Read Ebook: Le marquis de Valcor by Lesueur Daniel
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Ebook has 3191 lines and 105698 words, and 64 pages
NOTES SUR LA TRANSCRIPTION:
--Les erreurs clairement introduites par le typographe ont ?t? corrig?es.
--On a conserv? l'orthographie de l'original, incluant ses variantes.
--Les lettres ?crites au-dessus ont ?t?es represent?es ainsi: a^b et a^.
LE MASQUE D'AMOUR
Le Marquis
de Valcor
OEUVRES
DANIEL LESUEUR
?DITION ELZ?VIRIENNE
?DITION IN-18 J?SUS
ROMANS
LE MASQUE D'AMOUR
Le Marquis
de Valcor
ALPHONSE LEMERRE, ?DITEUR
M DCCCCIV
Le Marquis de Valcor
REGARDEZ-LE. Ce n'est pas la chance, mais bien lui-m?me, qui a fait sa destin?e. De n'importe quelle obscure condition, cet homme-l? aurait surgi au premier rang. Il n'y a pas ? dire: c'est quelqu'un.
--Quelqu'un ... Oui, quelqu'un ... Mais qui?...>> pronon?a l'interlocuteur avec un accent singulier.
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Un ?trange sourire, plut?t devin? que r?ellement vu dans la p?nombre, figea soudain cette ?loquence.
Marc de Plesguen,--qu'on appelait parfois, pour le flatter, M. de Valcor-Plesguen, bien qu'il f?t cousin du marquis seulement au second degr?, et par les femmes, sans avoir aucun droit au nom,--venait d'?prouver le frisson d'inqui?te antipathie qui, depuis quelque temps, le secouait devant certaines expressions et certaines attitudes de Jos? Escaldas.
Tous deux s'?taient install?s, pour savourer les fins cigares de leur h?te, sur des si?ges de jardin, au bord de la pelouse fleurie de corolles ?lectriques.
C'?tait une des surprises de la f?te de nuit, cet ?panouissement d'une floraison versicolore et lumineuse parmi les massifs, les corbeilles, les gazons, et m?me dans les feuillages des hauts arbres les plus voisins de l'admirable demeure.
Au del? de cette zone f?erique, le parc s'?tendait, nocturne, immense et solitaire. D'un c?t?, il aboutissait ? une terrasse monumentale, longue d'un demi-kilom?tre, en face de laquelle s'ouvrait le vide ?norme de l'Oc?an. Car ce domaine de Valcor, situ? sur un promontoire du Finist?re, dans le voisinage de Brest, s'enveloppe de toute la sauvage po?sie qui fait de l'extr?me Bretagne une r?gion si farouchement pittoresque.
Ici, la terre et les eaux tiennent un t?te-?-t?te formidable. Les lames qui battent ces c?tes ont dans leur ?lan la pouss?e de tout l'Atlantique. Et le rivage ne leur r?siste que par un h?rissement de granit, monstrueux, tourment?, indestructible,--force inerte, non moins imposante que la force furieuse et d?cha?n?e de la mer.
En ce moment, sur le ch?teau de Valcor, dont la magnificence architecturale et la situation merveilleuse font une des curiosit?s de cette c?te d?j? naturellement si grandiose, planait la douceur d'une splendide nuit d'?t?.
L?-haut, contre le velours sombre du ciel, les constellations semblaient aussi les fleurs de feu d'une prairie fantastique. Le souffle ample et suave du large apportait une fra?cheur sans rudesse, impr?gn?e d'aromes salins.
Cependant, les deux hommes qui s'?taient isol?s, pour fumer, dans l'air d?licieux du soir, r?unis seulement par le hasard de cette fantaisie, semblaient n'avoir gu?re d'id?es communes ? ?changer.
Celui dont ils parlaient encore, et qui, pour la seconde fois, passait devant leurs yeux, ?tait pourtant, comme l'exprimait avec chaleur son cousin, un personnage peu banal, et qui, ? lui seul, pouvait fournir un sujet int?ressant ? leurs propos.
Le marquis de Valcor marchait lentement, ? c?t? d'une femme qui, ? la distance o? la voyaient les deux observateurs, et parmi les jeux vari?s de l'ombre et de l'?clairage ?lectrique, paraissait presque jeune et assur?ment encore belle.
C'?tait la comtesse Ga?tane de Ferneuse. Veuve, elle habitait toute l'ann?e dans ses terres, qui touchent ? celles de Valcor. Depuis des si?cles, une amiti? traditionnelle unissait les deux maisons. On retrouve, ? travers l'histoire, c?te ? c?te, comme fr?res d'armes dans les plus c?l?bres combats, des Ferneuse et des Valcor.
Sur le d?collet? de sa robe en mousseline de soie cr?me incrust?e de chantilly noir, la comtesse avait jet? une ?charpe en duvet neigeux. Sa t?te blonde, o? tremblait le vol d'une libellule en diamants, ?mergeait hors de cette mousseuse ?cume, comme celle d'une sir?ne dans la brisure d'une vague. Son visage blanc et immobile, aux larges yeux fixes, pr?tait ? cette illusion. Son expression ?tait celle de la tristesse et de la fiert?. Cependant, elle inclinait l?g?rement le front du c?t? du marquis, avec un air d'attention profonde, comme si elle e?t voulu saisir jusqu'aux moindres inflexions de sa voix.
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--< --H?!>> riposta l'autre, < Pour la troisi?me fois, le ma?tre de la maison et sa compagne revenaient ? proximit?. Une gerbe ?lectrique ?claira en plein le visage et la silhouette de Renaud. C'?tait vrai: ? son aspect seul, on ne pouvait douter qu'il ne f?t QUELQU'UN. Sa taille haute, ?lanc?e, aux ?paules larges, se dessinait sous l'habit avec une vigueur ?l?gante. Comme il ?tait nu-t?te, on constatait la richesse drue de ses cheveux fonc?s, ? peine givr?s de blanc aux temps. Une barbe brune, en pointe, achevait bien le dessin g?n?ral du cr?ne vaste, des joues fines, et contribuait ? l'?nergie martiale de la physionomie. Les traits, p?tris de volont?, eussent ?t? trop marqu?s de s?cheresse peut-?tre, sans la flamme s?ductrice du regard. M?me ici, ce soir, dans l'artificielle et in?gale clart?, on devinait quelle puissance de suggestion flottait dans ces prunelles qui, d'un bleu velout? au grand jour, restaient maintenant indistinctes et t?n?breuses. Ce qui ?chappe ? la description, c'?tait le charme hautain mais attirant, volontaire mais souple, dont cet homme se savait dou? et savait user, l'ayant exerc? sur bien des ?tres, depuis les primitifs les plus rudes, jusqu'aux ?mes f?minines les plus d?licates, les plus compliqu?es, de la civilisation. --< --< --Mais oui,>> dit le repr?sentant de la branche cadette. Sa r?ponse tomba sans regret ni emphase. Pourtant il ?tait pauvre, et, lui aussi, avait une fille, sa bien-aim?e Fran?oise, pour laquelle il e?t souhait? les splendeurs princi?res dont se rehaussait le prestige du chef de la maison. Mais Marc avait l'?me d'un gentilhomme. Au plus profond de sa pens?e, aussi bien que sur ses l?vres, existait, ? l'?gard de la richesse, ce sentiment d?licat qui n'est pas du d?dain, ni m?me de l'indiff?rence, mais une sorte de neutralit? fi?re. D'ailleurs, la bri?vet? dominait dans son entretien actuel. ?videmment, c'?tait par pure politesse qu'il ?changeait quelques phrases avec son compagnon. Celui-ci, au contraire, semblait ne pas prononcer une parole sans une intention forte et secr?te. En m?me temps, il examinait la physionomie distingu?e, mais peu expressive, de M. de Valcor-Plesguen. Il lan?ait vers celui-ci des regards furtifs et aigus, comme si la connaissance de son caract?re lui e?t import? plus qu'il n'e?t voulu le laisser voir. Ces deux hommes, que r?unissait un hasard de la courtoisie mondaine, avaient eu, jusqu'? ce soir, peu de rapports l'un avec l'autre. Marc ne voyait en Jos? Escaldas qu'un employ?, presque une esp?ce de parasite, de son cousin. Depuis que le marquis avait ramen? ce personnage en Europe, au retour d'une de ses premi?res explorations, Escaldas restait attach? ? sa fortune, sans qu'on distingu?t clairement ? quel titre, ni quels services il pouvait rendre ? son tol?rant patron. Jamais M. de Plesguen n'avait sympathis? avec le m?tis espagnol. Toutefois, cette froideur avait d?g?n?r? en m?fiance depuis qu'Escaldas, apr?s avoir occup? pendant deux ann?es une place de directeur ? la t?te d'une des fabriques de caoutchouc ?tablies par Renaud sur ses territoires am?ricains, ?tait revenu pr?cipitamment en Europe. Ce retour, effectu? en apparence pour des raisons de sant?, marquait un changement dans les fa?ons du Bolivien. Marc se demandait comment Renaud ne s'inqui?tait pas de ce changement, et pouvait continuer ? faire son commensal et presque son homme de confiance d'un si douteux individu. En ce moment m?me, la nuance de sarcasme que prenait la voix d'Escaldas pour parler de son bienfaiteur, et ce que l'ombre laissait apercevoir d'insistant et d'aigu dans ses yeux vifs comme deux perles de jais, ?clairant sa maigre et oliv?tre figure, produisaient sur M. de Plesguen une impression qui, se prolongeant, devenait presque intol?rable. --< Escaldas ouvrait la bouche pour protester contre ce mot de <
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