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Read Ebook: Of Ghostes and Spirites Walking by Night And of Straunge Noyses Crackes and Sundrie Forewarnings Which Commonly Happen Before the Death of Men: Great Slaughters and Alterations of Kingdoms by Lavater Ludwig Harrison Robert Translator

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Ebook has 437 lines and 47445 words, and 9 pages

La r?volution ?tait faite dans tous les esprits et dans les moeurs avant de l'?tre par les lois; elle existait dans les relations de soci?t? polie, avant d'?tre r?alis?e dans les int?r?ts mat?riels et communs. Elle ?tait ?tablie dans cette classe moyenne qui tient aux deux extr?mes de la soci?t? g?n?rale, qui sent, qui pense, qui lit, converse, r?fl?chit; dans cette classe o? s'entendent toutes les plaintes, o? se remarquent toutes les souffrances des classes inf?rieures, et o? l'on n'y est point insensible; dans cette classe qui, d'un autre c?t?, est ? port?e de conna?tre les grands, comme le peuple, qui les a attir?s ? elle par sa richesse, les a rapproch?s d'elle par des alliances, a fl?chi leur orgueil par les charmes d'une soci?t? o? se r?unissent l'opulence et l'esprit, l'esprit si rare et si captif ? la cour! et qui pourtant n'a jamais cess? de craindre cet orgueil dont la pointe aigu? per?ait toujours, l'effleurait souvent, et ne lui permettait qu'une familiarit? inqui?te et sans abandon. C'est l'opinion de cette classe mitoyenne qui a donn? le signal aux classes inf?rieures; c'est la r?volte de l'opinion qui a fait ?clater l'insurrection des souffrances, et c'est la souffrance de l'amour-propre qui a fait ?clater celle des int?r?ts r?els. La r?volution a conserv? dans tout son cours l'empreinte de son origine, elle a constamment suivi la direction imprim?e par sa primitive impulsion.

Quel a ?t? donc son esprit, son caract?re? Dire que ?'a ?t? l'amour de la libert?, de la propri?t?, de l'?galit?, c'est confondre plusieurs id?es fort distinctes. Entre ces trois affections, il en est une qui a d?cid? le premier ?clat de la r?volution, a excit? ses plus violens efforts, obtenu ses plus importans succ?s, assur? le succ?s des deux autres: c'est l'amour de l'?galit?.

Bien que la propri?t?, la libert?, l'?galit?, soient ins?parables, et se garantissent r?ciproquement contre les attaques violentes, elles peuvent n?anmoins ?tre fort in?galement affectionn?es par les nations, y ?tre fort in?galement partag?es, y avoir une existence plus ou moins parfaite, et elles se pr?tent ? cette in?galit?. Entre la libert? domestique et civile, et le plus haut degr? de la libert? politique, entre la propri?t? ? titre on?reux et celle qui jouit sans limites et sans partage, entre l'?galit? de droit et l'?galit? de fait, et les sup?riorit?s r?elles et d'opinion auxquelles l'?galit? de droits autorise ? pr?tendre, il y a de grands intervalles. Les nations, suivant leur pr?dilection, ou pour l'?galit?, ou pour la libert?, ou pour la propri?t?, peuvent faire plus ou moins pour chacune d'elles, en favoriser deux aux d?pens de la troisi?me, en favoriser une aux d?pens des deux autres. Les peuples essentiellement jaloux de la libert?, limiteront l'?galit? de mani?re ? pr?venir et les sup?riorit?s d'institution et les sup?riorit?s morales ou d'opinion; l?, l'ostracisme r?duira l'?galit? de droits ? l'?galit? de fait avec les classes communes. Les peuples plus port?s ? l'?mulation des sup?riorit?s morales et politiques, que soigneux de la libert? et de la propri?t?, risqueront un peu de l'une et de l'autre, pour avoir de grands hommes et faire de grandes choses. La propri?t? pourra ?tre m?nag?e chez d'autres peuples, au pr?judice de l'?galit? de droits, peut-?tre m?me au d?savantage de la libert?, ou ?tre soumise ? de grands sacrifices.

Par ?galit? de droits, il faut entendre l'?galit? non seulement devant la loi civile, devant la justice, devant les tribunaux, mais aussi devant la loi politique, qui fonde les emplois publics, les dignit?s, les honneurs, et en r?gle la distribution.

Je ne sais si ce que je vais dire sera regard? comme un hommage ? la nation fran?aise, ou comme une d?pr?ciation de son caract?re; mais la v?rit?, ou ce que je crois ?tre la v?rit?, m'importe avant tout: je pense donc que le Fran?ais est plus jaloux de l'?galit? que de la libert? et de la propri?t?; de l'?galit? de droits qui permet d'aspirer ? tout ce que la soci?t? peut accorder de distinction au m?rite, qu'? l'?galit? de fait qui ne r?serverait rien de particulier aux esprits et aux caract?res n?s sup?rieurs; qu'il s'occupe plus volontiers des chances d'?l?vation que des dangers de suj?tion; qu'il est possible de lui faire illusion sur un peu de d?pendance par beaucoup de distinctions; que l'amour des distinctions est un des traits caract?ristiques du Fran?ais, et tient ? sa passion dominante, qui est l'amour des femmes: passion toujours heureuse, quand la gloire l'accompagne; que c'est surtout le caract?re de la jeunesse; que ceux d'entre les jeunes Fran?ais qui appellent la d?mocratie, se m?prennent sur leurs motifs et sur leur ambition intime; qu'ils croient suffisant pour eux que personne ne soit au-dessus d'eux, tandis qu'ils veulent pouvoir s'?lever au-dessus des autres; qu'ils demandent non une carri?re sans obstacles, o? les vertus communes puissent arriver ? un but commun, mais une carri?re ouverte ? l'?mulation de tous les talens pour atteindre ? toutes les sup?riorit?s.

Si l'esprit de libert? donne plus de force ? une nation, et lui assure un bonheur plus solide, l'?mulation de sup?riorit? qu'inspire l'?galit? de droits, lui donne plus d'?clat et n'est pas pour elle une vaine parure: elle est f?conde en grands caract?res et en grands g?nies. Cette ?mulation d?veloppe les germes de grandeur dont la nature a dou? quelques individus, et sert ? montrer jusqu'o? peuvent s'?lever la capacit? et la dignit? humaines.

Ce que la nation a fait en 89 pour la libert? et la propri?t? n'a ?t? qu'une cons?quence et un accessoire de ce qu'elle a fait pour acqu?rir l'?galit? de droits. Elle a moins regard? les avantages qui peuvent se soumettre au calcul, que servi les d?licatesses de l'amour-propre. La r?volution a moins ?t? l'am?lioration des fortunes et l'accroissement de la s?ret? individuelle, que le triomphe de l'orgueil national. Aujourd'hui, comme dans le principe, elle est moins ch?re aux Fran?ais, comme utile, que comme honorable. Les derni?res conditions, celles ? qui l'int?r?t de la propri?t? ?tait le plus cher, celles-l? m?me n'ont pas ?t? insensibles au triomphe de l'?galit?. Les servitudes de la propri?t? rurale, les entraves de l'industrie dans les villes, ont ?t? secou?es par le peuple, moins comme on?reuses que comme injurieuses; et il n'est villageois si grossier qui ne se soit plus r?joui d'en voir finir l'humiliation, que d'en retirer les profits. L'importance que l'opinion a donn?e dans la suite aux divers r?sultats de la r?volution a ?t? en raison inverse de leur utilit?. On a mis plus de prix ? l'abolition de la milice, dont les nobles ?taient exempts, quoiqu'elle f?t remplac?e par la conscription qui n'?pargnait personne, qu'? celle des droits on?reux de la f?odalit?; et ? l'abolition de l'exclusif attribu? aux nobles pour les grands emplois publics, qu'? l'exemption de la d?me. L'enthousiasme avec lequel la nation a re?u plus tard l'institution de la L?gion-d'Honneur a bien montr? ? quel point l'amour des distinctions est inh?rent au caract?re fran?ais: et pour le dire en passant, cette passion caract?ristique, jointe au besoin d'affectionner les hommes qui servent ou honorent leur pays, font de notre nation le peuple le plus antipathique de la terre avec la d?mocratie. C'est la passion des Fran?ais pour l'?galit? de droits et pour les distinctions qu'elle assure au m?rite, qui, joints aux affreux souvenirs de l'anarchie, a rendu les Fran?ais si accommodans sur leur libert? avec Napol?on. Cet homme extraordinaire avait bien saisi leur caract?re. Pendant toute la dur?e de son r?gne, il n'a cess? d'?lever les talens, les vertus et les services qui se sont signal?s dans les derniers rangs de la soci?t?, aux premi?res dignit?s de l'?tat; courtisan de l'?galit?, il a pu, sans obstacle, non d?truire, mais affaiblir sensiblement la libert?.

C'est cette passion de l'?galit? qui, apr?s avoir endur? quinze ans d'outrages depuis la restauration des Bourbons, jusqu'au mois de juillet 1830, s'est reproduite depuis quelques ann?es avec l'exaltation d'un sentiment long-temps comprim?, et fait attaquer par des esprits irr?fl?chis non seulement la royaut? h?r?ditaire, l'h?r?dit? d'une magistrature sur laquelle se fonde l'h?r?dit? du tr?ne, mais m?me cette in?vitable aristocratie des lumi?res et de l'exp?rience que la jeunesse a le chagrin de rencontrer partout o? l'on voit des hommes de cinquante ans et au-del?. Cette effervescence ne sera pas de longue dur?e.

La r?volution morale qui a pr?c?d? l'?clat de 89, s'est op?r?e lentement. Plusieurs g?n?rations, plusieurs si?cles ont vu sa naissance et ses progr?s. Aussi, lorsqu'elle se d?clara, la population du royaume tout enti?re y concourut; les hommes et la terre en ont aussit?t ?prouv? les effets; elle s'est identifi?e avec le sol et l'habitant. Comme je l'ai dit ailleurs, elle est aujourd'hui en s?ve dans tout ce qui v?g?te, dans le sang de tout ce qui respire.

Sa marche, depuis 89, n'a pas ?t? exempte d'irr?gularit?s; elle a eu ses col?res, ses emportemens, ses ?carts. Attaqu?e dans ses principes, il fallait qu'elle se d?clar?t. Commenc?e, il fallut qu'elle s'achev?t. Contrari?e, elle s'irrita. Irrit?e, elle n'?pargna rien. Elle compromit ses agens, ses d?fenseurs; elle poussa les uns aux exc?s par l'enthousiasme, les autres par la menace; elle tira de leurs violences volontaires ou forc?es une nouvelle s?ret? des engagemens qu'ils avaient pris avec elle; elle fit du crime m?me dont elle ?tait l'occasion, un int?r?t qui lia ? sa d?fense; elle ajouta ? l'int?r?t propre de la r?volution l'int?r?t particulier des r?volutionnaires: la propri?t?, la vie, l'honneur, tout fut li? ? sa stabilit?.

La r?volution fut le produit indestructible de l'accroissement de la civilisation, qui r?sultait lui-m?me de l'accroissement simultan? des richesses et des lumi?res. L'id?e de cette origine n'est pas nouvelle: beaucoup l'ont aper?ue, je le sais: mais je voudrais la mettre clairement ? d?couvert aux yeux de tous.

CHAPITRE II

Comment la r?volution s'est op?r?e dans les id?es et dans les moeurs.--Elle est le produit de l'accroissement des richesses et de l'accroissement des lumi?res.--D?veloppement.

Le gouvernement f?odal avait donn? aux seigneurs le territoire, et avait impos? au peuple le travail.

Les seigneurs se rendirent redoutables aux rois. Les rois, toujours moins patiens que les peuples, oppos?rent des communes aux seigneurs.

Les communes ?tablies, les rois d?pouill?rent les seigneurs des pr?rogatives qui faisaient ombrage au pouvoir monarchique.

La puissance seigneuriale ayant ?t? affaiblie et par cela m?me adoucie, les communes s'?vertu?rent. Par le travail et l'industrie, elles augment?rent leurs capitaux. A c?t? de la propri?t? fonci?re s'?leva la propri?t? des capitaux mobiliers.

Ainsi la propri?t? mobili?re se r?pandit partout, s'associa ? tout; fit fleurir les arts, le n?goce, la propri?t? fonci?re. Bient?t elle marcha de pair avec celle-ci; les biens-fonds s'?chang?rent avec les fonds d'industrie, comme leurs produits s'?changeaient au march?. Les capitaux devinrent l'unit? ? laquelle se mesur?rent tous les genres de biens. Ce qu'on appela la valeur des terres fut d?sign? par le capital qui en ?tait le prix en cas de vente. La rente ou l'int?r?t des capitaux se balan?a dans tous les genres de placemens.

Alors, les bourgeois, premiers possesseurs des capitaux, comme les seigneurs avaient ?t? les premiers possesseurs des terres, eurent en leur puissance la plus grande masse de la richesse nationale. Seuls propri?taires de tous les genres d'industrie, ils se plac?rent aussi dans les rangs des propri?taires territoriaux. Alors les fortunes pl?b?iennes se class?rent comme celles des seigneurs, en petites fortunes, en fortunes m?diocres, en grandes, en immenses fortunes. La richesse, l'opulence, le luxe, l'ostentation, les commodit?s de la vie devinrent communes ? la roture et ? la noblesse; h?tels, ch?teaux, ameublemens, voitures, chevaux, valets, v?temens, tout ce qui annonce la richesse, devint une jouissance des simples particuliers comme des grands de l'?tat. Des seigneurs devinrent vassaux, sujets m?me de pl?b?iens enrichis. C'est ainsi que le travail, apr?s avoir d?livr? de la servitude, donna m?me la domination et la seigneurie ? la classe des pr?tendus serfs, sur une foule d'anciens seigneurs.

La d?couverte de l'Am?rique et la navigation ajout?rent un immense d?veloppement ? la prosp?rit? du tiers-?tat dans le seizi?me si?cle.

Pendant que les fortunes pl?b?iennes se multipliaient, s'?levaient et commen?aient ? rivaliser avec les fortunes f?odales, la puissance des seigneurs se d?truisait, et leur fortune n'augmentait pas. Ils perdaient le droit de lever des troupes, le droit de juger leurs vassaux sans appel, le droit de n'?tre eux-m?mes jug?s par personne. Attir?s pr?s du prince, ils devenaient courtisans et n'avaient plus de cour.

L'indolence nobiliaire succ?dant aux occupations f?odales, le m?pris du travail, des arts, de l'?conomie demeurant ? la noblesse comme seules marques de grandeur, tandis que l'activit? du commun ?tat portait la f?condit? dans toutes les entreprises rurales, manufacturi?res et commerciales, et que son ?conomie accumulait de continuelles ?pargnes, il fallut que la grandeur seigneuriale s'abaiss?t ? mesure que la roture s'?levait autour d'elle; et que leur condition s'approch?t du niveau. Telle ?tait ? la fin du seizi?me si?cle leur situation respective. C'?tait le r?sultat de l'accroissement des richesses.

Observons maintenant la marche des lumi?res depuis le onzi?me si?cle.

Ce que la richesse donne de plus pr?cieux aux hommes, c'est du temps, c'est du loisir. Si ce qu'on appelle la vie est le d?veloppement et l'exercice de nos facult?s, l'homme que sort aisance exempte des soins journaliers de sa subsistance et de son bien-?tre physique a cent fois plus de temps ? vivre que l'homme d?nu? de toute propri?t?.

Le d?veloppement des qualit?s intellectuelles fut tr?s in?gal entre les classes privil?gi?es et celles du commun ?tat. Les op?rations que le commerce et les arts exigent, sont d?j? un exercice pour l'esprit; les voyages qu'ils supposent font passer sous les yeux une foule d'objets d'utile comparaison. Enfin la richesse ?tant le produit de l'industrie, la conserver, l'accro?tre, en faire un sage emploi, pourvoir ? toutes les jouissances dont elle avait fait na?tre le besoin, inventer, perfectionner, produire, tout cela devint le partage de la partie industrieuse du tiers-?tat. Les seigneurs adonn?s dans leur jeunesse aux exercices du corps, ?trangers ? toute soci?t? autre que celle des ch?teaux, jet?s plus tard dans les suj?tions de la cour, dans ses dissipations, ou dans les emportemens de la guerre, n'eurent jamais que des raisons de m?priser la culture de leur esprit et craignirent par-dessus tout de le charger de savoir. Le tiers-?tat fut donc le premier et presque seul appel? ? l'instruction.

Apr?s avoir atteint ? la hauteur du patriciat par l'accroissement des fortunes, il le surpassa bient?t par le d?veloppement des esprits.

Le d?veloppement des esprits et l'accroissement des capitaux dans une partie du tiers-?tat, lui procur?rent une grande importance. Il fut seul capable de pourvoir ? tous les besoins de la soci?t?; de lui faire conna?tre et go?ter de nobles plaisirs. Seul il put serrer le lien social par les communications de l'esprit et par la force morale d'une opinion publique qui s'?tend?t ? toutes les actions et ? toutes les personnes.

Le culte, la justice, l'administration, l'instruction publique, la direction des affaires particuli?res et celle des int?r?ts domestiques, enfin les secours que demande la conservation individuelle, dans les maladies, dans les infirmit?s, aux ?ges extr?mes de la vie, en un mot tous les services publics et priv?s trouv?rent dans le commun ?tat exclusivement des hommes propres ? les remplir.

Cr?er et r?pandre des plaisirs nouveaux ne fut pas moins le m?rite du commun ?tat que celui de satisfaire ? tous les besoins. Entre les jouissances dont les loisirs de la richesse rendent avide, il faut placer en premi?re ligne les plaisirs de l'esprit et de l'imagination. Il n'en est pas de plus vari?s, de plus doux, de plus nobles, qui se renouvellent plus souvent, qui laissent moins de regrets, nui portent des fruits plus utiles, plus agr?ables. Les beaux-arts, la peinture, la sculpture, la musique, la po?sie, tous les genres de litt?rature et particuli?rement le th??tre, charm?rent et captiv?rent tous les esprits capables de quelque ?l?vation et de quelque d?licatesse: ce fut dans le tiers-?tat que se trouv?rent les hommes ? qui la nation eut l'obligation de les conna?tre; ce furent des hommes du tiers-?tat qui acquirent les droits que donnaient les beaux-arts, ? l'admiration et ? la reconnaissance g?n?rales. L'imprimerie invent?e dans le quinzi?me si?cle faisait partie du patrimoine du tiers-?tat: dans le seizi?me si?cle, elle fit sortir de la poussi?re des vieilles archives, les tr?sors de la litt?rature ancienne, et elle publia les nouvelles oeuvres qui devaient composer la litt?rature moderne. Aucun ?ge, aucun pays ne vit une litt?rature aussi compl?te, aussi brillante, aussi aimable, ajoutons aussi imposante et aussi forte que le fut en France celle du dix-septi?me si?cle; aucun ?ge, aucun peuple, ne r?unit les jouissances de l'esprit et de l'imagination au m?me degr?, ne les vit r?pandues aussi g?n?ralement, m?l?es au m?me point ? toutes les communications sociales, mari?es, comme chez nous, ? toutes les conversations, ? toutes les f?tes: aussi ne vit-on jamais autant de reconnaissance et d'admiration soumettre un si grand nombre d'hommes ? l'empire des talens.

En 1442.

On pourrait faire la g?n?alogie de presque tous les grands esprits qui ont acquis de la c?l?brit?, comme on fait celle de tous les personnages de grand nom. Il n'y a pas un homme illustre depuis deux si?cles dans les sciences ou dans les lettres, dont les ouvrages ne proc?dent du talent ou du savoir d'un pr?d?cesseur et dont on ne puisse faire la filiation, soit d'apr?s ses aveux, soit d'apr?s les rapprochemens de ses ouvrages avec ceux du m?me genre qui ont ?t? publi?s avant lui. Boileau descend d'Horace, Racine de Virgile, Moli?re de Plaute d'un c?t?, de T?rence de l'autre; La Fontaine d'un c?t? de l'Arioste et de Bocace, de l'autre de Ph?dre qui descend d'?sope; La Grange et La Place descendent d'Euler, de Newton; Condillac descend de Locke, Locke de Bacon, Bacon d'Aristote.

L'imp?ratrice de Russie, le grand Fr?d?ric, furent en correspondance suivie avec Voltaire, d'Alembert, Diderot et autres.

Les lettres cr??rent l'autorit? de l'opinion publique, en recueillant, en conf?rant, en ?purant les opinions particuli?res, en les ?clairant de leurs propres clart?s, en fortifiant, en autorisant par la force du raisonnement et la beaut? des tours et de l'expression celles qui avaient pour elles l'assentiment le plus g?n?ral.

L'opinion publique ?tablie, elle marqua les personnes et les choses de son approbation, ou de son bl?me et de son m?pris. Par elles, les grands hommes furent c?l?bres, les hommes m?prisables honteusement fameux. Elle dit: Je veux que la gloire soit, et elle fut; qu'elle rayonne, et elle rayonna. Je veux que l'infamie re?oive une ?vidente et ?ternelle fl?trissure, et l'opprobre exista. Les ?mes et les esprits vulgaires continu?rent ? se perdre dans le n?ant.

D?s que la gloire eut jet? ses premiers rayons, les rois tomb?rent dans la d?pendance de l'opinion. Ils se trouv?rent entre les facilit?s que donne la gloire pour gouverner et les obstacles qu'oppose le m?pris public ? l'exercice du pouvoir. La gloire du prince partout pr?sente, toujours agissante sur les esprits, le dispense de duret? dans le commandement, et lui assure l'ob?issance sans contrainte. Dans le m?pris au contraire, il n'obtient par la violence, moyen toujours critique, qu'une ob?issance toujours mena?ante.

En vain d'Anthiocus le luxe asiatique...

Vix?re fortes ante Agamemnona.

Tous deux ?galement nous portons des couronnes; Mais, roi, je les re?ois; po?te, tu les donnes.

Sans le secours soigneux d'une muse fid?le, Pour t'immortaliser tu fais de vains efforts...

La royaut? et le gouvernement s'?tonn?rent en vain de voir la morale, la justice, l'humanit?, aid?es de l'?loquence, s'ing?rer dans le domaine du pouvoir avec la pr?tention d'y tout r?gler. Il fallut se r?soudre ? les entendre.

Tel ?tait l'?tat des esprits vers la fin du dix-huiti?me si?cle, plusieurs ann?es avant 89. L'enthousiasme national gagna jusque dans les premiers rangs de la cour: des grands s'honor?rent de le partager; d'autres jug?rent prudent de le feindre. L'?galit?, la familiarit? s'?tablirent dans les relations habituelles de soci?t?, entre la ville et une grande partie de la cour; entre les grands, les gens du monde, les magistrats, les publicistes. L'?galit? passa des opinions dans les moeurs, dans les habitudes g?n?rales. Des grands faisaient leur cour ? Paris plus assid?ment qu'? Versailles. Ils venaient semer parmi les magistrats et les ?crivains politiques, parmi les gens du monde et les femmes m?me, des griefs contre les ministres, contre les princes, contre la reine, et recueillaient des scandales, des ?pigrammes, des satires, des remontrances qu'ils allaient ensuite distribuer ? Versailles. On peut dire qu'alors la r?volution ?tait faite dans les esprits et dans les moeurs. L'?galit? ?tait si bien ?tablie dans les moeurs, et les jouissances d'amour-propre sont si vives pour les Fran?ais, que peut-?tre on e?t encore souffert long-temps le poids des charges publiques, si leur aggravation n'e?t fait ressortir les privil?ges qui en exemptaient; et l'on se f?t peut-?tre dissimul? l'exclusion d'une multitude d'emplois publics prononc?e contre la roture, si l'indigence du tr?sor n'e?t oblig? la cour ? convoquer des ?tats-g?n?raux o? les in?galit?s allaient ?tre marqu?es de nouveau avec une grande solennit?. Il semblait avant cela que les classes ?lev?es du tiers-?tat craignissent, en demandant l'?galit?, de faire remarquer qu'elle n'existait pas pour elles.

De la r?volution politique.--Ses caract?res.--Sa marche.

Nous venons de voir comment la r?volution s'est op?r?e dans l'ordre moral. Voyons rapidement comment elle a eu lieu dans le syst?me politique.

Br?quigny, Pr?face des ordonnances du Louvre.

Long-temps flagrante apr?s cette premi?re manifestation, la r?volution s'est ?tendue ? une multitude de communes dans le treizi?me si?cle, sous les r?gnes de Louis-le-Gros et de ses successeurs imm?diats, qui reconnurent les conf?d?rations, sanctionn?rent les coutumes, affranchirent les serfs des villes devenus moins patiens depuis l'insurrection des bourgeois, et enfin affranchirent, du moins dans les domaines du roi, les serfs des campagnes.

Toutefois cette p?riode fut marqu?e moins par l'aveu que la royaut? donna ? la r?volution, que par le z?le que mit la r?volution ? la d?livrance de la royaut?. D?s que la couronne eut favoris? l'essor des hommes libres, les hommes libres l'aid?rent ? se d?gager de la f?odalit?. La royaut? et le commun ?tat s'alli?rent, et par cette alliance la seigneurie suzeraine des cap?tiens commen?a ? prendre le caract?re de royaut? monarchique. Le tiers-?tat offrit ? Philippe-le-Long des milices communales. Saint Louis fit asseoir avec lui sur son tribunal, avec les pairs et barons, un grand nombre de l?gistes du commun ?tat; la cour d'assises du seigneur suzerain prit une forme r?guli?re et stable; elle fut compos?e de magistrats instruits et permanens. Plus tard le parlement devint s?dentaire.

En 1305, sous Philippe-le-Bel.

La r?volution fit plus: durant le r?gne de saint Louis et de Philippe IV, elle ouvrit aux d?put?s de commun ?tat l'entr?e des assembl?es nationales.

Telle fut la seconde p?riode de la r?volution, qui comprend le treizi?me si?cle et le commencement du quatorzi?me.

Dans la p?riode suivante, le commun ?tat ayant essuy? de nouvelles injures de la part des seigneurs, elle ?prouva l'ingratitude de la royaut?: alors la r?volution s'emporta, de grands exc?s la signal?rent. Le quatorzi?me si?cle vit presqu'en m?me temps en Flandre et en Angleterre le peuple se soulever comme en France; dans les trois pays, la libert? renaissante ?tait aux prises avec la f?odalit? ? son d?clin, qui se d?fendait d'une fin prochaine; les Jacques en France, les Tuiliers en Angleterre, les Poissonniers en Flandre, firent une guerre ? outrance aux seigneurs et aux ch?teaux. Les violences ne s'apais?rent que par des institutions garantes des droits du peuple: ? Londres, par des chartes en faveur des communes; en Flandre, par des concessions aux villes; en France, par la reconnaissance du droit de ne payer que des imp?ts consentis.

Les Bourguignons et les Armagnacs paraissent avoir tout conduit, tout anim? de leur esprit, tout passionn? pour leurs int?r?ts; ils ont ?t? les agens, int?ress?s sans doute, mais souvent passifs, des int?r?ts d'autrui. S'il n'avait pas exist? d'int?r?ts populaires, les ducs de Bourgogne auraient ?t? bien peu de chose.

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