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Read Ebook: Aventures de Baron de Münchausen by B Rger Gottfried August Raspe Rudolf Erich Dor Gustave Illustrator Gautier Th Ophile Translator

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Ebook has 365 lines and 29632 words, and 8 pages

Une autre fois je fus serr? de si pr?s par un loup que je n'eus, pour me d?fendre, d'autre ressource que de lui plonger mon poing dans la gueule. Pouss? par l'instinct de ma conservation, je l'enfon?ai toujours de plus en plus profond?ment, de fa?on que mon bras se trouva engag? jusqu'? l'?paule. Mais que faire apr?s cela? Pensez un peu ? ma situation: nez ? nez avec un loup! Je vous assure que nous ne nous faisions pas les yeux doux: si je retirais mon bras, la b?te me sautait dessus infailliblement; je lisais clairement son intention dans son regard flamboyant. Bref, je lui empoignai les entrailles, les tirai ? moi, retournai mon loup comme un gant, et le laissai mort sur la neige.

Je n'aurais assur?ment pas employ? ce proc?d? ? l'?gard d'un chien enrag? qui me poursuivit un jour dans une ruelle de Saint-P?tersbourg.

--Cette fois, me dis-je, tu n'as qu'? prendre tes jambes ? ton cou!

Pour mieux courir, je jetai mon manteau et me r?fugiai au plus vite chez moi. J'envoyai ensuite mon domestique chercher mon manteau, qu'il repla?a dans l'armoire avec mes autres habits. Le lendemain, j'entendis un grand tapage dans la maison, et Jean qui venait vers moi en s'?criant:

--Au nom du ciel, monsieur le baron, votre manteau est enrag?!

Je m'?lance aussit?t, et je vois tous mes v?tements d?chir?s et mis en pi?ces. Le dr?le avait dit vrai, mon manteau ?tait enrag?: j'arrivai juste au moment o? le furibond se ruait sur un bel habit de gala tout neuf, et le secouait, et le d?pe?ait de la fa?on la plus impitoyable.

DES CHIENS ET DES CHEVAUX DU BARON DE M?NCHHAUSEN

Dans toutes ces circonstances difficiles d'o? je me tirai toujours heureusement, quoique souvent au p?ril de mes jours, ce furent le courage et la pr?sence d'esprit qui me permirent de surmonter tant d'obstacles. Ces deux qualit?s font, comme chacun sait, l'heureux chasseur, l'heureux soldat et l'heureux marin. Cependant celui-l? serait un chasseur, un amiral ou un g?n?ral imprudent et bl?mable, qui s'en remettrait en tout ?tat de cause ? sa pr?sence d'esprit ou ? son courage, sans avoir recours aux ruses, ni aux instruments, ni aux auxiliaires qui peuvent assurer la r?ussite de son entreprise. Pour ce qui est de moi, je suis ? l'abri de ce reproche, car je puis me vanter d'avoir toujours ?t? cit? tant pour l'excellence de mes chevaux, de mes chiens et de mes armes, que pour l'habilet? remarquable que je mets ? les utiliser. Je ne voudrais pas vous entretenir des d?tails de mes ?curies, de mes chenils ni de mes salles d'armes, comme ont coutume de le faire les palefreniers et les piqueurs, mais je ne peux pas ne pas vous parler de deux chiens qui se sont si particuli?rement distingu?s ? mon service, que je ne les oublierai jamais.

L'un ?tait un chien couchant, si infatigable, si intelligent, si prudent, qu'on ne pouvait le voir sans me l'envier. Jour et nuit, il ?tait bon; la nuit je lui attachais une lanterne ? la queue, et, en cet ?quipage, il chassait tout aussi bien, peut-?tre mieux qu'en plein jour.

Peu de temps apr?s mon mariage, ma femme manifesta le d?sir de faire une partie de chasse. Je pris les devants pour faire lever quelque chose, et je ne tardai pas ? voir mon chien arr?t? devant une compagnie de quelques centaines de perdreaux. J'attendis ma femme, qui venait derri?re moi, avec mon lieutenant et un domestique: j'attendis longtemps, personne n'arrivait; enfin, assez inquiet, je retournai sur mes pas, et, quand je fus ? moiti? chemin, j'entendis des g?missements lamentables: ils semblaient ?tre tout pr?s, et cependant je n'apercevais nulle part trace d'?tre vivant.

Je descendis de cheval, j'appliquai mon oreille contre le sol, et non-seulement je compris que les g?missements venaient de dessous terre, mais encore je reconnus les voix de ma femme, de mon lieutenant et de mon domestique. Je remarquai en m?me temps que non loin de l'endroit o? j'?tais s'ouvrait un puits de mine de houille, et je ne doutai plus que ma femme et ses malheureux compagnons n'y eussent ?t? engloutis. Je courus ventre ? terre au prochain village chercher les mineurs, qui apr?s de grands efforts parvinrent ? retirer les infortun?s de ce puits qui mesurait pour le moins quatre-vingt-dix pieds de profondeur.

Ils amen?rent d'abord le domestique, son cheval, ensuite le lieutenant, puis son cheval; enfin ma femme, et apr?s elle son petit barbe. Le plus curieux de l'affaire, c'est que, malgr? cette chute effroyable, personne, ni gens ni b?te, n'avait ?t? bless?, ? l'exception de quelques contusions insignifiantes; mais ils ?taient en proie ? une extr?me terreur. Comme vous pouvez l'imaginer, il n'y avait plus ? penser ? reprendre la chasse, et si, ainsi que je le suppose, vous avez oubli? mon chien pendant ce r?cit, vous m'excuserez de l'avoir ?galement oubli? apr?s ce terrible ?v?nement.

Le lendemain m?me de ce jour, je dus partir pour affaire de service, et je fus retenu quinze jours hors de chez moi. Aussit?t de retour, je demandai ma Diane. Personne ne s'en ?tait inqui?t?; mes gens croyaient qu'elle m'avait suivi; il fallait donc d?sesp?rer de la revoir jamais. A la fin une id?e lumineuse me traversa l'esprit:

--Elle est peut-?tre rest?e, me dis-je, en arr?t devant la compagnie de perdreaux!

Je m'?lance aussit?t, plein d'espoir et de joie, et qu'est-ce que je trouve! ma chienne immobile ? la place m?me o? je l'avais laiss?e quinze jours auparavant. <> lui criai-je; en m?me temps elle rompit l'arr?t, fit lever les perdreaux, et j'en abattis vingt-cinq d'un seul coup. Mais la pauvre b?te eut ? peine la force de revenir aupr?s de moi, tant elle ?tait ext?nu?e et affam?e. Je fus oblig?, pour la ramener ? la maison, de la prendre avec moi sur mon cheval: vous pensez du reste avec quelle joie je me pliai ? cette incommodit?. Quelques jours de repos et de bons soins la rendirent aussi fra?che et aussi vive qu'auparavant, et ce ne fut que plusieurs semaines plus tard que je me trouvai ? m?me de r?soudre une ?nigme qui, sans ma chienne, me f?t sans doute rest?e ?ternellement incompr?hensible.

Je m'acharnais depuis deux jours ? la poursuite d'un li?vre. Ma chienne le ramenait toujours et je ne parvenais jamais ? le tirer. Je ne crois pas ? la sorcellerie, j'ai vu trop de choses extraordinaires pour cela, mais j'avoue que je perdais mon latin avec ce maudit li?vre. Enfin je l'atteignis de si pr?s que je le touchais du bout de mon fusil: il culbuta, et que pensez-vous, messieurs, que je trouvai?--Mon li?vre avait quatre pattes au ventre et quatre autres sur le dos. Lorsque les deux paires de dessous ?taient fatigu?es, il se retournait comme un nageur habile qui fait alternativement la coupe et la planche, et il repartait de plus belle avec ses deux paires fra?ches.

Je n'ai jamais revu depuis de li?vre semblable ? celui-l?, et je ne l'aurais assur?ment pas pris avec une autre chienne que Diane. Elle surpassait tellement tous ceux de sa race, que je ne craindrais pas d'?tre tax? d'exag?ration en la disant unique, si un l?vrier que je poss?dais ne lui avait disput? cet honneur. Cette petite b?te ?tait moins remarquable par sa mine que par son incroyable rapidit?. Si ces messieurs l'avaient vue, ils l'auraient certainement admir?e, et n'auraient point trouv? ?tonnant que je l'aimasse si fort, et que je prisse tant de plaisir ? chasser avec elle. Ce l?vrier courut si vite et si longtemps ? mon service, qu'il s'usa les pattes jusqu'au-dessus du jarret, et que sur ses vieux jours je pus l'employer avantageusement en qualit? de terrier.

Alors que cette int?ressante b?te ?tait encore l?vrier ou, pour parler plus exactement, levrette, elle lit lever un li?vre qui me parut extraordinairement gros. Ma chienne ?tait pleine ? ce moment, et cela me peinait de voir les efforts qu'elle faisait pour courir aussi vite que d'habitude. Tout ? coup j'entendis des jappements, comme si c'e?t ?t? une meute enti?re qui les pouss?t, mais faibles et incertains, si bien que je ne savais d'o? cela partait: lorsque je me fus approch?, je vis la chose la plus surprenante du monde.

Le li?vre, ou plut?t la hase, car c'?tait une femelle, avait mis bas en courant; ma chienne en avait fait autant, et il ?tait n? pr?cis?ment autant de petits li?vres que de petits chiens. Par instinct les premiers avaient fui, et, par instinct aussi, les seconds les avaient non-seulement poursuivis, mais pris, de sorte que je me trouvai terminer avec six chiens et six li?vres une chasse que j'avais commenc?e avec un seul li?vre et un seul chien.

Au souvenir de cette admirable chienne, je ne puis m'emp?cher de rattacher celui d'un excellent cheval lithuanien, une b?te sans prix! Je l'eus par suite d'un hasard qui me donna l'occasion de montrer glorieusement mon adresse de cavalier. Je me trouvais dans un des biens du comte Przobowski, en Lithuanie, et j'?tais rest? dans le salon ? prendre le th? avec les dames, tandis que les hommes ?taient all?s dans la cour examiner un jeune cheval de sang arriv? r?cemment du haras. Tout ? coup nous entend?mes un cri de d?tresse.

Je descendis en toute h?te l'escalier, et je trouvai le cheval si furieux, que personne n'osait ni le monter, ni m?me l'approcher; les cavaliers les plus r?solus restaient immobiles et fort embarrass?s: l'effroi se peignait sur tous les visages, lorsque d'un seul bond je m'?lan?ai sur la croupe du cheval; je le surpris et le matai tout d'abord par cette hardiesse; mes talents hippiques achev?rent de le dompter et de le rendre doux et ob?issant. Afin de rassurer les dames, je fis sauter ma b?te dans le salon en passant par la fen?tre; je fis plusieurs tours au pas, au trot et au galop, et, pour terminer, je vins me placer sur la table m?me, o? j'ex?cutai les plus ?l?gantes ?volutions de la haute ?cole, ce qui r?jouit fort la soci?t?. Ma petite b?te se laissa si bien mener, qu'elle ne cassa pas un verre, pas une tasse. Cet ?v?nement me mit si fort en faveur aupr?s des dames et du comte, qu'il me pria avec sa courtoisie habituelle de vouloir bien accepter ce jeune cheval, qui me conduirait ? la victoire dans la prochaine campagne contre les Turcs, qui allait s'ouvrir sous les ordres du comte Munich.

CHAPITRE IV

AVENTURES DU BARON DE M?NCHHAUSEN DANS LA GUERRE CONTRE LES TURCS

Certes, il e?t ?t? difficile de me faire un cadeau plus agr?able que celui-l?, dont je me promettais beaucoup de bien pour la prochaine campagne et qui devait me servir ? faire mes preuves. Un cheval aussi docile, aussi courageux, aussi ardent,--un agneau et un buc?phale tout ? la fois,--devait me rappeler les devoirs du soldat, et en m?me temps les faits h?ro?ques accomplis par le jeune Alexandre dans ses fameuses guerres.

Le but principal de notre campagne ?tait de r?tablir l'honneur des armes russes qui avait quelque peu ?t? atteint sur le Pruth, du temps du czar Pierre: nous y parv?nmes apr?s de rudes mais glorieux combats, et gr?ce aux talents du grand g?n?ral que j'ai nomm? plus haut.

La modestie interdit aux subalternes de s'attribuer de beaux faits d'armes; la gloire doit en revenir commun?ment aux chefs, si nuls qu'ils soient, aux rois et aux reines qui n'ont jamais senti br?ler de poudre qu'? l'exercice, et n'ont jamais vu manoeuvrer d'arm?e qu'? la parade.

Ainsi, je ne revendique pas la moindre part de la gloire que notre arm?e recueillit dans maint engagement. Nous f?mes tous notre devoir, mot qui, dans la bouche du citoyen, du soldat, de l'honn?te homme, a une signification beaucoup plus large que ne se l'imaginent messieurs les buveurs de bi?re. Comme je commandais alors un corps de hussards, j'eus ? ex?cuter diff?rentes exp?ditions o? l'on s'en remettait enti?rement ? mon exp?rience et ? mon courage: pour ?tre juste, cependant, je dois dire ici qu'une grande part de mes succ?s revient ? ces braves compagnons que je conduisais ? la victoire.

Un jour que nous repoussions une sortie des Turcs sous les murs d'Oczakow, l'avant-garde se trouva chaudement engag?e. J'occupais un poste assez avanc?; tout ? coup je vis venir du c?t? de la ville un parti d'ennemis envelopp?s d'un nuage de poussi?re qui m'emp?chait d appr?cier le nombre et la distance. M'entourer d'un nuage semblable, c'e?t ?t? un stratag?me vulgaire, et cela m'e?t, en outre, fait manquer mon but. Je d?ployai mes tirailleurs sur les ailes en leur recommandant de taire autant de poussi?re qu'ils pourraient. Quant ? moi, je me dirigeai droit sur l'ennemi, afin de savoir au juste ce qui en ?tait.

Je l'atteignis: il r?sista d'abord et tint bon jusqu'au moment o? mes tirailleurs vinrent jeter le d?sordre dans ses rangs. Nous le dispers?mes compl?tement, en f?mes un grand carnage et le refoul?mes non-seulement dans la place, mais encore au del?, de fa?on qu'il s'enfuit par la porte oppos?e, r?sultat que nous n'avions pas os? esp?rer.

Comme mon lithuanien allait extr?mement vite, je me trouvai le premier sur le dos des fuyards, et, voyant que l'ennemi courait si bien vers l'autre issue de la ville, je jugeai bon de m'arr?ter sur la place du march? et de faire sonner le rassemblement. Mais figurez-vous mon ?tonnement, messieurs, en ne voyant autour de moi ni trompette ni aucun de mes hussards!

--Que sont-ils devenus? me dis-je; se seraient-ils r?pandus dans les rues?

Ils ne pouvaient cependant pas ?tre bien loin, et ne devaient pas tarder ? me rejoindre. En attendant, je menai mon lithuanien ? la fontaine qui occupait le milieu de la place, pour l'abreuver. Il se mit alors ? boire d'une fa?on inconcevable, sans que cela par?t le d?salt?rer: j'eus bient?t l'explication de ce ph?nom?ne singulier, car, en me retournant pour regarder si mes gens n'arrivaient pas, qu'imaginez-vous que je vis, messieurs? Tout l'arri?re-train de mon cheval ?tait absent et coup? net. L'eau s'?coulait par derri?re ? mesure qu'elle entrait par devant, sans que la b?te en conserv?t rien.

Comment cela ?tait-il arriv?? je ne pouvais m'en rendre compte, lorsqu'enfin mon hussard arriva du c?t? oppos? ? celui par lequel j'?tais venu et, ? travers un torrent de cordiales f?licitations et d'?nergiques jurons, me rapporta ce qui suit. Tandis que je m'?tais jet? p?le-m?le au milieu des fuyards, on avait brusquement laiss? retomber la herse de la porte, qui avait tranch? net l'arri?re-train de mon cheval. Cette seconde partie de ma b?te ?tait d'abord rest?e au milieu des ennemis et y avait exerc? de terribles ravages; puis, ne pouvant p?n?trer dans la ville, elle s'?tait dirig?e vers un pr? voisin, o? je la retrouverais sans aucun doute. Je tournai bride aussit?t, et l'avant de mon cheval me mena au grand galop vers la prairie. A ma grande joie, j'y retrouvai en effet l'autre moiti? qui se livrait aux ?volutions les plus ing?nieuses et passait gaiement le temps avec les juments qui erraient sur la pelouse.

?tant d?s lors bien assur? que les deux parties de mon cheval ?taient vivantes, j'envoyai chercher notre v?t?rinaire. Sans perdre de temps, il les rajusta au moyen de rameaux de laurier qui se trouvaient l?, et la blessure gu?rit heureusement. Il advint alors quelque chose qui ne pouvait arriver qu'? un animal aussi sup?rieur. Les branches prirent racine dans son corps, pouss?rent, et form?rent autour de moi comme un berceau ? l'ombre duquel j'accomplis plus d'une action d'?clat.

Je veux vous raconter encore ici un petit d?sagr?ment qui r?sulta de cette brillante affaire. J'avais si vigoureusement, si longtemps et si impitoyablement sabr? l'ennemi, que mon bras en avait conserv? le mouvement, alors que les Turcs avaient depuis longtemps disparu. Dans la crainte de me blesser et surtout de blesser les miens lorsqu'ils m'approchaient, je me vis oblig? de porter pendant huit jours mon bras en ?charpe, comme si j'eusse ?t? amput?.

Lorsqu'un homme monte un cheval tel que mon lithuanien, vous pouvez bien, messieurs, le croire capable d'ex?cuter un autre trait qui para?t, au premier abord, tenir du fabuleux. Nous faisions le si?ge d'une ville dont j'ai oubli? le nom, et il ?tait de la plus haute importance pour le feld-mar?chal de savoir ce qui se passait dans la place: il paraissait impossible d'y p?n?trer, car il e?t fallu se faire jour ? travers les avant-postes, les grands'gardes et les ouvrages avanc?s; personne n'osait se charger d'une pareille entreprise. Un peu trop confiant peut-?tre dans mon courage et emport? par mon z?le, j'allai me placer pr?s d'un de nos gros canons et, au moment o? le coup partait, je m'?lan?ai sur le boulet, dans le but de p?n?trer par ce moyen dans la ville; mais lorsque je fus ? moiti? route, la r?flexion me vint.

--Hum! pensai-je, aller, c'est bien, mais comment revenir? Que va-t-il t'arriver une fois dans la place? On te traitera en espion et on le pendra au premier arbre: ce n'est pas une fin digne de M?nchhausen!

Ayant fait cette r?flexion, suivie de plusieurs autres du m?me genre, j'aper?us un boulet, dirig? de la forteresse contre notre camp, qui passait ? quelques pas de moi; je sautai dessus, et je revins au milieu des miens, sans avoir, il est vrai, accompli mon projet, mais du moins enti?rement sain et sauf.

Si j'?tais leste et alerte ? la voltige, mon brave cheval ne l'?tait pas moins. Haies ni foss?s, rien ne l'arr?tait, il allait toujours droit devant lui. Un jour, un li?vre que je poursuivais coupa la grande route; en ce moment m?me, une voiture o? se trouvaient deux belles dames vint me s?parer du gibier. Mon cheval passa si rapidement et si l?g?rement ? travers la voiture, dont les glaces ?taient baiss?es, que j'eus ? peine le temps de retirer mon chapeau et de prier ces dames de m'excuser de la libert? grande.

Une autre fois, je voulus sauter une mare, et, lorsque je me trouvai au milieu, je m'aper?us quelle ?tait plus grande que je ne me l'?tais figur? d'abord: je tournai aussit?t bride au milieu de mon ?lan, et je revins sur le bord que je venais de quitter, pour reprendre plus de champ; cette fois encore je m'y pris mal, et tombai dans la mare jusqu'au cou: j'aurais p?ri infailliblement si, par la force de mon propre bras, je ne m'?tais enlev? par ma propre queue, moi et mon cheval que je serrai fortement entre les genoux.

CHAPITRE V

AVENTURES DU BARON DE M?NCHHAUSEN PENDANT SA CAPTIVIT? CHEZ LES TURCS. IL REVIENT DANS SA PATRIE

Malgr? tout mon courage, malgr? la rapidit?, l'adresse et la souplesse de mon cheval, je ne remportai pas toujours, dans la guerre contre les Turcs, les succ?s que j'eusse d?sir?s. J'eus m?me le malheur, d?bord? par le nombre, d'?tre fait prisonnier, et, ce qui est plus triste encore, quoique cela soit une habitude chez ces gens-l?, je fus vendu comme esclave.

R?duit ? cet ?tat d'humiliation, j'accomplissais un travail moins dur que singulier, moins avilissant qu'insupportable. J'?tais charg? de mener chaque matin au champ les abeilles du sultan, de les garder tout le jour et de les ramener le soir ? leur ruche. Un soir, il me manqua une abeille; mais je reconnus aussit?t qu'elle avait ?t? attaqu?e par deux ours qui voulaient la mettre en pi?ces pour avoir son miel. N'ayant entre les mains d'autre arme que la hachette d'argent qui est le signe distinctif des jardiniers et des laboureurs du sultan, je la lan?ai contre les deux voleurs, dans le but de les effrayer. Je r?ussis en effet ? d?livrer la pauvre abeille; mais l'impulsion donn?e par mon bras avait ?t? trop forte; la hache s'?leva en l'air si haut, si haut, qu'elle s'en alla tomber dans la lune. Comment la ravoir? O? trouver une ?chelle pour aller la rechercher?

Je me rappelai alors que le pois de Turquie cro?t tr?s-rapidement et ? une hauteur extraordinaire. J'en plantai imm?diatement un, qui se mit ? pousser et alla de lui-m?me contourner sa pointe autour d'une des cornes de la lune. Je grimpai lestement vers l'astre, o? j'arrivai sans encombre. Ce ne fut pas un petit travail que de rechercher ma hachette d'argent dans un endroit o? tous les objets sont ?galement en argent. Enfin je la trouvai sur un tas de paille.

Alors je songeai au retour. Mais, ? d?sespoir! la chaleur du soleil avait fl?tri la tige de mon pois, si bien que je ne pouvais descendre par cette voie sans risquer de me casser le cou. Que faire? je tressai avec la paille une corde aussi longue que je pus: je la fixai a l'une des cornes de la lune, et je me laissai glisser. Je me soutenais de la main droite, j'avais ma hache dans la gauche: arriv? au bout de ma corde, je tranchai la portion sup?rieure et la rattachai ? l'extr?mit? inf?rieure: je r?it?rai plusieurs fois cette op?ration, et je finis, au bout de quelque temps, par discerner au-dessous de moi la campagne du sultan.

Je pouvais bien ?tre encore ? une distance de deux lieues de la terre, dans les nuages, lorsque la corde se cassa, et je tombai si rudement sur le sol, que j'en restai tout ?tourdi. Mon corps, dont le poids s'?tait accru par la vitesse acquise et par la distance parcourue, creusa dans la terre un trou d'au moins neuf pieds de profondeur. Mais la n?cessit? est bonne conseill?re. Je me taillai avec mes ongles de quarante ans une sorte d'escalier, et je parvins de cette fa?on ? revoir le jour.

Instruit par cette exp?rience, je trouvai un meilleur moyen de me d?barrasser des ours qui en voulaient ? mes abeilles et ? mes ruches. J'enduisis de miel le timon d'un chariot, et je me pla?ai non loin de l? en embuscade, pendant la nuit. Un ours ?norme, attir? par l'odeur du miel, arriva et se mit ? l?cher si avidement le bout du limon, qu'il finit par se le passer tout entier dans la gueule, dans l'estomac et dans les entrailles: lorsqu'il fut bien embroch?, j'accourus, je fichai dans le trou plac? ? l'extr?mit? du timon une grosse cheville, et coupant ainsi la retraite au gourmand, je le laissai dans celte position jusqu'au lendemain matin. Le sultan, qui vint se promener dans les environs, faillit mourir de rire en voyant le tour que j'avais jou? a l'ours.

Peu de temps apr?s, les Russes conclurent la paix avec les Turcs, et je fus renvoy? ? Saint-P?tersbourg avec nombre d'autres prisonniers de guerre. Je pris mon cong?, et je quittai la Russie au moment de cette grande r?volution qui eut lieu il y a environ quarante ans, et ? la suite de laquelle l'empereur au berceau, avec sa m?re et son p?re, le duc de Brunswick, le feld-mar?chal Munich et tant d'autres, fut exil? en Sib?rie. Il s?vit cette ann?e-l? un tel froid dans toute l'Europe, que le soleil lui-m?me y gagna des engelures, dont on voit encore les marques qu'on observe sur sa face. Aussi eus-je beaucoup plus ? souffrir ? mon retour que lors de mon premier voyage.

Mon lithuanien ?tant rest? en Turquie, j'?tais oblig? de voyager en poste. Or, il advint que, nous trouvant engag?s dans un chemin creux bord? de baies ?lev?es, je dis au postillon de donner avec son cor un signal, afin d'emp?cher une autre voiture de s'engager en m?me temps dans l'autre bout du chemin. Mon dr?le ob?it et souffla de toutes ses forces dans son cor, mais ses efforts furent vains: il ne put en tirer une note, ce qui ?tait d'abord incompr?hensible, et ensuite fort g?nant, car nous ne tard?mes pas ? voir arriver sur nous une voiture qui occupait toute la largeur de la route.

Je descendis aussit?t et commen?ai par d?teler les chevaux; puis je pris sur mes ?paules la voiture avec ses quatre roues et ses bagages, et je sautai avec cette charge dans les champs, par-dessus le talus et la haie du bord, haute d'au moins neuf pieds, ce qui n'?tait pas une bagatelle, vu le poids du fardeau: au moyen d'un second saut, je reportai ma chaise de poste sur la route, au del? de l'autre voiture. Cela fait, je revins vers les chevaux, j'en pris un sous chaque bras, et je les transportai par le m?me proc?d? aupr?s de la chaise; apr?s quoi nous attel?mes et nous atteign?mes sans encombre la station de poste.

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