans ses moindres recoins leur fertile petit pays. Il n'en ?tait pas ainsi aux ?poques primitives, et l'aspect de la contr?e devait ?tre, quoique dans le m?me cadre, absolument diff?rent. Le Nil avait commenc? par serpenter au fond de la vall?e, sans cours fixe, coulant alternativement sur un bord ou sur l'autre; ce n'est que peu ? peu qu'il se fraya une voie plus r?guli?re au milieu des alluvions qu'il avait lui-m?me apport?es. Le limon qu'il amenait avec lui chaque ann?e se r?pandait bien sur toute la surface des terres inond?es, mais gr?ce au sable et aux galets qu'il charriait en m?me temps et qui se d?posaient dans le courant m?me du fleuve, son lit s'?levait graduellement, laissant ainsi en bordure de la vall?e des terrains en contre-bas o? se formaient de v?ritables marais remplis ? nouveau chaque ann?e par l'inondation; l? se d?veloppait une v?g?tation luxuriante de plantes d'eau, roseaux, papyrus, lotus, et, sur les bords, de vraies for?ts d'arbres de toute esp?ce. Toute cette zone lacustre entretenait dans le pays, aujourd'hui si sec, une humidit? permanente qui devait lui donner un caract?re tout diff?rent et le faire ressembler ? ce qu'est maintenant le Haut Nil, le Nil des r?gions tropicales. Le climat du reste n'?tait pas non plus exactement le m?me qu'aujourd'hui, il devait ?tre sensiblement plus chaud, car ? c?t? des animaux qui vivent encore en Egypte et de ceux qui s'en sont retir?s depuis peu, comme l'hippopotame et le crocodile, on y trouvait encore, ? ces ?poques recul?es, l'?l?phant, la girafe et l'autruche.

Pour la faune et la flore, l'Egypte, qui n'a plus maintenant que ses cultures et son d?sert, est un des pays les plus pauvres du monde, mais il n'en ?tait certainement pas de m?me autrefois, gr?ce ? ces r?gions fertiles et sauvages en m?me temps, que l'homme primitif ne pouvait encore utiliser autrement que pour la chasse et la p?che, et o? se d?veloppaient librement les plantes et les animaux les plus vari?s.

Comme je l'ai dit plus haut, les anthropologistes sont encore loin d'avoir ?tabli de fa?on certaine la race ? laquelle appartenaient les plus anciens habitants de l'Egypte. Nous pouvons cependant nous en faire une id?e approximative: c'?tait une population brachyc?phale et orthognathe au teint clair, aux cheveux lisses, bruns ou ch?tains, ? la taille moyenne, se rapprochant par cons?quent beaucoup de la race qui occupait aux ?poques les plus anciennes tout le bassin de la M?diterran?e, et apparent?e tout sp?cialement aux Libyens et aux Berb?res. Ainsi on retrouve les m?mes coutumes fun?raires, les m?mes modes de s?pulture dans l'Egypte primitive et dans les ?les grecques, en Gr?ce et jusqu'en Italie, ce qui peut faire supposer une parent? de race avec les hommes qui habitaient ces contr?es avant l'invasion aryenne. On a constat? aussi certains ?l?ments d'origine soudanaise ou plut?t nubienne, m?me quelques statuettes st?atopyges rappellent le type hottentot, mais ce ne sont l? que des exceptions. Il n'y a rien non plus ici des races aryennes ni surtout des S?mites.

Ces populations ?taient paisibles et on n'a retrouv? que sur un tr?s petit nombre des cr?nes ?tudi?s des l?sions comme on en verrait certainement beaucoup chez un peuple belliqueux. On a pu constater par contre sur les os des traces de deux maladies, la tuberculose et la syphilis.

Dans les montagnes et les falaises souvent assez ?lev?es qui bordent la vall?e du Nil, il n'y a ni cavernes ni abris sous roche o? les hommes primitifs aient pu s'?tablir ? demeure. Le climat leur permettait de vivre en plein air et nous avons vu que ceux de l'?poque chell?enne semblent s'?tre tenus de pr?f?rence sur les hauteurs, tandis que les hommes de la p?riode dont nous nous occupons avaient des ?tablissements durables ? la lisi?re du d?sert. Dans ces villages, il n'y a pas trace d'enceinte construite, ce qui fait ressortir le caract?re paisible de ces peuplades, ni de maisons en brique ou en pierre, et si nous voulons nous faire une id?e de ce qu'?taient les habitations des indig?nes, nous pouvons nous reporter ? des mod?les de petits ?difices tr?s anciens qui ont surv?cu par tradition religieuse dans les sanctuaires de diff?rents dieux: c'?taient soit des huttes en branchages, coniques ou arrondies, comme en ont encore les n?gres de l'Afrique centrale, soit des constructions l?g?res en bois, avec un pilier ? chaque angle et un toit plat ou l?g?rement bomb?.

Dans les villages, qui s'?tendent en g?n?ral sur une superficie assez peu consid?rable, les habitants serraient leurs r?coltes et gardaient ? c?t? d'eux leurs bestiaux; ? en juger par la place occup?e, quelques familles seulement devaient constituer la population d'un de ces ?tablissements.

Dans l'antiquit?, le costume des Egyptiens a toujours ?t? tr?s sommaire, ? plus forte raison a-t-il d? en ?tre de m?me ? une ?poque si recul?e. D'apr?s des repr?sentations un peu plus r?centes, datant des dynasties thinites, on voit que les indig?nes hommes devaient avoir pour tout v?tement l'objet bizarre qui devint plus tard l'insigne national des Libyens, l'?tui phallique, sorte de longue gaine tombant de la ceinture jusque pr?s des genoux. Des peintures de vases nous montrent des femmes v?tues de robes courtes, collantes, descendant ? peine aux chevilles; le buste ?tait nu, semble-t-il. Enfin, dans certaines statuettes d'ivoire, on reconna?t des hommes envelopp?s d'un grand manteau qui les couvre des ?paules aux pieds. Ces v?tements ?taient sans doute, ? l'origine, en peau, et peut-?tre, ? une ?poque moins recul?e, en ?toffe.

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