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Read Ebook: Louis XIV et Marie Mancini d'après de nouveaux documents by Chantelauze R De R Gis

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Ebook has 967 lines and 114670 words, and 20 pages

PARIS

TYPOGRAPHIE GEORGES CHAMEROT 19, RUE DES SAINTS-P?RES, 19

D'APR?S DE NOUVEAUX DOCUMENTS PAR R. CHANTELAUZE

PARIS LIBRAIRIE ACAD?MIQUE DIDIER ET Cie, LIBRAIRES-?DITEURS 35, QUAI DES AUGUSTINS, 35

MADAME ROGER DES GENETTES

CH?RE ET EXCELLENTE AMIE,

Permettez-moi, ch?re amie, ? moi son indigne ?l?ve, mais son fervent admirateur, ainsi que le v?tre, d'inscrire votre nom en t?te de cette D?dicace. A vrai dire, le livre que je vous offre est moins un livre qu'une mosa?que, mais une mosa?que compos?e de fragments du grand si?cle. C'est ? ce titre surtout qu'il me semble digne de vous ?tre offert. Puissiez-vous ?tre aussi indulgente pour le cadre que vous l'?tes depuis longtemps pour celui qui l'a dessin? et sculpt? tant bien que mal.

A vous de tout coeur, R. C. Paris, ce 26 septembre 1880.

MARIE MANCINI

INTRODUCTION

Il existe deux Recueils manuscrits de ces m?mes lettres, en copies authentiques, l'un qui fait partie de la Biblioth?que Mazarine, l'autre des archives du minist?re des affaires ?trang?res. Les lettres qui composent le premier n'ont ?t? publi?es qu'en partie; parmi elles on en trouve un assez grand nombre d'in?dites. Ce ne sont point, il est vrai, des originaux, mais des copies ayant la valeur des originaux, puisqu'elles ont ?t? prises par les ordres et sous les yeux m?mes de Colbert et qu'elles ont fait partie de sa biblioth?que. Le second Recueil, beaucoup moins complet, renferme, entre autres, les deux lettres les plus importantes, qui furent adress?es au Roi par Mazarin afin de le dissuader d'?pouser sa ni?ce. L'une est dat?e de Cadillac, le 16 juillet 1659, l'autre de Saint-Jean-de-Luz, le 28 ao?t suivant.

Nombre des lettres in?dites du Cardinal, dont nous venons de parler, sont adress?es au Roi, ? la reine Anne d'Autriche, ? Marie Mancini, et ? Mme de Venel, gouvernante des ni?ces de Mazarin.

La plupart des lettres du Cardinal roulent sur les pr?liminaires du trait? des Pyr?n?es et sur l'amour du Roi pour sa ni?ce. Il avait ? la fois ? lutter, pour mener sa grande oeuvre ? bonne fin, et contre les exigences de l'Espagne et contre cette passion du Roi qui pouvait l'entra?ner ? faire de Marie Mancini une reine de France.

Les n?gociations qui pr?par?rent le trait? sont trop en dehors de notre sujet, pour que nous ayons cru devoir faire le moindre emprunt sur ce point aux lettres du Cardinal.

Il n'en est pas de m?me de l'autre question qui le pr?occupait si vivement. Jusqu'? pr?sent on n'avait montr? que les principales p?rip?ties de ce drame intime, mais sans en indiquer l'encha?nement, et, parfois, sous de fausses couleurs. La correspondance manuscrite, et souvent in?dite de Mazarin, beaucoup plus compl?te que celle qui a ?t? publi?e, nous permettra de suivre l'action pas ? pas, d'en montrer toutes les phases successives. A c?t? des grandes questions qui s'agitaient sur les bords de la Bidassoa, la passion orageuse du Roi et de Marie Mancini faillit rompre les n?gociations, d?cha?ner de nouveau la guerre sur l'Europe et bouleverser le royaume.

Tel est le r?cit que nous allons d?rouler de nouveau sous les yeux du lecteur. Afin de ne pas en interrompre le fil, nous avons eu soin de n'ins?rer dans notre texte que les passages les plus saillants des documents consult?s, en rejetant la plupart d'entre eux dans l'Appendice de ce volume, ou dans les notes.

Pour cette derni?re partie, nous avons consult? les sources contemporaines et, en premi?re ligne, les M?moires authentiques de Marie Mancini, qui, malgr? le vif int?r?t qu'ils pr?sentent, sont ? peine connus ? cause de leur extr?me raret?.

CHAPITRE PREMIER

L'ambition de Mazarin ?tait sans bornes: il ne se contenta pas de faire ?pouser plusieurs de ses ni?ces aux plus grands seigneurs du royaume; il osa m?ler son sang pl?b?ien ? celui des princes de la maison royale. Dans son orgueil, il en vint ? refuser l'une d'elles au fils a?n? de Charles 1er, parce qu'il le croyait hors d'?tat de remonter sur le tr?ne d'Angleterre. Il fit plus, il r?va pour deux de ses ni?ces le tr?ne de France. Pendant la Fronde, il maria l'une d'entre elles, Laure Mancini, au duc de Mercoeur, de la maison de Vend?me. Il aurait bien voulu prendre dans ses filets le fr?re de Mercoeur, le duc de Beaufort, le fameux Roi des Halles, afin de se retremper dans sa popularit?. Mais Beaufort, qui n'avait pas le don de seconde vue, n'eut pas l'esprit de devenir Mazarin ? temps. Pendant cette p?riode de la Fronde, o? le Cardinal se vit ? deux doigts de sa perte, ses ni?ces jou?rent un fort grand r?le dans les combinaisons de sa politique. Elles lui servaient d'app?t pour attirer ? lui ses plus dangereux ennemis. Cond?, au moment o? il se croyait le ma?tre, avait forc? le Cardinal, par un article de trait?, ? ne les marier qu'avec son consentement. Lorsqu'il fut arr?t?, ses partisans furent sur le point de les enlever au moment o? elles ?taient r?fugi?es au Val-de-Gr?ce, pour les conduire dans quelque place forte du Prince, afin de priver le Cardinal d'un de ses plus grands moyens de s?duction. Le coadjuteur lui-m?me faillit se laisser prendre ? cette amorce, et songea ? marier une de ses propres ni?ces au jeune Paul Mancini.

Apr?s la Fronde, l'heureux Mazarin, qui avait abattu tous ses ennemis, s'attacha ? raffermir de plus en plus son autorit? par de nouvelles et grandes alliances avec sa famille.

Enfin, peu de temps apr?s, Mazarin mariait Olympe Mancini au prince Eug?ne de Carignan, qui, par sa m?re, tenait aux Bourbons, et il fit revivre en sa faveur le titre de comte de Soissons.

D'autres beaut?s plus s?duisantes l'avaient captiv? ou plut?t distrait. Olympe s'en aper?ut, elle laissa ?clater sa jalousie, ses bouderies, puis, sortant peu ? peu de ses illusions, elle songea ? des projets plus praticables. Elle jeta les yeux tour ? tour sur le prince de Conti, sur le prince de Mod?ne, sur Armand de la Meilleraye, et elle eut la douleur de se les voir enlever par ses soeurs les uns apr?s les autres. Enfin, le Cardinal la maria au prince de Carignan, comme nous l'avons dit plus haut. Mazarin aimait fort cette ni?ce, qui avait un peu de son g?nie pour les intrigues et les affaires, et que d'ailleurs il eut toujours dans sa main. Mme de La Fayette soutient, elle aussi, <>

S'il en est ainsi, le mariage d'Olympe avec le comte de Soissons fit ?vanouir un de ses r?ves les plus ambitieux, et, peut-?tre, malgr? l'extr?me r?pugnance de la Reine, il ne lui e?t pas ?t? impossible de le voir s'accomplir. Le Roi prit si ga?ment son parti de ce d?nouement, que la Reine m?re dit tout bas ? l'oreille de Mme de Motteville: <> Chose ?trange! loin de mettre fin ? ce caprice, le mariage le raviva. Le Roi ne quittait plus l'h?tel de Soissons, et peut-?tre fut-il moins timide avec la princesse qu'il ne l'avait ?t? avec la jeune fille.

Cette faveur inou?e valut ? Cateau la Borgnesse un bel h?tel, et cette fille d'un fripier des Halles vit M. le baron de Beauvais, son fils, ?rig? en personnage avec lequel il fallut compter.

Une petite jardini?re succ?da ? la Beauvais et donna au Roi une fille qui fut mari?e ? un obscur gentilhomme.

Puis ce fut la belle duchesse de Ch?tillon, qui, apr?s tant de conqu?tes pendant la Fronde, uniquement entreprises pour recruter des partisans ? M. le Prince, fit celle du jeune Roi.

Louis fut moins heureux aupr?s d'?lisabeth de Tarneau, fille d'un avocat au Parlement et d'une merveilleuse beaut?. Il l'avait vue aux Tuileries; il en devint follement ?pris et fit plusieurs tentatives pour l'engager ? r?pondre ? son amour, mais elle eut la sagesse de lui refuser m?me une entrevue.

Il essaya de se consoler de ce m?compte avec Mlle de La Motte Argencourt, fille d'honneur de la Reine m?re, qui avait succ?d? en cette qualit? ? Mlle de La Porte. <>. Ajoutez qu'elle dansait en perfection, et le Roi en dansant avec elle en devint ?perdument amoureux. Mazarin prenait ombrage de toutes les passions du Roi qui pouvaient l'?loigner de ses ni?ces. Alors il se montrait grand moraliste et intraitable. Il signala ? la Reine le nouveau go?t du Roi. La d?votion de la Reine s'alarma; elle entra?na son fils dans son oratoire, et lui fit promettre au pied de l'autel de renoncer ? sa passion. Il c?da, alla ? confesse, communia, mais, ? la premi?re danse avec Mlle d'Argencourt, tous ses serments furent oubli?s. Il lui jura de s'attacher ? elle d?sormais, sans que rien p?t le faire manquer ? son serment. Mazarin n'?tait pas homme ? battre en retraite. Il eut l'adresse, on ne sait comment, de se procurer des lettres de la belle adress?es ? son amant le marquis de Richelieu, et il les mit sous les yeux du Roi. L'amour-propre bless? l'emporta sur la passion; la malheureuse d'Argencourt fut livr?e au Cardinal, qui la fit enfermer dans le couvent des filles de Sainte-Marie de Chaillot, o?, bon gr? mal gr?, elle dut expier ses p?ch?s. La punition ?tait cruelle; elle e?t paru moins rigoureuse si Mazarin l'e?t appliqu?e ? la plupart de ses ni?ces pour des causes semblables.

Mais ce n'?taient l? que des distractions qui n'emp?chaient pas le Roi de fr?quenter fort assid?ment l'h?tel de Soissons. Avait-il quelques petits d?m?l?s avec Olympe, ce qui arrivait quelquefois; cessait-il de para?tre pendant quelques jours, le comte de Soissons, le plus d?bonnaire des maris, prenait l'alarme, craignait d'avoir perdu la faveur dont il jouissait, et ne se donnait ni paix ni tr?ve qu'il n'e?t ramen? le jeune prince aux pieds de la comtesse. A cette ?poque, elle paraissait une femme assez d?sirable, et il fallait bien qu'il en f?t ainsi pour qu'elle ait su captiver un peu plus tard le marquis de Vardes, c'est tout dire. <>

Le Roi, cependant, ajoute-t-elle, <> D'autres M?moires assurent qu'il prit ombrage des assiduit?s du marquis de Villequier et qu'il lui abandonna une conqu?te qu'il ne se sentait pas d'humeur ? partager.

<>

Rassemblons quelques traits ?pars dans les M?moires du temps pour reconstituer le portrait en pied de la principale h?ro?ne de ce r?cit.

<> dit Mme de Motteville qui la peint au moment de l'?ge ingrat. Elle pouvait esp?rer d'?tre de belle taille, parce qu'elle ?tait grande pour son ?ge et bien droite, mais elle ?tait si maigre, et ses bras et son col paraissaient si longs et si d?charn?s, qu'il ?tait impossible de la pouvoir louer sur cet article. Elle ?tait brune et jaune; ses yeux, qui ?taient grands et noirs, n'ayant point de feu, paraissaient rudes. Sa bouche ?tait grande et plate, et, hormis les dents, qu'elle avait tr?s belles, on la pouvait dire alors toute laide.>> Telle l'avait vue, pendant son adolescence, la confidente d'Anne d'Autriche. <>

Le portrait que nous a laiss? d'elle un autre peintre de premier ordre, Mme de La Fayette, n'est pas plus s?duisant et se rapproche beaucoup de celui qui pr?c?de: de beaut?, <>

Au moment o? nous sommes, c'est-?-dire en 1658, Marie avait dix-neuf ans, ?tant n?e ? Rome en 1639. Ce n'?tait d?j? plus la jeune pensionnaire de treize ou quatorze ans, jaune et maigre, que vient de nous peindre Mme de Motteville. Sa taille s'?tait d?velopp?e, elle avait pris de la gr?ce et de l'ampleur; elle n'avait pas impun?ment respir? l'air de la cour; ses yeux pleins de flammes, l'?mail de ses dents, qui ?tincelait sous des l?vres fra?ches et ?panouies, attiraient les regards et faisaient oublier ce qu'il y avait de peu correct dans ses traits. Elle n'?tait venue de Rome qu'? l'?ge de quinze ans, la m?moire toute pleine des grands po?tes de l'Italie. Bient?t la litt?rature fran?aise lui devint tout aussi famili?re; elle d?vora tous les romans ? la mode, h?ro?ques et amoureux, elle se passionna surtout pour le grand Corneille.

Ce fut pendant la campagne de Flandre que l'on vit ?clater l'ardente passion de Marie Mancini pour le Roi. Apr?s la bataille des Dunes, le jeune prince, ? la suite des fatigues de plusieurs si?ges livr?s dans un pays mar?cageux et couvert de cadavres sans s?pulture, fut atteint d'une fi?vre pernicieuse qui lui fit courir les plus grands dangers. Ses m?decins n'avaient plus d'espoir, on parlait d?j? de son successeur, et Mazarin prenait ses pr?cautions pour sauver ses tr?sors, lorsqu'un empirique fit ce que les plus habiles m?decins de la cour n'avaient su faire. Pendant cette dangereuse maladie du Roi, Marie Mancini <>

Le Roi, jusqu'alors, n'avait connu de l'amour que l'ivresse des sens. Il fut touch? de cette passion vraie, profonde, qui avait ?clat? pour lui ? travers des larmes et des sanglots, et il y r?pondit par un amour tendre qu'il n'?prouva jamais peut-?tre au m?me degr? pour aucune de ses plus belles ma?tresses. Comme elle avait infiniment <>, au t?moignage de Mme de La Fayette, qui s'y connaissait, on peut se figurer quel dut ?tre l'ascendant qu'elle prit peu ? peu sur le jeune Roi, ? qui elle ouvrait en m?me temps les horizons de l'amour et de l'intelligence. Il avait jusqu'alors pass? sa vie au milieu des f?tes et des ballets, peu soucieux des choses de l'esprit, dont l'avait d?tourn? la politique ombrageuse du Cardinal. Marie lui mit entre les mains tous les livres qu'elle aimait et elle lui apprit ? les aimer. Elle l'initia ? l'italien et le mit en ?tat de comprendre les beaut?s de l'Arioste et du Tasse; elle lui inspira, sinon le go?t, du moins la passion des beaux-arts, et l'on sait s'il resta fid?le ? cette noble passion. Un des plus brillants c?t?s de Marie Mancini, c'?taient ses conversations, que trouvaient aussi int?ressantes que vari?es les hommes les plus ?minents de la cour. Lyonne, Saint-?vremont, La Rochefoucauld, ne d?daignaient pas de causer avec cette jeune fille, l'un de politique, l'autre d'histoire, celui-ci de morale. Le Roi avait part ? tous ces entretiens, ?tait glorieux de tous les succ?s de son amie et se piquait d'?mulation. Ce qui le charmait surtout, ce qui faisait na?tre de nouvelles flammes dans son coeur, c'?taient les lectures que faisait Marie ? haute voix des romans et des trag?dies ? la mode, devant le petit cercle de la Reine. Sa voix passionn?e, amoureuse, et jusqu'? son accent italien, donnaient un charme ?trange ? sa diction. Pour tout dire, elle avait m?rit? par son go?t tr?s fin pour la po?sie, par les d?licatesses de son esprit, d'avoir conquis une place d'honneur parmi les Pr?cieuses:

Le Roi, notre monarque illustre, Menait l'infante Mancini, Des plus sages et gracieuses Et la perle des Pr?cieuses.

C'est ainsi que Marie faisait l'?ducation litt?raire du prince qui devait ?tre le M?c?ne de son si?cle. Elle fit plus, elle lui inspira l'amour du pouvoir et de la gloire. Mazarin l'avait ?lev? dans l'ignorance et l'indiff?rence des choses de l'?tat, et le jeune prince, tout entier ? ses plaisirs, lui avait abandonn? sans peine le fardeau des affaires. Marie le rappela au sentiment de sa grandeur; elle le fit souvenir qu'il ?tait Roi.

Tous les contemporains se sont complu ? c?l?brer la beaut? et la supr?me ?l?gance de Louis dans sa jeunesse, et tous ses portraits peints et grav?s nous montrent que ce jugement est d?nu? de flatterie. Il se faisait remarquer par sa belle taille, sa bonne mine et par un air de majest? r?pandu dans toute sa personne. Il avait le port et la d?marche d'un h?ros ou d'un demi-dieu. Ajoutez ? tous ces avantages ext?rieurs une grande affabilit? et une gr?ce enchanteresse dans ses moindres paroles, ? laquelle une timidit? naturelle pr?tait encore des charmes. Comment les plus belles et les plus grandes dames de la cour eussent-elles pu r?sister ? un prince beau comme Apollon et dont le jeune coeur, comme celui de Ch?rubin, palpitait au seul aspect d'une femme? Mais de tous les amours de Louis aucun ne parla si haut que son premier amour pour Marie Mancini, et de toutes ses ma?tresses aucune ne l'aima plus ardemment que cette Italienne qui, ? force de passion, sut transfigurer pour lui seul sa laideur en beaut?. Cette passion des deux amants semblait ? la plupart des courtisans si imp?tueuse, si irr?sistible, qu'ils croyaient qu'elle irait jusqu'au mariage. Mais un ?v?nement inattendu vint suspendre pendant quelques mois cette opinion.

CHAPITRE II

Pendant que le Roi s'abandonnait ? la violence de son amour, <>.

La princesse Marguerite, sa seconde fille, tout ? fait d?pourvue de beaut?, avait eu le d?plaisir de voir le duc de Bavi?re lui pr?f?rer sa soeur cadette, qui ?tait fort belle.

La situation politique de la France ? l'?gard de l'Espagne et de la Savoie semblait faire pencher alors la balance en faveur de la princesse Marguerite. Les Espagnols, abattus par les ?clatants revers de Lens et de Rocroy, et hors d'?tat de relever la fortune contraire par la force des armes, employaient tous leurs artifices pour d?baucher les alli?s de la France. Ils avaient fait de grandes offres ? la duchesse de Savoie pour l'attirer dans leur parti, en lui repr?sentant que, si le Milanais tombait au pouvoir des Fran?ais, elle se trouverait ? leur merci, enferm?e dans leurs possessions, sans pouvoir ?tre secourue par l'Espagne, et qu'elle travaillait ? sa propre ruine en contribuant ? chasser les Espagnols de Milan. Elle trouvait ces conseils excellents, sans doute, mais, comme elle ?tait fille de France, elle ne pouvait se r?soudre ? tourner ses armes contre le Roi son neveu. Lasse d'une longue guerre, elle n'aspirait qu'? la neutralit?, ? reprendre Verceil et ? emp?cher les Fran?ais de s'emparer de Milan, en leur refusant le passage dans ses ?tats.

Mazarin eut vent de ces n?gociations et mit tout en oeuvre pour les rompre. La duchesse, qui connaissait le personnage, ne r?pondit d'abord qu'avec froideur aux premi?res avances du Cardinal. Il en prit de l'ombrage, s'alarma, la pressa, et Christine finit par lui d?clarer qu'elle ne tiendrait le parti de la France qu'? la condition du mariage du Roi avec sa fille Marguerite, qu'on ne cessait de lui promettre et d'?luder depuis quelques ann?es. Le Cardinal, qui voyait la Flandre ? demi conquise apr?s la bataille des Dunes, et le Milanais fort ?branl? par la prise de Valenza et de Mortara, ne voulut pas rester en si beau chemin, et, comme il ne pouvait pousser ses conqu?tes en Italie sans un passage par le Pi?mont et sans l'assistance de la duchesse de Savoie, il r?solut enfin de la contenter. Il accepta le projet du mariage, mais sous la r?serve que le Roi ne se d?ciderait qu'apr?s avoir vu la princesse, et il engagea la duchesse ? conduire sa fille ? Lyon, lieu qu'il d?signa pour l'entrevue.

Christine accepta cette proposition avec joie, et la fin de l'ann?e fut fix?e pour la r?union des deux cours.

Mazarin avait d'ailleurs un penchant secret et tr?s prononc? pour cette alliance. Sa ni?ce, Olympe, la comtesse de Soissons, avait ?pous? le fils a?n? du prince Thomas, oncle de Charles-Emmanuel, et leurs enfants pouvaient devenir les h?ritiers du duc de Savoie.

Anne d'Autriche avait toujours passionn?ment d?sir? la paix, et l'infante d'Espagne comme seule digne d'?pouser le Roi son fils. Jusque-l? ce mariage avait sembl? impossible, le roi d'Espagne n'ayant pas encore de fils et l'Infante ?tant appel?e ? ?tre l'h?riti?re de tous ses ?tats. Mais, depuis quelque temps, il ?tait n? un fils ? Philippe IV, et la Reine sa femme ?tait sur le point de mettre au monde un nouvel enfant m?le. La couronne d'Espagne paraissait donc suffisamment sauvegard?e dans son ind?pendance, et le mariage de l'Infante avec le roi de France devenait chose possible.

A d?faut de cette princesse, les pr?dilections de la Reine se tournaient vers la jeune Henriette d'Angleterre, qu'elle aimait tendrement et dont l'esprit et le charme pr?coces annon?aient d?j? ce qu'elle serait un jour. Le Roi seul et Mazarin ne la trouvaient point ? leur gr?; le Roi, parce qu'elle ?tait trop maigre et trop petite fille, le Cardinal parce qu'il n'avait aucun int?r?t <>.

Le Cardinal ne pouvait se dissimuler que l'Infante ne f?t la plus digne femme que le Roi p?t avoir; il n'ignorait pas non plus le vif penchant de la Reine pour cette princesse. Aussi e?t-il soin de feindre, pour la satisfaire, qu'il souhaitait ardemment ce mariage, tout en esp?rant en secret qu'il surgirait d'assez grandes difficult?s pour le faire avorter, et qu'elles tourneraient au profit de la princesse de Savoie.

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