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Read Ebook: Correspondance: Lettres de jeunesse by Zola Mile

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Ebook has 746 lines and 96292 words, and 15 pages

CORRESPONDANCE

--LETTRES DE JEUNESSE--

EMILE ZOLA

CORRESPONDANCE

--LETTRES DE JEUNESSE--

PARIS

BIBLIOTH?QUE-CHARPENTIER

EUG?NE FASQUELLE, ?DITEUR

Tous droits r?serv?s.

AVIS DE L'?DITEUR

La premi?re qui fait l'objet de ce volume comprend les lettres de jeunesse, celles que l'?crivain, alors ? ses d?buts, ?crivait ? trois de ses amis et condisciples;

Les lettres touchant ? des questions litt?raires ou artistiques et adress?es pour la plupart ? des confr?res formeront la mati?re de la deuxi?me partie;

La troisi?me comprendra la correspondance relative ? l'Affaire Dreyfus, et notamment des lettres ?crites par ?MILE ZOLA pendant son exil en Angleterre.

E. F.

TABLE

Lettres ? Baille

Lettres ? C?zanne

Lettres ? Marius Roux

CORRESPONDANCE

--LETTRES DE JEUNESSE--

LETTRES A BAILLE

Paris, 14 janvier 1859.

Mon cher Baille,

Je ne te ferai aucun reproche, cela est de fort mauvais ton et n'avance ? rien. Tu t'accuseras toi-m?me, en pensant que nous sommes au 14 janvier et que tu ne m'as pas encore ?crit, malgr? ta promesse. Tu ne me feras jamais croire que le travail t'absorbe ? ce point; j'ai de s?rieuses inqui?tudes sur ta sant? et sur ton intelligence; rien ne donne plus de maux de t?te, rien n'abrutit comme un travail prolong?, et tu me sembles t'en donner ? coeur joie.

C?zanne, qui n'est pas aussi paresseux que toi--je devrais dire aussi travailleur,--m'a ?crit une bien longue lettre. Jamais je ne l'ai vu si po?te, jamais je ne l'ai vu si amoureux; si bien que loin de le d?tourner de cet amour platonique, je l'ai engag? ? pers?v?rer. Il m'a dit qu'? No?l tu avais t?ch? de le ramener au r?alisme en amour. Jadis, j'?tais de cet avis, mais je crois maintenant que c'est un projet indigne de notre jeunesse, indigne de l'amiti? que nous lui portons. Je lui ai r?pondu longuement, lui conseillant d'aimer toujours, et le lui persuadant par des raisons que je ne puis te dire ici. Si par hasard tu t'?tais fait l'ap?tre du r?alisme, si le conseil que tu as donn? ? C?zanne n'?tait pas dict? par ton amiti? pour lui, si tu d?sesp?rais toi aussi de l'amour, je t'engage ? lire ma r?ponse ? C?zanne quand tu le pourras, et je souhaite que cette lecture puisse rajeunir ton coeur noy? dans l'alg?bre et la m?canique. Je vais m?me te transcrire quelques lignes que je pense adresser ? C?zanne prochainement. C'est ? lui que je parle, mais cela te convient aussi; voici ces lignes:

<>. Pas si rare que tu pourrais le croire, et c'est un point sur lequel j'ai oubli? de te parler dans ma derni?re lettre. Il ?tait un temps o?, moi aussi, je disais cela, o? je raillais, lorsque l'on me parlait de puret? et de fid?lit?, et ce temps-l? n'est pas bien ancien. Mais j'ai r?fl?chi, et j'ai cru d?couvrir que notre si?cle n'est pas aussi mat?riel qu'il veut le para?tre. Nous faisons comme ces ?chapp?s de coll?ge qui se disputent entre eux pour savoir celui qui aura commis le plus grand m?fait; nous nous racontons nos bonnes fortunes avec le plus d'?go?sme possible et nous nous noircissons ? qui mieux mieux. Nous semblons faire fi des choses saintes; mais, si nous jouons ainsi avec les vases de l'autel, si nous nous appliquons ? d?montrer ? tous que nous ne valons rien, je crois que c'est plut?t par amour-propre que par m?chancet? inn?e. Les jeunes gens surtout ont cet amour-propre, et comme l'amour est, si j'ose parler ainsi, une des plus belles qualit?s de la jeunesse, ils s'empressent de dire qu'ils n'aiment pas, qu'ils se tra?nent dans la fange du vice. Tu as pass? par l? et tu dois le savoir. Celui qui avouerait un amour platonique au coll?ge--c'est-?-dire une chose sainte et po?tique--n'y serait-il pas trait? de fou? Mais, je le r?p?te, l'amour-propre joue l? dedans un grand r?le; de m?me qu'en religion un jeune homme n'avoue jamais qu'il prie, en fait d'amour un jeune homme n'avoue jamais qu'il aime. Crois que la nature ne perd pourtant jamais ses droits; au temps des chevaliers, la mode ?tait d'avouer son amour et on l'avouait; maintenant la mode a chang?, mais l'homme est toujours l'homme, il ne peut se dispenser d'aimer. Je gagerais bien que l'on trouverait l'amour au fond du coeur de ceux qui veulent passer pour les plus grands sc?l?rats: chacun a son heure, chacun doit y passer. Maintenant il est vrai qu'il y a des amants plus ou moins po?tes, plus ou moins exalt?s. Chacun aime ? sa mani?re, et il serait absurde ? toi, l'amant des fleurs et des rayons, de dire que l'on ne peut aimer sans faire des vers et sans aller se promener au clair de lune. Le berger grossier peut aimer sa berg?re; l'amour est chose bien ?lev?e, bien sublime, mais il entre dans chaque ?me, m?me la moins cultiv?e, en s'y modifiant selon l'?ducation. Pour revenir, c'est donc ? l'orgueil, un bien sot orgueil, qu'il faut s'en prendre, suivant moi; c'est ? la soci?t?, aux hommes r?unis et non ? l'homme en particulier. L'homme ne peut se passer d'aimer, ne serait-ce qu'une fleur, qu'un animal; pourquoi donc alors ne voulez-vous pas qu'il aime la femme? Je sais bien que la cause que je plaide ici est bien ?pineuse; nous sommes enfants du si?cle et l'on a eu soin de nous donner des id?es arr?t?es sur ce sujet. On nous a tant fait d'aimables plaisanteries sur la femme et sur l'amour que nous ne croyons plus ? tout cela. Mais, si tu y r?fl?chis bien, si tu consultes bien ton coeur, tu seras forc? de convenir, en consid?rant que tu n'es pas d'une autre p?te que les autres hommes, qu'il est faux d'avouer que l'amour est mort, que notre temps n'est que mat?rialisme. Une t?che grande et belle, une t?che que Michelet a entreprise, une t?che que j'ose parfois envisager, est de faire revenir l'homme ? la femme. On finirait peut-?tre par lui ouvrir les yeux; la vie est courte, ce serait un moyen de l'embellir; le monde est dans la voie du progr?s, ce serait un moyen d'arriver plus vite. Et ne va pas croire que ce soit le po?te qui parle. Qu'importe m?me l'exag?ration. Michelet fait un dieu de la femme dont l'homme est l'humble adorateur. Aux grands maux, il faut les grands rem?des, si l'on ex?cutait la moiti? de ce qu'il demande, le monde ? mon avis, irait parfaitement.>>

Mes respects ? tes parents. Je te serre la main.

Ton ami d?vou?,

?MILE ZOLA.

Paris, 23 janvier 1859.

Mon cher ami,

Et la voix de l'air se tut, en poussant un dernier cri de guerre.

Tu m'approuveras, j'en suis certain. Il n'est qu'un moyen d'arriver, et je l'ai toujours dit, c'est le travail. Le ciel m'a envoy? mon bon ange pour me r?veiller et je ne me rendormirai pas. C'est une t?che p?nible, mais je dis adieu pour quelque temps ? mes beaux r?ves dor?s, certain de les voir accourir en foule lorsque ma voix les rappellera dans une ?poque meilleure.

Mes respects ? tes parents. Je te serre la main.

Ton studieux ami,

?MILE ZOLA.

Paris, le 3 d?cembre 1859.

Mon cher Baille,

Et qu'en sort-il souvent? Du vent.

Je me suis demand? qui pouvait pousser Abel ? tout ce tintamarre, et il m'a sembl? que c'?tait un ricochet de ton coup de canne sur le chapeau de Marguery. Nul doute pour moi qu'il n'ait ?t? le conseiller du guerrier Abel dans cette affaire-l?, et qu'il n'ait fait du courage ? l'abri d'un autre. Tout cela est triste, comme dit Hamlet: nous avons ?t? bien enfants au commencement de l'aventure et la fin en a ?t? encore plus enfantine.--J'ai commenc? le feuilleton sur ce sujet, mais je suis si abattu et la mati?re en est tellement peu morale et peu digne, qu'il n'est pas pr?s d'?tre fini.

R?ponds-moi quand tu en auras le temps. Pour moi, je t'?crirai souvent, soit pour me distraire, soit pour te dire les nouvelles.

Je te serre la main. Ton ami,

E. ZOLA.

Mon cher Baille,

Je t'?cris ? Aix, pensant que tu seras all? passer tes vacances de No?l dans ta ch?re patrie.

Je ne me plains pas de ton long silence: je sais que tu travailles comme un malheureux. Seulement ne m'oublie pas tout ? fait.

J'ai fort peu de choses ? te dire. Je ne sors presque pas et je vis dans Paris comme si j'?tais ? la campagne. Je suis dans une chambre retir?e, je n'entends pas le bruit des voitures et, si je n'apercevais dans le lointain la fl?che du Val-de-Gr?ce, je pourrais me croire encore ? Aix. Nous avons eu ici un froid excessif, quelque chose comme 15?. Une malheureuse fauvette est venue tomber sur la neige, devant ma porte. Je l'ai prise et je l'ai port?e devant le feu; la pauvrette a ouvert un instant les yeux, je l'ai sentie palpiter dans mes mains, puis elle est morte. J'en ai presque pleur?; toi qui m'appelais l'ami des b?tes, tu comprendras peut-?tre cela.

Je t'ai d?j? dit que je ne me plaignais pas de ton long silence. Cependant voici un mois que je t'ai ?crit et je n'ai pas encore re?u de r?ponse; tu as beau avoir du travail, cela ne saurait t'emp?cher de m'?crire. Si tu ?tais un enfant, s'il te fallait des heures pour ?crire une lettre, je comprendrais cela. Mais dans un quart d'heure tu peux me contenter, tu vois donc que tu es un peu coupable.

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