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Read Ebook: Le marquis de Valcor by Lesueur Daniel

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Ebook has 3191 lines and 105698 words, and 64 pages

Escaldas ouvrait la bouche pour protester contre ce mot de <>, d'une modestie r?ellement exag?r?e. Il n'en eut pas le temps, pas plus que Marc n'eut celui d'ex?cuter son projet de retraite. Une sc?ne inou?e les cloua sur place--? cette place, abrit?e par un massif, o? l'ombre, ?paissie par le voisinage d'une nappe ?lectrique ?blouissante, rendait leur pr?sence invisible.

A cette minute pr?cise, Renaud de Valcor et M^ de Ferneuse arrivaient dans cette r?gion de clart? toute proche. El?gants et graves tous deux, ils poursuivaient ? voix basse leur causerie, dont aucun geste, aucune exclamation, n'indiquait le caract?re. Banalit?s mondaines? sinc?re ?change de pr?occupations, de sentiments? davantage encore? qui l'e?t pu dire?...

Mais, brusquement, ils arr?t?rent leur lente promenade. Leurs visages, lev?s avec ?tonnement, se tourn?rent dans une m?me direction.

Des pas rapides foulaient le gravier. Quelqu'un venait vers eux, tout droit, comme pour une communication qui ne supportait pas de retard.

Quelques secondes de plus, et la marquise de Valcor ?tait l?, elle aussi, dans la lumi?re, et avec une telle expression sur le visage que les deux t?moins involontaires, immobilis?s dans leur abri, retinrent leur souffle.

Le couple qu'elle abordait ne s'y trompa pas non plus. Une catastrophe ?clatait sur la demeure en f?te, ou bien elle allait se produire d?s que cette femme p?le et d?faite parviendrait ? formuler une parole, de ses l?vres qu'on voyait trembler.

--<> s'?cria Renaud.

La marquise ne lui r?pondit pas. Son regard, charg? d'une fureur sinistre, se fixait sur M^ de Ferneuse. Celle-ci, malgr? sa fiert?, perdit un instant contenance, eut un mouvement de recul, tandis que ses traits se d?composaient visiblement.

Presque aussit?t, Laurence de Valcor trouva la parole. Des mots, rauques mais distincts, sortirent de sa gorge contract?e.

--<> dit-elle ? la comtesse. <>

--<> demanda le marquis, du ton d'un homme v?ritablement stup?fi?.

Un intervalle d'angoisse et de silence suspendit ce drame foudroyant.

Les deux femmes, les yeux dans les yeux, paraissaient comme hypnotis?es l'une par l'autre. Dans le bouleversement de leurs impressions r?ciproques, elles croyaient se voir face ? face pour la premi?re fois.

L'avantage, en apparence, n'?tait pas du c?t? de celle qui insultait de fa?on si odieuse une amie de toujours. Laurence de Valcor n'avait ni la beaut?, ni la hautaine tournure, de Ga?tane de Ferneuse.

Celle-ci, apr?s le saisissement de la premi?re seconde, s'?tait reprise. Elle redressait sa taille alti?re et toisait la marquise avec moins d'orgueil et de d?fi que de v?ritable dignit?.

--<> pronon?a Laurence.

Malgr? l'?garement o? elle ?tait, M^ de Valcor n'?levait pas la voix, ne faisait pas un geste, et gardait, dans une pareille temp?te de passion haineuse, la tenue de son rang, cette ma?trise ext?rieuse de soi, dont une ?ducation s?culaire a fait le signe de la race.

Petite et brune, avec une certaine pauvret? de traits, rachet?e par sa distinction et la splendeur de ses yeux sombres, elle avait quelque chose de mince et de menu dans toute sa personne, ce qui lui gardait un air juv?nile, bien qu'elle touch?t ? la quarantaine.

Son mari lui prit les mains, la for?a de se tourner vers lui, la regarda de cet air affectueusement dominateur auquel il savait qu'elle ne r?sistait pas. Puis il parla de sa voix chaudement caressante, s'adressant ? elle comme ? une enfant:

--<

--M'excuser!...>>

Elle bondit en arri?re, arrachant ses deux fr?les mains d'une ?treinte pourtant volontaire et forte,--plus forte de tout le prestige qu'avait sur son coeur ce mari qu'elle adorait.

Renaud insista, d'un ton cette fois imp?ratif:

--<

--Notre Micheline!... Ah! ma fille, ma pauvre petite fille!...

--Elle divague ... C'est une crise de somnambulisme,>> pronon?a d?daigneusement M^ de Ferneuse. Vous savez, Valcor, on ne doit pas discuter avec les fous. Je me retire.>>

Le marquis protesta, mais pour la forme, jugeant ? peu pr?s de m?me, et craignant un scandale pire si l'on r?sistait ? la volont? extravagante de Laurence.

Cet homme, tellement autoritaire et s?r de lui, paraissait--pour la premi?re fois peut-?tre de son existence--r?ellement embarrass?. Il eut, entre les deux femmes, un mouvement d'h?sitation. Que devait-il faire? Allait-il offrir le bras ? la comtesse, pour la mettre--ce qu'il trouvait monstrueux--hors de chez lui?

Elle vint ? son secours avec une aisance et une ironie o? elle gardait le beau r?le.

--<>

M. de Valcor, la t?te vide de pens?es dans une situation si d?concertante, ob?it machinalement. Il pla?a sur son bras la main de sa femme, qui ne r?sista plus, mais qui se cramponna, pour marcher, ? ce soutien, comme pr?te ? d?faillir.

M^ de Ferneuse les regarda s'?loigner sans changer d'attitude. Et les deux spectateurs cach?s de cet inexplicable ?clat furent d??us s'ils esp?raient que, une fois seule, la femme si indignement trait?e aurait une exclamation de r?volte, de douleur ou de crainte, qui leur donnerait la clef du myst?re.

Elle resta debout, ? la place o? ses h?tes l'avaient laiss?e dans une attitude pensive. Seulement elle ramena autour d'elle, d'un geste frileux, son ?charpe de plumes, comme travers?e d'un frisson.

Personne ne vint ? elle, bien que dans les avenues voisines, sous les arbres illumin?s, pass?t plus d'un couple qui cherchait au dehors la fra?cheur, l'isolement ou la po?sie de ce beau soir.

Mais qui se f?t dout? que pour les plus envi?s et les plus brillants acteurs de cette parade mondaine, l'heure de plaisir devenait une heure de d?sastre et de lutte?...

Les fleurs ?lectriques s'?panouissaient sous les ?toiles. On entendait des chuchotements et des rires sous les calmes feuillages. L'?norme ch?teau ?tincelait par toutes ses fen?tres et fr?missait du rythme de l'orchestre, qui jouait des valses lentes.

Dans l'ombre, Marc de Plesguen chercha des yeux les yeux de Jos? Escaldas. A l'inqui?tude d?sol?e de ce regard, un coup d'oeil de f?rocit? triomphante r?pondit. Le cousin de Renaud en eut froid entre les ?paules. Ses prunelles questionn?rent anxieusement le Bolivien. Mais l'autre hocha la t?te, et d'un coup de menton, indiqua la comtesse toute proche.

Cependant, un jeune homme accourait en bonds rapides et l?gers, abordait la femme solitaire:

--<>

C'?tait un charmant et svelte gar?on, aux traits d'une d?licatesse presque f?minine, malgr? la virilit? de la moustache blonde. Sous la lumi?re, un reflet d'or brillait sur la grosse m?che ond?e qui rehaussait son front gracieux. Sa voix, tout impr?gn?e en ce moment de tendresse et de respect, se modulait en inflexions p?n?trantes.

--<>

Il ne pouvait le croire. Ne savait-elle pas quel bonheur il go?tait aupr?s de Micheline? Et il la connaissait, cette m?re adorable. Que ne supporterait-elle pas avant de lui causer un chagrin!...

--<

--Non, mon pauvre Herv?, tu ne reviendras pas.

--Pourquoi? Ferneuse n'est qu'? deux lieues. Nous avons les irlandais, ce soir. Avec ces chevaux-l?, je puis ?tre de retour dans une heure.>>

Ga?tane secoua doucement la t?te.

La voix d'Herv? s'alt?ra tandis qu'il s'?criait:

--<

--Non, mon enfant. C'est bien pire.

--Pire?...

--Toi et moi, Herv?, nous sommes chass?s de Valcor.>>

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