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Read Ebook: P'tit-bonhomme by Verne Jules Benett L On Illustrator

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Ebook has 3155 lines and 121459 words, and 64 pages

Illustrator: L?on Benett

Au lecteur

Cette version num?ris?e reproduit dans son int?gralit? la version originale. La ponctuation n'a pas ?t? modifi?e hormis quelques corrections mineures.

L'orthographe a ?t? conserv?e. Seuls quelques mots ont ?t? modifi?s. La liste des modifications se trouve ? la fin du texte.

P'TIT-BONHOMME

--LES VOYAGES EXTRAORDINAIRES--

--COLLECTION HETZEL--

LES VOYAGES EXTRAORDINAIRES

P'TIT-BONHOMME

PAR

JULES VERNE

BIBLIOTH?QUE D'?DUCATION ET DE R?CR?ATION

J. HETZEL ET Cie, 18, RUE JACOB

PARIS

Tous droits de traduction et de reproduction r?serv?s.

P'TIT-BONHOMME

LES PREMIERS PAS

AU FOND DU CONNAUGHT.

L'Irlande, dont la surface comprend vingt millions d'acres, soit environ dix millions d'hectares, est gouvern?e par un vice-roi ou lord-lieutenant, assist? d'un Conseil priv?, en vertu d'une d?l?gation du souverain de la Grande-Bretagne. Elle est divis?e en quatre provinces: le Leinster ? l'est, le Munster au sud, le Connaught ? l'ouest, l'Ulster au nord.

Le Royaume-Uni ne formait autrefois qu'une seule ?le, disent les historiens. Elles sont deux maintenant, et plus s?par?es par les d?saccords moraux que par les barri?res physiques. Les Irlandais, amis des Fran?ais, sont ennemis des Anglais, comme au premier jour.

Un beau pays pour les touristes, cette Irlande, mais un triste pays pour ses habitants. Ils ne peuvent la f?conder, elle ne peut les nourrir--surtout dans la partie du nord. Ce n'est point cependant une terre br?haigne, puisque ses enfants se comptent par millions, et si cette m?re n'a pas de lait pour ses petits, du moins l'aiment-ils passionn?ment. Aussi lui ont-ils prodigu? les plus doux noms, les plus <>,--mot qui revient famili?rement sur leurs l?vres. C'est la <>, et elle est verdoyante en effet. C'est la <>, une ?meraude sertie de granit et non d'or. C'est <>, mais plus encore l'?le des roches. C'est la <>, mais sa chanson ne s'?chappe que de bouches maladives. C'est la <>, la <>, mais ces fleurs se fanent vite au souffle des rafales. Pauvre Irlande! Son nom serait plut?t l' <>, nom qu'elle devrait porter depuis nombre de si?cles: trois millions d'indigents sur une population de huit millions d'habitants.

En cette Irlande, dont l'altitude moyenne est de soixante-cinq toises, deux hautes r?gions s?parent nettement les plaines, lacs et tourbi?res entre la baie de Dublin et la baie de Galway. L'?le se creuse en cuvette,--une cuvette o? l'eau ne manque pas, puisque l'ensemble des lacs de la Verte Erin comprend environ deux mille trois cents kilom?tres carr?s.

Westport, petite ville de la province de Connaught, est situ?e au fond de la baie de Clew, sem?e de trois cent soixante-cinq ?les ou ?lots, comme le Morbihan des c?tes de Bretagne. Cette baie est l'une des plus charmantes du littoral, avec ses promontoires, ses caps, ses pointes, dispos?es comme autant de dents de requin, qui mordent les houles du large.

C'est ? Westport que nous allons trouver P'tit-Bonhomme au d?but de son histoire. On verra o?, quand et comment elle finit.

La population de cette bourgade,--cinq mille habitants environ,--est en grande partie catholique. Ce jour-l?, un dimanche pr?cis?ment, 17 juin 1875, la plupart des habitants s'?taient rendus ? l'?glise pour les offices du matin. Le Connaught, terre d'origine des Mac-Mahon, produit ces types celtiques par excellence qui se sont conserv?s dans les familles primitives, refoul?es par la pers?cution. Mais quel mis?rable pays, et ne justifie-t-il pas ce que l'on dit commun?ment: <>

On est pauvre au sein des bourgades de la haute Irlande, et cependant s'il y a les guenilles de la semaine, il y a aussi les guenilles des jours f?ri?s, haillons ? volants et ? plumes. Les gens mettent ce qu'ils ont de moins trou?; les hommes portent le manteau rapi?c?, frang? par le bas; les femmes, v?tues de jupes ?tag?es les unes sur les autres, qui viennent de l'?choppe du revendeur, se coiffent de ces chapeaux aux fleurs artificielles dont il ne reste plus que la monture en fil de fer.

Tout ce monde est arriv? pieds nus jusqu'au seuil de l'?glise, afin de ne pas user sa chaussure--des bottines crev?es ? la semelle, des bottes d?chir?es ? l'empeigne, sans lesquelles nul ne voudrait franchir le porche du temple, par convenance.

En ce moment, il n'y avait personne dans les rues de Westport, si ce n'est un individu qui poussait une charrette tra?n?e par un grand chien maigre, un ?pagneul noir et feu, aux pattes d?chir?es par les cailloux, au poil us? par le licol.

<> criait ? pleins poumons cet homme.

Il est venu de Castlebar, le chef-lieu du comt? de Mayo, ce montreur de cabotins. S'?tant dirig? vers l'ouest, il a travers? le col de ces hauteurs qui font face ? la mer, comme la plupart des montagnes de l'Irlande: au nord, la cha?ne du Nephin avec son d?me de deux mille cinq cents pieds, et au sud, le Croagh-Patrick, o? le grand saint irlandais, l'introducteur du christianisme au IVe si?cle, passait les quarante jours du car?me. Puis il a descendu les dangereux raidillons du plateau de Connemara, les sauvages r?gions des lacs Mask et Corril qui aboutissent ? Clew-Bay. Il n'a pas pris le railway de Midland-Great-Western qui met Westport en communication avec Dublin; il n'a point charg? son bagage sur les malles, les cars ou les <> qui roulent ? la surface du pays. Il a voyag? en forain, criant partout son spectacle de marionnettes, relevant de temps en temps d'un violent coup de fouet le grand chien qui n'en peut plus. Un f?roce aboiement de douleur r?pond ? ce cinglement lanc? d'une main vigoureuse, et, parfois une sorte de g?missement prolong? ? l'int?rieur de la charrette.

Et apr?s que l'homme a dit au robuste animal:

<> il semble qu'il s'adresse ? un autre, cach? dans la caisse de son v?hicule, quand il crie:

<>

Le g?missement cesse alors, et la charrette se remet lentement en marche.

Cet homme s'appelle Thornpipe. De quel pays est-il? Peu importe. Il suffit de savoir que c'est un de ces Anglo-Saxons, comme les Iles-Britanniques n'en produisent que trop parmi les basses classes. Ce Thornpipe n'a pas plus de sensibilit? qu'une b?te fauve, ni de coeur qu'un roc.

D?s que cet homme eut atteint les premi?res habitations de Westport, il suivit la rue principale, bord?e de maisons assez convenables, avec boutiques aux pompeuses enseignes, o? l'on ne trouverait que peu d'acquisitions ? faire. A cette rue s'amorcent des ruelles sordides, comme autant de ruisseaux fangeux qui se jettent dans une limpide rivi?re. Sur les galets aigus qui la pavent, la charrette de Thornpipe promenait son bruit de ferraille, sans doute au d?triment des marionnettes qu'elle v?hiculait pour l'agr?ment des populations du Connaught.

Le public faisant toujours d?faut, Thornpipe continua de d?valler, et il arriva ? l'entr?e du mail que la rue traverse, entre une double rang?e d'ormes. Au del? du mail s'?tend un parc dont les all?es sabl?es, soigneusement entretenues, conduisent jusqu'au port ouvert sur la baie de Clew.

Il va sans dire que ville, port, parc, rues, rivi?re, ponts, ?glises, maisons, masures, tout cela appartient ? l'un de ces opulents landlords qui poss?dent presque tout le sol de l'Irlande, au marquis de Sligo, de pure et antique noblesse, lequel n'est point un mauvais ma?tre ? l'?gard de ses tenanciers.

Tous les vingt pas, ? peu pr?s, Thornpipe arr?tait sa charrette, il regardait autour de lui, et d'une voix qui ressemblait ? un grincement de m?canique mal graiss?e, il criait:

<>

Personne ne sortait des boutiques, personne ne mettait la t?te aux fen?tres. ?? et l?, quelques haillons apparaissaient entre les ruelles adjacentes, et de ces haillons sortaient des faces h?ves et fam?liques, aux yeux rougis, profonds comme ces soupiraux ? travers lesquels on voit le vide. Puis, il y avait des enfants ? peu pr?s nus, et cinq ou six de ces gamins se hasard?rent enfin ? rejoindre la charrette de Thornpipe, lorsqu'elle eut fait halte sur la grande all?e du mail. Et les voici tous criant:

<>

C'est une monnaie de cuivre, une subdivision du penny, ce qu'il y a de plus infime en valeur. Et ? qui s'adressaient-ils, ces enfants? A un homme qui avait plus envie de demander l'aum?ne que de la faire! Aussi, de quels gestes mena?ants du pied et de la main, de quels roulements d'yeux, il accueillit ces petits qui durent prudemment se tenir hors de la port?e de son fouet,--et encore plus des crocs du chien, une vraie b?te fauve, enrag?e par les mauvais traitements.

Et d'ailleurs, Thornpipe est furieux. Il crie dans le d?sert. On ne s'empresse pas ? ses marionnettes royales. Paddy,--c'est l'Irlandais, de m?me que John Bull est l'Anglais,--Paddy ne montre aucune curiosit?. Ce n'est point qu'il ait de l'inimiti? pour l'auguste famille de la Reine. Non! Ce qu'il n'aime pas, ce qu'il hait m?me de toute une haine amass?e pendant des si?cles d'oppression, c'est le landlord, qui le consid?re comme un ?tre inf?rieur aux anciens serfs de Russie. Et, s'il a acclam? O'Connell, c'est que ce grand patriote a soutenu les droits de l'Irlande ?tablis par l'acte d'union des trois royaumes en 1806; c'est que, plus tard, l'?nergie, la t?nacit?, l'audace politique de cet homme d'?tat ont obtenu le bill d'?mancipation de l'ann?e 1829; c'est que, gr?ce ? son attitude irr?ductible, l'Irlande, cette Pologne de l'Angleterre, l'Irlande catholique surtout, allait entrer dans une p?riode de quasi-libert?. Nous avons donc lieu de croire que Thornpipe aurait ?t? mieux avis? en montrant O'Connell ? ses concitoyens; mais ce n'?tait pas une raison pour d?daigner Sa Gracieuse Majest? en effigie. Il est vrai, Paddy e?t pr?f?r?--et de beaucoup--le portrait de sa souveraine sous forme de pi?ces monnay?es, pounds, couronnes, demi-couronnes, shillings, et c'est pr?cis?ment ce portrait, sorti de la frappe britannique, qui manque le plus g?n?ralement aux poches de l'Irlandais.

Aucun spectateur s?rieux ne se rendant aux invitations r?it?r?es du forain, la charrette reprit sa marche, tir?e p?niblement par le grand chien efflanqu?.

Thornpipe continua cette promenade ? travers les all?es du mail, sous l'ombrage de ses magnifiques ormes. Il s'y trouvait seul. Les enfants avaient fini par l'abandonner. Il atteignit ainsi le parc, sillonn? d'avenues sabl?es, que le marquis de Sligo livre ? la circulation publique, afin de donner acc?s au port qu'un bon mille s?pare de la ville.

<>

Personne ne r?pondait. Les oiseaux jetaient des cris aigus en s'envolant d'un arbre ? l'autre. Le parc ?tait non moins abandonn? que le mail. Aussi, pourquoi venir un dimanche convier des catholiques ? cette exhibition, lorsque c'est l'heure des offices? Il fallait vraiment que ce Thornpipe ne f?t pas du pays. Peut-?tre, apr?s le d?ner de midi, entre la messe et les v?pres, sa tentative serait-elle plus heureuse? Dans tous les cas, il n'y avait aucun inconv?nient ? pousser jusqu'au port, et c'est ce qu'il fit en jurant, ? d?faut de saint Patrick, par tous les diables d'Irlande.

Il est peu fr?quent?, ce port que la rivi?re baigne au fond de la baie de Clew, bien qu'il soit le plus vaste et le mieux abrit? de cette c?te. S'il y vient quelques navires, c'est qu'il est n?cessaire que la Grande-Bretagne, c'est-?-dire l'Angleterre et l'?cosse, envoie ? cette aride r?gion du Connaught ce qu'elle ne peut tirer de son propre sol. L'Irlande est un enfant qui se nourrit ? ces deux mamelles; mais les nourrices lui font payer cher leur lait.

Plusieurs matelots se promenaient sur le quai en fumant, et, en ce jour de f?te, il va de soi que le d?chargement des navires avait ?t? suspendu.

On sait combien l'observation du dimanche est s?v?re chez la race anglo-saxonne. Les protestants y apportent toute l'intransigeance de leur puritanisme, et, en Irlande, les catholiques luttent de rigorisme avec eux dans la pratique du culte. Et pourtant, ils sont deux millions et demi contre cinq cent mille adeptes des divers rites de la religion anglicane.

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