Read Ebook: Mémoires touchant la vie et les écrits de Marie de Rabutin-Chantal (6/6) by Aubenas Joseph Adolphe
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Ebook has 535 lines and 141873 words, and 11 pages
Note sur la transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont ?t? corrig?es. L'orthographe d'origine a ?t? conserv?e et n'a pas ?t? harmonis?e.
M?MOIRES
SUR MADAME
DE S?VIGN?
TYPOGRAPHIE DE H. FIRMIN DIDOT.--MESNIL .
M?MOIRES
TOUCHANT
LA VIE ET LES ?CRITS
DE MARIE DE RABUTIN-CHANTAL
DAME DE BOURBILLY
MARQUISE DE S?VIGN?
DE 1676 A 1680
SUIVIS
De Notes et d'?claircissements
PAR
M. AUBENAS
CHEVALIER DE LA L?GION D'HONNEUR PROCUREUR G?N?RAL A PONDICH?RY
PARIS
LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FR?RES, FILS ET CIE
IMPRIMEURS DE L'INSTITUT, RUE JACOB, 56
PR?FACE.
M. Monmerqu? ?tait, par ses ?tudes sp?ciales, appel? ? continuer cette oeuvre si bien commenc?e; mais tout occup? d'une nouvelle et grande ?dition des Lettres de Mme de S?vign?, il ne put accepter cette t?che que son ami lui l?guait, et la mort qui vint aussi bient?t le frapper l'aurait laiss? inachev?e.
M. Aubenas, se conformant au plan adopt? par M. Walckenaer, s'est efforc?, tout en s'astreignant ? la plus grande exactitude, ? donner ? ses appr?ciations historiques et litt?raires, ce tour ?l?gant qui rend si attachante la lecture de l'ouvrage de M. Walckenaer.
La continuation de ces M?moires jusqu'? la mort de Mme de S?vign?, en 1694, sera publi?e avec le concours d'un ami de MM. Walckenaer et Monmerqu?, et qui, comme eux, s'est vou? ? l'?tude et au culte de Mme de S?vign?.
A. F. D.
M?MOIRES
TOUCHANT LA VIE ET LES ?CRITS
MARIE DE RABUTIN-CHANTAL,
DAME DE BOURBILLY,
MARQUISE DE S?VIGN?.
CHAPITRE PREMIER.
A son retour des Rochers ? Paris, dans les premiers jours d'avril 1676, madame de S?vign? re?ut un accueil plus affectueux encore que par le pass?, de ses nombreux amis, qui, l'ayant sue gravement malade en Bretagne, avaient craint de la perdre. Malgr? son d?sir de courir aux nouvelles pour les mander ? sa fille, elle se r?signa, sur l'ordonnance des m?decins, ? garder encore la chambre, et elle y resta huit jours < faire l'entendue.>> Pendant ce temps, ce fut chez elle une v?ritable assembl?e. Chacun venait la f?liciter et se f?liciter de sa convalescence. Faisant la part de sa curiosit? bien connue, et par tous comprise et pardonn?e, on la mettait ? l'envi au courant de ce qui s'?tait pass? pendant son absence; on lui redonnait tous ces mille petits riens, alors l'existence de la ville et de la cour, d?tails qui importent ? l'histoire des moeurs et de la soci?t?, et que l'illustre ?pistolaire a recueillis avec un soin de chaque jour pour le charme de la post?rit?, en ne songeant qu'? l'amusement de sa fille. Madame de S?vign? se loue aupr?s de celle-ci de l'empressement et des soins dont elle est l'objet. Mais c'est surtout aux amies de madame de Grignan qu'elle rend meilleure et plus facile justice: <
Sauf cette incommodit? des mains, toutefois, la sant? de madame de S?vign? s'am?liorait de jour en jour. C'est ce qu'elle r?p?te sur tous les tons et par chaque courrier ? sa fille, prenant ? t?che de la convaincre de sa prudence et de sa docilit?. Ces assurances et ces pr?cautions indiquent combien avaient ?t? vives les craintes de madame de Grignan, et combien tendres ?taient ses recommandations. Son malheureux caract?re, si peu ouvert, si d?nu? d'entrain et de spontan?it?, n'?tait rien ? la profonde tendresse qu'elle nourrissait pour sa m?re. Les grands sentiments, les droites affections ?taient en elle. Elle manquait seulement de cette cordialit? toujours pr?te, de cette communication de soi na?ve et franche, qui forment la douceur des rapports sociaux et le charme de la vie de famille, et que madame de S?vign? poss?dait ? un si haut degr?.
Madame de Grignan n'avait point encore vu sa m?re malade ? ne pouvoir ?crire: son effroi et sa douleur, en ne recevant plus de cette ?criture si connue et tant aim?e, furent extr?mes. Elle ?tait grosse de huit mois; on peut croire que cette agitation fut cause de son accouchement pr?matur? d'un enfant qui, malgr? tous les soins, ne v?cut pas. <
Tous les secours de la science d'alors, qu'elle retrouva en revenant ? Paris, ne purent achever la gu?rison de madame de S?vign?, et on lui prescrivit d'aller aux eaux de Bourbon ou de Vichy, qui seules, disait-on, devaient lui redonner l'usage tant souhait? de ses mains. Non-seulement cette maladie ?tait la premi?re, mais elle fut la seule que madame de S?vign? e?t ? subir jusqu'? celle qui termina sa vie; aussi, pendant quelques mois, sa correspondance est, en grande partie, consacr?e ? ce sujet, qui tient tant au coeur de sa fille, et sur lequel elle ne s'?tend que pour lui complaire: comme tout ce qu'elle ?crit, cela est dit avec un agr?ment qu'elle seule peut apporter en une semblable mati?re.
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..... <
Il y a ici un trait qui en annonce d'autres, sur le compte de la m?decine et des m?decins, et que le lecteur doit retenir, car il nous servira ? ?tablir la parfaite ind?pendance d'opinion de madame de S?vign? sur ce sujet d?licat, et qui tient une si grande place dans les moeurs et les conversations du dix-septi?me si?cle.
La grande affaire, lorsque madame de S?vign? rentra ? Paris, celle qui, au commencement de ce printemps de 1676, pr?occupait tout le monde, les m?res, les ?pouses, les filles, les soeurs et les ma?tresses, c'?tait la guerre, cette guerre de la France contre l'Europe, qui durait d?j? depuis huit ans et causait la g?ne excessive, si ce n'est la ruine, de la noblesse, oblig?e de servir enti?rement ? ses frais, et ? tr?s-grands frais. C'?tait un moment solennel. La campagne allait s'ouvrir sous le commandement personnel du roi, qui tenait ? prouver ? ses sujets et ? l'Europe, et voulait, sans s'en douter, se prouver aussi ? lui-m?me qu'il n'avait pas besoin de Turenne, mort l'ann?e pr?c?dente, ni de Cond?, retenu par la goutte ? Chantilly, pour r?sister ? ses adversaires et pour les vaincre.
Tout le monde s'empressait donc pour la campagne de Flandre, o? il s'agissait de soutenir l'honneur de la France et la r?putation du roi. Successivement, madame de S?vign? vit partir le marquis de La Trousse, son cousin, et de plus colonel des gendarmes-Dauphin, o? S?vign?, ? son mortel regret, ?tait toujours cornette ou guidon, <
Amie du h?ros, estim?e de lui, madame de S?vign? avait encore cette plaie toute saignante dans le coeur. L'amiti? de Turenne pour elle, son culte pour lui, sont dans la vie de la femme un grand honneur: les pages donn?es ? cette illustre m?moire par l'?pistolaire ?m?rite du dix-septi?me si?cle sont un des titres les plus s?rieux de l'?crivain. Quel que soit notre d?sir de ne point nous attarder en des digressions inutiles, il nous para?t impossible d?crire l'histoire de madame de S?vign? sans la d?corer de ces quelques pages magistrales qui n'ont pu trouver place dans l'ordonnance des volumes publi?s par M. le baron Walckenaer, et o?, mieux qu'aucun des contemporains de Turenne , cette femme ?loquente a su parler des vertus du h?ros, de l'?motion trop fugitive de la cour, de l'affliction durable de la France. Cela est n?cessaire, au reste, pour l'intelligence de ce qui doit suivre. Il n'y aura ici ? introduire dans le texte ni longues r?flexions, ni commentaire inopportun: il suffira presque de r?unir en un r?cit anim?, saisissant, les divers passages consacr?s par madame de S?vign?, dans le courant de juillet et d'ao?t 1675, ? ce deuil national.
Transportons-nous donc ? neuf mois en arri?re.
Apr?s avoir, avec sa science ordinaire, rendu vaines toutes les entreprises du plus habile g?n?ral de l'Empire, l'Italien Montecuculli, Turenne, ? la t?te d'une arm?e trop r?duite par le mauvais vouloir de Louvois, manoeuvrait pour arriver ? une bataille d?cisive, sur un terrain choisi par lui. On attendait, par chaque courrier, dans Paris, la nouvelle d'une grande victoire; tout le monde la pr?sageait; chacun y comptait, quand tout d'un coup la fatale nouvelle tombe comme la foudre ? Versailles, o? ?tait la cour. Madame de S?vign? pleure d'abord, puis prend la plume, et, pleine du malheur public, en ?crit ? son gendre, ? sa fille, ? Bussy, ne laissant partir aucun courrier, pendant ces deux mois, sans revenir sur ce lamentable sujet; v?ritable page d'histoire o? se d?ploie une ?me ? la fois tendre et virile, et qui vibre ? l'unisson de la douleur nationale.
Mais c'est ? un homme qu'une pareille nouvelle devait ?tre annonc?e. Madame de S?vign?, dans cette grave circonstance, choisit son gendre pour correspondant. Voici la lettre qu'elle lui envoie le m?me jour qu'elle a ?crit ? sa fille, au ch?teau de Grignan, o? le lieutenant-g?n?ral de la Provence se trouvait en ce moment seul avec sa femme:
< < C'est Bossuet, on le sait, qui avait eu l'honneur de la conversion de Turenne. Le Marais. Le prince de Cond? et son fils. Turenne: on pourrait confondre.
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