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COURS DE PHILOSOPHIE POSITIVE.
?VERAT, IMPRIMEUR, RUE DU CADRAN, N? 16.
COURS DE PHILOSOPHIE POSITIVE,
Par M. Auguste Comte,
ANCIEN ?L?VE DE L'?COLE POLYTECHNIQUE.
TOME PREMIER,
CONTENANT LES PR?LIMINAIRES G?N?RAUX ET LA PHILOSOPHIE MATH?MATIQUE.
PARIS. ROUEN FR?RES, LIBRAIRES-?DITEURS, RUE DE L'?COLE DE M?DECINE, N? 13. BRUXELLES, AU D?P?T DE LA LIBRAIRIE M?DICALE FRAN?AISE.
? MES ILLUSTRES AMIS
M. le Baron Fourier, Secr?taire perp?tuel de l'Acad?mie Royale des Sciences,
M. le Professeur G. M. D. de Blainville, Membre de l'Acad?mie Royale des Sciences,
En t?moignage de ma respectueuse affection,
Auguste Comte,
Ancien ?l?ve de l'?cole Polytechnique.
AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR.
Ce cours, r?sultat g?n?ral de tous mes travaux depuis ma sortie de l'?cole Polytechnique en 1816, fut ouvert pour la premi?re fois en avril 1826. Apr?s un petit nombre de s?ances, une maladie grave m'emp?cha, ? cette ?poque, de poursuivre une entreprise encourag?e, d?s sa naissance, par les suffrages de plusieurs savans du premier ordre, parmi lesquels je pouvais citer d?s-lors MM. Alexandre de Humboldt, de Blainville et Poinsot, membres de l'Acad?mie des Sciences, qui voulurent bien suivre avec un int?r?t soutenu l'exposition de mes id?es. J'ai refait ce cours en entier l'hiver dernier, ? partir du 4 janvier 1829, devant un auditoire dont avaient bien voulu faire partie M. Fourier, secr?taire perp?tuel de l'Acad?mie des Sciences, MM. de Blainville, Poinsot, Navier, membres de la m?me acad?mie, MM. les professeurs Broussais, Esquirol, Binet, etc., auxquels je dois ici t?moigner publiquement ma reconnaissance pour la mani?re dont ils ont accueilli cette nouvelle tentative philosophique.
Apr?s m'?tre assur? par de tels suffrages que ce cours pouvait utilement recevoir une plus grande publicit?, j'ai cru devoir, ? cette intention, l'exposer cet hiver ? l'Ath?n?e Royal de Paris, o? il vient d'?tre ouvert le 9 d?cembre. Le plan est demeur? compl?tement le m?me. Seulement les convenances de cet ?tablissement m'obligent ? restreindre un peu les d?veloppemens de mon cours. Ils se retrouvent tout entiers dans la publication que je fais aujourd'hui de mes le?ons, telles qu'elles ont eu lieu l'ann?e derni?re.
J'ai cru n?cessaire de constater ici la publicit? effective de ce premier travail, parce que quelques id?es offrant une certaine analogie avec une partie des miennes, se trouvent expos?es, sans aucune mention de mes recherches, dans divers ouvrages publi?s post?rieurement, surtout en ce qui concerne la r?novation des th?ories sociales. Quoique des esprits diff?rens aient pu, sans aucune communication, comme le montre souvent l'histoire de l'esprit humain, arriver s?par?ment ? des conceptions analogues en s'occupant d'une m?me classe de travaux, je devais n?anmoins insister sur l'ant?riorit? r?elle d'un ouvrage peu connu du public, afin qu'on ne suppose pas que j'ai puis? le germe de certaines id?es dans des ?crits qui sont, au contraire, plus r?cens.
Plusieurs personnes m'ayant d?j? demand? quelques ?claircissemens relativement au titre de ce cours, je crois utile d'indiquer ici, ? ce sujet, une explication sommaire.
Paris, le 18 d?cembre 1829.
COURS DE PHILOSOPHIE POSITIVE.
PREMI?RE LE?ON.
SOMMAIRE. Exposition du but de ce cours, ou consid?rations g?n?rales sur la nature et l'importance de la philosophie positive.
L'objet de cette premi?re le?on est d'exposer nettement le but du cours, c'est-?-dire de d?terminer exactement l'esprit dans lequel seront consid?r?es les diverses branches fondamentales de la philosophie naturelle, indiqu?es par le programme sommaire que je vous ai pr?sent?.
Sans doute, la nature de ce cours ne saurait ?tre compl?tement appr?ci?e, de mani?re ? pouvoir s'en former une opinion d?finitive, que lorsque les diverses parties en auront ?t? successivement d?velopp?es. Tel est l'inconv?nient ordinaire des d?finitions relatives ? des syst?mes d'id?es tr?s-?tendus, quand elles en pr?c?dent l'exposition. Mais les g?n?ralit?s peuvent ?tre con?ues sous deux aspects, ou comme aper?u d'une doctrine ? ?tablir, ou comme r?sum? d'une doctrine ?tablie. Si c'est seulement sous ce dernier point de vue qu'elles acqui?rent toute leur valeur, elles n'en ont pas moins d?j?, sous le premier, une extr?me importance, en caract?risant d?s l'origine le sujet ? consid?rer. La circonscription g?n?rale du champ de nos recherches, trac?e avec toute la s?v?rit? possible, est, pour notre esprit, un pr?liminaire particuli?rement indispensable dans une ?tude aussi vaste et jusqu'ici aussi peu d?termin?e que celle dont nous allons nous occuper. C'est afin d'ob?ir ? cette n?cessit? logique que je crois devoir vous indiquer, d?s ce moment, la s?rie des consid?rations fondamentales qui ont donn? naissance ? ce nouveau cours, et qui seront d'ailleurs sp?cialement d?velopp?es, dans la suite, avec toute l'extension que r?clame la haute importance de chacune d'elles.
Pour expliquer convenablement la v?ritable nature et le caract?re propre de la philosophie positive, il est indispensable de jeter d'abord un coup-d'oeil g?n?ral sur la marche progressive de l'esprit humain, envisag?e dans son ensemble: car une conception quelconque ne peut ?tre bien connue que par son histoire.
En ?tudiant ainsi le d?veloppement total de l'intelligence humaine dans ses diverses sph?res d'activit?, depuis son premier essor le plus simple jusqu'? nos jours, je crois avoir d?couvert une grande loi fondamentale, ? laquelle il est assuj?ti par une n?cessit? invariable, et qui me semble pouvoir ?tre solidement ?tablie, soit sur les preuves rationnelles fournies par la connaissance de notre organisation, soit sur les v?rifications historiques r?sultant d'un examen attentif du pass?. Cette loi consiste en ce que chacune de nos conceptions principales, chaque branche de nos connaissances, passe successivement par trois ?tats th?oriques diff?rens: l'?tat th?ologique, ou fictif; l'?tat m?taphysique, ou abstrait; l'?tat scientifique, ou positif. En d'autres termes, l'esprit humain, par sa nature, emploie successivement dans chacune de ses recherches trois m?thodes de philosopher, dont le caract?re est essentiellement diff?rent et m?me radicalement oppos?: d'abord la m?thode th?ologique, ensuite la m?thode m?taphysique, et enfin la m?thode positive. De l?, trois sortes de philosophies, ou de syst?mes g?n?raux de conceptions sur l'ensemble des ph?nom?nes, qui s'excluent mutuellement: la premi?re est le point de d?part n?cessaire de l'intelligence humaine; la troisi?me, son ?tat fixe et d?finitif: la seconde est uniquement destin?e ? servir de transition.
Dans l'?tat th?ologique, l'esprit humain dirigeant essentiellement ses recherches vers la nature intime des ?tres, les causes premi?res et finales de tous les effets qui le frappent, en un mot, vers les connaissances absolues, se repr?sente les ph?nom?nes comme produits par l'action directe et continue d'agens surnaturels plus ou moins nombreux, dont l'intervention arbitraire explique toutes les anomalies apparentes de l'univers.
Dans l'?tat m?taphysique, qui n'est au fond qu'une simple modification g?n?rale du premier, les agens surnaturels sont remplac?s par des forces abstraites, v?ritables entit?s inh?rentes aux divers ?tres du monde, et con?ues comme capables d'engendrer par elles-m?mes tous les ph?nom?nes observ?s, dont l'explication consiste alors ? assigner pour chacun l'entit? correspondante.
Enfin, dans l'?tat positif, l'esprit humain reconnaissant l'impossibilit? d'obtenir des notions absolues, renonce ? chercher l'origine et la destination de l'univers, et ? conna?tre les causes intimes des ph?nom?nes, pour s'attacher uniquement ? d?couvrir, par l'usage bien combin? du raisonnement et de l'observation, leurs lois effectives, c'est-?-dire leurs relations invariables de succession et de similitude. L'explication des faits, r?duite alors ? ses termes r?els, n'est plus d?sormais que la liaison ?tablie entre les divers ph?nom?nes particuliers et quelques faits g?n?raux, dont les progr?s de la science tendent de plus en plus ? diminuer le nombre.
Ce n'est pas ici le lieu de d?montrer sp?cialement cette loi fondamentale du d?veloppement de l'esprit humain, et d'en d?duire les cons?quences les plus importantes. Nous en traiterons directement, avec toute l'extension convenable, dans la partie de ce cours relative ? l'?tude des ph?nom?nes sociaux. Je ne la consid?re maintenant que pour d?terminer avec pr?cision le v?ritable caract?re de la philosophie positive, par opposition aux deux autres philosophies qui ont successivement domin?, jusqu'? ces derniers si?cles, tout notre syst?me intellectuel. Quant ? pr?sent, afin de ne pas laisser enti?rement sans d?monstration une loi de cette importance, dont les applications se pr?senteront fr?quemment dans toute l'?tendue de ce cours, je dois me borner ? une indication rapide des motifs g?n?raux les plus sensibles qui peuvent en constater l'exactitude.
En premier lieu, il suffit, ce me semble, d'?noncer une telle loi, pour que la justesse en soit imm?diatement v?rifi?e par tous ceux qui ont quelque connaissance approfondie de l'histoire g?n?rale des sciences. Il n'en est pas une seule, en effet, parvenue aujourd'hui ? l'?tat positif, que chacun ne puisse ais?ment se repr?senter, dans le pass?, essentiellement compos?e d'abstractions m?taphysiques, et, en remontant encore davantage, tout-?-fait domin?e par les conceptions th?ologiques. Nous aurons m?me malheureusement plus d'une occasion formelle de reconna?tre, dans les diverses parties de ce cours, que les sciences les plus perfectionn?es conservent encore aujourd'hui quelques traces tr?s-sensibles de ces deux ?tats primitifs.
Mais, outre l'observation directe, g?n?rale ou individuelle, qui prouve l'exactitude de cette loi, je dois surtout, dans cette indication sommaire, mentionner les consid?rations th?oriques qui en font sentir la n?cessit?.
La plus importante de ces consid?rations, puis?e dans la nature m?me du sujet, consiste dans le besoin, ? toute ?poque, d'une th?orie quelconque pour lier les faits, combin? avec l'impossibilit? ?vidente, pour l'esprit humain ? son origine, de se former des th?ories d'apr?s les observations.
Tous les bons esprits r?p?tent, depuis Bacon, qu'il n'y a de connaissances r?elles que celles qui reposent sur des faits observ?s. Cette maxime fondamentale est ?videmment incontestable, si on l'applique, comme il convient, ? l'?tat viril de notre intelligence. Mais en se reportant ? la formation de nos connaissances, il n'en est pas moins certain que l'esprit humain, dans son ?tat primitif, ne pouvait ni ne devait penser ainsi. Car, si d'un c?t?, toute th?orie positive doit n?cessairement ?tre fond?e sur les observations, il est ?galement sensible, d'un autre c?t?, que, pour se livrer ? l'observation, notre esprit a besoin d'une th?orie quelconque. Si en contemplant les ph?nom?nes, nous ne les rattachions point imm?diatement ? quelques principes, non-seulement il nous serait impossible de combiner ces observations isol?es, et par cons?quent, d'en tirer aucun fruit, mais nous serions m?me enti?rement incapables de les retenir; et, le plus souvent, les faits resteraient inaper?us sous nos yeux.
Ainsi, press? entre la n?cessit? d'observer pour se former des th?ories r?elles, et la n?cessit? non moins imp?rieuse de se cr?er des th?ories quelconques pour se livrer ? des observations suivies, l'esprit humain, ? sa naissance, se trouverait enferm? dans un cercle vicieux dont il n'aurait jamais eu aucun moyen de sortir, s'il ne se f?t heureusement ouvert une issue naturelle par le d?veloppement spontan? des conceptions th?ologiques, qui ont pr?sent? un point de ralliement ? ses efforts, et fourni un aliment ? son activit?. Tel est, ind?pendamment des hautes consid?rations sociales qui s'y rattachent et que je ne dois pas m?me indiquer en ce moment, le motif fondamental qui d?montre la n?cessit? logique du caract?re purement th?ologique de la philosophie primitive.
Cette n?cessit? devient encore plus sensible en ayant ?gard ? la parfaite convenance de la philosophie th?ologique avec la nature propre des recherches sur lesquelles l'esprit humain dans son enfance concentre si ?minemment toute son activit?. Il est bien remarquable, en effet, que les questions les plus radicalement inaccessibles ? nos moyens, la nature intime des ?tres, l'origine et la fin de tous les ph?nom?nes, soient pr?cis?ment celles que notre intelligence se propose par-dessus tout dans cet ?tat primitif, tous les probl?mes vraiment solubles ?tant presque envisag?s comme indignes de m?ditations s?rieuses. On en con?oit ais?ment la raison; car c'est l'exp?rience seule qui a pu nous fournir la mesure de nos forces; et, si l'homme n'avait d'abord commenc? par en avoir une opinion exag?r?e, elles n'eussent jamais pu acqu?rir tout le d?veloppement dont elles sont susceptibles. Ainsi l'exige notre organisation. Mais, quoi qu'il en soit, repr?sentons-nous, autant que possible, cette disposition si universelle et si prononc?e, et demandons-nous quel accueil aurait re?u ? une telle ?poque, en la supposant form?e, la philosophie positive, dont la plus haute ambition est de d?couvrir les lois des ph?nom?nes, et dont le premier caract?re propre est pr?cis?ment de regarder comme n?cessairement interdits ? la raison humaine tous ces sublimes myst?res, que la philosophie th?ologique explique, au contraire, avec une si admirable facilit? jusque dans leurs moindres d?tails.
Il en est de m?me en consid?rant sous le point de vue pratique la nature des recherches qui occupent primitivement l'esprit humain. Sous ce rapport, elles offrent ? l'homme l'attrait si ?nergique d'un empire illimit? ? exercer sur le monde ext?rieur, envisag? comme enti?rement destin? ? notre usage, et comme pr?sentant dans tous ses ph?nom?nes des relations intimes et continues avec notre existence. Or, ces esp?rances chim?riques, ces id?es exag?r?es de l'importance de l'homme dans l'univers, que fait na?tre la philosophie th?ologique, et que d?truit sans retour la premi?re influence de la philosophie positive, sont, ? l'origine, un stimulant indispensable, sans lequel on ne pourrait certainement concevoir que l'esprit humain se f?t d?termin? primitivement ? de p?nibles travaux.
Nous sommes aujourd'hui tellement ?loign?s de ces dispositions premi?res, du moins quant ? la plupart des ph?nom?nes, que nous avons peine ? nous repr?senter exactement la puissance et la n?cessit? de consid?rations semblables. La raison humaine est maintenant assez m?re pour que nous entreprenions de laborieuses recherches scientifiques, sans avoir en vue aucun but ?tranger capable d'agir fortement sur l'imagination, comme celui que se proposaient les astrologues ou les alchimistes. Notre activit? intellectuelle est suffisamment excit?e par le pur espoir de d?couvrir les lois des ph?nom?nes, par le simple d?sir de confirmer ou d'infirmer une th?orie. Mais il ne pouvait en ?tre ainsi dans l'enfance de l'esprit humain. Sans les attrayantes chim?res de l'astrologie, sans les ?nergiques d?ceptions de l'alchimie, par exemple, o? aurions-nous puis? la constance et l'ardeur n?cessaires pour recueillir les longues suites d'observations et d'exp?riences qui ont, plus tard, servi de fondement aux premi?res th?ories positives de l'une et l'autre classe de ph?nom?nes?
Cette condition de notre d?veloppement intellectuel a ?t? vivement sentie depuis long-temps par K?pler, pour l'astronomie, et justement appr?ci?e de nos jours par Berthollet, pour la chimie.
On voit donc, par cet ensemble de consid?rations, que, si la philosophie positive est le v?ritable ?tat d?finitif de l'intelligence humaine, celui vers lequel elle a toujours tendu de plus en plus, elle n'en a pas moins d? n?cessairement employer d'abord, et pendant une longue suite de si?cles, soit comme m?thode, soit comme doctrine provisoires, la philosophie th?ologique; philosophie dont le caract?re est d'?tre spontan?e, et, par cela m?me, la seule possible ? l'origine, la seule aussi qui p?t offrir ? notre esprit naissant un int?r?t suffisant. Il est maintenant tr?s-facile de sentir que, pour passer de cette philosophie provisoire ? la philosophie d?finitive, l'esprit humain a d? naturellement adopter, comme philosophie transitoire, les m?thodes et les doctrines m?taphysiques. Cette derni?re consid?ration est indispensable pour compl?ter l'aper?u g?n?ral de la grande loi que j'ai indiqu?e.
On con?oit sans peine, en effet, que notre entendement, contraint ? ne marcher que par degr?s presque insensibles, ne pouvait passer brusquement, et sans interm?diaires, de la philosophie th?ologique ? la philosophie positive. La th?ologie et la physique sont si profond?ment incompatibles, leurs conceptions ont un caract?re si radicalement oppos?, qu'avant de renoncer aux unes pour employer exclusivement les autres, l'intelligence humaine a d? se servir de conceptions interm?diaires, d'un caract?re b?tard, propres, par cela m?me, ? op?rer graduellement la transition. Telle est la destination naturelle des conceptions m?taphysiques: elles n'ont pas d'autre utilit? r?elle. En substituant, dans l'?tude des ph?nom?nes, ? l'action surnaturelle directrice une entit? correspondante et ins?parable, quoique celle-ci ne f?t d'abord con?ue que comme une ?manation de la premi?re, l'homme s'est habitu? peu ? peu ? ne consid?rer que les faits eux-m?mes, les notions de ces agens m?taphysiques ayant ?t? graduellement subtilis?es au point de n'?tre plus, aux yeux de tout esprit droit, que les noms abstraits des ph?nom?nes. Il est impossible d'imaginer par quel autre proc?d? notre entendement aurait pu passer des consid?rations franchement surnaturelles aux consid?rations purement naturelles, du r?gime th?ologique au r?gime positif.
Apr?s avoir ainsi ?tabli, autant que je puis le faire sans entrer dans une discussion sp?ciale qui serait d?plac?e en ce moment, la loi g?n?rale du d?veloppement de l'esprit humain, tel que je le con?ois, il nous sera maintenant ais? de d?terminer avec pr?cision la nature propre de la philosophie positive; ce qui est l'objet essentiel de ce discours.
Il serait ais? de multiplier ces exemples, qui se pr?senteront en foule dans toute la dur?e de ce cours, puisque tel est maintenant l'esprit qui dirige exclusivement les grandes combinaisons intellectuelles. Pour en citer en ce moment un seul parmi les travaux contemporains, je choisirai la belle s?rie de recherches de M. Fourier sur la th?orie de la chaleur. Elle nous offre la v?rification tr?s-sensible des remarques g?n?rales pr?c?dentes. En effet, dans ce travail, dont le caract?re philosophique est si ?minemment positif, les lois les plus importantes et les plus pr?cises des ph?nom?nes thermologiques se trouvent d?voil?es, sans que l'auteur se soit enquis une seule fois de la nature intime de la chaleur, sans qu'il ait mentionn?, autrement que pour en indiquer le vide, la controverse si agit?e entre les partisans de la mati?re calorifique et ceux qui font consister la chaleur dans les vibrations d'un ?ther universel. Et n?anmoins les plus hautes questions, dont plusieurs n'avaient m?me jamais ?t? pos?es, sont trait?es dans cet ouvrage, preuve palpable que l'esprit humain, sans se jeter dans des probl?mes inabordables, et en se restreignant dans les recherches d'un ordre enti?rement positif, peut y trouver un aliment in?puisable ? son activit? la plus profonde.
Apr?s avoir caract?ris?, aussi exactement qu'il m'est permis de le faire dans cet aper?u g?n?ral, l'esprit de la philosophie positive, que ce cours tout entier est destin? ? d?velopper, je dois maintenant examiner ? quelle ?poque de sa formation elle est parvenue aujourd'hui, et ce qui reste ? faire pour achever de la constituer.
? cet effet, il faut d'abord consid?rer que les diff?rentes branches de nos connaissances n'ont pas d? parcourir d'une vitesse ?gale les trois grandes phases de leur d?veloppement indiqu?es ci-dessus, ni, par cons?quent, arriver simultan?ment ? l'?tat positif. Il existe, sous ce rapport, un ordre invariable et n?cessaire, que nos divers genres de conceptions ont suivi et d? suivre dans leur progression, et dont la consid?ration exacte est le compl?ment indispensable de la loi fondamentale ?nonc?e pr?c?demment. Cet ordre sera le sujet sp?cial de la prochaine le?on. Qu'il nous suffise, quant ? pr?sent, de savoir qu'il est conforme ? la nature diverse des ph?nom?nes, et qu'il est d?termin? par leur degr? de g?n?ralit?, de simplicit? et d'ind?pendance r?ciproque, trois consid?rations qui, bien que distinctes, concourent au m?me but. Ainsi, les ph?nom?nes astronomiques d'abord, comme ?tant les plus g?n?raux, les plus simples, et les plus ind?pendans de tous les autres, et successivement, par les m?mes raisons, les ph?nom?nes de la physique terrestre proprement dite, ceux de la chimie, et enfin les ph?nom?nes physiologiques, ont ?t? ramen?s ? des th?ories positives.
Il est impossible d'assigner l'origine pr?cise de cette r?volution; car on en peut dire avec exactitude, comme de tous les autres grands ?v?nemens humains, qu'elle s'est accomplie constamment et de plus en plus, particuli?rement depuis les travaux d'Aristote et de l'?cole d'Alexandrie, et ensuite depuis l'introduction des sciences naturelles dans l'Europe occidentale par les Arabes. Cependant, vu qu'il convient de fixer une ?poque pour emp?cher la divagation des id?es, j'indiquerai celle du grand mouvement imprim? ? l'esprit humain, il y a deux si?cles, par l'action combin?e des pr?ceptes de Bacon, des conceptions de Descartes, et des d?couvertes de Galil?e, comme le moment o? l'esprit de la philosophie positive a commenc? ? se prononcer dans le monde, en opposition ?vidente avec l'esprit th?ologique et m?taphysique. C'est alors, en effet, que les conceptions positives se sont d?gag?es nettement de l'alliage superstitieux et scolastique qui d?guisait plus ou moins le v?ritable caract?re de tous les travaux ant?rieurs.
Depuis cette m?morable ?poque, le mouvement d'ascension de la philosophie positive, et le mouvement de d?cadence de la philosophie th?ologique et m?taphysique, ont ?t? extr?mement marqu?s. Ils se sont enfin tellement prononc?s, qu'il est devenu impossible aujourd'hui, ? tous les observateurs ayant conscience de leur si?cle, de m?conna?tre la destination finale de l'intelligence humaine pour les ?tudes positives, ainsi que son ?loignement d?sormais irr?vocable pour ces vaines doctrines et pour ces m?thodes provisoires qui ne pouvaient convenir qu'? son premier essor. Ainsi, cette r?volution fondamentale s'accomplira n?cessairement dans toute son ?tendue. Si donc il lui reste encore quelque grande conqu?te ? faire, quelque branche principale du domaine intellectuel ? envahir, on peut ?tre certain que la transformation s'y op?rera, comme elle s'est effectu?e dans toutes les autres. Car, il serait ?videmment contradictoire de supposer que l'esprit humain, si dispos? ? l'unit? de m?thode, conserv?t ind?finiment, pour une seule classe de ph?nom?nes, sa mani?re primitive de philosopher, lorsqu'une fois il est arriv? ? adopter pour tout le reste une nouvelle marche philosophique, d'un caract?re absolument oppos?.
Tout se r?duit donc ? une simple question de fait: la philosophie positive, qui, dans les deux derniers si?cles, a pris graduellement une si grande extension, embrasse-t-elle aujourd'hui tous les ordres de ph?nom?nes? Il est ?vident que cela n'est point, et que, par cons?quent, il reste encore une grande op?ration scientifique ? ex?cuter pour donner ? la philosophie positive ce caract?re d'universalit?, indispensable ? sa constitution d?finitive.
En effet, dans les quatre cat?gories principales de ph?nom?nes naturels ?num?r?es tout ? l'heure, les ph?nom?nes astronomiques, physiques, chimiques et physiologiques, on remarque une lacune essentielle relative aux ph?nom?nes sociaux, qui, bien que compris implicitement parmi les ph?nom?nes physiologiques, m?ritent, soit par leur importance, soit par les difficult?s propres ? leur ?tude, de former une cat?gorie distincte. Ce dernier ordre de conceptions, qui se rapporte aux ph?nom?nes les plus particuliers, les plus compliqu?s, et les plus d?pendans de tous les autres, a d? n?cessairement, par cela seul, se perfectionner plus lentement que tous les pr?c?dens, m?me sans avoir ?gard aux obstacles plus sp?ciaux que nous consid?rerons plus tard. Quoi qu'il en soit, il est ?vident qu'il n'est point encore entr? dans le domaine de la philosophie positive. Les m?thodes th?ologiques et m?taphysiques qui, relativement ? tous les autres genres de ph?nom?nes, ne sont plus maintenant employ?es par personne, soit comme moyen d'investigation, soit m?me seulement comme moyen d'argumentation, sont encore, au contraire, exclusivement usit?es, sous l'un et l'autre rapport, pour tout ce qui concerne les ph?nom?nes sociaux, quoique leur insuffisance ? cet ?gard soit d?j? pleinement sentie par tous les bons esprits, lass?s de ces vaines contestations interminables entre le droit divin et la souverainet? du peuple.
Les conceptions que je tenterai de pr?senter relativement ? l'?tude des ph?nom?nes sociaux, et dont j'esp?re que ce discours laisse d?j? entrevoir le germe, ne sauraient avoir pour objet de donner imm?diatement ? la physique sociale le m?me degr? de perfection qu'aux branches ant?rieures de la philosophie naturelle, ce qui serait ?videmment chim?rique, puisque celles-ci offrent d?j? entre elles ? cet ?gard une extr?me in?galit?, d'ailleurs in?vitable. Mais elles seront destin?es ? imprimer ? cette derni?re classe de nos connaissances, ce caract?re positif d?j? pris par toutes les autres. Si cette condition est une fois r?ellement remplie, le syst?me philosophique des modernes sera enfin fond? dans son ensemble; car aucun ph?nom?ne observable ne saurait ?videmment manquer de rentrer dans quelqu'une des cinq grandes cat?gories d?s lors ?tablies des ph?nom?nes astronomiques, physiques, chimiques, physiologiques et sociaux. Toutes nos conceptions fondamentales ?tant devenues homog?nes, la philosophie sera d?finitivement constitu?e ? l'?tat positif; sans jamais pouvoir changer de caract?re, il ne lui restera qu'? se d?velopper ind?finiment par les acquisitions toujours croissantes qui r?sulteront in?vitablement de nouvelles observations ou de m?ditations plus profondes. Ayant acquis par l? le caract?re d'universalit? qui lui manque encore, la philosophie positive deviendra capable de se substituer enti?rement, avec toute sa sup?riorit? naturelle, ? la philosophie th?ologique et ? la philosophie m?taphysique, dont cette universalit? est aujourd'hui la seule propri?t? r?elle, et qui, priv?es d'un tel motif de pr?f?rence, n'auront plus pour nos successeurs qu'une existence historique.
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