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Read Ebook: Mémoires de Céleste Mogador Volume 2 by Chabrillan C Leste V Nard De Comtesse

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Ebook has 2189 lines and 62228 words, and 44 pages

La pauvre fille ?tait si p?le que ?a me fendit le coeur.

--Habillez-vous, dit un de ces hommes, pendant que les autres visitaient les meubles, prenaient les papiers; habillez-vous donc, vous allez nous suivre.

--Vous suivre! dit Lise; o? donc?

--Parbleu! pas ? Mabille, dit l'homme, mais ? la Pr?fecture.

--A la Pr?fecture! moi! Mais qu'ai-je donc fait?

--Ah! si vous n'aviez que dans?, vous n'auriez fait de tort qu'? vos jambes.

--Mais, monsieur, je n'ai fait de tort ? personne.

--C'est ce que le juge d'instruction verra; en attendant, d?p?chons.

--Un juge d'instruction! vous m'arr?tez donc comme une voleuse?

--Ou complice, dit l'homme; c'est la m?me chose.

--Moi! cria-t-elle en enfon?ant ses deux mains dans ses cheveux en d?sordre; et vous avez pu croire que vous m'emm?neriez vivante?

Elle s'?lan?a dans la seconde pi?ce, o? sans doute elle voulait prendre un couteau; mais on s'empara d'elle avant qu'elle n'e?t ouvert un meuble.

--Voyez-vous, mademoiselle C?leste, cette sc?ne me fit un mal affreux. Ses cheveux ?taient ?pars; elle ?tait presque nue, car elle avait cess? de s'habiller. On la tenait le plus doucement possible. Elle se jetait ? terre, frappait sa t?te; je la crus folle! Voyant son d?sespoir, ils commenc?rent ? la traiter plus doucement.

--Allons, mon enfant, ne vous mettez pas dans cet ?tat; on ne vous fera peut-?tre rien. Si vous n'?tes pas coupable, vous sortirez de suite. Allons, allons, pas de bruit; personne ne le saura. Vous vivez malheureusement avec des gens que vous ne connaissez pas assez, qui peuvent vous tromper sur leurs ressources, sur leurs moyens d'existence.

Et les trois hommes l'enlev?rent de terre pour la placer dans un fauteuil.

Elle avait les yeux fixes et paraissait ne pas entendre. Elle se leva, comme si elle avait pris une r?solution, puis elle s'habilla, silencieuse, l'oeil sec. On ne perdait pas un de ses mouvements. Elle me demanda si monsieur ?tait venu.

--Non, lui dis-je, je ne l'ai pas vu.

--Tout m'abandonne! Allons, je suis pr?te. Ah! mis?rable que je suis! voil? o? cette vie devait me conduire! Je voudrais que toutes celles qui marchent sur mes traces pussent me voir en ce moment.

On avait fait avancer un fiacre. Ces messieurs lui prirent chacun un bras et se plac?rent pr?s d'elle dans la voiture. Je la vis jeter sa t?te en arri?re; la voiture partit.

La brave femme n'en savait pas davantage. Les informations qu'elle pouvait me donner s'arr?taient l?.

Je n'en revenais pas de ce que j'apprenais; je n'eus pas, du reste, un instant de doute sur l'innocence de Lise: je la savais incapable d'un acte d'improbit?.

Je fis quelques d?marches pour avoir de ses nouvelles; mais je dus ?tre prudente, car j'?tais moi-m?me sous une surveillance qui me d?sesp?rait, et mon intervention dans une affaire de cette nature aurait pu me co?ter bien cher. Lise ?tait au secret, rien ne pouvait lui parvenir.

Je fus vingt fois chez elle.

Je ne pouvais me remettre du coup que son arrestation m'avait port?; c'?tait la semaine aux mauvaises nouvelles.

Au moment o? j'?tais le plus triste, j'appris un nouveau malheur, qui m'impressionna d'autant plus vivement qu'il me faisait faire sur ma propre situation un cruel retour.

J'avais eu occasion de voir, chez Adolphe, un jeune homme qui avait une ma?tresse charmante. Elle s'appelait Ang?line; sa figure ?tait fine, spirituelle au possible. Elle avait ?t? inscrite tr?s-jeune; elle avait compris dans quelle affreuse position elle s'?tait mise. Aussi, sans ?tre devenue une vertu bien farouche, vivait-elle tr?s-modestement avec son amant, qui ignorait sa position.

Je rencontrai ce jeune homme, un jour que je venais de faire chez Lise une nouvelle d?marche qui ne m'avait pas plus servi que mes premi?res tentatives pour avoir de ses nouvelles.

--Ah! ma ch?re C?leste, me dit-il en m'arr?tant par le bras, vous me voyez d?sol?. Nous avons fait une partie de bal masqu?, il y a trois jours; nous ?tions une douzaine: nous avions fait un bon souper avant d'entrer ? l'Op?ra. Ang?line avait un costume charmant. Vous savez comme elle danse bien; on la regardait, on l'excitait ? faire plus. Elle s'est un peu trop ?mancip?e; un sergent de ville lui dit qu'il allait la mettre dehors. Je descendais du foyer en ce moment. Mon ami, avec qui elle dansait, r?pondit: ce fut une querelle, on les emmena au poste. Nous ?tions gris; nous avons voulu employer la violence; on garda la pauvre fille. Quand elle eut repris son sang-froid, on lui dit qu'elle allait ?tre conduite ? la Pr?fecture de police. Elle ne se plaignit pas; elle demanda seulement la permission de monter chez elle, disant qu'elle ne pouvait se pr?senter en d?bardeur chez un magistrat. On l'accompagna en fiacre. Elle pria les agents d'attendre cinq minutes, afin qu'elle e?t le temps d'?crire un mot ? sa m?re et ? moi. Ces messieurs s'impatientaient, ils frapp?rent. <> dit-elle. En ouvrant la porte, ils la virent dispara?tre par la fen?tre, puis ils entendirent un corps tomber sur le pav?. Ils trouv?rent deux lettres; on me remit celle-ci. Et il la lut en pleurant:

<>

--Et elle s'est tu?e! dis-je, ?mue jusqu'au coer.

--Non; elle s'est cass? les deux jambes; elle sera estropi?e toute sa vie. Mais j'en aurai soin; je ne la quitterai jamais.

J'avais envie de l'embrasser; je lui donnai une bonne poign?e de main en lui disant:

--Vous ?tes un brave gar?on, embrassez-la pour moi.

Il me quitta. Je regardais autour de moi tout effray?e, car j'?tais dans la m?me position qu'elle.

Je trouvais Ang?line heureuse, plus heureuse que moi. Apr?s un pareil malheur, il ?tait impossible qu'elle n'obt?nt pas d'?tre ray?e, tandis que moi, je n'avais pas l'esp?rance d'atteindre de bien longtemps ce but de tous mes d?sirs, car ma maudite c?l?brit? devait redoubler les obstacles.

Je n'avais pu me r?signer ? retourner ? la Pr?fecture, avec ces femmes qui sont tenues de s'y pr?senter toutes les quinzaines, sous peine d'?tre punies.

J'?tais en contravention: on aurait eu le droit de m'arr?ter partout o? l'on m'aurait trouv?e. J'?tais dans cette position de ne marcher qu'en tremblant. Je ne passais jamais sur les boulevards; le quartier Montmartre ?tant rempli de femmes, la surveillance y ?tait plus active qu'ailleurs.

Chaque fois qu'un homme me regardait, je croyais voir un inspecteur; je courais de toutes mes forces, mon coeur battait. Cette vie, toujours domin?e par le sentiment de la peur, ?tait atroce; je n'osais sortir ? pied la nuit.

Un soir, on me vola ma montre. J'y tenais beaucoup; du jour o? je l'avais eue, je me croyais en possession des richesses du P?rou: eh bien! dans la crainte d'?tre oblig?e de dire mon nom, je n'osai faire ma d?claration.

En entrant ? Beaumarchais, je m'?tais crue sauv?e. Je m'imaginais que j'allais avoir un ?tat, gagner de l'argent: c'?tait encore une illusion.

On m'avait re?ue ? bras ouverts; on me faisait jouer et danser tous les soirs, mais... on ne me donnait pas d'appointements.

Je demandai si cela irait ainsi longtemps? On me r?pondit que non, que le th??tre allait fermer.

Ce fut pour moi comme un v?ritable coup de foudre. La mis?re, ? laquelle je me flattais d'avoir ?chapp?, allait revenir, plus mena?ante, frapper ? ma porte.

Un hasard me tira de ce mauvais pas.

Un jour o? je me sentais encore plus triste qu'? l'ordinaire, le d?soeuvrement conduisit mes pas chez une marchande ? la toilette de ma connaissance, qui demeurait faubourg du Temple, no 16.

Le malheur rend communicatif; je lui racontai mes peines.

Il y avait chez elle un homme ?g?, les cheveux gris, l'oeil enfonc?, le nez courb?, des lunettes d'argent, des diamants plein les doigts, grand, maigre, mais bien droit et l'air vigoureux. C'?tait le propri?taire de la maison.

Ce monsieur paraissait m'?couter avec int?r?t, et me regardait surtout avec une attention dont je me demandais la cause, sans la deviner.

--Je crois, mademoiselle, me dit-il, apr?s m'avoir bien consid?r?e, que je suis ? m?me de vous offrir un emploi plus avantageux que celui que vous allez perdre ? Beaumarchais; je cherche des ?cuy?res pour l'Hippodrome. Il nous faut des femmes jeunes et ?l?gantes.

--Oh! me dit Mme Alphonse, voil? votre affaire. Vous avez de l'adresse et du courage, vous apprendrez bien vite ? monter ? cheval. On va ouvrir un hippodrome magnifique, barri?re de l'?toile; vous serez bien pay?e.

Je demandai combien je gagnerais.

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