Read Ebook: Bouquiniana: notes et notules d'un bibliologue by Gausseron Bernard Henri
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Ebook has 275 lines and 21247 words, and 6 pages
BOUQUINIANA
Il a ?t? tir? de cet ouvrage
Droits r?serv?s pour tous pays y compris la Su?de, la Norv?ge et le Danemark
BOUQUINIANA
PAR
B.-H. GAUSSERON
PARIS H. DARAGON, LIBRAIRE 10, Rue Notre-Dame-de-Lorette, 10
AVANT-PROPOS
Lorsqu'on aime un objet, tout ce qui s'y rapporte, tout ce qu'on en raconte, en bien ou en mal, touche vivement l'?tre ?pris, a un ?cho joyeux ou douloureux, sympathique ou indign?, dans son coeur. C'est ? ceux qui, comme moi aiment le livre que ces pages s'adressent. Tous les amants du livre sont curieux des opinions et des impressions de ceux qui l'ont aim? avant eux; non pas seulement des ?loges et des enthousiasmes, mais encore et davantage peut-?tre des reproches et des mal?dictions des malavis?s qui, lui demandant plus ou autre chose que ce qu'il peut donner, ont fait, sous le coup de leur d?ception, profession de le ha?r, sans vouloir convenir que la haine n'est au fond, en ce cas comme en tant d'autres, que de l'amour bless?.
Quoi qu'il en soit, le livre est, pour tous ceux qui lisent, un personnage ubiquiste, hermaphrodite, omniscient, toujours jeune et toujours vieux, dont la fonction est de parler et de faire parler,--voire penser,--et qui ?met et inspire souvent des dits, appuy?s ou non de gestes, mais qui sont bons ? recueillir et ? r?p?ter. J'en ai glan? bon nombre, au hasard de la rencontre et du caprice, et j'en ai fait une gerbe que j'offre ? mes fr?res en bibliophilie, n'y ayant fourni qu'un lien assez l?che pour que chacun d'eux y puisse ajouter sa moisson.
B.-H. G.
BOUQUINIANA
, <
C'est ce que pensait La Fontaine, lorsqu'il disait de son ton bonhomme:
Les longs ouvrages me font peur.
C'?tait l'avis de Tom Brown; du moins est-ce ainsi qu'on peut comprendre sa boutade: <
Le m?me humoriste fait cette remarque ? double d?tente:
<
Voici une s?rie de pens?es d?tach?es d'?crivains anglais, toutes en l'honneur des livres:
Or, comme le remarque fort justement le grand savant philologue E. Littr?, <
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Le professeur Rogers avait donn? d'avance le commentaire de cette laconique et h?ro?que formule. <
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Un ?crivain espagnol, Alonzo d'Aragon, donne ? la m?me pens?e une allure plus famili?re et un v?tement plus pittoresque: <
Le grand Bacon ?tait de cet avis, et il en donne la raison en l'enveloppant d'une belle m?taphore biblique: <
Le m?me William Temple disait encore: <
D'autres consid?rent que l'h?ritage intellectuel allant s'accroissant, il y a des chances pour que les ouvrages r?cents soient, sinon mieux faits, du moins mieux inform?s et plus directement utiles que les anciens. C'est pour eux que parlait le P?re Bouhours: <
Le sentiment que les livres inspirent ? beaucoup est si v?ritablement de l'amour qu'on les compare ? chaque instant aux femmes; et ce qui pla?t dans celles-ci est justement ce qu'on recherche dans ceux-l?. <
Pr?f?rez-vous--comme c'est votre droit--les riches toilettes, l'appr?t et l'apparat, retournez la proposition et l'interversion des termes n'en alt?rera pas la v?rit?.
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Pour les curieux, <
Un livre qu'on soutient est un livre qui tombe.
Vers tellement vrai qu'il suffit que le bourreau br?le un livre, que la Congr?gation le mette ? l'index, qu'un tribunal le condamne avec son auteur, que l'autorit? cherche ? l'abattre, en un mot, pour qu'il devienne populaire et soit immortel.
Pourquoi cela me rappelle-t-il le mot de Carlyle: <
Ils ont pourtant leur utilit?, ces contrefa?ons de bibliophiles, ne serait-ce que d'avoir fourni une image ? Chamfort: <
Le po?te anglais Pope adresse sa critique plus haut, mais elle frappe moins juste, lorsqu'il dit: <
Il me semble que les collectionneurs de m?dailles, de pierres grav?es, d'armes, d'estampes et de tableaux, sans parler des autres, ne se servent pas plus de leurs oeuvres d'art et de leurs reliques historiques qu'un bibliophile de ses incunables et des exemplaires uniques qu'il a d?pens? tant de temps, de peine et d'argent ? r?unir, c'est-?-dire, le plus souvent, ? sauver. Laissant de c?t? le plaisir fonci?rement humain de poss?der de belles choses, des choses curieuses, des choses rares et ch?res, est-il donc inutile de travailler ? assurer la conservation des productions, remarquables ? un point de vue quelconque, de l'activit? humaine dans tous les ordres de ses manifestations, et, plus qu'ailleurs encore, dans le domaine de l'art typographique, dont un autre Anglais, William Chapman, a pu dire en toute v?rit?: <
Victor Hugo a moul? une pens?e analogue en un de ces vers d'une plasticit? puissante dont il ?tait coutumier:
L'univers--c'est un livre et des yeux qui le lisent.
Le r?le du livre dans la politique est ?norme et de tous les instants. Une anecdote rapport?e par Chamfort nous le montre pourtant sous un jour inattendu. <
Le m?me Chamfort, pessimiste avant la lettre, comme la plupart des moralistes qui ne rel?vent ni de Montaigne ni de Rabelais, a ?crit cette phrase, que je recommande aux procureurs en qu?te d'arguments pour faire condamner un ouvrage imprim?, comme immoral ou subversif. <
Je ne sais quelle pouvait ?tre au juste sur ce point l'opinion des deux personnages mis en jeu dans l'anecdote suivante, dont j'ai oubli? la source, mais o? l'on trouvera, je n'en doute pas, tous les caract?res de l'authenticit?.
Une dame dont le mari ?tait toujours absorb? dans les livres, lui dit un jour avec une amabilit? relev?e d'une pointe de d?pit: < Diff?rents livres int?ressent diff?rentes personnes, et tout en aimant le livre en g?n?ral, le bibliophile n'en a pas moins d'ordinaire ses pr?f?rences passionn?es, capables de se changer en un exclusivisme ombrageux. Qui distinguera les bons livres d'avec les mauvais, ceux qu'il faut garder avec amour de ceux qu'il faut laisser chercher leurs destins dans le grand cloaque de la salle des ventes ou du bouquinisme en plein vent? Chacun r?sout la question ? son point de vue et offre lib?ralement au go?t des autres de s'imposer les r?gles que le sien a choisies. D'ailleurs, il ne s'agit pas tant de lire tout que de lire bien: < Qu'ils les lisent tous ou qu'ils n'en lisent que quelques-uns, qu'ils les d?vorent sans d?semparer avant de les placer sur leurs rayons, ou qu'ils les savourent ? petites doses dans un commerce amical, souvent interrompu et toujours repris, ceux qui aiment < LE BIBLIOPHILE L'amant peut raffoler de sa belle aux joues vermeilles, le marin peut chanter la mer et les buveurs parler des charmes de la bouteille: les livres ont plus de beaut? pour moi.
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