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Read Ebook: Le droit à la force by Lesueur Daniel

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Ebook has 2031 lines and 66351 words, and 41 pages

--Oui ... Et ensuite, comment l'en sortir? Est-ce que nous nous connaissons ? toutes ces manigances de richards.

--Vous ?tes des gosses, de bons gosses paysans, Marcel et vous, petite madame Louisette.>>

Elle ?clata de rire, imp?tueusement, n'en pouvant plus de son trop-plein de joie, et toute sonore de gaiet? au moindre choc:

--<>

Elle voulait m?ler le cadet des messieurs Font?s ? la conversation,--g?n?e qu'il f?t rel?gu? sur la banquette ? cause d'elle.

Le jeune homme reconnut vaguement la politesse par un mouvement d'?paules. Avait-il entendu, hormis son nom? Il semblait absorb? dans la contemplation du paysage, o? s'?largissait peu ? peu la blancheur de la lune montante. Le disque p?le, auquel manquait un copeau d'argent, glissait parmi les bouleaux. Leurs alignements r?guliers, sur la rive droite du Sausseron, t?moignent des vell?it?s de reboisement. Tandis que, sur la rive gauche, les hauteurs, d?nud?es jusqu'? la sauvagerie, offrent, gr?ce aux cypr?s dont se h?rissent leurs ondulations, une analogie curieuse avec les collines ombriennes.

La voiture passa devant une esp?ce de cirque bl?me, bossu? de roches, et qui s'?vasait, bord? d'une ligne violette, contre un ciel lisse et tendre comme une rose du Bengale. Le seul dessin de la terre sur ce couchant indicible soulevait de l'?motion. Une bicoque mis?rable, accroch?e au flanc de la ravine, y ajoutait une po?sie de myst?re, par sa masse sombre o? clignotait une ouverture lumineuse.

Mais l'enchantement fut rompu par l'ignominie d'une voix humaine. Un juron p?teux partit presque sous les roues. Et, comme Cl?ment Font?s retenait brusquement le cob, l'intonation changea, devint d'une jovialit? crapuleuse:

--<>

Puis, dans le silence des autres, l'homme ajouta:

--<

--Si vous marchiez droit et d'aplomb, Garuche, ?a n'arriverait pas,>> dit s?chement l'a?n? des Font?s.

Il rendit la main au petit cheval r?bl?, bourr? d'avoine, qui, impatient de l'?curie, repartit d'un ?lan. Pas assez vite pour qu'on n'entend?t point le pochard, qui, faute de reconna?tre Mme Barbery, s'esclaffait:

--<>

L'incident n'?tait pas pour assombrir la bonne humeur de la petite meuni?re. Loin de l?. Rustique nature, que les trivialit?s de l'existence n'effarouchaient pas, ce lui fut une nouvelle occasion de laisser fuser son joli rire.

--<>

Nul de ses compagnons ne r?pondit. Et, bien que le coeur de Louisette lui sembl?t trop ?largi de joie pour sa poitrine--cependant d'une courbe g?n?reuse,--bien que sa langue fr?till?t dans sa bouche, on atteignit le moulin sans une autre parole.

C'?tait un antique moulin, tout mousseux, poudreux, mang? de verdure, qu'activait une chute du Sausseron. Tel qu'il ?tait, il avait fait vivre des g?n?rations de Barbery, et tent? le pinceau de nombreux peintres. Seulement, ? mesure que passaient les ann?es, les peintres le trouvaient de plus en plus pittoresque, et les Barbery de moins en moins fructueux.

Les parents de Marcel y avaient ? peine recueilli leur suffisance. Voil? pourquoi la m?re consentit, pour mettre un peu de beurre dans la soupe, ? partager le lait de son petiot, et ? prendre comme nourrisson le b?b? de leur voisin, le ma?tre ma?on Font?s, dont la premi?re femme venait de mourir en couches.

Une graine de fameux gaillard, ce poupon-l?. Un heureux jour pour les pauvres meuniers, celui o? la maman Barbery lui tendit le sein. Ce fut gr?ce ? Cl?ment Font?s que, plus tard, le vieux moulin ruineux put changer son outillage, remplacer les lourdes meules de pierre, dont le fr?quent <> ?tait si dur, par d'agiles cylindres d'acier, les grossi?res tr?mies, par un sasseur ? trois degr?s, puis qu'on vit s'?lever, ? travers les planchers perfor?s de la b?tisse, les hautes gaines des cha?nes ? godets, et filer de toutes parts ? toute vitesse les courroies de transmission.

Ah! oui, il devait faire son chemin, et y pousser aussi les autres, d'un coup d'?paule g?n?reux, ce marmot qui riait aux anges dans les bras de sa nounou Barbery.

Son p?re lui pr?cha d'exemple. De ma?tre ma?on, Font?s l'ancien devenait entrepreneur, sp?culait sur des terrains, s'enrichissait, donnait de l'instruction ? son fils. Le jeune Cl?ment, digne rejeton de cet homme ?nergique, grandissait, ardent aux exercices physiques, mais non moins passionn? pour le travail de l'esprit. Quels succ?s dans ses classes! Et comme on le regardait, dans ce modeste village de Theuville, quand il revenait de Paris, aux vacances, les bras rompus de couronnes et de prix, que le p?re Font?s, exultant d'orgueil, ne lui permettait pas de cacher dans sa malle.

Architecte ... Il ?tait devenu architecte! Et dipl?m? du Gouvernement! Pas fier, avec ?a. Continuant ? demeurer dans la baraque paternelle, ? peine modernis?e par ses soins,--lui qui construisait des ch?teaux, et qui avait, presque de force, avanc? les fonds et d?cid? l'agencement du moulin, pour son fr?re de lait Marcel. Un miracle! Maintenant les Barbery prosp?raient, la client?le leur arrivait de tous c?t?s. C'?tait le plus heureux jeune couple du pays. On les enviait d'?tre ainsi les amis de <>. Car, ne jouissait pas qui voulait des bonnes gr?ces de l'architecte. On le sentait distant, quoique sans hauteur. En lui, quelque chose--? part m?me de son instruction--commandait le respect. Peu nombreux, parmi ses anciens camarades d'?cole, ceux qui osaient l'appeler <> tout court. Quelquefois, il tutoyait sans qu'on se perm?t de lui retourner la pareille.

--<

--Mais non, monsieur Cl?ment. D'abord, je ne suis pas seule. J'ai Paulot, notre garde-moulin--un brave gars, qui ne craint personne. Tenez, le voil? qui s'am?ne. Il nous a entendus. Et puis, j'ai <>, ajouta-t-elle, en flattant la t?te d'un gros chien sans race, qui l'emp?trait de gambades et de caresses.

--<> dit Jacques Font?s.

Le plus jeune des deux fr?res, ayant saut? ? bas de la voiture, parut sortir de sa maussade r?verie uniquement pour jouer avec le chien. Fiston et lui ?taient une paire d'amis. La b?te savait bien, quand elle voyait Jacques descendre le sentier, de l'autre c?t?, vers le bois, qu'il s'arr?terait ? l'angle du mur et qu'il lui jetterait quelque friandise par-dessus le portillon ? claire-voie. Mais il savait autre chose, l'intelligent animal. Sa gourmandise ne serait satisfaite que lorsque sa patronne serait venue jusqu'? l'embrasure donner le bonjour au passant. C'est pourquoi, d'aussi loin qu'il apercevait celui-ci, Fiston courait ? la recherche de Louisette, pour la pr?venir de la visite, dans ce langage conventionnel qui s'?tablit entre les chiens et leurs ma?tres, et qui atteint ? une incroyable vari?t? d'expression, ? des nuances merveilleusement intelligibles, quasi humaines.

Bien innocent, ce man?ge, du c?t? de la jeune femme. Elle s'y ?tait pr?t?e plus par fiert? de la finesse de son chien que par go?t pour les fadaises qui l'attendaient ? la petite porte. Jacques Font?s lui faire la cour! Quelle dr?lerie, dont s'alimentait sa gaiet?. Louisette aimait son mari d'un amour primitif, violent, profond, avec la droiture et la simplicit? de son coeur sans d?tours. Seulement, on pouvait bien rire, n'est-ce pas? Marcel lui-m?me n'y voyait aucun mal. Et qu'y avait-il de plus risible que la passionnette du jeune Font?s, un gosse de vingt-deux ans, qu'elle avait mouch? ? l'?cole, quand elle ?tait parmi les grandes, et lui dans la classe des marmousets.

Certes, il y avait longtemps de cela. Aujourd'hui, tout en se moquant gentiment de lui, elle n'osait le traiter en gamin qu'? part soi ou avec Barbery. Jacques n'appartenait plus au petit monde du village, bien qu'il rev?nt souvent ? la maison paternelle, aupr?s de son fr?re Cl?ment.

Lui, il intimidait aussi, mais pour d'autres raisons que son a?n?.

Jacques, de quatorze ans le plus jeune, appartenait ? la derni?re p?riode de la vie du p?re Font?s, ? la p?riode de la fortune faite et de la retraite cossue. ?lev? en <> plus encore que l'autre, et abominablement g?t?, ce n'?tait pas par des qualit?s sup?rieures qu'il en imposait, mais par son d?dain et son chic. A Theuville, on le surnommait <>. Surnom moiti? gouailleur, moiti? admiratif, et qui prenait sa signification autant d'une tournure ?l?gante et d'une mise raffin?e, que d'une l?gende de noce et de haute vie, dont ce tout jeune homme entretenait autour de lui, avec un soin vaniteux, l'absurde prestige.

Le soir o? son fr?re et lui ramen?rent Louisette, il fut ? peine poli avec la jolie meuni?re, dont il se pr?tendait amoureux. Non que la pr?sence de Cl?ment ou celle de leur domestique le g?n?t. Mais cette attitude lui ?tait coutumi?re, au point que la jeune femme ne soup?onna m?me pas qu'il p?t ?tre obs?d? par des pr?occupations. Tant?t accabl?e de compliments et de flatteries, tant?t trait?e ? distance, elle ne songeait pas ? se formaliser. N'?tait-elle pas une simple paysanne? L'arrogance de Jacques lui semblait inh?rente aux belles mani?res, aux v?tements ? la mode. Cela participait de ces myst?rieuses splendeurs. Puis, les fr?res Font?s, c'?taient des gens ? part, des ?tres sacr?s. L'a?n? avait t?t? le m?me lait que son Marcel. Et il ne l'oubliait pas. Quelles preuves d'affection ne leur avait-il pas donn?es, ? tous deux! Sans lui le moulin n'existerait plus. Ah! on lui en devait de la reconnaissance! Et c'?tait bon ? ressentir. Cela ne pesait pas. Avec un si brave coeur!--qui se serait saign? pour vous sans en avoir l'air. Oui, M. Jacques pouvait suivre son humeur. Il ne trouverait jamais que des mains tendues et des sourires. Quand m?me on ne l'aurait pas choy? tout bambin, quand ce ne serait qu'? cause de son grand, on lui en passerait bien d'autres!

Dans la rumeur du moulin, Cl?ment recommandait encore ? Louisette de bien se barricader cette nuit et de mettre ses dix mille francs dans un endroit s?r.

--<> s'?cria-t-elle, <>

Elle riait toujours. Ses dents, ses yeux, brillaient ? travers la nuit transparente. C'?tait une fra?che cr?ature. Et sa gaiet? lui pr?tait une s?duction de vie abondante, une gr?ce animale, pareille ? l'exub?rance des jeunes chattes et des bondissantes pouliches. Jacques affecta une esp?ce de hennissement. A cause du dernier mot de Louisette, il lan?a une galanterie brutale.

--<> grommela Cl?ment.

Les deux fr?res remont?rent sur le dog-cart.

Cent m?tres apr?s le moulin, c'?tait le village. Theuville somnolait d?j?. Une haleine ti?de y flottait, ?manation de la chaleur des ?tables, du sommeil profond des b?tes. La vie humaine, presque toute physique, harass?e des travaux au grand air, s'y engourdissait aussi.

Toutefois, dans le d?bit, ? l'angle de la place, en face de la pauvre petite ?glise, il y avait de la lumi?re et une rumeur de voix. Refuge supr?me pour la distraction des soir?es d?j? longues, cette boutique, sur la peinture chocolat de laquelle on aurait lu au jour:

NOUVEAUT?S, ?PICERIE, MERCERIE, BOIS ET CHARBONS

Et au-dessous, en lettres jaunes sur les vitres:

CAF?, BILLARD

Le trot du cob amena sur la porte quelques paysans, qui salu?rent les fr?res Font?s.

--<> grogna Jacques. <

--C'est la rusticit? de ce coin qui fait son charme,>> observa Cl?ment.

--<> ricana Jacques.

--<> dit froidement l'a?n?, <

--Voyons, Cl?ment, je ne suis pas le seul ? te dire que tu g?ches ta carri?re en te cramponnant ? ce sale village. Un architecte de ta valeur ...

--J'ai mes bureaux ? Paris.

--?a ne suffit pas. Les clients, qui se d?go?tent ? t'attendre, savent que tu vis ? Theuville. Et d'ailleurs, ?a se voit, tu sais.

--Tant mieux, mon petit! Tant mieux si j'ai bien le type de l'homme que je suis: un homme pr?s de la terre, et qui l'aime. Le go?t de mon m?tier ... Mais il est fait surtout, pour moi, de ce que, b?tir, c'est collaborer avec la terre, comme cultiver, comme planter. Une maison, c'est une falaise en dehors, et une ruche en dedans. Ah! la vie naturelle, l'art naturel, comme c'est sup?rieur ? ces hyp?resth?sies nerveuses qui sont votre existence, votre g?nie, ? vous autres d?g?n?r?s.

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