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Read Ebook: A Manual of Shoemaking and Leather and Rubber Products by Dooley William H William Henry

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Ebook has 174 lines and 23690 words, and 4 pages

Les conceptions que je tenterai de pr?senter relativement ? l'?tude des ph?nom?nes sociaux, et dont j'esp?re que ce discours laisse d?j? entrevoir le germe, ne sauraient avoir pour objet de donner imm?diatement ? la physique sociale le m?me degr? de perfection qu'aux branches ant?rieures de la philosophie naturelle, ce qui serait ?videmment chim?rique, puisque celles-ci offrent d?j? entre elles ? cet ?gard une extr?me in?galit?, d'ailleurs in?vitable. Mais elles seront destin?es ? imprimer ? cette derni?re classe de nos connaissances, ce caract?re positif d?j? pris par toutes les autres. Si cette condition est une fois r?ellement remplie, le syst?me philosophique des modernes sera enfin fond? dans son ensemble; car aucun ph?nom?ne observable ne saurait ?videmment manquer de rentrer dans quelqu'une des cinq grandes cat?gories d?s lors ?tablies des ph?nom?nes astronomiques, physiques, chimiques, physiologiques et sociaux. Toutes nos conceptions fondamentales ?tant devenues homog?nes, la philosophie sera d?finitivement constitu?e ? l'?tat positif; sans jamais pouvoir changer de caract?re, il ne lui restera qu'? se d?velopper ind?finiment par les acquisitions toujours croissantes qui r?sulteront in?vitablement de nouvelles observations ou de m?ditations plus profondes. Ayant acquis par l? le caract?re d'universalit? qui lui manque encore, la philosophie positive deviendra capable de se substituer enti?rement, avec toute sa sup?riorit? naturelle, ? la philosophie th?ologique et ? la philosophie m?taphysique, dont cette universalit? est aujourd'hui la seule propri?t? r?elle, et qui, priv?es d'un tel motif de pr?f?rence, n'auront plus pour nos successeurs qu'une existence historique.

Le but sp?cial de ce cours ?tant ainsi expos?, il est ais? de comprendre son second but, son but g?n?ral, ce qui en fait un cours de philosophie positive, et non pas seulement un cours de physique sociale.

En effet, la fondation de la physique sociale compl?tant enfin le syst?me des sciences naturelles, il devient possible et m?me n?cessaire de r?sumer les diverses connaissances acquises, parvenues alors ? un ?tat fixe et homog?ne, pour les coordonner en les pr?sentant comme autant de branches d'un tronc unique, au lieu de continuer ? les concevoir seulement comme autant de corps isol?s. C'est ? cette fin qu'avant de proc?der ? l'?tude des ph?nom?nes sociaux je consid?rerai successivement, dans l'ordre encyclop?dique annonc? plus haut, les diff?rentes sciences positives d?j? form?es.

Afin de r?sumer les id?es relativement au double but de ce cours, je dois faire observer que les deux objets, l'un sp?cial, l'autre g?n?ral, que je me propose, quoique distincts en eux-m?mes, sont n?cessairement ins?parables. Car, d'un c?t?, il serait impossible de concevoir un cours de philosophie positive sans la fondation de la physique sociale, puisqu'il manquerait alors d'un ?l?ment essentiel, et que, par cela seul, les conceptions ne sauraient avoir ce caract?re de g?n?ralit? qui doit en ?tre le principal attribut, et qui distingue notre ?tude actuelle de la s?rie des ?tudes sp?ciales. D'un autre c?t?, comment proc?der avec s?ret? ? l'?tude positive des ph?nom?nes sociaux, si l'esprit n'est d'abord pr?par? par la consid?ration approfondie des m?thodes positives d?j? jug?es pour les ph?nom?nes moins compliqu?s, et muni, en outre, de la connaissance des lois principales des ph?nom?nes ant?rieurs, qui toutes influent, d'une mani?re plus ou moins directe, sur les faits sociaux?

Bien que toutes les sciences fondamentales n'inspirent pas aux esprits vulgaires un ?gal int?r?t, il n'en est aucune qui doive ?tre n?glig?e dans une ?tude comme celle que nous entreprenons. Quant ? leur importance pour le bonheur de l'esp?ce humaine, toutes sont certainement ?quivalentes, lorsqu'on les envisage d'une mani?re approfondie. Celles, d'ailleurs, dont les r?sultats pr?sentent, au premier abord, un moindre int?r?t pratique, se recommandent ?minemment, soit par la plus grande perfection de leurs m?thodes, soit comme ?tant le fondement indispensable de toutes les autres. C'est une consid?ration sur laquelle j'aurai sp?cialement occasion de revenir dans la prochaine le?on.

Pour pr?venir, autant que possible, toutes les fausses interpr?tations qu'il est l?gitime de craindre sur la nature d'un cours aussi nouveau que celui-ci, je dois ajouter sommairement aux explications pr?c?dentes quelques consid?rations directement relatives ? cette universalit? de connaissances sp?ciales, que des juges irr?fl?chis pourraient regarder comme la tendance de ce cours, et qui est envisag?e ? si juste raison comme tout-?-fait contraire au v?ritable esprit de la philosophie positive. Ces consid?rations auront, d'ailleurs, l'avantage plus important de pr?senter cet esprit sous un nouveau point de vue, propre ? achever d'en ?claircir la notion g?n?rale.

Dans l'?tat primitif de nos connaissances il n'existe aucune division r?guli?re parmi nos travaux intellectuels; toutes les sciences sont cultiv?es simultan?ment par les m?mes esprits. Ce mode d'organisation des ?tudes humaines, d'abord in?vitable et m?me indispensable, comme nous aurons lieu de le constater plus tard, change peu ? peu, ? mesure que les divers ordres de conceptions se d?veloppent. Par une loi dont la n?cessit? est ?vidente, chaque branche du syst?me scientifique se s?pare insensiblement du tronc, lorsqu'elle a pris assez d'accroissement pour comporter une culture isol?e, c'est-?-dire quand elle est parvenue ? ce point de pouvoir occuper ? elle seule l'activit? permanente de quelques intelligences. C'est ? cette r?partition des diverses sortes de recherches entre diff?rens ordres de savans, que nous devons ?videmment le d?veloppement si remarquable qu'a pris enfin de nos jours chaque classe distincte des connaissances humaines, et qui rend manifeste l'impossibilit?, chez les modernes, de cette universalit? de recherches sp?ciales, si facile et si commune dans les temps antiques. En un mot, la division du travail intellectuel, perfectionn?e de plus en plus, est un des attributs caract?ristiques les plus importans de la philosophie positive.

Mais, tout en reconnaissant les prodigieux r?sultats de cette division, tout en voyant d?sormais en elle la v?ritable base fondamentale de l'organisation g?n?rale du monde savant, il est impossible, d'un autre c?t?, de n'?tre pas frapp? des inconv?niens capitaux qu'elle engendre, dans son ?tat actuel, par l'excessive particularit? des id?es qui occupent exclusivement chaque intelligence individuelle. Ce f?cheux effet est sans doute in?vitable jusqu'? un certain point, comme inh?rent au principe m?me de la division; c'est-?-dire que, par aucune mesure quelconque, nous ne parviendrons jamais ? ?galer sous ce rapport les anciens, chez lesquels une telle sup?riorit? ne tenait surtout qu'au peu de d?veloppement de leurs connaissances. Nous pouvons n?anmoins, ce me semble, par des moyens convenables, ?viter les plus pernicieux effets de la sp?cialit? exag?r?e, sans nuire ? l'influence vivifiante de la s?paration des recherches. Il est urgent de s'en occuper s?rieusement; car ces inconv?niens, qui, par leur nature, tendent ? s'accro?tre sans cesse, commencent ? devenir tr?s-sensibles. De l'aveu de tous, les divisions, ?tablies pour la plus grande perfection de nos travaux, entre les diverses branches de la philosophie naturelle, sont finalement artificielles. N'oublions pas que, nonobstant cet aveu, il est d?j? bien petit dans le monde savant le nombre des intelligences embrassant dans leurs conceptions l'ensemble m?me d'une science unique, qui n'est cependant ? son tour qu'une partie d'un grand tout. La plupart se bornent d?j? enti?rement ? la consid?ration isol?e d'une section plus ou moins ?tendue d'une science d?termin?e, sans s'occuper beaucoup de la relation de ces travaux particuliers avec le syst?me g?n?ral des connaissances positives. H?tons-nous de rem?dier au mal, avant qu'il soit devenu plus grave. Craignons que l'esprit humain ne finisse par se perdre dans les travaux de d?tail. Ne nous dissimulons pas que c'est l? essentiellement le c?t? faible par lequel les partisans de la philosophie th?ologique et de la philosophie m?taphysique peuvent encore attaquer avec quelque espoir de succ?s la philosophie positive.

Le v?ritable moyen d'arr?ter l'influence d?l?t?re dont l'avenir intellectuel semble menac?, par suite d'une trop grande sp?cialisation des recherches individuelles, ne saurait ?tre, ?videmment, de revenir ? cette antique confusion des travaux, qui tendrait ? faire r?trograder l'esprit humain, et qui est, d'ailleurs, aujourd'hui heureusement devenue impossible. Il consiste, au contraire, dans le perfectionnement de la division du travail elle-m?me. Il suffit, en effet, de faire de l'?tude des g?n?ralit?s scientifiques une grande sp?cialit? de plus. Qu'une classe nouvelle de savans, pr?par?s par une ?ducation convenable, sans se livrer ? la culture sp?ciale d'aucune branche particuli?re de la philosophie naturelle, s'occupe uniquement, en consid?rant les diverses sciences positives dans leur ?tat actuel, ? d?terminer exactement l'esprit de chacune d'elles, ? d?couvrir leurs relations et leur encha?nement, ? r?sumer, s'il est possible, tous leurs principes propres en un moindre nombre de principes communs, en se conformant sans cesse aux maximes fondamentales de la m?thode positive. Qu'en m?me temps, les autres savans, avant de se livrer ? leurs sp?cialit?s respectives, soient rendus aptes d?sormais, par une ?ducation portant sur l'ensemble des connaissances positives, ? profiter imm?diatement des lumi?res r?pandues par ces savans vou?s ? l'?tude des g?n?ralit?s, et r?ciproquement ? rectifier leurs r?sultats, ?tat de choses dont les savans actuels se rapprochent visiblement de jour en jour. Ces deux grandes conditions une fois remplies, et il est ?vident qu'elles peuvent l'?tre, la division du travail dans les sciences sera pouss?e, sans aucun danger, aussi loin que le d?veloppement des divers ordres de connaissances l'exigera. Une classe distincte, incessamment contr?l?e par toutes les autres, ayant pour fonction propre et permanente de lier chaque nouvelle d?couverte particuli?re au syst?me g?n?ral, on n'aura plus ? craindre qu'une trop grande attention donn?e aux d?tails emp?che jamais d'apercevoir l'ensemble. En un mot, l'organisation moderne du monde savant sera d?s lors compl?tement fond?e, et n'aura qu'? se d?velopper ind?finiment, en conservant toujours le m?me caract?re.

Former ainsi de l'?tude des g?n?ralit?s scientifiques une section distincte du grand travail intellectuel, c'est simplement ?tendre l'application du m?me principe de division qui a successivement s?par? les diverses sp?cialit?s; car, tant que les diff?rentes sciences positives ont ?t? peu d?velopp?es, leurs relations mutuelles ne pouvaient avoir assez d'importance pour donner lieu, au moins d'une mani?re permanente, ? une classe particuli?re de travaux, et en m?me temps la n?cessit? de cette nouvelle ?tude ?tait bien moins urgente. Mais aujourd'hui chacune des sciences a pris s?par?ment assez d'extension pour que l'examen de leurs rapports mutuels puisse donner lieu ? des travaux suivis, en m?me temps que ce nouvel ordre d'?tudes devient indispensable pour pr?venir la dispersion des conceptions humaines.

Telle est la mani?re dont je con?ois la destination de la philosophie positive dans le syst?me g?n?ral des sciences positives proprement dites. Tel est, du moins, le but de ce cours.

Maintenant que j'ai essay? de d?terminer, aussi exactement qu'il m'a ?t? possible de le faire, dans ce premier aper?u, l'esprit g?n?ral d'un cours de philosophie positive, je crois devoir, pour imprimer ? ce tableau tout son caract?re, signaler rapidement les principaux avantages g?n?raux que peut avoir un tel travail, si les conditions essentielles en sont convenablement remplies, relativement aux progr?s de l'esprit humain. Je r?duirai ce dernier ordre de consid?rations ? l'indication de quatre propri?t?s fondamentales.

Premi?rement l'?tude de la philosophie positive, en consid?rant les r?sultats de l'activit? de nos facult?s intellectuelles, nous fournit le seul vrai moyen rationnel de mettre en ?vidence les lois logiques de l'esprit humain, qui ont ?t? recherch?es jusqu'ici par des voies si peu propres ? les d?voiler.

Si l'on envisage ces fonctions sous le point de vue statique, leur ?tude ne peut consister que dans la d?termination des conditions organiques dont elles d?pendent; elle forme ainsi une partie essentielle de l'anatomie et de la physiologie. En les consid?rant sous le point de vue dynamique, tout se r?duit ? ?tudier la marche effective de l'esprit humain en exercice, par l'examen des proc?d?s r?ellement employ?s pour obtenir les diverses connaissances exactes qu'il a d?j? acquises, ce qui constitue essentiellement l'objet g?n?ral de la philosophie positive, ainsi que je l'ai d?finie dans ce discours. En un mot, regardant toutes les th?ories scientifiques comme autant de grands faits logiques, c'est uniquement par l'observation approfondie de ces faits qu'on peut s'?lever ? la connaissance des lois logiques.

Telles sont ?videmment les deux seules voies g?n?rales, compl?mentaires l'une de l'autre, par lesquelles on puisse arriver ? quelques notions rationnelles v?ritables sur les ph?nom?nes intellectuels. On voit que, sous aucun rapport, il n'y a place pour cette psychologie illusoire, derni?re transformation de la th?ologie, qu'on tente si vainement de ranimer aujourd'hui, et qui, sans s'inqui?ter ni de l'?tude physiologique de nos organes intellectuels, ni de l'observation des proc?d?s rationnels qui dirigent effectivement nos diverses recherches scientifiques, pr?tend arriver ? la d?couverte des lois fondamentales de l'esprit humain, en le contemplant en lui-m?me, c'est-?-dire en faisant compl?tement abstraction et des causes et des effets.

La pr?pond?rance de la philosophie positive est successivement devenue telle depuis Bacon; elle a pris aujourd'hui, indirectement, un si grand ascendant sur les esprits m?me qui sont demeur?s les plus ?trangers ? son immense d?veloppement, que les m?taphysiciens livr?s ? l'?tude de notre intelligence n'ont pu esp?rer de ralentir la d?cadence de leur pr?tendue science qu'en se ravisant pour pr?senter leurs doctrines comme ?tant aussi fond?es sur l'observation des faits. ? cette fin, ils ont imagin?, dans ces derniers temps, de distinguer, par une subtilit? fort singuli?re, deux sortes d'observations d'?gale importance, l'une ext?rieure, l'autre int?rieure, et dont la derni?re est uniquement destin?e ? l'?tude des ph?nom?nes intellectuels. Ce n'est point ici le lieu d'entrer dans la discussion sp?ciale de ce sophisme fondamental. Je dois me borner ? indiquer la consid?ration principale qui prouve clairement que cette pr?tendue contemplation directe de l'esprit par lui-m?me est une pure illusion.

Il est sensible, en effet, que, par une n?cessit? invincible, l'esprit humain peut observer directement tous les ph?nom?nes, except? les siens propres. Car, par qui serait faite l'observation? On con?oit, relativement aux ph?nom?nes moraux, que l'homme puisse s'observer lui-m?me sous le rapport des passions qui l'animent, par cette raison anatomique, que les organes qui en sont le si?ge sont distincts de ceux destin?s aux fonctions observatrices. Encore m?me que chacun ait eu occasion de faire sur lui de telles remarques, elles ne sauraient ?videmment avoir jamais une grande importance scientifique, et le meilleur moyen de conna?tre les passions sera-t-il toujours de les observer en dehors; car tout ?tat de passion tr?s-prononc?, c'est-?-dire pr?cis?ment celui qu'il serait le plus essentiel d'examiner, est n?cessairement incompatible avec l'?tat d'observation. Mais, quant ? observer de la m?me mani?re les ph?nom?nes intellectuels pendant qu'ils s'ex?cutent, il y a impossibilit? manifeste. L'individu pensant ne saurait se partager en deux, dont l'un raisonnerait, tandis que l'autre regarderait raisonner. L'organe observ? et l'organe observateur ?tant, dans ce cas, identiques, comment l'observation pourrait-elle avoir lieu?

Les v?ritables savans, les hommes vou?s aux ?tudes positives, en sont encore ? demander vainement ? ces psychologues de citer une seule d?couverte r?elle, grande ou petite, qui soit due ? cette m?thode si vant?e. Ce n'est pas ? dire pour cela que tous leurs travaux aient ?t? absolument sans aucun r?sultat relativement aux progr?s g?n?raux de nos connaissances, ind?pendamment du service ?minent qu'ils ont rendu en soutenant l'activit? de notre intelligence, ? l'?poque o? elle ne pouvait pas avoir d'aliment plus substantiel. Mais on peut affirmer que tout ce qui, dans leurs ?crits, ne consiste pas, suivant la judicieuse expression d'un illustre philosophe positif , en m?taphores prises pour des raisonnemens, et pr?sente quelque notion v?ritable, au lieu de provenir de leur pr?tendue m?thode, a ?t? obtenu par des observations effectives sur la marche de l'esprit humain, auxquelles a d? donner naissance, de temps ? autre, le d?veloppement des sciences. Encore m?me, ces notions si clair-sem?es, proclam?es avec tant d'emphase, et qui ne sont dues qu'? l'infid?lit? des psychologues ? leur pr?tendue m?thode, se trouvent-elles le plus souvent ou fort exag?r?es, ou tr?s-incompl?tes, et bien inf?rieures aux remarques d?j? faites sans ostentation par les savans sur les proc?d?s qu'ils emploient. Il serait ais? d'en citer des exemples frappans, si je ne craignais d'accorder ici trop d'extension ? une telle discussion: voyez, entre autres, ce qui est arriv? pour la th?orie des signes.

Les consid?rations que je viens d'indiquer, relativement ? la science logique, sont encore plus manifestes, quand on les transporte ? l'art logique.

En effet, lorsqu'il s'agit, non-seulement de savoir ce que c'est que la m?thode positive, mais d'en avoir une connaissance assez nette et assez profonde pour en pouvoir faire un usage effectif, c'est en action qu'il faut la consid?rer; ce sont les diverses grandes applications d?j? v?rifi?es que l'esprit humain en a faites qu'il convient d'?tudier. En un mot, ce n'est ?videmment que par l'examen philosophique des sciences qu'il est possible d'y parvenir. La m?thode n'est pas susceptible d'?tre ?tudi?e s?par?ment des recherches o? elle est employ?e; ou, du moins, ce n'est l? qu'une ?tude morte, incapable de f?conder l'esprit qui s'y livre. Tout ce qu'on en peut dire de r?el, quand on l'envisage abstraitement, se r?duit ? des g?n?ralit?s tellement vagues, qu'elles ne sauraient avoir aucune influence sur le r?gime intellectuel. Lorsqu'on a bien ?tabli, en th?se logique, que toutes nos connaissances doivent ?tre fond?es sur l'observation, que nous devons proc?der tant?t des faits aux principes, et tant?t des principes aux faits, et quelques autres aphorismes semblables, on conna?t beaucoup moins nettement la m?thode que celui qui a ?tudi?, d'une mani?re un peu approfondie, une seule science positive, m?me sans intention philosophique. C'est pour avoir m?connu ce fait essentiel, que nos psychologues sont conduits ? prendre leurs r?veries pour de la science, croyant comprendre la m?thode positive pour avoir lu les pr?ceptes de Bacon ou le discours de Descartes.

Tel doit ?tre le premier grand r?sultat direct de la philosophie positive, la manifestation par exp?rience des lois que suivent dans leur accomplissement nos fonctions intellectuelles, et, par suite, la connaissance pr?cise des r?gles g?n?rales convenables pour proc?der s?rement ? la recherche de la v?rit?.

Une seconde cons?quence, non moins importante, et d'un int?r?t bien plus pressant, qu'est n?cessairement destin? ? produire aujourd'hui l'?tablissement de la philosophie positive d?finie dans ce discours, c'est de pr?sider ? la refonte g?n?rale de notre syst?me d'?ducation.

Non-seulement l'?tude sp?ciale des g?n?ralit?s scientifiques est destin?e ? r?organiser l'?ducation, mais elle doit aussi contribuer aux progr?s particuliers des diverses sciences positives; ce qui constitue la troisi?me propri?t? fondamentale que je me suis propos? de signaler.

En effet, les divisions que nous ?tablissons entre nos sciences, sans ?tre arbitraires, comme quelques-uns le croient, sont essentiellement artificielles. En r?alit?, le sujet de toutes nos recherches est un; nous ne le partageons que dans la vue de s?parer les difficult?s pour les mieux r?soudre. Il en r?sulte plus d'une fois que, contrairement ? nos r?partitions classiques, des questions importantes exigeraient une certaine combinaison de plusieurs points de vue sp?ciaux, qui ne peut gu?re avoir lieu dans la constitution actuelle du monde savant; ce qui expose ? laisser ces probl?mes sans solution beaucoup plus long-temps qu'il ne serait n?cessaire. Un tel inconv?nient doit se pr?senter surtout pour les doctrines les plus essentielles de chaque science positive en particulier. On en peut citer ais?ment des exemples tr?s-marquans, que je signalerai soigneusement, ? mesure que le d?veloppement naturel de ce cours nous les pr?sentera.

J'en pourrais citer, dans le pass?, un exemple ?minemment m?morable, en consid?rant l'admirable conception de Descartes relative ? la g?om?trie analytique. Cette d?couverte fondamentale, qui a chang? la face de la science math?matique, et dans laquelle on doit voir le v?ritable germe de tous les grands progr?s ult?rieurs, qu'est-elle autre chose que le r?sultat d'un rapprochement ?tabli entre deux sciences, con?ues jusqu'alors d'une mani?re isol?e? Mais l'observation sera plus d?cisive en la faisant porter sur des questions encore pendantes.

Je me bornerai ici ? choisir dans la chimie, la doctrine si importante des proportions d?finies. Certainement, la m?morable discussion ?lev?e de nos jours, relativement au principe fondamental de cette th?orie, ne saurait encore, quelles que soient les apparences, ?tre regard?e comme irr?vocablement termin?e. Car, ce n'est pas l?, ce me semble, une simple question de chimie. Je crois pouvoir avancer que, pour obtenir ? cet ?gard une d?cision vraiment d?finitive, c'est-?-dire, pour d?terminer si nous devons regarder comme une loi de la nature que les mol?cules se combinent n?cessairement en nombres fixes, il sera indispensable de r?unir le point de vue chimique avec le point de vue physiologique. Ce qui l'indique, c'est que, de l'aveu m?me des illustres chimistes qui ont le plus puissamment contribu? ? la formation de cette doctrine, on peut dire tout au plus qu'elle se v?rifie constamment dans la composition des corps inorganiques; mais elle se trouve au moins aussi constamment en d?faut dans les compos?s organiques, auxquels il semble jusqu'? pr?sent tout-?-fait impossible de l'?tendre. Or, avant d'?riger cette th?orie en un principe r?ellement fondamental, ne faudra-t-il pas d'abord s'?tre rendu compte de cette immense exception? Ne tiendrait-elle pas ? ce m?me caract?re g?n?ral, propre ? tous les corps organis?s, qui fait que, dans aucun de leurs ph?nom?nes, il n'y a lieu ? concevoir des nombres invariables? Quoi qu'il en soit, un ordre tout nouveau de consid?rations, appartenant ?galement ? la chimie et ? la physiologie, est ?videmment n?cessaire pour d?cider finalement, d'une mani?re quelconque, cette grande question de philosophie naturelle.

Je crois convenable d'indiquer encore ici un second exemple de m?me nature, mais qui, se rapportant ? un sujet de recherches bien plus particulier, est encore plus concluant pour montrer l'importance sp?ciale de la philosophie positive dans la solution des questions qui exigent la combinaison de plusieurs sciences. Je le prends aussi dans la chimie. Il s'agit de la question encore ind?cise, qui consiste ? d?terminer si l'azote doit ?tre regard?, dans l'?tat pr?sent de nos connaissances, comme un corps simple ou comme un corps compos?. Vous savez par quelles consid?rations purement chimiques l'illustre Berz?lius est parvenu ? balancer l'opinion de presque tous les chimistes actuels, relativement ? la simplicit? de ce gaz. Mais ce que je ne dois pas n?gliger de faire particuli?rement remarquer, c'est l'influence exerc?e ? ce sujet sur l'esprit de M. Berz?lius, comme il en fait lui-m?me le pr?cieux aveu, par cette observation physiologique, que les animaux qui se nourrissent de mati?res non azot?es renferment dans la composition de leurs tissus tout autant d'azote que les animaux carnivores. Il est clair, en effet, d'apr?s cela, que pour d?cider r?ellement si l'azote est ou non un corps simple, il faudra n?cessairement faire intervenir la physiologie, et combiner avec les consid?rations chimiques proprement dites, une s?rie de recherches neuves sur la relation entre la composition des corps vivans et leur mode d'alimentation.

Il serait maintenant superflu de multiplier davantage les exemples de ces probl?mes de nature multiple, qui ne sauraient ?tre r?solus que par l'intime combinaison de plusieurs sciences cultiv?es aujourd'hui d'une mani?re tout-?-fait ind?pendantes. Ceux que je viens de citer suffisent pour faire sentir, en g?n?ral, l'importance de la fonction que doit remplir dans le perfectionnement de chaque science naturelle en particulier la philosophie positive, imm?diatement destin?e ? organiser d'une mani?re permanente de telles combinaisons, qui ne pourraient se former convenablement sans elle.

Enfin, une quatri?me et derni?re propri?t? fondamentale que je dois faire remarquer d?s ce moment dans ce que j'ai appel? la philosophie positive, et qui doit sans doute lui m?riter plus que toute autre l'attention g?n?rale, puisqu'elle est aujourd'hui la plus importante pour la pratique, c'est qu'elle peut ?tre consid?r?e comme la seule base solide de la r?organisation sociale qui doit terminer l'?tat de crise dans lequel se trouvent depuis si long-temps les nations les plus civilis?es. La derni?re partie de ce cours sera sp?cialement consacr?e ? ?tablir cette proposition, en la d?veloppant dans toute son ?tendue. Mais l'esquisse g?n?rale du grand tableau que j'ai entrepris d'indiquer dans ce discours manquerait d'un de ses ?l?mens les plus caract?ristiques, si je n?gligeais de signaler ici une consid?ration aussi essentielle.

Quelques r?flexions bien simples suffiront pour justifier ce qu'une telle qualification para?t d'abord pr?senter de trop ambitieux.

Ce n'est pas aux lecteurs de cet ouvrage que je croirai jamais devoir prouver que les id?es gouvernent et bouleversent le monde, ou, en d'autres termes, que tout le m?canisme social repose finalement sur des opinions. Ils savent surtout que la grande crise politique et morale des soci?t?s actuelles tient, en derni?re analyse, ? l'anarchie intellectuelle. Notre mal le plus grave consiste, en effet, dans cette profonde divergence qui existe maintenant entre tous les esprits relativement ? toutes les maximes fondamentales dont la fixit? est la premi?re condition d'un v?ritable ordre social. Tant que les intelligences individuelles n'auront pas adh?r? par un assentiment unanime ? un certain nombre d'id?es g?n?rales capables de former une doctrine sociale commune, on ne peut se dissimuler que l'?tat des nations restera, de toute n?cessit?, essentiellement r?volutionnaire, malgr? tous les palliatifs politiques qui pourront ?tre adopt?s, et ne comportera r?ellement que des institutions provisoires. Il est ?galement certain que si cette r?union des esprits dans une m?me communion de principes peut une fois ?tre obtenue, les institutions convenables en d?couleront n?cessairement, sans donner lieu ? aucune secousse grave, le plus grand d?sordre ?tant d?j? dissip? par ce seul fait. C'est donc l? que doit se porter principalement l'attention de tous ceux qui sentent l'importance d'un ?tat de choses vraiment normal.

Maintenant, du point de vue ?lev? o? nous ont plac?s graduellement les diverses consid?rations indiqu?es dans ce discours, il est ais? ? la fois et de caract?riser nettement dans son intime profondeur l'?tat pr?sent des soci?t?s, et d'en d?duire par quelle voie on peut le changer essentiellement. En me rattachant ? la loi fondamentale ?nonc?e au commencement de ce discours, je crois pouvoir r?sumer exactement toutes les observations relatives ? la situation actuelle de la soci?t?, en disant simplement que le d?sordre actuel des intelligences tient, en derni?re analyse, ? l'emploi simultan? des trois philosophies radicalement incompatibles: la philosophie th?ologique, la philosophie m?taphysique et la philosophie positive. Il est clair, en effet, que si l'une quelconque de ces trois philosophies obtenait en r?alit? une pr?pond?rance universelle et compl?te, il y aurait un ordre social d?termin?, tandis que le mal consiste surtout dans l'absence de toute v?ritable organisation. C'est la coexistence de ces trois philosophies oppos?es qui emp?che absolument de s'entendre sur aucun point essentiel. Or, si cette mani?re de voir est exacte, il ne s'agit plus que de savoir laquelle des trois philosophies peut et doit pr?valoir par la nature des choses; tout homme sens? devra ensuite, quelles qu'aient pu ?tre, avant l'analyse de la question, ses opinions particuli?res, s'efforcer de concourir ? son triomphe. La recherche ?tant une fois r?duite ? ces termes simples, elle ne para?t pas devoir rester long-temps incertaine; car il est ?vident, par toutes sortes de raisons dont j'ai indiqu? dans ce discours quelques-unes des principales, que la philosophie positive est seule destin?e ? pr?valoir selon le cours ordinaire des choses. Seule elle a ?t?, depuis une longue suite de si?cles, constamment en progr?s, tandis que ses antagonistes ont ?t? constamment en d?cadence. Que ce soit ? tort ou ? raison, peu importe; le fait g?n?ral est incontestable, et il suffit. On peut le d?plorer, mais non le d?truire, ni par cons?quent le n?gliger, sous peine de ne se livrer qu'? des sp?culations illusoires. Cette r?volution g?n?rale de l'esprit humain est aujourd'hui presque enti?rement accomplie: il ne reste plus, comme je l'ai expliqu?, qu'? compl?ter la philosophie positive en y comprenant l'?tude des ph?nom?nes sociaux, et ensuite ? la r?sumer en un seul corps de doctrine homog?ne. Quand ce double travail sera suffisamment avanc?, le triomphe d?finitif de la philosophie positive aura lieu spontan?ment, et r?tablira l'ordre dans la soci?t?. La pr?f?rence si prononc?e que presque tous les esprits, depuis les plus ?lev?s jusqu'aux plus vulgaires, accordent aujourd'hui aux connaissances positives sur les conceptions vagues et mystiques, pr?sage assez l'accueil que recevra cette philosophie, lorsqu'elle aura acquis la seule qualit? qui lui manque encore, un caract?re de g?n?ralit? convenable.

En r?sum?, la philosophie th?ologique et la philosophie m?taphysique se disputent aujourd'hui la t?che, trop sup?rieure aux forces de l'une et de l'autre, de r?organiser la soci?t?: c'est entre elles seules que subsiste encore la lutte, sous ce rapport. La philosophie positive n'est intervenue jusqu'ici dans la contestation que pour les critiquer toutes deux, et elle s'en est assez bien acquitt?e pour les discr?diter enti?rement. Mettons-la enfin en ?tat de prendre un r?le actif, sans nous inqui?ter plus long-temps de d?bats devenus inutiles. Compl?tant la vaste op?ration intellectuelle commenc?e par Bacon, par Descartes et par Galil?e, construisons directement le syst?me d'id?es g?n?rales que cette philosophie est d?sormais destin?e ? faire ind?finiment pr?valoir dans l'esp?ce humaine, et la crise r?volutionnaire qui tourmente les peuples civilis?s sera essentiellement termin?e.

Tels sont les quatre points de vue principaux sous lesquels j'ai cru devoir indiquer d?s ce moment l'influence salutaire de la philosophie positive, pour servir de compl?ment essentiel ? la d?finition g?n?rale que j'ai essay? d'en exposer.

Avant de terminer, je d?sire appeler un instant l'attention sur une derni?re r?flexion qui me semble convenable pour ?viter, autant que possible, qu'on se forme d'avance une opinion erron?e de la nature de ce cours.

En assignant pour but ? la philosophie positive de r?sumer en un seul corps de doctrine homog?ne l'ensemble des connaissances acquises, relativement aux diff?rens ordres de ph?nom?nes naturels, il ?tait loin de ma pens?e de vouloir proc?der ? l'?tude g?n?rale de ces ph?nom?nes en les consid?rant tous comme des effets divers d'un principe unique, comme assuj?tis ? une seule et m?me loi. Quoique je doive traiter sp?cialement cette question dans la prochaine le?on, je crois devoir, d?s ? pr?sent, en faire la d?claration, afin de pr?venir les reproches tr?s-mal fond?s que pourraient m'adresser ceux qui, sur un faux aper?u, classeraient ce cours parmi ces tentatives d'explication universelle qu'on voit ?clore journellement de la part d'esprits enti?rement ?trangers aux m?thodes et aux connaissances scientifiques. Il ne s'agit ici de rien de semblable; et le d?veloppement de ce cours en fournira la preuve manifeste ? tous ceux chez lesquels les ?claircissemens contenus dans ce discours auraient pu laisser quelques doutes ? cet ?gard.

Dans ma profonde conviction personnelle, je consid?re ces entreprises d'explication universelle de tous les ph?nom?nes par une loi unique comme ?minemment chim?riques, m?me quand elles sont tent?es par les intelligences les plus comp?tentes. Je crois que les moyens de l'esprit humain sont trop faibles, et l'univers trop compliqu? pour qu'une telle perfection scientifique soit jamais ? notre port?e, et je pense, d'ailleurs, qu'on se forme g?n?ralement une id?e tr?s-exag?r?e des avantages qui en r?sulteraient n?cessairement, si elle ?tait possible. Dans tous les cas, il me semble ?vident que, vu l'?tat pr?sent de nos connaissances, nous en sommes encore beaucoup trop loin pour que de telles tentatives puissent ?tre raisonnables avant un laps de temps consid?rable. Car, si on pouvait esp?rer d'y parvenir, ce ne pourrait ?tre, suivant moi, qu'en rattachant tous les ph?nom?nes naturels ? la loi positive la plus g?n?rale que nous connaissions, la loi de la gravitation, qui lie d?j? tous les ph?nom?nes astronomiques ? une partie de ceux de la physique terrestre. Laplace a expos? effectivement une conception par laquelle on pourrait ne voir dans les ph?nom?nes chimiques que de simples effets mol?culaires de l'attraction newtonienne, modifi?e par la figure et la position mutuelle des atomes. Mais, outre l'ind?termination dans laquelle resterait probablement toujours cette conception, par l'absence des donn?es essentielles relatives ? la constitution intime des corps, il est presque certain que la difficult? de l'appliquer serait telle, qu'on serait oblig? de maintenir, comme artificielle, la division aujourd'hui ?tablie comme naturelle entre l'astronomie et la chimie. Aussi Laplace n'a-t-il pr?sent? cette id?e que comme un simple jeu philosophique, incapable d'exercer r?ellement aucune influence utile sur les progr?s de la science chimique. Il y a plus, d'ailleurs; car, m?me en supposant vaincue cette insurmontable difficult?, on n'aurait pas encore atteint ? l'unit? scientifique, puisqu'il faudrait ensuite tenter de rattacher ? la m?me loi l'ensemble des ph?nom?nes physiologiques; ce qui, certes, ne serait pas la partie la moins difficile de l'entreprise. Et, n?anmoins, l'hypoth?se que nous venons de parcourir serait, tout bien consid?r?, la plus favorable ? cette unit? si d?sir?e.

Je n'ai pas besoin de plus grands d?tails pour achever de convaincre que le but de ce cours n'est nullement de pr?senter tous les ph?nom?nes naturels comme ?tant au fond identiques, sauf la vari?t? des circonstances. La philosophie positive serait sans doute plus parfaite s'il pouvait en ?tre ainsi. Mais cette condition n'est nullement n?cessaire ? sa formation syst?matique, non plus qu'? la r?alisation des grandes et heureuses cons?quences que nous l'avons vue destin?e ? produire. Il n'y a d'unit? indispensable pour cela que l'unit? de m?thode, laquelle peut et doit ?videmment exister, et se trouve d?j? ?tablie en majeure partie. Quant ? la doctrine, il n'est pas n?cessaire qu'elle soit une; il suffit qu'elle soit homog?ne. C'est donc sous le double point de vue de l'unit? des m?thodes et de l'homog?n?it? des doctrines que nous consid?rerons, dans ce cours, les diff?rentes classes de th?ories positives. Tout en tendant ? diminuer, le plus possible, le nombre des lois g?n?rales n?cessaires ? l'explication positive des ph?nom?nes naturels, ce qui est, en effet, le but philosophique de la science, nous regarderons comme t?m?raire d'aspirer jamais, m?me pour l'avenir le plus ?loign?, ? les r?duire rigoureusement ? une seule.

J'ai tent?, dans ce discours, de d?terminer, aussi exactement qu'il a ?t? en mon pouvoir, le but, l'esprit et l'influence de la philosophie positive. J'ai donc marqu? le terme vers lequel ont toujours tendu et tendront sans cesse tous mes travaux, soit dans ce cours, soit de toute autre mani?re. Personne n'est plus profond?ment convaincu que moi de l'insuffisance de mes forces intellectuelles, fussent-elles m?me tr?s-sup?rieures ? leur valeur r?elle, pour r?pondre ? une t?che aussi vaste et aussi ?lev?e. Mais ce qui ne peut ?tre fait ni par un seul esprit, ni en une seule vie, un seul peut le proposer nettement. Telle est toute mon ambition.

Ayant expos? le v?ritable but de ce cours, c'est-?-dire fix? le point de vue sous lequel je consid?rerai les diverses branches principales de la philosophie naturelle, je compl?terai, dans la le?on prochaine, ces prol?gom?nes g?n?raux, en passant ? l'exposition du plan, c'est-?-dire ? la d?termination de l'ordre encyclop?dique qu'il convient d'?tablir entre les diverses classes des ph?nom?nes naturels, et par cons?quent entre les sciences positives correspondantes.

SOMMAIRE. Exposition du plan de ce cours, ou consid?rations g?n?rales sur la hi?rarchie des sciences positives.

Apr?s avoir caract?ris? aussi exactement que possible, dans la le?on pr?c?dente, les consid?rations ? pr?senter dans ce cours sur toutes les branches principales de la philosophie naturelle, il faut d?terminer maintenant le plan que nous devons suivre, c'est-?-dire, la classification rationnelle la plus convenable ? ?tablir entre les diff?rentes sciences positives fondamentales, pour les ?tudier successivement sous le point de vue que nous avons fix?. Cette seconde discussion g?n?rale est indispensable pour achever de faire conna?tre d?s l'origine le v?ritable esprit de ce cours.

On con?oit ais?ment d'abord qu'il ne s'agit pas ici de faire la critique, malheureusement trop facile, des nombreuses classifications qui ont ?t? propos?es successivement depuis deux si?cles, pour le syst?me g?n?ral des connaissances humaines, envisag? dans toute son ?tendue. On est aujourd'hui bien convaincu que toutes les ?chelles encyclop?diques construites, comme celles de Bacon et de d'Alembert, d'apr?s une distinction quelconque des diverses facult?s de l'esprit humain, sont par cela seul radicalement vicieuses, m?me quand cette distinction n'est pas, comme il arrive souvent, plus subtile que r?elle; car, dans chacune de ses sph?res d'activit?, notre entendement emploie simultan?ment toutes ses facult?s principales. Quant ? toutes les autres classifications propos?es, il suffira d'observer que les diff?rentes discussions ?lev?es ? ce sujet ont eu pour r?sultat d?finitif de montrer dans chacune des vices fondamentaux, tellement qu'aucune n'a pu obtenir un assentiment unanime, et qu'il existe ? cet ?gard presqu'autant d'opinions que d'individus. Ces diverses tentatives ont m?me ?t?, en g?n?ral, si mal con?ues, qu'il en est r?sult? involontairement dans la plupart des bons esprits une pr?vention d?favorable contre toute entreprise de ce genre.

Sans nous arr?ter davantage sur un fait si bien constat?, il est plus essentiel d'en rechercher la cause. Or, on peut ais?ment s'expliquer la profonde imperfection de ces tentatives encyclop?diques, si souvent renouvel?es jusqu'ici. Je n'ai pas besoin de faire observer que, depuis le discr?dit g?n?ral dans lequel sont tomb?s les travaux de cette nature par suite du peu de solidit? des premiers projets, ces classifications ne sont con?ues le plus souvent que par des esprits presque enti?rement ?trangers ? la connaissance des objets ? classer. Sans avoir ?gard ? cette consid?ration personnelle, il en est une beaucoup plus importante, puis?e dans la nature m?me du sujet, et qui montre clairement pourquoi il n'a pas ?t? possible jusqu'ici de s'?lever ? une conception encyclop?dique v?ritablement satisfaisante. Elle consiste dans le d?faut d'homog?n?it? qui a toujours exist? jusqu'? ces derniers temps entre les diff?rentes parties du syst?me intellectuel, les unes ?tant successivement devenues positives, tandis que les autres restaient th?ologiques ou m?taphysiques. Dans un ?tat de choses aussi incoh?rent, il ?tait ?videmment impossible d'?tablir aucune classification rationnelle. Comment parvenir ? disposer, dans un syst?me unique, des conceptions aussi profond?ment contradictoires? c'est une difficult? contre laquelle sont venus ?chouer n?cessairement tous les classificateurs, sans qu'aucun l'ait aper?ue distinctement. Il ?tait bien sensible n?anmoins, pour quiconque e?t bien connu la v?ritable situation de l'esprit humain, qu'une telle entreprise ?tait pr?matur?e, et qu'elle ne pourrait ?tre tent?e avec succ?s que lorsque toutes nos conceptions principales seraient devenues positives.

Cette condition fondamentale pouvant maintenant ?tre regard?e comme remplie, d'apr?s les explications donn?es dans la le?on pr?c?dente, il est d?s lors possible de proc?der ? une disposition vraiment rationnelle et durable d'un syst?me dont toutes les parties sont enfin devenues homog?nes.

Appliquant cette r?gle fondamentale au cas actuel, c'est donc d'apr?s la d?pendance mutuelle qui a lieu effectivement entre les diverses sciences positives, que nous devons proc?der ? leur classification; et cette d?pendance, pour ?tre r?elle, ne peut r?sulter que de celle des ph?nom?nes correspondans.

Mais avant d'ex?cuter, dans un tel esprit d'observation, cette importante op?ration encyclop?dique, il est indispensable, pour ne pas nous ?garer dans un travail trop ?tendu, de circonscrire avec plus de pr?cision que nous ne l'avons fait jusqu'ici, le sujet propre de la classification propos?e.

J'ai cru devoir signaler express?ment d?s ce moment une consid?ration qui se reproduira fr?quemment dans toute la suite de ce cours, afin d'indiquer la n?cessit? de se pr?munir contre la trop grande influence des habitudes actuelles qui tendent ? emp?cher qu'on se forme des id?es justes et nobles de l'importance et de la destination des sciences. Si la puissance pr?pond?rante de notre organisation ne corrigeait, m?me involontairement, dans l'esprit des savans, ce qu'il y a sous ce rapport d'incomplet et d'?troit dans la tendance g?n?rale de notre ?poque, l'intelligence humaine, r?duite ? ne s'occuper que de recherches susceptibles d'une utilit? pratique imm?diate, se trouverait par cela seul, comme l'a tr?s-justement remarqu? Condorcet, tout-?-fait arr?t?e dans ses progr?s, m?me ? l'?gard de ces applications auxquelles on aurait imprudemment sacrifi? les travaux purement sp?culatifs; car, les applications les plus importantes d?rivent constamment de th?ories form?es dans une simple intention scientifique, et qui souvent ont ?t? cultiv?es pendant plusieurs si?cles sans produire aucun r?sultat pratique. On en peut citer un exemple bien remarquable dans les belles sp?culations des g?om?tres grecs sur les sections coniques, qui, apr?s une longue suite de g?n?rations, ont servi, en d?terminant la r?novation de l'astronomie, ? conduire finalement l'art de la navigation au degr? de perfectionnement qu'il a atteint dans ces derniers temps, et auquel il ne serait jamais parvenu sans les travaux si purement th?oriques d'Archim?de et d'Apollonius; tellement que Condorcet a pu dire avec raison ? cet ?gard: le matelot, qu'une exacte observation de la longitude pr?serve du naufrage, doit la vie ? une th?orie con?ue, deux mille ans auparavant, par des hommes de g?nie qui avaient en vue de simples sp?culations g?om?triques.

Il est donc ?vident qu'apr?s avoir con?u, d'une mani?re g?n?rale, l'?tude de la nature comme servant de base rationnelle ? l'action sur la nature, l'esprit humain doit proc?der aux recherches th?oriques, en faisant compl?tement abstraction de toute consid?ration pratique; car, nos moyens pour d?couvrir la v?rit? sont tellement faibles, que si nous ne les concentrions pas exclusivement vers ce but, et si, en cherchant la v?rit?, nous nous imposions en m?me temps la condition ?trang?re d'y trouver une utilit? pratique imm?diate, il nous serait presque toujours impossible d'y parvenir.

Quoi qu'il en soit, il est certain que l'ensemble de nos connaissances sur la nature, et celui des proc?d?s que nous en d?duisons pour la modifier ? notre avantage, forment deux syst?mes essentiellement distincts par eux-m?mes, qu'il est convenable de concevoir et de cultiver s?par?ment. En outre, le premier syst?me ?tant la base du second, c'est ?videmment celui qu'il convient de consid?rer d'abord dans une ?tude m?thodique, m?me quand on se proposerait d'embrasser la totalit? des connaissances humaines, tant d'application que de sp?culation. Ce syst?me th?orique me para?t devoir constituer exclusivement aujourd'hui le sujet d'un cours vraiment rationnel de philosophie positive: c'est ainsi du moins que je le con?ois. Sans doute, il serait possible d'imaginer un cours plus ?tendu, portant ? la fois sur les g?n?ralit?s th?oriques et sur les g?n?ralit?s pratiques. Mais je ne pense pas qu'une telle entreprise, m?me ind?pendamment de son ?tendue, puisse ?tre convenablement tent?e dans l'?tat pr?sent de l'esprit humain. Elle me semble, en effet, exiger pr?alablement un travail tr?s-important et d'une nature toute particuli?re, qui n'a pas encore ?t? fait, celui de former, d'apr?s les th?ories scientifiques proprement dites, les conceptions sp?ciales destin?es ? servir de bases directes aux proc?d?s g?n?raux de la pratique.

On concevra d'autant mieux la difficult? de construire ces doctrines interm?diaires que je viens d'indiquer, si l'on consid?re que chaque art d?pend non-seulement d'une certaine science correspondante, mais ? la fois de plusieurs, tellement que les arts les plus importans empruntent des secours directs ? presque toutes les diverses sciences principales. C'est ainsi que la v?ritable th?orie de l'agriculture, pour me borner au cas le plus essentiel, exige une intime combinaison de connaissances physiologiques, chimiques, physiques et m?me astronomiques et math?matiques: il en est de m?me des beaux-arts. On aper?oit ais?ment, d'apr?s cette consid?ration, pourquoi ces th?ories n'ont pu encore ?tre form?es, puisqu'elles supposent le d?veloppement pr?alable de toutes les diff?rentes sciences fondamentales. Il en r?sulte ?galement un nouveau motif de ne pas comprendre un tel ordre d'id?es dans un cours de philosophie positive, puisque, loin de pouvoir contribuer ? la formation syst?matique de cette philosophie, les th?ories g?n?rales propres aux diff?rens arts principaux doivent, au contraire, comme nous le voyons, ?tre vraisemblablement plus tard une des cons?quences les plus utiles de sa construction.

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