Read Ebook: Les Forestiers du Michigan by Aimard Gustave Auriac J Berlioz D Jules Berlioz
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Ebook has 1242 lines and 39008 words, and 25 pages
--Eh bien! la question est tranch?e! Laissez-moi tranquille avec mon feu. Vous ?tes venu sans ?tre invit?; retirez-vous de m?me.
--Et si je ne le voulais pas?... riposta l'?tranger en le regardant entre les deux yeux.
Le visage de Veghte prit une expression dangereuse.
--Si-vous-ne-vou-lez-pas, r?pondit-il en appuyant sur les mots, je crois qu'il se pr?sentera certaines circonstances qui vous feront changer d'avis.
--Voyons, que pensez-vous du nom de Zacharie Smithson, Basil? Il n'est pas absolument m?lodieux, j'en conviens; mais cela ne doit pas vous emp?cher de me serrer la main en me souhaitant la bienvenue.
--Si c'est r?ellement votre vrai nom, et si vos intentions sont droites, vous avez place ? mon feu et sous ma couverture, r?pliqua Basil sensiblement radouci.
--Merci, j'en ai une pour moi, et une bonne couverture. Mais je vous vois fumer de si bonne gr?ce que j'en deviens jaloux; permettez que j'en fasse autant.
Et, joignant le geste ? la parole, l'?tranger prit au foyer une branche enflamm?e, la pr?senta ? sa pipe qui exhala aussit?t des bouff?es odorantes. Pendant l'op?ration ses traits furent vivement ?clair?s par cette flamme plus proche que celle du foyer. En r?alit?, il avait d'abord ?vit? de se laisser voir en pleine lumi?re; mais ? ce moment il affecta au contraire d'?clairer longuement son visage, pour faciliter au soup?onneux forestier l'examen auquel il s'acharnait visiblement.
Veghte put donc voir ? son aise les sourcils ?pais, les yeux noirs et expressifs, le nez court, la large face, l'?paisse barbe de son interlocuteur.
Dans les souvenirs de Basil il y avait quelque trace de ce visage-l?; il devait l'avoir vu; mais o?? ? quelle ?poque? Il eut beau remonter une ? une les ann?es de son aventureuse existence, il ne rencontra rien de pr?cis ? cet ?gard.
Cependant, apr?s s'?tre r?p?t? plusieurs fois ? lui-m?me le nom de Smithson, pour aider sa m?moire, il arriva ? une conviction peu flatteuse pour l'inconnu; savoir que, comme le pr?c?dent, ce nom ?tait une invention.
Cette conclusion le jeta dans une disposition d'esprit passablement agressive; il en revint ? son ultimatum, et se disposa ? faire vider les lieux au trop fac?tieux ?tranger.
Mais celui-ci avait ?tendu sa couverture, s'y ?tait moelleusement install? et fumait comme un bienheureux. Il ?tait visiblement plong? dans les b?ates abstractions de la qui?tude, et se d?lectait ? la contemplation de ses riantes pens?es int?rieures.
Veghte fit un mouvement pour prendre la parole; l'autre le pr?vint:
--Il neige plus fort que jamais! dit-il en allongeant ses jambes vers le feu. Voil? bien la plus forte tourmente que j'aie vue. Si elle continue comme ?a toute la nuit, ce ne sera pas une petite affaire de regagner le fort demain matin.
--A quel fort allez-vous?
--Au Fort de Presqu'?le, sur le Lac.
--C'est ?galement le but vers lequel je marche depuis trois jours.
--Oui, je sais, je sais, fit l'?tranger d'un ton suffisant; vous vouliez y arriver cette nuit m?me. C'est comme moi, et figurez-vous que j'ai fait tout mon possible; mais il n'y a pas eu moyen.
--Vous me semblez terriblement savant et perspicace, r?pliqua le forestier, outr? des airs sup?rieurs que se donnait l'autre.
--Heu! pas trop! Cependant il est un point sur lequel j'ai l'avance ? votre ?gard, quoique je sois en arri?re sur d'autres.
--Et lequel, s'il vous pla?t?
--Je sais votre nom; vous ne connaissez pas le mien.
--Ah! vous ne m'avez pas encore d?clin? votre vrai nom!
Veghte faisait d?cid?ment mauvaise figure: pour pr?venir l'explosion, l'?tranger se h?ta d'ajouter:
--Je vous ai un peu mystifi?, Basil; mais c'est pour rire; voici mon vrai nom. Je suis HORACE JOHNSON.
CHAPITRE II
UN CRI DE MORT
Ce nom n'?tait pas tout ? fait inconnu ? Veghte, mais, pour le moment, il lui aurait ?t? impossible de se rappeler le lieu ni l'?poque o? il l'avait d?j? entendu.
A la fin il crut se souvenir que le propri?taire de ce nom avait voyag? avec lui, deux ans auparavant, sur les bords du lac Saint-Clair, et qu'en cette circonstance, ayant ?t? pourchass?s par un d?tachement de Chippewas, ils avaient eu toutes les peines du monde ? leur ?chapper.
--C'est bizarre que je ne vous aie pas reconnu! dit-il enfin en souriant et lui tendant la main; il me semblait bien que j'avais entendu votre voix et vu votre visage quelque part; mais, quand ma vie en aurait d?pendu, je n'aurais pu dire o?; pourquoi avez-vous tant tard? ? vous faire conna?tre?
--Eh! je vous l'ai dit: histoire de rire! Je vous avais reconnu au premier coup-d'oeil: je me suis amus? ? me cacher le visage en commen?ant, et je vous ai ensuite montr? ma figure fort adroitement lorsque j'ai allum? ma pipe; j'avais passablement envie de rire en examinant vos efforts pour me d?visager. A pr?sent, voyons un peu! Il y a deux bonnes ann?es que nous avons essuy? cette bousculade au bord du vieux lac Saint-Clair, n'est-ce pas? Ce fut alors notre derni?re entrevue: qu'en dites-vous?
--Deux ans ? l'automne pass?. Vous avez consid?rablement chang? depuis cette ?poque, Horace.
--H?las, oui! sans plaisanter. Je n'en puis dire autant de vous; vous ?tes toujours le m?me: toujours la m?me chevelure, toujours le m?me visage. Qu'?tes-vous donc devenu pendant tout ce temps?
--J'ai ?t? beaucoup ? Presqu'?le; quoique depuis trois mois je sois absent du fort. J'ai pass? un certain temps ? Michilimakinuk, ensuite au fort Sandusky; puis, ? Saint-Joseph; enfin ? Ouatanon.
--Il est singulier que nous ne nous soyons pas rencontr?s: j'ai fr?quent? ces trois forts, surtout le Sandusky.
--Quand avez-vous quitt? ce dernier poste?
--Vers le milieu d'octobre.
--Eh bien! moi j'y ai pass? la premi?re semaine de novembre. Vous avez pris plus de temps que moi pour faire le voyage.
--Ma foi! je n'?tais pas press?: j'ai march? ? petites journ?es.
--Moi aussi: seulement, quand j'ai vu la tourmente qui se pr?parait, j'ai doubl? le pas dans l'espoir d'arriver au fort cette nuit. Mais, le moyen de marcher!... quand il y a deux pieds de neige!
Les deux nouveaux amis se rassirent aupr?s du feu, et, commod?ment appuy?s sur le coude, s'envoy?rent r?ciproquement d'?normes bouff?es de fum?e: la conversation continua, entrem?l?e d'un ?change de regards curieux.
Par moments ils s'oubliaient dans une r?veuse contemplation de leur feu dont l'activit? croissait avec la fureur de l'ouragan. Sur leurs t?tes se balan?aient m?lancoliquement les gigantesques branches charg?es de neige, d?versant par intervalles de petites avalanches qui roulaient jusque dans le brasier.
--Encore un redoublement de neige! remarqua Johnson apr?s avoir vainement essay? de sonder les t?n?bres du regard. Encore quelques heures comme cela, et nous ne pourrons plus regagner le fort.
--Je ne m'?tonnerais point qu'elle tomb?t sans discontinuer tout le jour: la temp?te a commenc? d'une fa?on r?guli?re, elle durera longtemps. Vous souvenez-vous de la tourmente qui eut lieu ? No?l de l'ann?e derni?re? Il neigea sans rel?che pendant toute une semaine? fit Veghte d'un ton interrogateur.
--Oui, oui! je m'en souviendrai tant que je vivrai. J'?tais ? une douzaine de milles du fort Sandusky lorsque ?a commen?a, et j'?tais un peu ind?cis sur la direction que je prendrais. Je me d?cidai ? faire un tour de chasse, et, dans l'apr?s-midi je tirai un ours: cet animal, au lieu de tomber mort tranquillement, prit ses jambes ? son cou et se sauva: naturellement, je lui courus apr?s. A la trace du sang sur la neige, je m'apercevais qu'il ?tait gri?vement bless?, et je m'attendais, de minute en minute, ? le voir culbuter et me donner le temps de le rejoindre. Mais la vilaine brute ne cessa de courir et courir encore jusqu'? la nuit close.
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