Read Ebook: Don Gordon's Shooting-Box by Castlemon Harry
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Ebook has 30 lines and 4555 words, and 1 pages
M?MOIRES DU MAR?CHAL MARMONT DUC DE RAGUSE
DE 1792 ? 1841
IMPRIM?S SUR LE MANUSCRIT ORIGINAL DE L'AUTEUR AVEC LE PORTRAIT DU DUC DE REISCHSTADT CELUI DU DUC DE RAGUSE ET QUATRE FAC SIMILE de Charles X, DU DUC D'ANGOUL?ME, DE L'EMPEREUR NICOLAS ET DU DUC DE RAGUSE
TOME HUITI?ME
PARIS PERROTIN, LIBRAIRE-?DITEUR 41, RUE FONTAINE-MOLI?RE, 41
L'?diteur se r?serve tous droits de traduction et de reproduction
M?MOIRES DU MAR?CHAL DUC DE RAGUSE
LIVRE VINGT-TROISI?ME
SOMMAIRE.--Mesures sur la censure et sur les officiers g?n?raux.--Sacre du roi ? Reims.--Anecdote sur Moncey.--Premiers sympt?mes du changement de l'opinion publique.--Influence croissante du clerg?.--Anecdote.--Indemnit? des ?migr?s.--Mort de l'empereur Alexandre.--Circonstances qui accompagn?rent l'arriv?e de Nicolas au tr?ne imp?rial.--Courage et inspiration heureuse de Nicolas.--Paroles de l'imp?ratrice-m?re.--Je suis envoy? ambassadeur extraordinaire en Russie.--La cour de Weimar.--La cour de Berlin.--L'arm?e prussienne.--Charlottenbourg.--Berlin.--Environs de Saint-P?tersbourg.--L'empereur Nicolas.--L'imp?ratrice.--Saint-P?tersbourg et Pierre le Grand.--Inondations de Saint-P?tersbourg.--M. le comte de la Ferronays.--Portrait de l'empereur Nicolas.--Ses id?es sur l'?ducation de ses enfants.--Conspiration de Pestel.--Magnanimit? de l'empereur.--Manufactures d'Alexandrowski.--La Monnaie.--?cole des mines.--Ponts et chauss?es.--?cole du g?nie.--?tat-major.--Comit? de perfectionnement.--H?pitaux militaires.--Arsenal.--?ducation publique.--?cole des cadets.--Couvent des filles.--Palais, ?glises et aspect de Saint P?tersbourg.--Cronstadt.--Promenade dans la rade.--Ch?teau d'Oranienbaum.--Anecdote sur Orloff.--Peterhof.--Zarskoie-Selo.--Colpina.--Schlusselbourg.--Fun?railles de l'imp?ratrice ?lisabeth.--Colonies militaires de Wolcoff.--Novogorod.--Route jusqu'? Moscou.--Moscou. L'imp?ratrice-m?re.--La grande-duchesse H?l?ne.--Arriv?e de l'empereur ? Moscou.--Rapports entre l'empereur et l'imp?ratrice-m?re.--Garde imp?riale.--Manoeuvres sous Moscou.--G?n?raux russes.--Arriv?e inopin?e de Constantin.--Caract?re de ce prince.--Son attitude. --R?conciliation.--Sacre de l'empereur.--C?r?monies touchantes.--Illumination du Kremlin.--F?te ? la bourgeoisie.--D?ner intime chez l'empereur.--Adieux de l'empereur.--Champ de bataille de la Moskova.--Smolensk.--La B?r?zina.--Le grand-duc Constantin ? Varsovie.--Son arm?e.--La princesse de Lovitz.--Retour dans les ?tats autrichiens.--Arm?e russe.--Retour ? Paris.--Ma ruine.--Bont?s du roi.--Je vends Ch?tillon.--M?saventure de Talleyrand.--Inhumation du duc de Liancourt.--Revue de la garde nationale du 27 avril 1827.--Expressions du roi ? cette occasion.--Anecdote.--Dissolution de la garde nationale.--Camp de Saint-Omer.--Anecdote.--Nouvelles ?lections.--M. de Vill?le est renvoy? du minist?re.--Nouvelle administration.--Minist?re Martignac.--Mouvement d'opinion en faveur des Grecs.--Guerre des Russes et des Turcs.--Minist?re Polignac.
Les g?n?raux de l'ancienne arm?e avaient toujours ?t? l'objet de l'int?r?t public. Ils formaient, h?las! les seuls monuments restant de notre grande ?poque! Depuis quelques ann?es, objets d'une esp?ce de r?probation de la cour, il y avait eu autant d'injustice envers eux que d'oubli d'une bonne politique; ils crurent ? une r?paration ? l'apparition du nouveau roi. Ils ne demandaient qu'? le servir. Il les accueillit avec cette bienveillance aimable qui caract?risait toutes ses actions; mais, au lieu de voir leurs esp?rances r?alis?es, leur sort fut encore pire, et une circonstance particuli?re sembla ajouter ? la rigueur des proc?d?s du pouvoir envers eux.
La c?r?monie fut belle et imposante. On en a vu les d?tails partout, et je n'entreprendrai pas de les donner. Elle r?pondit ? l'id?e que je m'en ?tais faite par sa pompe et par sa majest?. Une chose singuli?re est l'aberration de certaines gens qui, en voyant de pareilles c?r?monies, n'en comprennent pas l'esprit et ne savent pas se rendre compte de la pens?e qui pr?side au spectacle qui se passe sous leurs yeux. Je vais en citer un exemple donn? par un personnage qui semblait, par sa position sociale, devoir ne pas manquer d'intelligence. Le mar?chal Moncey fut choisi, comme doyen des mar?chaux, pour repr?senter le conn?table au sacre. Sa fonction est de se tenir pr?s du roi, avec l'?p?e nue, image de la puissance militaire dont le roi est assist? et qui d?pend de lui. Eh bien, ce pauvre mar?chal, ancien premier inspecteur de la gendarmerie, p?n?tr? sans doute de la pens?e que rien n'?tait plus beau que cette derni?re esp?ce de fonctions, eut une tout autre id?e. Il me dit: <
Le lendemain du jour du sacre, le roi fut re?u grand ma?tre de l'ordre du Saint-Esprit, c?r?monie d'une grande beaut?. Nous f?mes ensuite re?us chevaliers. Le troisi?me jour, le roi passa la revue de troupes peu nombreuses, rassembl?es dans un camp ? quelque distance, il accorda diverses r?compenses, et nous obt?nmes enfin qu'il les donnerait de sa main, chose ? laquelle il avait r?pugn? jusque-l?, et qu'il n'a pas r?p?t?e depuis, moyen bien simple cependant d'en doubler le prix. Il tint chapitre du Saint-Esprit, et une promotion eut lieu. Elle comprit les mar?chaux qui n'?taient pas d?cor?s de cet ordre, ? l'exception de deux, le mar?chal Gouvion-Saint-Cyr et le mar?chal Molitor.
Le retour du roi ? Paris et son entr?e n'eurent pas ? beaucoup pr?s le m?me ?clat que celle de l'ann?e pr?c?dente. L'opinion changeait d?j? d'une mani?re f?cheuse. Cependant jamais plus de libert? n'avait prot?g? les citoyens. Le commerce florissait; les manufactures avaient doubl? leurs produits, et la consommation, r?sultat du bien-?tre g?n?ral, s'?tait ?lev?e ? leur hauteur. Les terrains, ? Paris et dans les grandes villes, avaient acquis un prix si ?lev?, que de grandes fortunes furent la cons?quence de la possession de quelques arpents de terre. On construisit en un moment plus de sept mille maisons ? Paris, non pas destin?es ? une population nouvelle, mais ? pourvoir aux besoins nouveaux, produits par une augmentation de bien-?tre et de richesses g?n?rale. Malgr? cet ?tat prosp?re dont la post?rit? ne pourra jamais se figurer l'?tendue, prosp?rit? qui avait pour base le gouvernement le plus l?gal, l'administration la plus r?guli?re, une grande abondance de capitaux, le bas prix de l'argent, enfin un mouvement, une activit? ?clair?e par les lumi?res Universellement r?pandues et les exemples d'un pays voisin, malgr?, dis-je, tant de biens r?unis et de motifs d'?tre heureux, une inqui?tude sourde agissait sur les esprits. Une crainte de l'avenir, une absence de s?curit?, que rien ne motivait suffisamment, ?tait une v?ritable maladie morale qui affligeait la soci?t?.
Il faut le dire, l'action intrigante du clerg? fran?ais se faisait sentir partout. Or, si la nation fran?aise est religieuse et dispos?e ? rendre aux pr?tres tout ce qu'on leur doit dans les int?r?ts de la morale et de la religion, les pr?tres lui deviennent antipathiques aussit?t qu'ils se m?lent des affaires du monde; et cependant, chez nous, c'est leur manie. On les trouvait, dans la campagne, intol?rants et insubordonn?s envers leurs sup?rieurs, et, ? la cour, saisissant toutes les occasions d'intervenir dans les plus hautes questions politiques. Quels que fussent les ?carts de leur conduite, ils ?taient toujours assur?s de l'impunit?. Un mandement de l'archev?que de Rouen, grand aum?nier, le cardinal de Cro?, brave homme, mais instrument passif des intrigants dont il ?tait entour?, mit tout en ?moi. Dans cette extravagante publication, il s'emparait de l'ordre civil et bouleversait toutes les lois qui r?gissent le royaume. Il n'en r?sulta cependant rien de f?cheux pour lui. Le prince de Metternich, alors ? Paris, me dit ? cette occasion ces propres paroles: < Vienne, le grand aum?nier, pour un fait semblable, aurait perdu sa charge et aurait ?t? rel?gu? dans un s?minaire.>> Mais le cardinal de Cro? n'eut pas m?me une expression de m?contentement de la part du roi.
Cette action du clerg?, si funeste, se faisait sentir partout et jusque dans l'arm?e. Les aum?niers des corps avaient re?u un rang trop ?lev?, qui humiliait les officiers. Ils faisaient des rapports r?guliers au grand aum?nier. Ils envoyaient des notes sur la conduite des officiers, et c'?tait souvent d'apr?s ces notes que le ministre de la guerre faisait les nominations. Plus d'une fois le travail du grand aum?nier l'a emport? sur celui des inspecteurs. On se demande dans quel pays un syst?me semblable aurait pu r?ussir.
L'immense prosp?rit? du pays, le bon ?tat de ses finances, permirent au roi d'entreprendre l'ex?cution d'un grand acte de justice et de proposer la loi sur l'indemnit? aux ?migr?s. Malgr? les efforts du parti r?volutionnaire pour la discr?diter, elle ?tait populaire, tant il est naturel aux hommes d'aimer la justice quand leurs passions et leurs int?r?ts ne s'y opposent pas. Ind?pendamment d'un grand acte d'?quit? consacr?, cette loi ?tait politique; car c'est en r?parant les d?sastres et cicatrisant les plaies qu'on ferme le gouffre des r?volutions. Elle ?tait encore une loi de finance et d'administration, puisqu'elle rendait ? une classe de propri?t?s une valeur dont l'opinion l'avait priv?e. C'?tait enfin une disposition sage, humaine et louable de toute mani?re. M. de Vill?le l'ex?cuta avec un grand succ?s. Ce genre d'ouvrage ?tait particuli?rement propre ? la nature de son talent. Financier profond, administrateur habile, il sut aussi bien concevoir son plan que le d?fendre et l'ex?cuter, et il re?ut une approbation universelle. Chose remarquable! ceux qui ont le plus profit? de son syst?me et dont la fortune a ?t? r?par?e par ses soins ont le plus contribu? ? sa chute, et en r?alit? l'ont renvers?.
L'ann?e 1825 ?tait presque ?coul?e, lorsqu'on apprit la nouvelle de la mort de l'empereur Alexandre, immense ?v?nement, vu la mani?re dont l'Europe ?tait accoutum?e ? plier sous ses volont?s. Il se servait de la magie d'une puissance morale, fond?e sur ses nombreuses arm?es, toujours pr?tes ? entrer en campagne, organis?es en divisions, corps d'arm?e, et munies de toutes choses comme si elles devaient combattre le lendemain; du prestige qui accompagne n?cessairement des ?tats si ?tendus et compos?s de la septi?me partie de la surface des continents du globe, ?tats invuln?rables, ou au moins indestructibles, ? cause de leur position. Menacer souvent, frapper rarement, mais ? coup s?r, d'une mani?re qui fasse impression et laisse des souvenirs, voil? la politique qui convient ? la Russie et que l'empereur Alexandre a suivie pendant les derni?res ann?es de son r?gne. Pendant les dix ans qu'Alexandre a v?cu depuis la seconde Restauration, il a gouvern? le monde et fix? les destin?es de tous les peuples de l'Europe, sans engager un seul homme et par la seule puissance de son nom.
L'?tat dans lequel il laissait la Russie, l'incertitude de la succession, ajoutaient ? l'importance du moment. Le testament d'Alexandre donnait la couronne ? Nicolas, le second de ses fr?res. Les droits ?tablis par la pragmatique de Paul investissaient au contraire Constantin de cet immense h?ritage. Nicolas refusa d'abord. Il s'en tint ? la loi la plus ancienne et la plus reconnue. Il fit m?me pr?ter serment ? Constantin, qui r?sidait ? Varsovie. Constantin se souvint des promesses qu'il avait faites ? Alexandre, de la haine que les ?carts de sa jeunesse avaient fait na?tre dans beaucoup d'esprits, et il refusa. Dans ce combat de loyaut? et de d?sint?ressement entre les deux fr?res, combat sans exemple dans l'histoire, Nicolas fut vaincu; il fut oblig? de se charger du fardeau. Les circonstances de son arriv?e au tr?ne sont si remarquables et si dramatiques, qu'elles m?ritent d'?tre racont?es en d?tail. Nicolas, si jeune et si ?tranger jusque-l? aux affaires, d?ploya sur-le-champ le plus grand caract?re et cette puissance morale, ce courage dont l'?me et le for int?rieur sont les principaux ?l?ments.
Le s?jour des troupes russes en France avait port? ses fruits. Des id?es de r?formes, de changements ? op?rer en Russie, remplissaient les t?tes d'un grand nombre d'officiers. L'empereur Alexandre, dont la vie se composa de diverses phases sous le rapport politique, fut d'abord, pendant un certain nombre d'ann?es, ennemi acharn? de Napol?on, puis, pendant une autre ?poque, son admirateur passionn?. Ensuite il devint lib?ral fanatique. Enfin, plus tard, il se livra ? la mysticit?, et revint aux id?es de pouvoir absolu et de gouvernement despotique. Quand il ?tait dans la phase lib?rale, il avait encourag? toutes les id?es nouvelles et favoris? leur d?veloppement. Aussi divers projets d'am?lioration lui furent-ils soumis. Son changement d?concerta ses anciens amis, et ils s'occup?rent ? s'affranchir par eux-m?mes. Une conspiration, dont les ramifications ?taient fort ?tendues, fut ourdie. Elle avait pris naissance dans la garde et avait p?n?tr? dans presque tous les corps de l'arm?e; mais, quand les projets furent connus, on put voir quelles t?tes folles les avaient con?us. Les id?es les plus extravagantes, les plus inex?cutables, accompagn?es des mesures les plus atroces, avaient ?t? adopt?es.
Ce courage d'un ordre sup?rieur sauva Nicolas. S'il e?t montr? la plus l?g?re crainte, plac? ainsi au milieu des r?volt?s, il e?t ?t? perdu. Un moment plus tard, un autre r?giment para?t: c'est celui d'Ismailowsky, dont Nicolas, comme grand-duc, a ?t? propri?taire. L'empereur s'avance vers lui, et, trouvant les soldats mornes et silencieux, il leur dit: <
Mais les heures s'?coulent, et, du c?t? du palais, les troupes fid?les se rassemblent, tandis que les r?volt?s et les factieux se r?unissent sur la place du S?nat. Ainsi ils sont en vue les uns des autres, et une assez courte distance les s?pare. Le chef de l'entreprise, le prince Trubezko?, manque de coeur et ne para?t pas ? la t?te des m?contents. Ceux-ci, sans direction, n'entreprennent rien. Nicolas leur envoie des officiers pour les rappeler ? leur devoir, mais ces officiers sont du nombre des conspirateurs. Au lieu de remplir la mission qu'il leur a donn?e, ils exhortent les r?volt?s ? pers?v?rer, tandis qu'au retour ils annoncent ? l'empereur une prochaine soumission. Le but de ces officiers tra?tres ?tait de gagner du temps, d'emp?cher Nicolas d'employer des mesures de rigueur, et d'arriver ainsi, sans combat, ? la fin du jour. Alors, avec les ?ternelles nuits de Saint-P?tersbourg dans cette saison, ils avaient de la marge devant eux pour se concerter et donner plus d'ensemble et d'?nergie ? la r?volte.
Apr?s des pourparlers inutiles pendant plusieurs heures, l'empereur, sentant les dangers d'un plus long d?lai, se d?cide ? agir. Une batterie de six pi?ces de canon est avanc?e et plac?e ? une demi-port?e de mitraille des r?volt?s. Ceux-ci, sans chef, attendent stupidement le feu qui va commencer; ils ne font ni un mouvement en avant ni un mouvement en arri?re. Trois salves en tuent bon nombre et dispersent le reste, qui fuit dans la direction du quai Anglais. La cavalerie est lanc?e ? leur poursuite pour achever de les d?truire ou pour les faire prisonniers.
Nicolas, jeune encore, tout nouveau au pouvoir, et dans une circonstance si grave, qui pr?sentait ? l'esprit des cons?quences si confuses et si mena?antes, se trouva tout ? coup ? la hauteur de sa destin?e. Il montra une grande force d'?me, une grande mod?ration et sut se r?soudre ? employer les moyens de rigueur n?cessaires et ? r?pandre le sang au moment o? une fausse piti? aurait entra?n? apr?s elle de grands malheurs. Le m?lange de ses diverses qualit?s mises en action lui a conserv? le tr?ne et a pr?serv? la Russie de l'anarchie et d'une horrible r?volution. L'imp?ratrice-m?re, femme d'un grand caract?re, et qui avait pr?sid? ? l'?ducation de Nicolas, dit, le soir de ce jour c?l?bre, ces paroles m?morables: <
L'av?nement de Nicolas au tr?ne de Russie motiva l'envoi, de la part de toutes les puissances, de personnes charg?es de le complimenter. Plus tard, il n?cessita la nomination d'ambassadeurs extraordinaires pour assister ? son couronnement. Diverses personnes furent d?sign?es pour la France. Il fallait, de toute n?cessit?, un militaire dont le nom f?t connu et qui rappel?t notre grande ?poque. En Russie, tout a le caract?re militaire; tout se r?sout, f?tes, c?r?monies, etc., etc., en parades et en exercices militaires. Un ambassadeur de l'ordre civil serait ?tranger ? tout. Il aurait moins de moyens qu'un autre de voir l'empereur, de l'approcher et d'entrer dans une sorte d'intimit? avec lui. Il fallait, en outre, un homme du monde, ayant le go?t et l'habitude de la soci?t?. Le roi pensa que je remplissais la double condition, et je fus choisi. J'en ?prouvai une grande satisfaction. Cette mission me remettait en ?vidence apr?s tant d'ann?es d'obscurit?; elle me donnait l'occasion de voir un pays que je ne connaissais pas, de contempler de pr?s et d'?tudier cette puissance russe qu'un si?cle a rendue si redoutable, et qui, chaque jour, acquiert plus de force et exerce plus d'action sur les destin?es de l'Europe; enfin de voir le commencement d'un r?gne o? le souverain, si jeune encore et si nouveau aux affaires, avait d?velopp? un si grand caract?re et montr? un si grand courage. Cette mission ?tait un agr?able ?pisode dans ma vie. Elle m'a fait passer cinq mois d'une mani?re brillante; elle m'a laiss? d'agr?ables souvenirs, mais elle a eu une influence f?cheuse sur mes affaires de fortune; car mes entreprises si vastes, priv?es de ma surveillance pendant un si long temps, ont d'abord p?riclit? et sont tomb?es ensuite dans un d?sordre qui a entra?n? ma ruine.
Ce fut ? la fin de f?vrier 1826 que le roi se d?cida ? me nommer ambassadeur extraordinaire en Russie. Je fis mes pr?paratifs pour le repr?senter dignement. Des fonds consid?rables furent mis ? ma disposition. Tout ce qu'il y avait de distingu?, parmi la jeunesse de Paris, sollicita la faveur de m'accompagner. Quinze gentilshommes d'ambassade me furent donn?s, et parmi eux il y avait trois officiers g?n?raux. Jamais ambassade ne fut organis?e avec plus de choix et m?me plus d'?clat. Tout ?tant dispos? pour cette brillante mission, je me mis en route. Je quittai Paris, le 19 avril, pour me rendre d'abord ? Berlin et ensuite ? P?tersbourg.
Je rencontrai, le 22, sur la grande route le duc de Wellington, revenant de Saint-P?tersbourg. Nous nous arr?t?mes et nous caus?mes quelques moments. Ces esp?ces de liaisons, form?es entre g?n?raux qui ont combattu les uns contre les autres, sont dignes de remarque et d'un int?r?t particulier; car l'estime r?ciproque, r?sultant du souvenir des actions pass?es, en fait la base, et ? ce titre j'ai d? ?tre flatt? des sentiments que le duc de Wellington n'a jamais n?glig? l'occasion de me t?moigner.
J'arrivai, le 25 avril, de bonne heure ? Weimar. Je fus ? la cour o? je passai la soir?e, et vis le grand-duc et toute sa famille.
Cette petite cour, renomm?e par sa politesse, ne manque pas de magnificence. Son ?tiquette ne trahit nullement l'intention de jouer le grand souverain; bon calcul de la part de ces princes secondaires que d'en agir ainsi. Quand il en est autrement, il en r?sulte souvent beaucoup de ridicule. Lorsque, au contraire, leur existence simple les rend accessibles ? tous leurs sujets et les ?loigne d'une repr?sentation pr?tentieuse, ils ont ? la fois tous les avantages de leur situation ?lev?e et tous les charmes de la vie priv?e. Cette mani?re d'exister convient d'autant plus ? la cour de Weimar, que, remplie de gens de m?rite, l'amour des lettres, des sciences et des arts y est r?pandu g?n?ralement. Le grand-duc avait appel? pr?s de lui beaucoup de gens distingu?s, et entre autres le c?l?bre Goethe, qui y a pass? une grande partie de sa vie. La grande-duchesse ?tait une femme d'un m?rite reconnu et d'une grande autorit?. Elle sauva, par sa conduite prudente et courageuse, ses ?tats apr?s I?na. Elle ne s'effaroucha pas des d?sordres de la guerre. Elle attendit chez elle Napol?on, dont elle fit la conqu?te par son esprit et par sa raison. Je fis ma cour ? la grande-duchesse Marie, ?pouse du prince h?r?ditaire et soeur de l'empereur de Russie. Elle me toucha profond?ment par la douleur dont elle ?tait p?n?tr?e par la mort de l'empereur Alexandre. Au nombre de ses enfants se trouvaient alors deux princesses charmantes, d'une rare beaut? et pleines d'attraits. Elles ont toutes les deux ?pous? deux princes de Prusse, gens tr?s-aimables et tr?s-distingu?s, les princes Charles et Guillaume.
Je retrouvai ? la cour de Weimar le mar?chal bavarois prince de Wrede, qui revenait d'une mission ? P?tersbourg. Compagnon de nos travaux, je l'avais connu pondant nos campagnes, et je renouvelai connaissance avec lui. Sa vue me fit faire cette r?flexion, que les arm?es des puissances du second ordre ont le singulier privil?ge d'?tre toujours victorieuses. Elles entrent n?cessairement dans un syst?me politique, et s'attachent ? une grande puissance. Tant que la fortune couronne les efforts de celle-ci, elles restent dans la m?me alliance; mais, d?s que la chance tourne, elles l'abandonnent pour en contracter une contraire, de mani?re que le vaincu voit, apr?s des revers, ses forces diminu?es et celles de son adversaire augment?es, ce qui assure ? la nouvelle alliance une s?rie de victoires. Aussi les g?n?raux qui les commandent ont-ils des souvenirs communs avec tous les chefs des arm?es de l'Europe. De Wrede se trouvait ?tre mon camarade d'Austerlitz, de Wagram, etc.; et, s'il se f?t trouv? dans le m?me salon que Bl?cher, Schwarzenberg ou Sacken, il aurait pu s'entretenir et se f?liciter avec eux des combats livr?s en commun en 1813 et 1814.
Je partis, le lendemain, pour continuer ma route, et, le 25, j'arrivai ? Berlin. Je fus sur-le-champ pr?sent? au roi et ? la famille royale. Je restai huit jours dans cette r?sidence pour voir tout ce que ce pays pr?sente de curieux ou de remarquable. Berlin donne comme un avant-go?t de P?tersbourg et de la Russie. Tout y a le caract?re et la physionomie militaire; mais l'ordre y r?gne plus qu'e
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