Read Ebook: Ames dormantes by Melegari Dora
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Ebook has 421 lines and 54984 words, and 9 pages
Maintenant que la pens?e humaine a commenc? ? secouer dans le domaine moral, la tyrannie d'une science incompl?te, on voit les regards se tourner de nouveau vers ce ciel que la pr?somption de l'homme avait d?clar? vide. Les croyances spiritualistes renaissent. Le n?o-boudhisme, le spiritisme, la th?osophie et autres tentatives de cultes nouveaux ne sont que la manifestation du besoin religieux qui travaille les ?mes.
Dans le pays o? le scepticisme semblait le plus d?finitivement ?tabli et d'o? il rayonnait sur la conscience g?n?rale, ce renouveau ? trouv? des voix ?loquentes pour l'annoncer au monde. Le caract?re particulier de ce mouvement fut de ne pas se pr?senter sous une forme religieuse pr?cise, ou au nom d'une ?cole philosophique sp?ciale. Sorti du sein de la libre-pens?e, il a ?t? ? ses d?buts absolument spontan? et individuel, se bornant ? rappeler ? l'homme qu'il ?tait fait pour sentir de grandes choses et pour les vivre.
Malheureusement le petit groupe d'?crivains et de penseurs qui ont men? la campagne, soutenus par la sympathie de quelques consciences dispers?es, repr?sentent une quantit? infinit?simale compar?e aux foules innombrables qui consid?rent encore l'opportunisme habile comme la supr?me sagesse, et qui ont pour complices secrets chacune des faiblesses de l'homme et tous ses vices. Car la d?cadence actuelle a comme caract?re sp?cial l'?tendue. Le mal a envahi toutes les classes; il ne s'agit plus, comme ? la fin du si?cle dernier, de gratter les premi?res couches du sol pour trouver un terrain ferme et f?cond sur lequel b?tir et planter. Les germes de mort ont p?n?tr? partout, il n'y a plus de parties saines. Croire que l'av?nement du quatri?me ?tat suffirait ? <
Or cette r?volution est d'autant plus difficile ? provoquer que l'?poque actuelle se donne volontiers--par les formules qu'elle emploie--l'apparence hypocrite des ?l?ments moraux qui font le plus d?faut ? l'homme int?rieur: v?rit?, justice, altruisme. Ces mots qui r?sonnent encore si creux dans les coeurs sont dans toutes les bouches. Aujourd'hui, cependant, on devrait conna?tre les devoirs qu'ils imposent. Les pr?jug?s sont d?truits, ceux m?me qui y restent attach?s par temp?rament, vanit? ou int?r?t, ne se trompent plus sur la valeur de cette fausse monnaie; en se r?fugiant derri?re ces barri?res de bois pourri, ils savent parfaitement qu'elles manquent de bases et que le mensonge seul en soutient les pieux vermoulus. Mais rien ne lie l'homme comme le mensonge, n'entrave sa libert?, n'en fait un plus mis?rable esclave. Tant qu'il se mentira ? lui-m?me, qu'il se croira un juste quand il n'est qu'un bourgeois ?go?ste et m?diocre, il ne pourra se r?former, il sera incapable de discerner la beaut?, d'aspirer au bonheur vrai et de r?veiller son ?me.
Un examen de conscience rigoureux et sinc?re s'impose ? la soci?t? moderne. Qu'a-t-elle fait de la loi morale, comment l'interpr?te-t-elle et de quelle fa?on l'applique-t-elle? Y a-t-il connexit? entre les principes dont elle se targue et les actes qu'elle accomplit, entre les grands mots dont les hommes se servent et les mesquines pens?es qui guident leur vie? Sur quelles forces ces tentatives de rel?vement peuvent-elles compter pour combattre l'arm?e redoutable et si nombreuse encore des mat?rialistes et des sceptiques? La r?ponse ? la derni?re de ces questions est la plus urgente puisqu'elle doit fixer la topographie morale de l'?poque actuelle et d?montrer quelles sont les causes de la situation pr?sente.
De tout temps les soi-disant honn?tes gens ont ?t? en partie responsables du mal qui enlaidit le monde; l'affaiblissement de la loi morale a toujours eu pour raison l'insuffisance de ceux qui professaient les principes dont elle d?coule.
Plus nombreux, en somme, que leurs adversaires et mieux arm?s, ils n'ont jamais su d?fendre leur drapeau. La mollesse et la l?chet?, compagnes trop fr?quentes des qualit?s d'ordre et de mod?ration qui caract?risent les r?guliers de la vie, ont certainement circonscrit leur action. On l'a vu dans les r?volutions politiques. Si les partisans de l'ordre ne s'?taient pas esquiv?s ou endormis que d'audacieux coups de main auraient ?t? ?vit?s! Mais ceux qu'on appelle les braves gens se d?robent presque toujours. L'honn?tet? am?nerait-elle fatalement la diminution des facult?s agissantes? Le repos de la conscience produirait-il l'apathie? Non, mille fois non! Dans la pens?e divine les disciples de la v?rit? devaient ?tre la lumi?re du monde, le sel de la terre...
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La doctrine ?vang?lique renfermant ? cet ?gard ce qui se trouve de meilleur dans les autres religions ou philosophies, elle doit servir de point de d?part ? l'examen de conscience dont j'affirmais tout ? l'heure la n?cessit?. A cet examen de conscience sont convi?es toutes les ?mes sans distinction de croyances religieuses ou philosophiques qui admettent une loi morale--l'imp?ratif cat?gorique de Kant--comme principe dirigeant de leur vie. Si je semble m'adresser sp?cialement aux chr?tiens, c'est qu'ils repr?sentent la cat?gorie la plus nombreuse et que de leur part l'?tat d'inertie para?t plus illogique et incompr?hensible.
Le premier point ? ?tablir est s'il existe de nos jours une diff?rence substantielle entre l'attitude, les jugements, la conduite d'un chr?tien et celle d'un incr?dule. Placez les deux individus dans des circonstances identiques de famille, de situation, d'?ducation et de culture, douez-les des m?mes qualit?s et d?fauts naturels, puis mesurez si le degr? de confiance qu'ils m?ritent d'inspirer n'est pas ? peu pr?s le m?me. Il y a ?videmment des vies chr?tiennes admirables, la philosophie spiritualiste produit parfois les caract?res d'?lite, mais ce sont des personnalit?s isol?es et rares; la grande masse des croyants renie chaque jour dans ses actes les pr?ceptes dont elle se d?clare d?positaire. En tout cas elle ne s'?l?ve gu?re au-dessus de la morale courante pratiqu?e par les gens qui respectent le code et estiment qu'une existence r?guli?re est encore le meilleure des habilet?s.
Par quelle ?trange aberration d'esprit les personnes religieuses ne se rendent-elles pas compte qu'une diff?rence visible et notable devrait exister entre leur mani?re de voir et d'agir et celle des incr?dules ou des mat?rialistes? Tant que cette v?rit? n'aura pas p?n?tr? les coeurs et les consciences, le christianisme vivra de ses conqu?tes pass?es, il ne pourra pas ?tre la lumi?re du monde moderne. Le chr?tien n? avec des instincts pervers ne devrait-il pas avoir une vie sup?rieure ? celle de l'ath?e dou? des meilleurs instincts?
Il est difficile, je le sais, de tracer toujours une ligne de d?marcation nette. Quelles que soient les n?gations d'un esprit, il subit l'influence des milieux et celle des formules accept?es dans la soci?t? o? il a ?t? ?lev?. En outre, le respect des lois sociales et de l'opinion publique cr?e des devoirs dont le principe int?rieur diff?re absolument, mais dont les effets ext?rieurs sont apparemment analogues ? ceux qu'impose la loi morale. Cependant, comme force de mobile, aucune comparaison ne devrait ?tre possible entre une conviction et une crainte. La peur du code peut emp?cher les culpabilit?s mat?rielles, elle est impuissante ? contribuer au perfectionnement de l'individu.
La religion ?tant un rempart contre les fauteurs de d?sordres et un secours pour les jours difficiles, dit le christianisme m?diocre, il est opportun de croire et surtout de faire croire au bon Dieu. Quant ? se troubler le cerveau pour des bagatelles sans importance: mensonges, vanit?, avarice, ?go?sme, l'esprit humain a fait trop de conqu?tes pour subir encore le joug des pr?jug?s excessifs. La perfection n'est pas de ce monde, il serait pr?somptueux d'y aspirer. On sait maintenant qu'il y a des lois physiques imprescriptibles; Pascal n'a-t-il pas dit: <
Voil? plus ou moins ce qu'ont dit et pens? la plupart des consciences chr?tiennes pendant une quarantaine d'ann?es. Si toutes ne l'ont pas pr?cis? vis-?-vis d'elles-m?mes, toutes ont subi l'abaissement g?n?ral. Ceux ? qui ?tait confi?e la direction des ?mes semblaient admettre aussi cette fa?on m?diocre de penser; ils se contentaient de ces fruits de la mer Morte, ob?issant ? la crainte d'effrayer, par un id?al trop ?lev?, une soci?t? qui se vante de les avoir reni?s tous. Faux calcul en tout cas, car le coeur de l'homme ne met de prix qu'? ce qui lui co?te des sacrifices.
Une des erreurs fondamentales des jugements humains est de se baser sur les faits ext?rieurs; socialement ils ont une importance capitale, moralement presque aucune, les mobiles secrets d'o? ils proc?dent ?tant la seule chose qui compte. Toute appr?ciation bas?e sur un acte isol? manque de valeur; on ne peut juger ?quitablement un individu que sur l'ensemble de son caract?re et de ses intentions. Quoique l'affirmation puisse para?tre singuli?re, il est au fond plus important de bien penser que de bien vivre. L'homme qui pense bien pourra lui aussi commettre des fautes, il finira toujours par les regretter, les r?parer, les expier en lui-m?me. L'homme qui pense mal, ou m?diocrement, ou pas du tout, aura beau avoir une existence r?guli?re, il restera un ?tre sans valeur, incapable d'une action efficace. Il y a six cents ans, les lieux profonds, o? l'air est sans ?toiles, ?taient d?j? peupl?s de ces malheureux qui ne furent jamais vivants et que repoussent ? la fois le ciel et l'enfer. Le si?cle qui vient de finir a d? augmenter de fa?on effrayante la triste cohorte.
Jamais, en effet, on n'a autant commis la funeste erreur de croire que, pour r?pondre ? la pens?e divine, il suffisait de ne pas commettre certains actes, comme si le code et la plus m?diocre morale ne suffisaient pas ? condamner, sinon ? emp?cher les meurtres, les vols, les vices de nature ? compromettre l'ordre social. D'ailleurs, les criminels av?r?s appartiennent pour la plupart ? une cat?gorie d'individus sur lesquels la crainte de Dieu n'a aucune influence; les criminels d'occasion se trouvent momentan?ment dans des circonstances tragiques ou des ?tats passionnels et morbides qui obscurcissent leur mentalit? jusqu'? la folie, ils ont perdu tout contr?le sur eux-m?mes. Malgr? la corruption r?gnante ce sont l? des ?tres d'exception, la grande masse des individus vit apparemment dans l'ordre, se conformant aux r?gles des lois sociales. Mais l'atmosph?re en est-elle plus pure et plus saine? S'abstenir de certains d?lits ne constitue pas un caract?re moral; celui-ci doit s'?tablir sur de nobles pens?es que la volont? essaye de traduire en faits ou dans cette puissance silencieuse de l'?me plus efficace et attirante que les meilleures actions.
Une action mesquine accomplie par habitude, le front serein, avilit plus qu'une action coupable commise avec remord et due ? un entra?nement puissant; car ce remord constitue d?j? une expiation qui rel?ve l'?me et produit souvent sur d'autres points des d?veloppements de vertus, car le sentiment du rachat par le sacrifice est instinctif ? l'homme. Les grands repentirs sont une lumi?re et un enseignement, et on ne se repent pas des actions m?diocres; elles ne creusent pas l'?me ? une assez grande profondeur, et passent sur elle en la d?gradant, sans en tirer ces cris de douleur et de d?sespoir qui ont un pouvoir de r?g?n?ration pour qui les pousse et les entend.
Une morale n?gative, des passions mesquines qui ne laissent pas de place au repentir, le prestige du mal subi par l'imagination, l'avarice morale ?rig?e en principe, joint au faux amour de soi, obscurcissent les consciences. L'opportunisme substitu? ? la droiture, la vanit? et la mauvaise foi dominant les vies, tels sont les traits saillants de la soci?t? actuelle, le triste miroir o? se refl?tent les ?mes de la grande masse de ceux qui s'intitulent honn?tes gens.
Si ces ?mes ? demi mortes veulent rena?tre, elles doivent accomplir un double travail: se rendre compte de leur pauvret?, des mensonges o? elles vivent, des bassesses o? leur coeur se compla?t et comprendre enfin que si elles ne basent pas leur vie sur un id?al de justice et de v?rit?, elles condamnent irr?m?diablement les principes qu'elles pr?tendent professer.
Dans la cr?ation rien ne reste stationnaire et il doit ?tre dans la pens?e divine d'ordonner ? l'homme un d?veloppement moral incessant. Peu importe si le r?veil est lent, s'il n'y a que des ?mes isol?es qui se mettent en route! Chacune des grandes r?formes morales est sortie du travail d'une seule conscience. Il s'agit aujourd'hui de pr?parer des g?n?rations nouvelles plus heureuses que les pr?c?dentes parce qu'elles conna?tront mieux le prix de la vie, sauront ?liminer les fausses souffrances, seront conscientes de leur pouvoir, auront confiance dans leur volont? et poss?deront leur ?me.
La premi?re impulsion est donn?e, le bien est remis en honneur, il ne reste qu'? se conna?tre soi-m?me et ? marcher.
CHAPITRE II
LE PRESTIGE DU MAL
La force est la reine du monde.
Les tentatives qui ont ?t? faites derni?rement pour remettre le bien en honneur sont isol?es encore et le d?dain, sous lequel certaines vertus ?taient tomb?es, persiste toujours. La bont?, l'oubli des injures, l'esprit de sacrifice, la probit? scrupuleuse, le d?sir d'?tre utile, continuent ? ?tre un objet de raillerie, ? moins qu'ils ne soient accompagn?s du prestige d'une grande situation ou d'une grande fortune. Si ce correctif leur manque, on se borne ? les tol?rer, car on a cess? de leur accorder une valeur intrins?que et de les consid?rer dans leur application comme un triomphe moral digne de respect.
Ce bizarre sentiment a p?n?tr? la grande majorit? des ?mes et m?me--ph?nom?ne incompr?hensible--les ?mes chr?tiennes. On va se r?volter, crier ? l'exag?ration et au pessimisme... Et, en ne consid?rant que la surface des choses, ces protestations seront apparemment justifi?es; mais, en examinant sinc?rement la question, en jetant en soi et autour de soi un regard attentif, on sera forc? d'admettre la v?rit? de cette affirmation. La plupart de ceux qui essayent de pratiquer le bien dans leur propre vie ont cess? de l'admirer dans celle d'autrui. Ils n'ont pas le sentiment de leur illogisme, mais cette inconscience ne d?truit aucun des effets moraux de l'anomalie.
Il en a toujours ?t? ainsi, dira-t-on, la fin du si?cle n'a rien invent?. L'?criture affirmait, il y a des milliers d'ann?es, que le coeur humain ?tait d?sesp?r?ment mauvais et qu'il y avait antagonisme entre lui et le bien. Les ?l?ments obscurs qui s'agitent dans l'homme se sont sans cesse dress?s contre les manifestations de la lumi?re; les penseurs ont, de tout temps, d?plor? ce trait de la nature d?chue, et M. de Maistre ?crivait: <
La valeur de ces arguments est contestable. Si aucun germe nouveau n'a p?n?tr? la nature humaine, il est certain cependant que les tendances de chaque ?poque ont plus ou moins d?velopp? tels ou tels des nombreux instincts de l'homme. Ce qui caract?rise le temps actuel ce n'est pas la haine, c'est le d?dain du bien. Il ne s'agit plus de ce sentiment de col?re ou d'envie ?prouv? par les anges rebelles, mais d'une perversion de jugement qui fait m?priser avec l'intelligence ce que la conscience ordonne d'accomplir.
Les id?es darwiniennes ont, dans ce ph?nom?ne, une large part de responsabilit?. La doctrine de la lutte pour la vie a envahi tous les esprits, m?me ceux qui la repoussent comme th?orie ou ne l'acceptent que partiellement. On en est arriv? ? n'estimer que le vainqueur du combat; s'il reste ma?tre du champ de bataille, peu importe sa valeur ou sa m?diocrit? r?elles! Il est logique qu'? ce point de vue les vertus qui d?sarment l'homme et risquent d'entraver sa victoire soient consid?r?es comme des d?savantages, puisque les poss?der c'est ?tre vaincu d'avance. A toutes les ?poques, la d?faite a suscit? le m?pris des natures vulgaires; aujourd'hui ce sentiment est devenu presque g?n?ral; il n'y a plus de r?action g?n?reuse en faveur des vaincus, les batailles perdues ne trouvent plus de po?tes pour les chanter!
Manquer de la puissance de combativit? ou ne pas vouloir l'exercer par principe, ?quivaut, dans l'ordre moral, ? ?tre manchot dans l'ordre physique: l'opinion publique, sauf d'assez rares exceptions, jauge imm?diatement les malheureux qui en sont d?pourvus, les range parmi les quantit?s n?gligeables, et, contre ce verdict, il n'y a point d'appel.
Quelles sont, par exemple, les cons?quences du pardon des injures pour ceux qui le pratiquent?
L'homme ne peut donner une plus grande preuve de force morale, car pour pardonner vraiment il faut ?tre roi de soi-m?me. Cependant aucune vertu ne nuit davantage ? la situation personnelle de l'individu. Une injure oubli?e semble en amener d'autres; c'est une conspiration pour pousser ? bout celui qui s'est impos? le pardon comme r?gle de conduite; on refuse de croire ? sa sinc?rit?, on essaye d'attribuer sa mansu?tude ? des motifs de l?chet? ou d'int?r?t, et, lorsqu'enfin elle est devenue un fait av?r?, une l?g?re parcelle de m?pris, qui ira toujours grandissant, se glisse pour lui dans les coeurs. Il ne suffit plus de dompter ses rancunes et de triompher de ses ressentiments, il faut se r?signer d'avance ? supporter les effets nuisibles du pardon accord?. L'homme ?chappe ? ce d?dain lorsque la victoire remport?e sur lui-m?me se manifeste dans des conditions ?clatantes, mais, dans les circonstances ordinaires de la vie priv?e ou publique, il en souffre de mille fa?ons. Il faut avoir ? faire ? des natures tr?s g?n?reuses pour ne pas ?tre puni d'une injure oubli?e.
Le d?sir d'?tre utile aux autres et l'esprit de renoncement sous toutes ses formes subissent des d?nigrements identiques. Le d?ploiement de ces qualit?s commence par provoquer des abus. Dans les familles, les administrations, les oeuvres de bienfaisance, le m?me ph?nom?ne se v?rifie sans cesse: les individus de bonne volont? sont surcharg?s sans scrupules de la besogne qui devrait ?tre r?partie sur tous, et personne ne leur en est reconnaissant; au contraire, un ferment d'irritation s'?l?ve contre eux. Cela aussi est vieux comme le monde, l'ingratitude r?pondant, para?t-il, ? un instinct de la nature humaine; ce qui est essentiellement moderne, c'est le m?pris qui s'y ajoute. M?me lorsque l'imagination est saisie, qu'il s'agit d'un d?vouement d'amour ou d'un acte ?clatant de g?n?rosit?, l'admiration est froide, et il s'y m?le une pointe d'ironie. Si aujourd'hui L?andre pour retrouver H?ro devait traverser l'Hellespont ? la nage, il trouverait des railleurs sur les deux rives du d?troit, et les femmes seraient les premi?res ? sourire de cet amoureux trop ardent. On dirait que l'oubli de sa propre personnalit? est un aveu d'inf?riorit?; les coeurs ne le comprennent plus. Faire bon march? de ses int?r?ts, c'est se d?consid?rer soi-m?me et provoquer le manque de respect d'autrui.
Le d?sint?ressement, cette vertu si haute, n'a pas conserv? plus de prestige. On s'indigne bien encore quelquefois contre les fripons qui s'enrichissent au d?triment des honn?tes gens, mais l'homme de bien pauvre, ou devenant pauvre, parce qu'il n'a voulu faire de tort ? personne, ne trouve certes pas dans l'estime publique l'?quivalent de ce qu'il a perdu; et il entre bien du sarcasme dissimul? dans l'?loge qu'on fait de sa probit?. Dans les circonstances m?me o? elle repr?sente une sauvegarde pour les int?r?ts qui lui sont confi?s, cette probit? ne sert gu?re. Y a-t-il une place ? donner, une affaire ? traiter, en charge-t-on de pr?f?rence ceux qui offrent comme garantie leur d?sint?ressement connu? De tout autres mobiles d?terminent d'ordinaire les choix et les r?compenses. Il est admis que la d?licatesse scrupuleuse emp?che le succ?s; or le succ?s est le niveau auquel tout se mesure, et la soci?t? actuelle n'a pas de place pour ceux qui la d?daignent.
La dignit? modeste est ?galement rel?gu?e parmi les qualit?s nuisibles. Les natures fi?res et d?licates qui r?pugnent ? faire du bruit autour d'elles, sentant la vulgarit? de l'aplomb audacieux, se voient n?glig?es m?me par ceux qui seraient capables de les comprendre. Dans le monde, la politique, les affaires, ne pas essayer de prendre insolemment les premi?res places, vous fait souvent rel?guer aux derni?res. Cependant, chacun sait--les imb?ciles seuls l'ignorent--que la sup?riorit? r?elle est incompatible avec la pr?tention audacieuse. Tout id?al ?lev? impose l'humilit?. George Sand, qui avait le g?nie modeste, disait que se d?cerner des couronnes ? soi-m?me prouvait une irr?m?diable m?diocrit? et interdisait tout espoir de progr?s. Mais George Sand est morte, et sa g?n?ration a disparu; on n'a plus le temps aujourd'hui, dans l'agitation f?brile des journ?es, de s'occuper des valeurs qui se d?robent.
La bont? et la patience, ces gardiennes du bonheur de l'homme, sans lesquelles les choses les plus douces de la vie se changent en amertume, ?chappent-elles du moins au d?dain de ceux qui en b?n?ficient? Elles ont, h?las! le m?me sort que le d?vouement et le d?sint?ressement, et volontiers l'on manque d'?gards envers ceux qui les pratiquent. Lorsque les circonstances forcent ? sacrifier quelqu'un, qu'il s'agisse de la vie publique ou de la vie priv?e, le choix est rapide; il tombe sur les ?tres que l'on devrait respecter davantage. C'est ? eux que l'on fait tort, parce que l'on sait pouvoir compter sur leur d?bonnairet?; l'?tre m?chant, dont il y a quelque chose ? craindre, est ?pargn? d'ordinaire.
Les vertus qui n'ont pas pour base l'esprit d'abn?gation et d'humilit? sont cot?es moins bas sur le march? de l'opinion publique. Mais elles n'acqui?rent cependant un r?el prestige que si elles repr?sentent des ?l?ments de r?ussite: argent ou situation. La hardiesse, le courage, la fermet?, la pers?v?rance, l'?nergie sous toutes ses formes, inspirent encore quelque respect. Elles r?pondent ? ce besoin de la force qui domine indistinctement toutes les ?mes. La franchise, quand elle est l?g?rement brutale, le respect de soi-m?me lorsqu'il s'y m?le un peu d'insolence, r?ussissent encore ? faire leur chemin dans le monde, non en tant que vertus, mais comme conditions de pr?pond?rance. Les qualit?s n?gatives, telles que l'indulgence et la mod?ration, sont ?galement tol?r?es; le fonds d'indiff?rence sur lequel elles se basent leur assure m?me une certaine estime.
Cet ?trange d?dain pour ce qui repr?sente la somme des hauteurs morales, pourrait, ? la rigueur, s'expliquer de la part des mat?rialistes et des d?terministes. Voulant une humanit? d'o? les faibles seraient supprim?s d?s leur naissance, il est logique que certaines vertus ?quivalent pour eux ? des faiblesses. Mais il y a incompatibilit? flagrante entre ce d?dain du bien et les doctrines chr?tiennes et spiritualistes. Reconna?tre en Christ un ma?tre supr?me ou un docteur sublime et n'avoir dans la pratique de la vie aucun respect pour ceux qui essayent de suivre ses traces, est la plus flagrante des incons?quences. Certes, on n'est pas arriv? encore ? professer ouvertement le principe que la pratique des vertus est une preuve de d?ch?ance intellectuelle, mais qu'importe la th?orie, du moment que la grande majorit? des soi-disant croyants agissent comme si telle ?tait r?ellement leur pens?e! Ils s'attendriront peut-?tre ? la lecture d'un acte de d?vouement obscur, accompli loin d'eux par des inconnus qu'ils ne verront jamais, mais si la chose se passe ? leur porte, l'?motion dispara?t et la raillerie la remplace. Quel int?r?t ou quelle v?n?ration manifesteront-ils pour ces h?ros de la vie? Leur poign?e de main ne sera pas plus cordiale; elle continuera ? se mesurer ? la situation et non ? la personnalit? morale de ceux qu'ils accueillent. La vue du sacrifice n'aura en rien r?chauff? leur coeur ni exalt? leur imagination. Aujourd'hui dire de quelqu'un qu'il a une belle ?me, c'est provoquer le sarcasme ou du moins le sourire.
Ce m?pris du bien auquel on se heurte ? chaque pas de la vie morale a eu comme cons?quence directe la tol?rance et m?me l'admiration du mal. La plupart des ?mes subissent ce double courant sans le comprendre, sans le d?finir, sans se rendre compte surtout du d?placement qu'il op?re dans les points de vue de notre g?n?ration. Essayer de dissiper cet aveuglement et de donner aux hommes la conscience de leurs sentiments r?els est, pour tous ceux qui ont entrevu la v?rit?, un imprescriptible devoir.
La force a toujours exerc? sur les imaginations un singulier prestige, m?me lorsque ses manifestations ?taient injustes et brutales; dans tous les plans de r?forme morale, il faut donc tenir compte de cet instinct qui, bien dirig?, pourrait conduire l'homme ? de sublimes conqu?tes. Mais la force ne r?gne plus exclusivement. L'habilet? heureuse lui dispute la place, et les ?mes amollies, les esprits trop aiguis?s se laissent volontiers s?duire par cette puissance inf?rieure qui dispense de l'effort et du sacrifice et promet de faciles conqu?tes. L'affaiblissement de la fibre morale et physique, la s?curit? des existences, l'absence des p?rils qui trempaient les ?mes expliquent cette ?volution de la pens?e, ?volution qui agit comme un dissolvant sur les consciences.
Ce n'est pas que l'attraction de la force en soi ait diminu?, mais les esprits vulgaris?s, avides de succ?s apparents, sont devenus empiriques et n'admettent plus que les r?sultats. Or, dans l'ordre de choses actuel, il est ?vident que le plus grand nombre de victoires est remport? par l'adresse. L'homme habile exerce, par cons?quent, sur son prochain une fascination indiscutable qui ressemble presque ? de la consid?ration. Certaines expressions qui appliqu?es aux individus, avaient jadis une signification m?prisante et l'ont encore dans le sens absolu des mots, repr?sentent de nos jours, c'est tacitement entendu, une exclamation flatteuse. On dirait que les paroles ont perdu leur valeur primitive. Dans les pays latins, en particulier, l'admiration pour la ruse, la fourberie heureuse, la combinaison adroite ne se dissimule m?me pas, et c'est ? peine si quelques signes de r?action commencent ? se manifester. Naturellement, en th?orie, on formule encore des appr?ciations s?v?res sur le manque de d?licatesse ou de droiture, mais les attitudes ou les fa?ons d'agir ont cess? de correspondre ? la rigidit? des mots. Le succ?s voit toutes les portes s'ouvrir largement devant lui; les plus honn?tes et les plus exclusives ne font pas exception. Et souvent aucun int?r?t personnel n'entre en jeu, c'est simplement par platitude ou parce que le courant est trop fort et les volont?s trop malades pour r?sister au flot qui les entra?ne.
Cette sorte d'admiration morbide du succ?s, surtout lorsqu'il pr?suppose de grandes d?penses d'habilet?, est peut-?tre plus fr?quente encore chez les femmes que chez les hommes. Le sentiment de la probit? et de la loyaut? ?tant g?n?ralement moins d?velopp? par leur ?ducation, elles n'?prouvent pas pour certaines actions la r?pugnance que les hommes d'honneur, ? part toute id?e de morale, ressentent instinctivement. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer ce qui se passe dans les familles, m?me les plus honn?tes. Que de fois n'entend-on pas les ?pouses et les m?res reprocher ? leurs maris et leurs fils les principes, les qualit?s ou les scrupules qui les emp?chent, dans telle ou telle circonstance, d'atteindre les premi?res places ou d'obtenir les avantages les plus consid?rables? On pourrait citer, dans un sens contraire, de nobles et grands exemples, mais il est certain que la g?n?ralit? des femmes mettent en premi?re ligne les int?r?ts visibles de ceux qu'elles aiment et y subordonnent souvent les devoirs de la conscience.
Les femmes ont toujours eu d'ailleurs de secr?tes et subtiles indulgences pour ce qui les domine sans les froisser ou les brutaliser. L'adresse les a fascin?es de tout temps; les hommes qui ont la renomm?e d'avoir troubl? sciemment le plus grand nombre d'existences exercent sur leur imagination une influence incontestable, m?me lorsque ni leur coeur ni leur vanit? ne sont touch?s. On voit les m?res et les soeurs subir, elles aussi, l'ascendant de la ruse ?l?gante, triomphante. Aujourd'hui que les int?r?ts des femmes se sont ?largis, qu'elles s'occupent de toutes les questions et imposent leurs jugements sur plusieurs points, cette tendance de leur esprit ? admirer l'habilet? a largement contribu? ? d?voyer l'opinion.
Une part de curiosit? entre dans cet attrait que les femmes ressentent; leurs amiti?s en sont la preuve. Les plus honn?tes recherchent volontiers celles dont les aventures ont ?t? notoires, mais dont l'adresse a su ?viter le scandale public; ? parit? de situation elles leur donnent le pas sur les femmes irr?prochables dont l'histoire n'exerce pas de prestige sur l'imagination. L'amie incertaine, ? la trahison toujours pr?te, a plus d'empire que l'amie loyale sur qui l'on sait pouvoir compter, tellement les choses mauvaises d?gagent un magn?tisme auquel on n'a pas scrupule de c?der. Ce sont l?, dira-t-on, des travers de femmes du monde qui ne repr?sentent qu'une tr?s petite fraction de l'humanit? et dont l'influence est restreinte; tr?s restreinte, en effet, s'il ne fallait pas compter sur l'esprit d'imitation qui, allant de bas en haut, fait retrouver le m?me courant de tendances ? tous les degr?s de l'?chelle sociale.
Dans la vie politique, un ph?nom?ne identique se manifeste, en particulier dans les pays o? elle est organis?e sur la base des influences parlementaires, et c'est l? surtout qu'on voit l'honn?tet? d?sarmer l?chement devant la friponnerie. Dans ce groupement d'hommes, qui devrait repr?senter l'?lite morale des nations, quelles sont les individualit?s qu'on m?nage? Celles qui offrent une surface morale et dont la probit? reconnue assure la loyaut? des transactions? Ces voix-l? sont rarement ?cout?es et, par une conspiration tacite, l'?clat en est vite assourdi. Les recommandations qui comptent, les paroles dont l'autorit? s'impose ?manent presque toujours de ceux dont l'appui est incertain, la coop?ration douteuse, justement parce qu'ils sont d?pourvus des qualit?s capables de d?sarmer leur rancune, si elle ?tait suscit?e. On assiste dans cet ordre d'id?es ? des compromis incroyables, dont la base est toujours, m?me chez les plus honn?tes gens, la crainte respectueuse des individus assez habiles et hardis pour garder en main le manche du couteau et s'en servir sans scrupules.
La moralit? politique n'est pas cot?e aussi bas dans tous les ?tats de l'Europe, et m?me dans ceux qui semblent avoir d?sappris la signification du mot on compte encore de nombreuses exceptions. Mais il serait pu?ril de s'illusionner. La masse des classes dirigeantes a perdu toute droiture de jugement; elle manifeste une d?moralisante indulgence pour les caract?res sans scrupules, assez effront?s pour s'imposer au pays qui les conna?t et pourtant--inconcevable faiblesse--se laisse gouverner par eux. Ce sont l?, objectera-t-on, des contradictions inh?rentes ? la politique de toutes les ?poques. On a vu, malgr? ses crimes abominables, C?sar Borgia inspirer ? Machiavel un singulier enthousiasme, et l'on pourrait multiplier les exemples de ce genre. Oui, mais C?sar Borgia ?tait un criminel aux grandes lignes, et Machiavel avait au moins la bonne foi d'?riger ouvertement en principe la supr?matie de l'habilet? sur les lois morales. Ensuite, sous les anciens r?gimes il n'?tait pas facile de r?agir; les protestations ?taient forc?ment silencieuses et tout travail de r?forme lent et secret, tandis qu'aujourd'hui la parole est libre, l'opinion publique a mille mani?res de s'affirmer... On n'a plus aucune excuse pour subir le joug des coquins habiles, rien ne force ? subir leur audace effront?e; il n'y aurait qu'? vouloir r?agir et il suffirait aux honn?tes gens de se mettre d'accord pour les rel?guer dans la cat?gorie des quantit?s n?gligeables et leur fermer des situations qu'ils sont indignes d'occuper. Mais cet effort de volont?, nul ne le fait. Et pourtant les coquins sont en minorit?. Leur triomphe ne s'explique que par la complicit? des coeurs vacillants qui, tout en se disant honn?tes, admirent chez autrui le mal qu'ils n'ont pas le courage de faire eux-m?mes.
Dans la famille ?galement ces tristes incons?quences se retrouvent, m?me dans celles o? les saines th?ories sont en apparence le principe inspirateur de la vie. On dirait que la justice a d?sert? les foyers; l? aussi l'homme s'incline devant le mal. Certains d?fauts le dominent; l'?go?sme est une arme que sa l?chet? respecte; il n'en aper?oit plus la triste vulgarit?. L'adresse ?galement le gouverne, le s?duit et le bien n'exerce plus intrins?quement aucun prestige sur son ?me. Il y a, ?videmment, des exceptions. Mais pour juger d'une tendance, c'est la g?n?ralit? qu'il faut consid?rer. Or, dans la g?n?ralit? des familles, aucun hommage n'est rendu au bien; la pr?pond?rance appartient presque toujours ? la force ?go?ste. Si l'on descendait aux d?tails, il y aurait ? citer d'innombrables exemples, dans lesquels chacun reconna?trait les erreurs d'?valuation qu'il a commises envers les siens ou dont il a ?t? victime.
L'?go?sme est tellement respect?, caress?, qu'on entend de fort religieuses personnes regretter de ne pas en ?tre suffisamment pourvues. Partout on lui ?l?ve un pi?destal comme ? une source certaine d'avantages et de fortune; il faut, bien entendu, que cet amour immod?r? de soi ne s'exprime pas trop brutalement, qu'on le d?core et qu'on l'enveloppe de pr?textes menteurs... C'est ? quoi excellent les femmes; les hommes, plus maladroits, ont une mani?re crue et d?pouill?e d'artifices de manifester leurs exigences qui froisse le go?t et m?le un peu de r?volte aux concessions qu'on leur fait.
La violence de caract?re r?ussit ?galement ? s'imposer comme une force dans les rapports intimes. C'est une puissance qui m?rite des ?gards. Si une discussion survient, s'il y a un jugement ? porter, une situation ? d?finir, qui sont d'ordinaire les sacrifi?s? A qui les parents, les soeurs, les fr?res donnent-ils tort la plupart du temps? Presque toujours ? ceux qui ont raison. Avoir raison pr?suppose l'existence de qualit?s qui emp?cheront leurs possesseurs de r?agir d?sagr?ablement contre le manque d'?quit? dont ils sont victimes. Cette d?moralisante injustice, qu'on d?core du nom de prudence, a perdu plus d'?mes que les conseils corrupteurs de tous les M?phistoph?l?s pass?s, pr?sents et futurs. ?lev?s d?s l'enfance ? cette ?cole d'immoralit? pratique, qu'y a-t-il d'?tonnant ? ce que nos contemporains aient perdu la notion exacte du bien et du mal? Le docteur Faust, aujourd'hui, n'aurait plus besoin de son ma?tre; ils se suggestionnerait lui-m?me. Le mal a cess? d'?tre la tentation supr?me, le p?ch? fascinant dont parlaient nos p?res et auquel on c?dait par entra?nement ou par folie, c'est une arme de combat dont il faut apprendre ? se servir. On raisonne sur sa justesse et sa port?e, et, lorsqu'elle touche juste, chacun s'?crie: <
Si un pareil ?tat d'esprit devait durer, le bouleversement d'id?es qu'il finirait par amener est incalculable. Les contradictions o? l'on vit aujourd'hui ne peuvent se prolonger sans avoir pour cons?quence fatale la modification des principes moraux, puisque ces principes ne correspondent plus ? la r?alit? des sentiments. Cette modification serait l'?croulement de l'?difice sur lequel la soci?t? chr?tienne est fond?e.
Pour emp?cher ce d?sastre, et avant que les coeurs et les esprits ne s'?garent irr?m?diablement, ceux qui se rattachent encore aux croyances religieuses ou simplement ?thiques devraient se demander o? la route qu'ils suivent va logiquement les conduire. Si l'homme continue ? contredire par sa vie tous les principes qu'il pr?tend accepter, il arrivera de degr? en degr? ? ne plus concevoir comme possible la r?alisation du bien, ce qui ?quivaudrait ? la disparition d?finitive de l'id?al et ? l'?tablissement d'un seul r?gne: celui de la force et de la ruse. Or, quels que puissent ?tre les ?garements de la pens?e moderne, beaucoup de consciences se sentiront troubl?es devant la possibilit? d'un pareil r?sultat. Assez de ressources existent encore dans les ?mes pour qu'elles se r?veillent du long sommeil o? elles se sont attard?es et reprennent ? la face du monde le r?le que le plan divin leur assignait. Le courant d'id?alisme qui se reforme en ce moment aidera leurs efforts. <
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