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Read Ebook: A Valiant Ignorance; vol. 3 of 3 A Novel in Three Volumes by Dickens Mary Angela

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Ebook has 254 lines and 26941 words, and 6 pages

Note de transcription: Les erreurs clairement introduites par le typographe ont ?t? corrig?es. L'orthographe d'origine a ?t? conserv?e et n'a pas ?t? harmonis?e.

VALLON A?RIEN,

RELATION du voyage d'un a?ronaute dans un pays inconnu jusqu'? pr?sent; suivie de l'histoire de ses habitans et de la description de leurs moeurs.

OUVRAGE REVU ET PUBLI? Par J. MOSNERON, ex-L?gislateur.

A PARIS,

Chez J. CHAUMEROT, Libraire, Palais-Royal, Galeries de bois, n? 188.

PR?FACE

DE L'?DITEUR.

La d?couverte de M. de Montgolfier, la plus extraordinaire des d?couvertes du dix-huiti?me si?cle, n'a eu aucun r?sultat utile. Les recherches des savans et l'attente du public ont ?t? ?galement tromp?es; l'a?rostation qui devoit procurer des lumi?res sur les hautes r?gions de l'atmosph?re, des secours au commerce, des services ? l'art militaire, n'a offert qu'un spectacle ?tonnant, et l'ascension d'un ballon ne semble propre d?sormais qu'? figurer dans des f?tes, comme une fus?e tr?s-singuli?re, tr?s-curieuse, mais tr?s-st?rile.

Telle ?toit du moins depuis long-tems l'opinion g?n?rale sur les ballons. Les savans, d?sesp?rant de tirer un v?ritable fruit de leurs travaux, avoient renonc? ? s'en occuper; et le sieur Blanchard, promenant son spectacle de capitale en capitale, jouissoit sans contestation de sa gloire ainsi que de l'argent du public. Cependant au fond de la Gascogne vivoit dans la plus grande obscurit? un habile a?ronaute, qui avoit trouv? le seul moyen peut-?tre de rendre ses ascensions utiles. Tr?s-instruit et tr?s-courageux, M. de Montagnac planoit en ballon sur la cha?ne des Pyr?n?es, tiroit le plan de ces montagnes, s'arr?toit quelquefois sur des sommets inaccessibles aux Ramond, aux Homboldt et aux Saussure, faisoit de profondes observations relatives ? la g?ologie, ? la min?ralogie, ? la botanique; ?tudioit la temp?rature de l'atmosph?re gradu?e suivant sa hauteur, et m?me avoit d?j? reconnu des courans d'air r?gl?s et des moussons p?riodiques; mais cet homme modeste et v?ritablement savant ne vouloit faire part de ses d?couvertes au public, que lorsqu'il auroit ?t? parfaitement assur? de leur certitude. Parti de Perpignan, et se dirigeant vers Bayonne, il n'avoit encore parcouru qu'une moiti? de la cha?ne dans l'espace de huit ans, parce qu'il r?p?toit plusieurs fois les m?mes observations et qu'il ?toit souvent oblig? d'attendre long-tems le l?ger courant d'air favorable ? sa direction.

Lorsqu'il auroit eu achev? ses courses et ses ?tudes a?riennes sur les Pyr?n?es, il se proposoit de les r?p?ter sur la cha?ne des Alpes; c'est ? la fin de ces p?nibles travaux que le public devoit en recueillir le fruit. L'ouvrage qui en seroit r?sult? auroit sans doute fait ?poque dans l'histoire des d?couvertes du dix-neuvi?me si?cle. La mort vient de surprendre cet estimable savant dans le petit village de Saum?de, au milieu des Pyr?n?es, o? il ?toit descendu apr?s une troisi?me ascension sur la Maladetta. J'herborisois alors dans ces montagnes et j'y avois fait connoissance avec M. de Montagnac. La conformit? des go?ts pour la m?me ?tude, qui est le plus puissant comme le plus agr?able des liens, nous avoit r?unis d?s la premi?re entrevue. L'extr?me douceur de sa soci?t? avoit encore resserr? notre amiti?; et si la mort de cet homme de g?nie est une perte irr?parable pour les sciences, elle sera un sujet d'?ternels regrets pour mon coeur. Il m'a l?gu? tous ses papiers en me laissant la libert? d'en disposer comme je le jugerai ? propos; mais il m'a recommand? surtout la relation de son voyage dans le Vallon a?rien. Ce voyage revenoit dans tous ses souvenirs; c'?toit l'objet de ses plus tendres affections. Je ne fais donc que m'acquitter d'une dette sacr?e en publiant cette relation. J'en ai supprim? tout ce qui tient ? la min?ralogie et ? la botanique, parce que la partie scientifique dont ces objets font partie formera la mati?re d'un Ouvrage s?par?, que je compte publier apr?s celui-ci.

VALLON A?RIEN.

J'avois apper?u dans une de mes derni?res ascensions un groupe de montagnes rang?es dans une forme circulaire, au milieu desquelles je soup?onnois qu'?toit une plaine d'une grande ?tendue; avant de m'?lever au-dessus de cette partie de la cha?ne des Pyr?n?es, je d?sirai savoir le nom qu'on lui avoit donn? dans le pays, et si elle ?toit habit?e. Je m'acheminai donc au pied de ces montagnes, et je cherchai des ?claircissemens parmi des bergers qui ?toient venus s'y ?tablir pendant l'?t? avec leurs troupeaux. Ils me dirent que l'int?rieur de l'enceinte ?toit aussi profond que les montagnes ?toient ?lev?es, qu'on n'avoit jamais pu y p?n?trer, attendu que tout autour l'ext?rieur ?toit un rempart perpendiculaire, uni comme une glace; mais que l'on savoit cependant que cette enceinte servoit de demeure ? une troupe de sorciers qui, s'ils n'?toient pas de vrais diables, avoient du moins de grandes relations avec l'enfer; qu'il ?toit constat? que toutes les fois qu'il tomboit une gr?le, une gel?e ou quelqu'autre accident funeste, on voyoit quelques-uns de ces sorciers rire aux ?clats sur les remparts de l'enceinte; d'o? il ?toit ?vident que c'?toient eux qui avoient envoy? le fl?au.

Voil? les seuls renseignemens que je pus tirer de ces pauvres p?tres. Il e?t ?t? inutile de chercher ? les d?sabuser.

L'homme est de glace aux v?rit?s, Il est de feu pour le mensonge.

Ces vers ont une application universelle, et il semble ? l'int?r?t qu'inspirent les fictions ? toutes les classes de la soci?t?, qu'elles sont n?cessaires ? l'esprit de l'homme; ce n'est le plus souvent que par-l? qu'il prouve l'existence de sa pens?e; et la plus grande partie du genre humain seroit r?duite ? l'?tat d'imb?cillit?, si la v?rit? ?toit la seule source o? elle p?t puiser ses id?es.

Je conclus de l'opinion de mes p?tres, partag?e par tous les habitans des environs, que l'int?rieur de ce groupe de montagnes m?ritoit d'?tre examin?. Je profitai, le 10 de juillet, d'un calme presqu'absolu pour m'?lever ? leur hauteur. En planant ? la distance de quelques centaines de toises au-dessus de ce bassin, il me fut ais? d'y appercevoir des hommes ? la simple vue; mais aussit?t qu'ils m'eurent d?couvert, ils s'enfuirent et disparurent: ce qui auroit bien suffi, si j'avois eu quelques doutes ? cet ?gard, pour me persuader que ces gens-l? n'?toient pas en relation avec l'empire infernal. Cependant, lorsqu'apr?s avoir ouvert la soupape pour faire ?couler une partie du gaz de mon ballon, je fus descendu ? terre, je m'armai ? tout ?v?nement, avant de sortir de ma nacelle, de mes deux pistolets et de mon sabre. Tous les objets qui m'environnoient, pr?sentoient l'image de la civilisation; ? mes pieds, des champs cultiv?s et plant?s en diverses esp?ces de grains; sur les coteaux, des troupeaux de diff?rens animaux, des bosquets, des fleurs, un jardin; et vers le milieu, un amas de cabanes align?es dans un ordre r?gulier; mais parmi cette apparente population, la plus profonde solitude; les p?tres m?me qui gardoient les troupeaux, avoient disparu, et il ne restoit dans les champs en culture que quelques instrumens aratoires qui attestassent la pr?sence de l'homme.

En suivant le sentier qui conduisoit aux cabanes, je me sentis frapp? d'un violent saisissement. Quels ?toient les habitans de ce lieu inconnus au reste de la terre? des brigands, peut-?tre, des assassins qui n'ont pu trouver que cet asile pour se d?rober ? la justice. Que vais-je devenir au milieu d'eux, seul, sans secours, sans protection! Cependant, ces paisibles troupeaux, cette innocente culture annon?oient des moeurs douces; les peuples agriculteurs sont sociables et bons; il n'y a de f?roces que ces hommes de sang qui vivent de chasse et de carnage. En m'entretenant de ces diverses pens?es, j'arrivai au village; toutes les portes ?toient ferm?es et je n'entendois pas le moindre bruit. Parmi ces cabanes, j'en distinguai une plus grande et plus orn?e que les autres. Je pensai que s'il y avoit quelque humanit? dans ce lieu, elle se trouveroit de pr?f?rence chez l'individu qui annon?oit le plus d'aisance, et cons?quemment le plus de lumi?res. J'allai donc frapper ? cette porte, qui, ainsi que toutes les autres, n'?toit ferm?e que par un simple loquet de bois. Elle s'ouvre, et je me sens p?n?tr? de confiance et de v?n?ration ? l'aspect d'un grand et bel homme portant une longue barbe, qui me dit avec un sourire affectueux: <> Apr?s ces paroles, et sans attendre ma r?ponse, le patriarche me prend par la main et m'entra?ne hors de la maison. Sa femme et ses deux enfans le suivent. Lorsqu'il fut sur le perron qui ?toit au-devant de sa demeure, il sonna trois fois d'une trompe qu'il portoit suspendue ? son c?t?. A ce signal, tous les habitans sortirent de leurs cabanes et se rang?rent en demi-cercle devant le perron. Cependant, ils tournoient souvent la t?te du c?t? o? ?toit le ballon, en donnant de grandes marques de frayeur. Parlez maintenant, me dit mon guide qui paroissoit ?tre le chef de la peuplade; apprenez ? nos fr?res si vous ?tes bien s?r d'avoir tu? le monstre qui vous a port? jusqu'ici, et s'il n'y a plus rien ? en craindre. Je m'effor?ois de leur faire comprendre que mon ballon n'?toit qu'une machine insensible, absolument incapable de faire ni bien ni mal ? personne; mais, m'appercevant qu'il restoit toujours beaucoup d'inqui?tude, je les conjurai de me suivre pour se rassurer par leurs propres yeux. Lorsque je fus rendu au ballon, et que je l'eus touch? et fait toucher de tous c?t?s ? quelques-uns des plus hardis, ils pass?rent aussit?t de l'exc?s de la peur ? l'exc?s de la licence. Chacun s'effor?oit ? l'envi de monter dessus pour le fouler aux pieds. Je me h?tai de pr?venir les suites de ces bravades, en faisant concevoir au chef de quelle importance il ?toit pour moi que cette machine ne f?t pas endommag?e. Alors, il d?crivit ? trois pas de distance un grand cercle tout autour, et d?fendit ? tout le monde de l'outre-passer, en recommandant aux m?res de surveiller leurs enfans.

Lorsque de part et d'autre on eut fait disparo?tre tout sujet de craintes et d'inqui?tudes, je me livrai ? l'examen de mes nouveaux h?tes. Tous les hommes sembloient des Apollon, et toutes les femmes des V?nus par leurs belles formes et leur noble stature; mais la bont? peinte sur la figure des premiers, rempla?oit la fiert? du Dieu vainqueur du serpent, et tous les traits des autres exprimoient l'innocence et la candeur, au lieu des ruses et de la coquetterie de la d?esse amante de Mars.

Cette beaut? ext?rieure, si g?n?rale parmi les deux sexes, devoit avoir une cause commune; et la suite de mes observations me convainquit qu'elle ?toit principalement l'effet de la perfection int?rieure. On a pu remarquer comme moi que ces familles de bonne race, distingu?es par une longue filiation de vertus h?r?ditaires, sont la plupart caract?ris?es par une belle figure, et toutes du moins par une bonne figure. S'il y a des exceptions ? la r?gle, elles ne portent que sur quelques individus, et non pas sur les races qui conservent, tant qu'elles ne d?g?n?rent pas, cette influence marqu?e du moral sur le physique, cette harmonie entre l'ame et le corps.

La peuplade que j'avois sous les yeux respiroit je ne sais quoi d'antique et de patriarchal. Il me sembloit voir les premiers descendans d'Adam rassembl?s autour de leur chef, avant sa chute, avant que Ca?n e?t troubl? l'innocence et la paix de la terre. Ils ne composent qu'une seule famille; ils s'appellent entr'eux comme aux premiers tems du doux nom de fr?re et de soeur; le chef a sur eux cette autorit? de la vertu qui, ne se d?ployant que pour le bonheur des hommes qui lui sont soumis, tire tant de force de l'amour qu'elle inspire. Aussi est-il leur p?re commun. Toutes ses volont?s sont des lois sacr?es, parce qu'il ne veut jamais que faire des heureux.

La puissance du chef est sanctionn?e par Dieu m?me. Il est son repr?sentant sur la terre; c'est au nom de cet Etre-Supr?me qu'il annonce ses volont?s. Ainsi, c'est de Dieu m?me qu'?manent toutes les loix; il est pr?sent ? toutes les pens?es et ? toutes les actions. En un mot, c'est le gouvernement th?ocratique, mais bien diff?rent de celui de Mo?se; car il ne commande ni les sacrifices d'animaux, ni le massacre des hommes, et il est aussi doux que l'autre ?toit terrible.

Les habitans des Pyr?n?es, bien diff?rens des Suisses, des Auvergnats, des Savoyards, sont constamment attach?s ? leurs ingrates montagnes. On ne les voit point, comme les autres montagnards, ?migrer ? certains tems de l'ann?e pour se procurer une subsistance plus abondante. Accoutum?s ? une vie chetive et dure, ils pr?f?rent le d?nuement de la mis?re ? l'aisance que pourroient leur obtenir des courses hors de leur pays.

D'o? vient ce caract?re particulier ? l'habitant des Pyr?n?es? Il me semble qu'il est le r?sultat de son isolement. Pendant huit mois de l'ann?e, la plus grande partie de ces montagnes est sans relation avec l'Espagne faute de routes praticables, et sans autre relation avec la France que celle que peuvent produire ses eaux min?rales, en sorte que ces montagnards sont presque perp?tuellement s?par?s du monde entier.

Le moyen de mettre ce pays en soci?t? avec la France seroit d'y faire na?tre une branche de commerce, et je pense qu'on en trouveroit une tr?s-riche dans l'?tablissement de quelques fabriques. Les eaux courantes tombent de toutes parts, et les flancs de plusieurs montagnes rec?lent des mines de diff?rens m?taux qui ont ?t? jadis exploit?es avec succ?s. Tout r?cemment des Allemands avoient ?tabli ? Bagn?res de Luchon une manufacture de cobalt qui auroit pu devenir tr?s-pr?cieuse; elle ?toit sous la direction du comte de Beust, maintenant ambassadeur d'une cour d'Allemagne. La r?volution a culbut? cet ?tablissement. Mais il seroit d'autant plus facile de le remettre en activit?, qu'une partie des b?timens n?cessaires ? l'entreprise subsiste encore.

Les communications avec l'Espagne seroient praticables toute l'ann?e, si l'on applanissoit quelques-uns des ports ou ouvertures dans les montagnes qui servent de limites ? la France, lesquels sont ordinairement ferm?s pendant 8 ou 9 mois par les neiges et les glaces. La confection de quelques routes dans cette partie de nos fronti?res pourroit s'obtenir sans qu'il en co?t?t un sou au tr?sor public. Il ne faudroit pour cela qu'y appliquer pendant quelques ann?es le produit des for?ts de ces montagnes, celui des bains d'eau min?rale, et enfin la ferme du privil?ge des banques de jeu qui y sont ?tablies pendant la saison des eaux, si toutefois le Gouvernement juge ? propos de laisser subsister pr?s des sources salutaires des Pyr?n?es, ces autres sources de corruption et de mort. L'usage qui en seroit fait semblerait alors une sorte d'antidote au poison des banques.

Il est tr?s-probable que d'apr?s la menace du chef de cette colonie que l'on verra ? la fin de cette relation, aucun a?ronaute ne s'exposera au danger d'un second voyage dans le Vallon a?rien.

La religion fournit le texte du premier et principal chapitre de ce cat?chisme. Cette religion est, comme je l'ai dit, essentiellement th?ocratique. Le chef, ?tant le repr?sentant de Dieu, r?unit les deux pouvoirs temporel et spirituel. C'est lui qui, chaque matin, entonne le cantique de louanges et d'hommages ? l'Etre-Supr?me, que tout le peuple r?p?te apr?s lui. Il prescrit ensuite les diff?rens travaux auxquels chacun doit se livrer dans le cours de la journ?e. En quelque lieu que soit l'homme, et quelles que soient ses pens?es et ses actions, il est continuellement sous les regards de Dieu. Le chef fait, quand il lui pla?t, r?sonner la trompe que lui seul a droit de porter; ? ce signal, tous les individus, sans exception, quittent leurs travaux, et adressent en commun leur hommage au ciel; cet hommage est renouvel? avant le commencement et apr?s la fin de chaque repas, ainsi qu'apr?s la fin des travaux de la journ?e. Les dimanches, les f?tes annuelles institu?es pour diff?rentes causes, les naissances, les mariages et les fun?railles, sont ?galement c?l?br?s par des hymnes, par des chants religieux, analogues au sujet de la c?r?monie. Voil? le seul culte, les seuls actes ext?rieurs de la religion de ce peuple; et j'ajoute que jamais sur la terre il n'en a paru d'aussi pieux. L'Eglise Romaine n'a pas de saints plus purs, et leurs vertus semblent, comme leur demeure, situ?e entre le ciel et la terre, les placer d?s cette vie au rang des anges.

Tel est le sommaire du premier chapitre.

Le second chapitre traite de la puissance du chef, de l'ob?issance du peuple et des obligations r?ciproques de l'un et de l'autre.

Dans les autres chapitres on fixe le mode d'?l?vation ? la place de chef. Elle est h?r?ditaire pour les hommes seuls et par ordre de primog?niture.

Il y a un conseil de vieillards qui s'assemble deux fois par semaine, et sans l'avis duquel le chef ne peut rien ordonner de nouveau ou qui s'?carte de la r?gle habituelle. Ce m?me conseil est charg? de faire l'examen de la vie de l'individu qui vient de mourir, et de r?diger, conform?ment au r?sultat de cet examen, l'inscription qui est grav?e sur sa tombe. C'est ce conseil qui, conjointement avec le chef, fixe tous les ans l'?tendue des terres ? cultiver, et l'esp?ce de grains ? y semer; car il n'y a aucune propri?t? distincte; tout est commun, ? l'exception seulement des personnes, du logement et des v?temens.

Mais le peuple n'est pas le seul dont la conduite soit dirig?e; une loi s?v?re surveille ?galement celle du chef. Depuis l'archange Satan qui abusa de sa puissance, tout d?montre qu'il n'est aucune cr?ature, telle parfaite qu'elle soit, qui ne soit port?e ? exc?der la mesure de son pouvoir, si ce pouvoir n'a des limites et des surveillans qui les fassent respecter. Tous les cas d'usurpation d'autorit? et de despotisme sont pr?vus dans le cat?chisme, et la repr?hension en est confi?e au conseil des vieillards.

Au reste, on peut dire de cette peuplade, avec bien plus de raison que Tacite n'a dit des Germains: Que les moeurs y tiennent la place des lois. L'isolement de cet heureux asile de la vertu le garantit de la contagion du vice: et s'il s'y est gliss? quelques fautes ins?parables de l'humanit?, de l?g?res corrections suffisent pour les r?primer.

Cons?quemment au principe de J.-J., tous les hommes ici semblables ? son homme par excellence, sont donc bons et heureux.

Je me borne ? cet expos?, parce que j'ai apport? une copie de ce singulier cat?chisme que je ferai imprimer s?par?ment en entier, si on le d?sire.

Cet ouvrage e?t ?t? certainement tr?s-curieux ? conn?itre; mais il faut que M. de Montagnac se soit tromp?, car il ne s'est pas trouv? parmi ses papiers.

L'autre livre, ?galement manuscrit, contient les annales de cette peuplade, depuis l'origine de son ?tablissement jusqu'? ce jour. Celui-l? n'est pas aussi r?pandu que le premier; le chef et les membres du conseil sont les seules personnes qui en ayent une copie. On a bien voulu m'en donner une que je transcrirai ? la suite de cette relation.

Ces annales sont imprim?es ici dans l'ordre qu'a d?sign? M. de Montagnac, mais seulement par fragmens. On dira dans quelques notes pourquoi on n'a pas imprim? cet ouvrage en entier. Je l'ai divis? par chapitres, afin d'en rendre la lecture plus facile.

Je reprends la description de ma nouvelle d?couverte. Ce canton des Pyr?n?es ?toit autrefois connu sous le nom de vallon de Mambr?, c'est maintenant le Vallon a?rien. La population qui l'habite est presque doubl?e depuis environ cent trente ans qu'elle y est fix?e et qu'elle y vit enti?rement ignor?e du reste de la terre. Les hommes portent la barbe dans toute sa longueur; leurs cheveux ?galement longs sont rassembl?s et attach?s derri?re. Leurs v?temens consistent en un bonnet ou un chapeau de paille, des gu?tres, une culotte et un gilet, et dans l'hiver, un manteau pardessus: ces v?temens sont en laine tissue dans le vallon. L'habillement des femmes est compos? d'une jupe, d'un corset, et d'une mantille l'hiver. Leurs longs cheveux sont natt?s en tresses et relev?s sous un chapeau de paille semblable ? celui des hommes. Les souliers des deux sexes sont des spartaines de cordes comme on en porte dans toutes les hautes montagnes.

Ils font deux repas par jour, l'un ? onze heures du matin, l'autre ? sept heures du soir. Ils ont pour alimens d'excellent pain tr?s-bien fabriqu?, des truites, des oeufs, des l?gumes et de la viande, seulement deux fois par semaine; mais leur mets favori, et dont ils font leur principale nourriture, est le laitage si d?licieux dans les montagnes. La boisson est ? leur choix, de l'eau ou une petite bierre qu'ils sont parvenus ? faire tr?s-bonne. La framboise, la fraise si parfum?e des Pyr?n?es, croissent abondamment dans ce vallon; mais nos autres fruits n'y viennent pas aussi bien, entr'autres, le raisin que je n'ai vu qu'en petite quantit?, soit qu'ils n'ayent pas pu, soit que par crainte des suites ils n'ayent pas voulu multiplier assez les plans de vignes pour faire du vin leur boisson habituelle.

Ils prennent ces repas r?unis en commun au nombre de douze personnes, entrem?l?es, sans distinction de parens ou d'?trangers. Une pareille confusion avoit ?galement lieu chez les Spartiates, dans leurs tables publiques; mais le but n'?toit pas le m?me. Lycurgue avoit voulu par ce moyen affoiblir l'amour des p?res pour leurs enfans et des enfans pour leurs p?res, afin d'endurcir le coeur des uns et des autres, de les rendre impassibles, et cons?quemment plus propres au dur m?tier de la guerre. Le l?gislateur du Vallon a?rien s'?toit propos?, au contraire, dans cette r?union, d'?tendre ? toute la peuplade l'attachement des membres de chaque famille entr'eux, de mani?re ? n'en faire r?ellement qu'une seule grande famille; et, si j'en juge par l'apparence, il a parfaitement r?ussi; car il m'a sembl? que tous les habitans ?toient fr?res et soeurs de sentiment comme ils le sont de nom.

Tous ces montagnards me parurent r?unir ? leurs belles formes une constitution saine et robuste. Je vis plusieurs octog?naires en ?tat de supporter journellement les fatigues de l'agriculture. La seule maladie que je jugeai devoir faire de grands ravages dans la nouvelle colonie, est la petite v?role. La plupart des figures en ?toient grav?es; et j'appris qu'il y avoit eu des tems de malignit? o? ce fl?au avoit moissonn? le quart de la population. J'instruisis alors le gouverneur de la d?couverte r?cente de la vaccine; je lui en exposai les nombreux avantages, et comme je portois toujours avec moi du vaccin frais, je lui offris d'en faire l'emploi sur quelques enfans de la colonie, en lui enseignant en m?me tems le moyen de multiplier ce rem?de et de l'?tendre ? toute la jeunesse; mais je t?chois en vain de le persuader de la bont? de ce pr?servatif; je n'aurois pu obtenir d'en faire l'application, si plusieurs p?res de famille qui avoient perdu une partie de leurs enfans par la petite v?role, craignant encore pour ceux qui leur restoient, n'avoient fortement appuy? ma demande. Je suis loin de bl?mer cette obstination du gouverneur ? rejetter la vaccine, quand je songe aux longues difficult?s qu'?prouva l'inoculation ? s'?tablir en Europe. Le premier mouvement de la nature est de repousser un mal certain, quel que soit l'espoir que ce mal procurera du bien. L'exp?rience seule peut instruire ? cet ?gard; mais il faut mille faits pour d?truire un pr?jug? accr?dit?. Le rem?de que j'ai introduit se fera bient?t conno?tre; ses bons effets seront trop ?videns pour ne pas assurer son triomphe, et je jouis d'avance de la vive satisfaction d'avoir extirp? le principal fl?au de ce beau s?jour.

Quoique ma curiosit? f?t tr?s-pressante, et que je fisse une foule de questions, ces bons montagnards n'en parurent pas importun?s; ils y r?pondoient avec beaucoup de douceur et de clart?; mais, ? mon grand ?tonnement, cette curiosit? n'a pas ?t? r?ciproque; non-seulement, contre mon attente, ils ont ?t? fort insoucians sur tout ce qui concerne le pays d'o? je venois, mais m?me ils ?vitoient d'en parler. J'ai attribu? cette indiff?rence pour le monde inf?rieur qui alloit quelquefois jusqu'? l'aversion, au souvenir des malheurs qu'y ont essuy?s leurs a?eux. Il y avoit encore dans le Vallon a?rien plusieurs individus dont les p?res avoient v?cu dans ce monde-l?. Ils l'avoient peint avec des couleurs si noires qu'ils en avoient fait une esp?ce d'enfer. Telle ?toit la tradition du Vallon qui se fortifiera encore en vieillissant, de sorte que, dans un ou deux si?cles, la terre enti?re ne sera habit?e, selon eux, que par des diables; le Vallon a?rien sera le seul asile pr?serv? des flammes infernales, o? vivront paisiblement quelques ?lus en attendant leur passage ? la vie immortelle de l'empire c?leste.

Toutes les facult?s intellectuelles, port?es au haut degr? d'?l?vation o? je les voyois chez ce peuple, supposoient cependant un grand fonds de curiosit?; car la science ne peut na?tre que du d?sir de savoir; mais ce qu'il m'e?t ?t? difficile de deviner, c'est que le principal objet de la curiosit? des habitans du Vallon ?toit la connoissance des astres. Indiff?rens pour tout ce qui se passe sur la terre, ils ?toient avides de lire ce qui arrive dans le ciel; ils en connoissoient assez bien la carte; ils distinguoient les plan?tes; ils suivoient leurs mouvemens; ils avoient calcul? avec la plus grande pr?cision la r?volution apparente du soleil, et leur ann?e correspondoit exactement ? la n?tre.

La m?me ?tude ?toit commune ? ces anciens peuples Nomades, tels que les Chald?ens, qui, vivant en paix avec toute la terre, ne cherchoient ? faire de conqu?tes que dans le vaste champ des ?toiles.

On peut remarquer aussi que tous les grands astronomes ont eu le m?me esprit de douceur et de paix, Copernic, Galil?e, Newton et notre Lalande. Ce dernier, malgr? son opinion sur la cr?ation, assur?ment tr?s-immorale, ?toit le meilleur des hommes.

La lunette dont ils se servoient pour observer ?toit tr?s-imparfaite. Depuis le tems de sa construction, l'optique avoit fait de grands progr?s. Je leur offris un excellent t?lescope que je portois dans tous mes voyages a?riens. Ils l'accept?rent avec grand plaisir; ils furent ?merveill?s des nouvelles d?couvertes astronomiques dont je les instruisis.

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