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Read Ebook: Clio by France Anatole Mucha Alphonse Illustrator

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Ebook has 426 lines and 27408 words, and 9 pages

L'abord lui en fut agr?able, car le sang des taureaux fra?chement ?gorg?s ruisselait au dehors, et l'odeur des graisses chaudes se r?pandait au loin. Il franchit le seuil, p?n?tra dans la vaste salle du festin, et ayant touch? de la main l'autel, il s'approcha de M?g?s qui donnait des ordres ? ses serviteurs et d?coupait les viandes. D?j? les convives ?taient rang?s autour du foyer, et ils se r?jouissaient dans l'esp?rance d'une abondante nourriture. Il y avait parmi eux beaucoup de rois et de h?ros. Mais l'h?te que M?g?s voulait honorer en ce repas ?tait un roi de Khios qui, pour acqu?rir des richesses, avait longtemps navigu? sur la mer et beaucoup endur?. Il se nommait Oineus. Tous les convives le regardaient avec admiration parce qu'il avait, comme autrefois le divin Ulysse, ?chapp? ? d'innombrables naufrages, partag?, dans des ?les, la couche des magiciennes et rapport? des tr?sors. Il contait ses voyages, ses fatigues, et, dou? d'un esprit subtil, il y ajoutait des mensonges.

Reconnaissant un chanteur ? la lyre que le Vieillard portait suspendue ? son c?t?, le riche M?g?s lui dit:

--Sois le bienvenu. Quels chants sais-tu dire?

Le Vieillard r?pondit:

--Je sais la Querelle des rois qui causa de grands maux aux Ach?ens, je sais l'Assaut du mur. Et ce chant est beau. Je sais aussi Zeus tromp?, l'Ambassade et l'Enl?vement des morts. Et ces chants sont beaux. Je sais encore six fois soixante chansons tr?s belles.

De cette mani?re, il faisait entendre qu'il en savait beaucoup. Mais il n'en connaissait pas le nombre.

Le riche M?g?s r?pliqua d'un ton moqueur:

--Les chanteurs errants disent toujours, dans l'espoir d'un bon repas et d'un riche pr?sent, qu'ils savent beaucoup de chansons; mais, ? l'?preuve, on s'aper?oit qu'ils ont retenu un petit nombre de vers, dont ils fatiguent, en les r?p?tant, les oreilles des h?ros et des rois.

Le Vieillard fit une bonne r?ponse:

--M?g?s, dit-il, tu es illustre par tes richesses. Sache que le nombre des chants connus de moi ?gale celui des taureaux et des g?nisses que tes bouviers m?nent pa?tre dans la montagne.

M?g?s, admirant l'esprit du Vieillard, lui dit avec douceur:

--Il faut une intelligence non petite pour contenir tant de chansons. Mais, dis-moi: Ce que tu sais d'Achille et d'Ulysse est-il bien vrai? Car on s?me d'innombrables mensonges sur ces h?ros.

Et le chanteur r?pondit:

--Ce que je sais de ces h?ros, je le tiens de mon p?re, qui l'avait appris des Muses elles-m?mes, car autrefois les Muses immortelles visitaient, dans les antres et les bois, les chanteurs divins. Je ne m?lerai point de mensonges aux antiques r?cits.

Il parlait de la sorte, avec prudence. Cependant, aux chants qu'il avait appris d?s l'enfance, il avait coutume d'ajouter des vers pris dans d'autres chants ou trouv?s dans son esprit. Il composait lui-m?me des chants presque tout entiers. Mais il n'avouait pas qu'ils ?taient son ouvrage de peur qu'on n'y trouv?t ? redire. Les h?ros lui demandaient de pr?f?rence des r?cits anciens qu'ils croyaient dict?s par un Dieu, et ils se d?fiaient des chants nouveaux. Aussi, quand il disait des vers sortis de son intelligence, il en cachait soigneusement l'origine. Et comme il ?tait tr?s bon po?te et qu'il observait exactement les usages ?tablis, ses vers ne se distinguaient en rien de ceux des a?eux; ils ?taient ? ceux-l? pareils en forme et en beaut?, et dignes, d?s leur naissance, d'une gloire immortelle.

Le riche M?g?s ne manquait point d'intelligence. Devinant que le Vieillard ?tait un bon chanteur, il lui donna une place honorable au foyer et lui dit:

--Vieillard, quand nous aurons apais? notre faim, tu nous chanteras ce que tu sais d'Achille et d'Ulysse. Efforce-toi de charmer les oreilles d'Oineus mon h?te, car c'est un h?ros plein de sagesse.

Et Oineus, qui avait longtemps err? sur la mer, demanda au joueur de lyre s'il connaissait les voyages d'Ulysse. Mais le retour des h?ros qui avaient combattu devant Troie ?tait encore envelopp? d'obscurit?, et personne ne savait ce qu'Ulysse avait souffert, errant sur la mer st?rile.

Le Vieillard r?pondit:

--Je sais que le divin Ulysse entra dans le lit de Circ? et trompa le Cyclope par une ruse ing?nieuse. Les femmes en font des contes entre elles. Mais le retour du h?ros dans Ithaque est cach? aux chanteurs. Les uns disent qu'il rentra en possession de sa femme et de ses biens; les autres qu'il chassa P?n?lope, parce qu'elle avait mis les pr?tendants dans sa couche; et que lui-m?me, ch?ti? par les Dieux, erra sans repos parmi les peuples, une rame sur l'?paule.

Oineus r?pondit:

--J'ai appris dans mes voyages qu'Ulysse ?tait mort, tu? de la main de son fils.

Cependant M?g?s distribuait aux convives la chair des boeufs. Et il pr?sentait ? chacun le morceau convenable. Oineus l'en loua grandement.

--M?g?s, lui dit-il, on voit que tu es accoutum? ? donner des festins.

Les boeufs de M?g?s se nourrissaient des herbes odorantes qui croissent au flanc des montagnes. Leur chair en ?tait toute parfum?e, et les h?ros ne pouvaient s'en rassasier. Et comme M?g?s remplissait ? tout moment une coupe profonde qu'il passait ensuite ? ses h?tes, le repas se prolongea tr?s avant dans la journ?e. Nul n'avait souvenir d'un si beau festin.

Le soleil ?tait pr?s de descendre dans la mer, quand les bouviers, qui gardaient dans la montagne les troupeaux de M?g?s, vinrent prendre leur part des viandes et des vins. M?g?s les honorait parce qu'ils paissaient les troupeaux, non point indolemment comme les bouviers de la plaine, mais arm?s de lances d'airain et ceints de cuirasses, afin de d?fendre les boeufs contre les attaques des peuples de l'Asie. Et ils ?taient semblables aux h?ros et aux rois, qu'ils ?galaient en courage. Deux chefs les conduisaient, Peiros et Thoas, que le ma?tre avait mis au-dessus d'eux comme les plus braves et les plus intelligents. Et, vraiment, on ne pouvait voir deux hommes plus beaux. M?g?s les accueillit ? son foyer comme les protecteurs illustres de ses richesses. Il leur donna de la chair et du vin autant qu'ils en voulurent.

Oineus, les admirant, dit ? son h?te:

--Je n'ai pas vu, dans mes voyages, d'hommes ayant les bras et les cuisses aussi vigoureux et bien form?s que les ont ces deux chefs de bouviers.

Alors M?g?s pronon?a une parole imprudente. Il dit:

--Peiros est plus fort dans la lutte, mais Thoas l'emporte ? la course.

En entendant cette parole, les deux bouviers se regard?rent l'un l'autre avec col?re, et Thoas dit ? Peiros:

--Il faut que tu aies fait boire au ma?tre un breuvage qui rend insens? pour qu'il dise ? pr?sent que tu es meilleur que moi dans la lutte.

Et Peiros irrit? r?pondit ? Thoas:

--Je me flatte de te vaincre ? la lutte. Quant ? la course, je t'en laisse le prix, que le ma?tre t'a donn?. Car il n'est pas surprenant qu'ayant le coeur d'un cerf tu en aies aussi les pieds.

Mais le sage Oineus apaisa la querelle des bouviers. Il conta des fables ing?nieuses o? paraissaient les dangers des rixes dans les banquets. Et, comme il parlait bien, il fut approuv?. Le calme s'?tant r?tabli, M?g?s dit au Vieillard:

--Chante-nous, ami, la col?re d'Achille et l'assembl?e des rois.

Et le Vieillard, ayant accord? sa lyre, poussa dans l'air ?pais de la salle les grands ?clats de sa voix.

Un souffle puissant s'exhalait de sa poitrine, et tous les convives se taisaient pour entendre les paroles mesur?es qui faisaient revivre les ?ges dignes de m?moire. Et plusieurs songeaient: <> Car ils ne savaient pas que la force du vin et l'habitude de chanter pr?taient au joueur de lyre les forces que lui refusaient ses tendons et ses nerfs affaiblis.

Un murmure de louanges s'?levait par moments de l'assembl?e comme un souffle du violent Z?phyr dans les for?ts. Mais tout ? coup la querelle des deux bouviers, un moment apais?e, ?clata avec violence. ?chauff?s par le vin, ils se d?fiaient ? la lutte et ? la course. Leurs cris farouches couvraient la voix du chanteur qui vainement haussait sur l'assembl?e la clameur harmonieuse de sa bouche et de sa lyre. Les p?tres amen?s par Peiros et Thoas, agit?s par l'ivresse, frappaient dans leurs mains et grognaient comme des porcs. Ils formaient depuis longtemps deux bandes rivales et partageaient l'inimiti? des chefs.

--Chien! cria Thoas.

Et il porta ? Peiros un coup de poing sur la face qui fit jaillir abondamment le sang de la bouche et des narines. Peiros, aveugl?, heurta du front la poitrine de Thoas, qui tomba en arri?re, les c?tes bris?es. Aussit?t les bouviers rivaux se pr?cipitent, ?changeant les injures et les coups.

M?g?s et les rois essayent en vain de s?parer les furieux. Et le sage Oineus lui-m?me est repouss? par ces bouviers, qu'un Dieu a priv?s de raison. Les coupes d'airain volent de toutes parts. Les grands os des boeufs, les torches fumantes, les tr?pieds de bronze s'?l?vent et s'abattent sur les combattants. Les corps m?l?s des hommes roulent sur le foyer qui s'?teint, dans le vin des outres crev?es.

Une obscurit? profonde enveloppe la salle, o? montent des impr?cations aux Dieux et des hurlements de douleur. Des bras furieux empoignent des b?ches ardentes et les lancent dans les t?n?bres. Un tison enflamm? atteint au front le chanteur, debout, muet, immobile.

Alors, d'une voix plus grande que tous les bruits du combat, il maudit cette maison injurieuse et ces hommes impies. Puis, pressant sa lyre contre sa poitrine, il sortit de la demeure et marcha vers la mer le long du haut promontoire. ? sa col?re succ?dait une profonde lassitude et un ?cre d?go?t des hommes et de la vie.

Le d?sir de se m?ler aux Dieux enflait sa poitrine. Une ombre douce, un silence amical et la paix de la nuit enveloppaient toutes choses. ? l'occident, vers ces contr?es o? l'on dit que flottent les ombres des morts, la lune divine, suspendue dans le ciel limpide, semait de fleurs argent?es la mer souriante. Et le vieil Hom?re s'avan?a sur le haut promontoire jusqu'? ce que la terre, qui l'avait port? si longtemps, manqu?t sous ses pas.

KOMM L'ATR?BATE

Les Atr?bates ?taient ?tablis sur une terre brumeuse, le long d'un rivage battu par une mer toujours agit?e et dont les sables se soulevaient aux vents du large comme les lames de l'Oc?an. Leurs tribus habitaient, aux bords mouvants d'une large rivi?re, des enclos form?s par des abatis d'arbres, au milieu des ?tangs, dans des for?ts de ch?nes et de bouleaux. Ils y ?levaient des chevaux ? grosse t?te et de courte encolure, dont le poitrail ?tait large, la croupe belle, la jambe nerveuse, et qui faisaient d'excellentes b?tes de trait. Ils entretenaient, ? l'or?e des bois, des porcs ?normes, aussi sauvages que des sangliers. Ils chassaient avec des dogues les b?tes f?roces dont ils clouaient la t?te sur les parois de leurs maisons de bois. Ces animaux, ainsi que les poissons de la mer et des fleuves, faisaient leur nourriture. Ils les grillaient et les assaisonnaient de sel, de vinaigre et de cumin. Ils buvaient du vin et, dans leurs repas de lions, s'enivraient autour des tables rondes. Il y avait parmi eux des femmes qui, connaissant la vertu des herbes, cueillaient la jusquiame, la verveine et la plante salutaire nomm?e selage, qui cro?t dans les creux humides des rochers. Elles composaient un poison avec le suc de l'if. Les Atr?bates avaient aussi des pr?tres et des po?tes qui savaient ce que les autres hommes ignorent.

Ces habitants des for?ts, des mar?cages et des gr?ves ?taient de haute taille; ils ne coupaient point leurs chevelures blondes et couvraient leurs grands corps blancs d'une saie de laine qui avait les couleurs de la vigne empourpr?e par l'automne. Ils ?taient soumis ? des chefs ?tablis au-dessus des tribus.

Les Atr?bates savaient que les Romains ?taient venus faire la guerre aux peuples de la Gaule, et que des nations enti?res avaient ?t? vendues, corps et biens, sous la lance. Ils ?taient avertis tr?s vite de ce qui se passait au bord du Rh?ne et de la Loire. Les signes et les paroles volent comme l'oiseau. Et ce qui se disait ? Genabum des Carnutes au lever du soleil ?tait entendu sur les sables de l'Oc?an ? la premi?re veille de nuit. Mais ils ne s'inqui?taient point du sort de leurs fr?res, ou plut?t, jaloux de leurs fr?res, ils se r?jouissaient des maux que leur infligeait C?sar. Ils ne ha?ssaient pas les Romains, puisqu'ils ne les connaissaient pas. Ils ne les craignaient point, parce qu'il leur semblait impossible qu'une arm?e p?t p?n?trer ? travers les bois et les marais qui entouraient leurs habitations. Ils n'avaient point de villes, bien qu'ils donnassent ce nom ? N?m?tocenne, vaste enclos ferm? par des palissades, qui servait d'abri, en cas d'attaque, aux guerriers, aux femmes et aux troupeaux. Nous venons de dire qu'ils avaient encore, sur toute l'?tendue de leur territoire, beaucoup d'autres abris de cette sorte, mais plus petits. On les appelait aussi des villes.

Ils ne comptaient point sur ces abatis d'arbres pour r?sister aux Romains, qu'ils savaient habiles ? prendre les cit?s d?fendues par des murs de pierre et par des tours de bois. Ils s'assuraient plut?t sur ce qu'il n'y avait point de chemins par tout leur territoire. Mais les soldats romains faisaient eux-m?mes les routes par lesquelles ils passaient. Ils remuaient la terre avec une force et une rapidit? que ne concevaient pas les Gaulois de la for?t profonde, chez qui le fer ?tait plus rare que l'or. Et les Atr?bates apprirent un jour, non sans une profonde stupeur, que la longue voie romaine, avec sa belle chauss?e de pierres et ses bornes pos?es de mille en mille, s'avan?ait vers leurs halliers et leurs mar?cages. Ils firent alors alliance avec les peuples r?pandus dans la for?t qu'on nommait la Profonde et qui opposaient ? C?sar une ligue de tribus nombreuses. Les chefs atr?bates pouss?rent le cri de guerre, ceignirent leur baudrier d'or et de corail, se coiff?rent du casque ? cornes de cerf, de buffle ou d'?lan, et tir?rent leur ?p?e, qui ne valait pas le glaive romain. Ils furent vaincus et, comme ils avaient du coeur, ils se firent battre deux fois.

Or il y avait parmi eux un chef tr?s riche, nomm? Komm. Il gardait dans ses coffres un grand nombre de colliers, de bracelets et d'anneaux. Il y gardait aussi des t?tes humaines tremp?es d'huile de c?dre. C'?taient celles des chefs ennemis tu?s par lui-m?me ou par son p?re ou par le p?re de son p?re. Komm jouissait de la vie en homme fort, libre et puissant.

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