Read Ebook: La porte des rêves by Schwob Marcel Feure Georges De Illustrator
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Ebook has 518 lines and 27098 words, and 11 pages
Or, le silence qui s'emparait de nous rendit les Compagnons de la Mer d?lirants. Et parmi les peuples aux quatre couleurs qui nous regardaient fixement, immobiles, ils choisirent dans leur fuite effray?e chacun le souvenir de sa patrie lointaine: ceux d'Asie ?treignirent les hommes jaunes, et eurent leur couleur safran?e de cire impure; et ceux d'Afrique saisirent les hommes noirs, et devinrent sombres comme l'?b?ne; et ceux du pays situ? par del? l'Atlantide embrass?rent les hommes rouges et furent des statues d'acajou; et ceux de la terre d'Europe jet?rent leurs bras autour des hommes blancs et leur visage devint couleur de cire vierge.
Mais moi, le Capitaine au pavillon noir, qui n'ai pas de patrie, ni de souvenirs qui puissent me faire souffrir le silence tandis que ma pens?e veille, je m'?lan?ai terrifi? loin des Compagnons de la Mer, hors de la cit? dormante; et malgr? le sommeil et l'affreuse lassitude qui me gagne, je vais essayer de retrouver par les ondulations du sable dor?, l'Oc?an vert qui s'agite ?ternellement et secoue son ?cume.
B?ATRICE
??? ?????, ??????? ?????, ??? ???????? ?????? ???? ??? ? ?????? ?? ???????????. PLATON.
Il ne me reste que peu d'instants ? vivre: je le sens et je le sais. J'ai voulu une mort douce; mes propres cris m'auraient ?touff? dans l'agonie d'un autre supplice: car je crains plus que l'ombre grandissante le son de ma voix. L'eau parfum?e o? je suis plong?, nuageuse comme un bloc d'opale, se teint graduellement de veines roses par mon sang qui s'?coule: quand l'aurore liquide sera rouge, je descendrai vers la nuit. Je n'ai pas tranche l'art?re de ma main droite, qui jette ces lignes sur mes tablettes d'ivoire: trois sources jaillissantes suffisent pour vider le puits de mon coeur; il n'est pas si profond qu'il ne soit bient?t tari, et j'en ai pleur? tout le sang dans mes larmes.
Mais je ne puis plus sangloter: car l'affreuse terreur me serre la gorge quand j'entends mes sanglots; que Dieu me retire la conscience avant le son de mon r?le qui va venir! Mes doigts faiblissent; il est temps d'?crire; j'ai lu assez longtemps le dialogue de Ph?don,--mes pens?es ne s'unissent plus qu'avec peine, et j'ai h?te de faire ma confession muette: l'air de la terre n'entendra plus ma voix.
Une tendre amiti? m'avait d?s longtemps rapproch? de B?atrice. Toute petite, elle venait dans la maison de mon p?re, grave d?j?, avec des yeux profonds, ?trangement mouchet?s de jaune. Sa figure ?tait l?g?rement anguleuse, les m?plats accus?s, et la peau d'un blanc mat comme un marbre auquel un praticien n'aurait jamais touch?, mais o? le statuaire lui-m?me a mis la forte ?criture de son ciseau. Les lignes couraient sur des ar?tes vives, jamais adoucies par le trois-quarts; et, quand une ?motion rougissait son visage, on e?t dit d'une figure d'alb?tre int?rieurement ?clair?e par une lampe rose.
Elle ?tait gracieuse, assur?ment, mais d'une souplesse dure, car la marque de son geste ?tait si nette quelle restait fix?e dans les yeux; quand elle tordait ses cheveux sur son front, la sym?trie parfaite de ses mouvements paraissait l'attitude votive d'une d?esse immobile, bien diff?rente de la fuite rapide des bras de jeunes filles, qui semble un battement d'ailes ? peine soulev?es. Pour moi, que l'?tude des choses grecques plongeait dans la contemplation antique, B?atrice ?tait un marbre ant?rieur ? l'art humain de Phidias, une figure sculpt?e par les vieux ma?tres ?gin?tes, suivant les r?gles immuables de l'harmonie sup?rieure.
Nous avions lu longtemps ensemble les immortels po?tes des Grecs, mais surtout nous avions ?tudi? les philosophes des premiers temps, et nous pleurions les po?mes de X?nophane et d'Emp?docle, que nul oeil humain ne verra plus. Platon nous charmait par la gr?ce infinie de son ?loquence, quoique nous eussions repouss? l'id?e qu'il se faisait de l'?me, jusqu'au jour o? deux vers que ce divin sage avait ?crits dans sa jeunesse me r?v?l?rent sa v?ritable pens?e et me plong?rent dans le malheur.
Voici ce terrible distique qui frappa un jour mes yeux dans le livre d'un grammairien de la d?cadence:
Tandis que je baisais Agathon, mon ?me est venue sur mes l?vres: Elle voulait, l'infortun?e, passer en lui!
D?s que j'eus saisi le sens des paroles du divin Platon, une lumi?re ?clatante se fit en moi. L'?me n'?tait point diff?rente de la vie: c'?tait le souffle anim? qui peuple le corps; et, dans l'amour, ce sont les ?mes qui se cherchent lorsque les amants se baisent sur la bouche: l'?me de l'amante veut habiter dans le beau corps de celui qu'elle aime, et l'?me de l'amant d?sire ardemment se fondre dans les membres de sa ma?tresse. Et les infortun?s n'y parviennent jamais. Leurs ?mes montent sur leurs l?vres, elles se rencontrent, elles se m?lent, mais elles ne peuvent pas ?migrer. Or, y aurait-il un plaisir plus c?leste que de changer de personnes en amour, que de se pr?ter ces v?tements de chair si chaudement caress?s, si voluptueusement voulus? Quelle ?tonnante abn?gation, quel supr?me abandon que de donner son corps ? l'?me d'un autre, au souille d'un autre! Mieux qu'un d?doublement, mieux qu'une possession ?ph?m?re, mieux que le m?lange inutile et d?cevant de l'haleine; c'est le don sup?rieur de la ma?tresse ? son amant, le parfait ?change si vainement r?v?, le terme infini de tant d'?treintes et de morsures.
Le dernier soir, elle m'apparut sur les draps blancs comme une statue de cire vierge. Elle tourna lentement sa figure vers moi, et dit: <
Je crois que je n'avais jamais remarqu? combien sa voix ?tait chaude et vibrante; mais ces paroles me donn?rent l'impression d'un fluide ti?de qui me toucherait. Presque aussit?t ses yeux suppliants cherch?rent les miens, et je compris que l'instant ?tait venu. J'attachai mes l?vres sur les siennes pour boire son ?me.
Mais aucun des assistants ne parut s'en apercevoir: ils s'empressaient autour de la morte pour accomplir leurs fonctions.
La nuit vint, silencieuse et lourde. Les flammes des cierges montaient tout droit et tr?s haut, l?chant presque les tentures pesantes. Et le dieu de la Terreur avait ?tendu sa main sur moi. Chacun de mes sanglots me faisait mourir de mille morts: il ?tait exactement semblable aux sanglots de B?atrice quand, devenue inconsciente, elle se lamentait de mourir. Et, tandis que je pleurais, agenouill? pr?s du lit, le front sur les draps, c'?taient ses pleurs ? elle qui semblaient s'?lever en moi, sa voix passionn?e qui semblait flotter dans l'air, plaignant sa mis?rable mort.
N'aurais-je pas d? le savoir? La voix est ?ternelle; la parole ne p?rit pas. Elle est la migration perp?tuelle des pens?es humaines, le v?hicule des ?mes; les mots gisent dess?ch?s sur les feuilles de papier, comme les fleurs dans un herbier; mais la voix les fait revivre de sa propre vie immortelle. Car la voix n'est autre chose que le mouvement des mol?cules de l'air sous l'impulsion d'une ?me; et l'?me de B?atrice ?tait en moi, mais je ne pouvais comprendre et sentir que sa voix.
ARACHN?
Her waggon-spokes made of long spinners' legs; The cover, of the wings of grasshoppers; Her traces of the smallest spider's web; Her collars of the moonshine's watery beams....
Vous dites que je suis fou et vous m'avez enferm?; mais je me ris de vos pr?cautions et de vos terreurs. Car je serai libre le jour o? je voudrai; le long d'un fil de soie que m'a lanc? Arachn?, je fuirai loin de vos gardiens et de vos grilles. Mais l'heure n'est pas encore venue--elle est proche cependant: de plus en plus mon coeur d?faille et mon sang p?lit. Vous qui me croyez fou maintenant, vous me croirez mort: tandis que je me balancerai au fil d'Arachn? par del? les ?toiles.
Si j'?tais fou, je ne saurais pas si nettement ce qui est arriv?, je ne me rappellerais pas avec autant de pr?cision ce que vous avez appel? mon crime, ni les plaidoiries de vos avocats, ni la sentence de votre juge rouge. Je ne rirais pas des rapports de vos m?decins, et je ne verrais pas sur le plafond de ma cellule la figure glabre, la redingote noire et la cravate blanche de l'idiot qui m'a d?clar? irresponsable. Non, je ne le verrais pas--car les fous n'ont pas d'id?e pr?cise; au lieu que je suis mes raisonnements avec une logique lucide et une clart? extraordinaire qui m'?tonnent moi-m?me. Et les fous souffrent au sommet du cr?ne; ils croient, les malheureux! que des colonnes de fum?e fusent, en tourbillonnant, de leur occiput. Tandis que mon cerveau, ? moi, est d'une telle l?g?ret? qu'il me semble souvent avoir la t?te vide. Les romans que j'ai lus, auxquels je prenais plaisir jadis, je les embrasse maintenant d'un coup d'oeil et je les juge ? leur valeur; je vois chaque d?faut de composition--au lieu que la sym?trie de mes propres inventions est tellement parfaite que vous seriez ?blouis si je vous les exposais.
Mais je vous m?prise infiniment; vous ne sauriez les comprendre. Je vous laisse ces lignes comme dernier t?moignage de ma raillerie et pour vous faire appr?cier votre propre insanit? quand vous trouverez ma cellule d?serte.
Ariane, la p?le Ariane, aupr?s de laquelle vous m'avez saisi, ?tait brodeuse. Voil? ce qui a fait sa mort. Voil? ce qui fera mon salut. Je l'aimais d'une passion intense; elle ?tait petite, brune de peau et vive des doigts; ses baisers ?taient des coups d'aiguille, ses caresses, des broderies palpitantes. Et les brodeuses ont une vie si l?g?re et des caprices si mobiles que je voulus bient?t lui faire quitter son m?tier. Mais elle me r?sista; et je m'exasp?rais en voyant les jeunes gens cravat?s et pommad?s qui guignaient sa sortie de l'atelier. Mon ?nervement ?tait si grand que j'essayai de me replonger de force dans les ?tudes qui avaient fait ma joie.
Le capitaine Sleeman en a longuement parl?. Le colonel Meadows Taylor a surpris le secret de leur association. Ils ?taient unis entre eux par des liens myst?rieux et servaient comme domestiques dans les habitations de campagne. Le soir, ? souper, ils stup?fiaient leurs ma?tres avec une d?coction de chanvre. La nuit, grimpant le long des murs, ils se glissaient par les fen?tres ouvertes ? la lune et venaient silencieusement ?trangler les gens de la maison. Leurs cordelettes ?taient aussi de chanvre, avec un gros noeud sur la nuque pour tuer plus vite.
Ainsi, par le Chanvre, les Thugs attachaient le sommeil ? la mort. La plante qui donnait le haschich au moyen duquel les riches les abrutissaient comme avec de l'alcool ou de l'opium servait aussi ? les venger. L'id?e me vint qu'en ch?tiant ma brodeuse Ariane avec la Soie je me l'attacherais tout enti?re dans la mort. Et cette id?e, logique assur?ment, devint le point lumineux de ma pens?e. Je n'y r?sistai pas longtemps. Quand elle posa sa t?te pench?e sur mon cou pour s'endormir, je lui passai autour de la gorge avec pr?caution la cordelette de soie que j'avais prise dans sa corbeille; et, la serrant lentement, je bus son dernier souffle dans son dernier baiser.
Vous nous avez pris ainsi, bouche contre bouche. Vous avez cru que j'?tais fou et qu'elle ?tait morte. Car vous ignorez qu'elle est toujours avec moi, ?ternellement fid?le, parce quelle est la nymphe Arachn?. Jour apr?s jour, ici, dans ma cellule blanche, elle s'est r?v?l?e ? moi, depuis l'heure o? j'ai aper?u une araign?e qui tissait sa toile au-dessus de mon lit: elle ?tait petite, brune, et vive des pattes.
La premi?re nuit, elle est descendue jusqu'? moi, le long d'un fil; suspendue au-dessus de mes yeux, elle a brod? sur mes prunelles une toile soyeuse et sombre avec des reflets moir?s et des fleurs pourpres lumineuses. Puis j'ai senti pr?s de moi le corps nerveux et ramass? d'Ariane. Elle m'a bais? le sein, ? l'endroit o? il couvre le coeur,--et j'ai cri? sous la br?lure. Et nous nous sommes longuement embrass?s sans rien dire.
La seconde nuit, elle a ?tendu sur moi un voile phosphorescent piqu? d'?toiles vertes et de cercles jaunes, parcouru de points brillants qui fuient et se jouent entre eux, qui grandissent et qui diminuent et qui tremblotent dans le lointain. Et, agenouill?e sur ma poitrine, elle m'a ferm? la bouche de la main; dans un long baiser au coeur elle m'a mordu la chair et suc? le sang jusqu'? me tirer vers le n?ant de l'?vanouissement.
La troisi?me nuit, elle m'a band? les paupi?res d'un cr?pe de soie mahratte o? dansaient des araign?es multicolores dont les yeux ?taient ?tincelants. Et elle m'a serr? la gorge d'un fil sans fin; et elle a violemment attir? mon coeur vers ses l?vres par la plaie de sa morsure. Alors elle s'est gliss?e dans mes bras jusqu'? mon oreille, pour me murmurer: <
Certes, je ne suis pas fou; car j'ai compris aussit?t que ma brodeuse Ariane ?tait une d?esse mortelle, et que de toute ?ternit? j'avais ?t? d?sign? pour la mener avec son fil de soie hors du labyrinthe de l'humanit?. Et la nymphe Arachn? m'est reconnaissante de l'avoir d?livr?e de sa chrysalide humaine. Avec des pr?cautions infinies, elle a emmaillot? mon coeur, mon pauvre coeur, de son fil gluant: elle l'a enlac? de mille tours. Toutes les nuits elle serre les mailles entre lesquelles ce coeur humain se racornit comme un cadavre de mouche. Je m'?tais ?ternellement attach? Ariane en lui ?treignant la gorge de sa soie. Maintenant Arachn? m'a li? ?ternellement ? elle de son fil en m'?tranglant le coeur.
Par ce pont myst?rieux je visite ? minuit le Royaume des Araign?es, dont elle est reine. Il faut traverser cet enfer pour me balancer plus tard sous la lueur des ?toiles.
Les Araign?es des Bois y courent avec des ampoules lumineuses aux pattes. Les Mygales ont huit terribles yeux scintillants: h?riss?es de poils, elles fondent sur moi au d?tour des chemins. Le long des mares o? tremblent les Araign?es d'Eau, mont?es sur de grandes jambes de faucheux, je suis entra?n? dans les rondes vertigineuses que dansent les Tarentules. Les ?peires me guettent du centre de leurs cercles gris parcourus de rayons. Elles fixent sur moi les innombrables facettes de leurs yeux, comme un jeu de miroirs pour prendre les alouettes, et elles me fascinent. En passant sous les taillis, des toiles visqueuses me chatouillent la figure. Des monstres velus, aux pattes rapides, m'attendent, tapis dans les fourr?s.
Or la reine Mab est moins puissante que ma reine Arachn?. Car celle-ci a le pouvoir de me faire rouler dans son char merveilleux qui court le long d'un fil. Sa cage est faite de la dure coque d'une gigantesque Mygale, gemm?e de cabochons ? facettes, taill?s dans ses yeux de diamant noir. Les essieux sont les pattes articul?es d'un Faucheux g?ant. Des ailes transparentes, avec des rosaces de nervures, la soul?vent en frappant l'air de battements rythmiques. Nous nous y balan?ons pendant des heures; puis tout ? coup je d?faille, ?puis? par la blessure de ma poitrine o? Arachn? fouille sans cesse de ses l?vres pointues. Dans mon cauchemar je vois pench?s vers moi des ventres constell?s d'yeux et je fuis devant des pattes rugueuses charg?es de filets.
Maintenant je sens distinctement les deux genoux d'Arachn? qui glissent sur mes c?tes, et le glouglou de mon sang qui monte vers sa bouche. Mon coeur va bient?t ?tre dess?ch?: alors il restera emmaillot? dans sa prison de fils blancs,--et moi je fuirai ? travers le Royaume des Araign?es vers le treillis ?blouissant des ?toiles. Par la corde de soie que m'a lanc?e Arachn?, je m'?chapperai ainsi avec elle,--et je vous laisserai--pauvres fous--un cadavre bl?me avec une touffe de cheveux blonds que le vent du matin fera frissonner.
BARGETTE
? la jonction de ces deux canaux, il y avait une ?cluse haute et noire. L'eau dormante ?tait verte jusqu'? l'ombre des murailles. Contre la cabane de l'?clusier, en planches goudronn?es, sans une fleur, les volets battaient sous le vent. Par la porte mi-ouverte, on voyait la mince figure p?le d'une petite fille, les cheveux ?parpill?s, la robe ramen?e entre les jambes. Des orties s'abaissaient et se levaient sur la marge du canal; il y avait une vol?e de graines ail?es du bas automne et de petites bouff?es de poussi?re blanche. La cabane semblait vide; la campagne ?tait morne; une bande d'herbe jaun?tre se perdait ? l'horizon.
Comme la courte lumi?re du jour d?faillait, on entendit le souffle du petit remorqueur. Il parut au del? de l'?cluse, avec le visage tach? de charbon du chauffeur qui regardait indolemment par sa porte de t?le; et ? l'arri?re une cha?ne se d?roulait dans l'eau. Puis venait, flottante et paisible, une barge brune, large et aplatie; elle portait au milieu une maisonnette blanchement tenue, dont les petites vitres ?taient rondes et rissol?es; des volubilis rouges et jaunes rampaient autour des fen?tres, et sur les deux c?t?s du seuil il y avait des auges de bois pleines de terre avec des muguets, du r?s?da, et des g?raniums.
Un homme, qui faisait claquer une blouse tremp?e sur le bord de la barge, dit ? celui qui tenait la gaffe:
--Mahot, veux-tu casser la cro?te en attendant l'?cluse?
--?a va, r?pondit Mahot.
Il rangea la gaffe, enjamba une pile creuse de corde roul?e, et s'assit entre les deux auges de fleurs. Son compagnon lui frappa sur l'?paule, entra dans la maisonnette blanche, et rapporta un paquet de papier gras, une miche longue et un cruchon de terre. Le vent fit sauter l'enveloppe huileuse sur les touffes de muguet. Mahot la reprit et la jeta vers l'?cluse. Elle vola entre les pieds de la petite fille.
--Bon app?tit, l?-haut, cria l'homme; nous autres, on d?ne.
Il ajouta:
--L'Indien, pour vous servir, ma payse. Tu pourras dire aux copains que nous avons pass? par l?.
--Es-tu blagueur, Indien, dit Mahot. Laisse donc cette jeunesse. C'est parce qu'il a la peau brune, mademoiselle; nous l'appelons comme ?a sur les chalands.
Et une petite voix fluette leur r?pondit:
--O? allez-vous, la barge?
--On m?ne du charbon dans le Midi, cria l'Indien.
--O? il y a du soleil? dit la petite voix.
--Tant que ?a a tann? le cuir au vieux, r?pondit Mahot.
Et la petite voix reprit, apr?s un silence:
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