Read Ebook: Les pastorales de Longus ou Daphnis et Chloé by Longus Jannet Pierre Contributor Amyot Jacques Translator Courier Paul Louis Translator
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Ebook has 232 lines and 38052 words, and 5 pages
Contributor: Pierre Jannet
Translator: Jacques Amyot Paul-Louis Courier
DAPHNIS ET CHLO?
E. PICARD.
Imp. Eug?ne HEUTTE et Ce, ? Saint-Germain.
LES
PASTORALES DE LONGUS
DAPHNIS ET CHLO?
TRADUCTION D'AMYOT
REVUE ET COMPL?T?E PAR P.-L. COURIER
NOUVELLE ?DITION
ACCOMPAGN?E D'UN GLOSSAIRE DES MOTS DIFFICILES
PAR
M. PIERRE JANNET
PARIS
Chez Alphonse LEMERRE, libraire
TABLES DES MATI?RES.
Pages Avertissement de l'?diteur.................... 5
Pr?face du traducteur......................... 9
Livre premier................................. 13
Livre second.................................. 49
Livre troisi?me............................... 89
Livre quatri?me............................... 125
Glossaire-Index.............................. 165
AVERTISSEMENT DE L'?DITEUR.
C'est en 1807 que Paul-Louis Courier d?couvrit dans la Biblioth?que Laurentienne, ? Florence, un manuscrit des Pastorales de Longus contenant un passage assez long rest? jusqu'alors inconnu. Plus tard, il transcrivit ce fragment, et, en 1810, il fit imprimer ? Rome une ?dition compl?te du texte grec, qui ne fut tir?e qu'? cinquante-deux exemplaires. La m?me ann?e, il fit imprimer ? Florence, ? soixante exemplaires, la version d'Amyot, dans laquelle il avait introduit une traduction du fragment nouvellement d?couvert, faite par lui dans le style du premier traducteur.
En 1813, il publia chez Firmin Didot une <
C'est l'?dition de 1825, la derni?re revue par Courier, qu'on reproduit ici.
Plusieurs ?ditions du Longus de Courier sont suivies de notes sur les variantes du texte grec, sur les erreurs d'Amyot et sur les am?liorations que Courier a introduites dans sa traduction. J'ai cru devoir ?carter aussi ces notes, int?ressantes seulement pour les hell?nistes.
Ce qu'on offre ici au public, c'est donc tout simplement le roman de Longus dans la meilleure traduction fran?aise. Tout ce qu'on a cru pouvoir y joindre, c'est un glossaire des mots difficiles, dans lequel on a intercal? un index des noms g?ographiques et mythologiques. Ce petit travail, qui n'avait pas encore ?t? fait, pourra n'?tre pas tout ? fait d?pourvu d'utilit?.
P. JANNET.
PR?FACE DU TRADUCTEUR
La version faite par Amyot des Pastorales de Longus, bien que remplie d'agr?ment, comme tout le monde sait, est incompl?te et inexacte; non qu'il ait eu dessein de s'?carter en rien du texte de l'auteur; mais c'est que d'abord il n'eut point l'ouvrage grec entier, dont il n'y avoit en ce temps-l? que des copies fort mutil?es. Car tous les anciens manuscrits de Longus ont des lacunes et des fautes consid?rables, et ce n'est que depuis peu qu'en en comparant plusieurs, on est parvenu ? suppl?er l'un par l'autre, et ? donner de cet auteur un texte lisible. Puis, Amyot, lorsqu'il entreprit cette traduction, qui fut de ses premiers ouvrages, n'?toit pas aussi habile qu'il le devint dans la suite, et cela se voit en beaucoup d'endroits o? il ne rend point le sens de l'auteur, par-tout assez clair et facile, faute de l'avoir entendu. Il y a aussi des passages qu'il a entendus et n'a point voulu traduire. Enfin, il a fait ce travail avec une grande n?gligence, et tombe ? tous coups dans des fautes que le moindre degr? d'attention lui e?t ?pargn?es. De sorte qu'? vrai dire, il s'en faut de beaucoup qu'Amyot n'ait donn? en fran?ois le roman de Longus; car ce qu'il en a omis expr?s, ou pour ne l'avoir point trouv? dans son manuscrit, avec ce qu'il a mal rendu par erreur ou autrement, fait en somme plus de la moiti? du texte de l'auteur, dont sa version ne repr?sente que certaines parties, des phrases, des morceaux bien traduits parmi beaucoup de contre-sens, et quelques passages rendus avec tant de gr?ce et de pr?cision, qu'il ne se peut rien de mieux. Aussi s'est-on appliqu? ? conserver avec soin dans cette nouvelle traduction jusqu'aux moindres traits d'Amyot conformes ? l'original, en suppl?ant le reste d'apr?s le texte tel que nous l'avons aujourd'hui, et il semble que c'?toit l? tout ce qui se pouvoit faire. Car de vouloir dire en d'autres termes ce qu'il avoit si heureusement exprim? dans sa traduction, cela n'e?t pas ?t? raisonnable, non plus que d'y respecter ces longues tra?n?es de langage, comme dit Montaigne, dans lesquelles, croyant d?velopper la pens?e de son auteur, car il n'eut jamais d'autre but, il dit quelquefois tout le contraire, ou m?me ne dit rien du tout. Si quelques personnes toutefois n'approuvent pas qu'on ose toucher ? cette version, depuis si long-temps admir?e comme un mod?le de gr?ce et de na?vet?, on les prie de consid?rer que, telle qu'Amyot l'a donn?e, personne ne la lit maintenant. Le Longus d'Amyot, imprim? une seule fois, il y a plus de deux si?cles, n'a reparu depuis qu'avec une foule de corrections et des pages enti?res de suppl?ments, ouvrage des nouveaux ?diteurs, qui, pour en remplir les lacunes et rem?dier aux contre-sens les plus palpables d'Amyot, se sont aid?s comme ils ont pu d'une faible version latine, et ainsi ont fait quelque chose qui n'est ni Longus ni Amyot. C'est l? ce qu'on lit aujourd'hui. Le projet n'est donc pas nouveau de retoucher la version d'Amyot; et si on le passe ? ceux-l? qui n'ont pu avoir nulle id?e de l'original, en fera-t-on un crime ? quelqu'un qui, voyant les fautes d'Amyot chang?es plut?t que corrig?es par ses ?diteurs, aura entrepris de r?tablir dans cette traduction, avec le vrai sens de l'auteur, les belles et na?ves expressions de son interpr?te? Un ouvrage, une composition, une oeuvre cr??e, ne se peut finir ni retoucher que par celui qui l'a con?ue; mais il n'en va pas ainsi d'une traduction, quelque belle qu'elle soit; et cette V?nus qu'Apelle laissa imparfaite, on auroit pu la terminer, si c'e?t ?t? une copie, et la corriger m?me d'apr?s l'original.
Nous ne savons rien de l'auteur de ce petit roman: son nom m?me n'est pas bien connu. On le trouve diversement ?crit en t?te des vieux exemplaires, et il n'en est fait nulle mention dans les notices que Suidas et Photius nous ont laiss?es de beaucoup d'anciens ?crivains: silence d'autant plus surprenant, qu'ils n'ont pas n?glig? de nommer de froids imitateurs de Longus, tels qu'Achilles Tatius et X?nophon d'?ph?se. Ceux-ci, contrefaisant son style, copiant toutes ses phrases et ses fa?ons de dire, t?moignent assez en quelle estime il ?toit de leur temps. On n'imite gu?re que ce qui est g?n?ralement approuv?. Nic?tas Eug?nianus, dont l'ouvrage se trouve dans quelques biblioth?ques, n'a presque fait que mettre en vers la prose de Longus. Mais le plus malheureux de tous ceux qui ont tent? de s'approprier son langage et ses expressions, c'est Eumathius, l'auteur du roman des Amours d'Ism?ne et d'Ism?nias. Quant ? H?liodore, ce qu'il a de commun avec notre auteur se r?duit ? quelques traits qu'ils ont pu puiser aux m?mes sources, et ne suffit pas pour prouver que l'un d'eux ait imit? l'autre. Quoi qu'il en soit, on voit que le style de Longus a servi de mod?le ? la plupart de ceux qui ont ?crit en grec de ces sortes de fables que nous appelons romans. Il avoit lui-m?me imit? d'autres ?crivains plus anciens. On ne peut douter qu'il n'ait pris des po?tes ?rotiques, qui ?toient en nombre infini, et de la nouvelle Com?die, ainsi qu'on l'appeloit, la disposition de son sujet, et beaucoup de d?tails, dont m?me quelques-uns se reconnoissent encore dans les fragments de M?nandre et des autres comiques. Il a su choisir avec go?t et unir habilement tous ces mat?riaux, pour en composer un r?cit o? la gr?ce de l'expression et la na?vet? des peintures se font admirer dans l'extr?me simplicit? du sujet. Aussi aura-t-on peine ? croire qu'un tel ouvrage ait pu paro?tre au milieu de la barbarie du si?cle de Th?odose, ou m?me plus tard, comme quelques savants l'ont conjectur?.
LES PASTORALES
LONGUS.
LIVRE PREMIER.
En l'?le de Lesbos chassant, dans un bois consacr? aux Nymphes je vis la plus belle chose que j'aie vue en ma vie, une image peinte, une histoire d'amour. Le parc, de soi-m?me, ?toit beau; fleurs n'y manquoient, arbres ?pais, fra?che fontaine qui nourrissoit et les arbres et les fleurs; mais la peinture, plus plaisante encore que tout le reste, ?toit d'un sujet amoureux et de merveilleux artifice; tellement que plusieurs, m?me ?trangers, qui en avoient ou? parler, venoient l?, d?vots aux Nymphes, et curieux de voir cette peinture. Femmes s'y voyoient accouchant, autres enveloppant de langes des enfants; de petits poupards expos?s ? la merci de fortune; b?tes qui les nourrissoient, p?tres qui les enlevoient; jeunes gens unis par amour; des pirates en mer, des ennemis ? terre qui couroient le pays, avec bien d'autres choses, et toutes amoureuses, lesquelles je regardai en si grand plaisir, et les trouvai si belles, qu'il me prit envie de les coucher par ?crit. Si cherchai quelqu'un qui me les donn?t ? entendre par le menu; et avant le tout entendu, en composai ces quatre livres, que je d?die comme une offrande ? Amour, aux Nymphes et ? Pan, esp?rant que le conte en sera agr?able ? plusieurs mani?res de gens, pour ce qu'il peut servir ? gu?rir le malade, consoler le dolent, remettre en m?moire de ses amours celui qui autrefois aura ?t? amoureux, et instruire celui qui ne l'aura encore point ?t?. Car jamais ne fut ni ne sera qui se puisse tenir d'aimer, tant qu'il y aura beaut? au monde, et que les yeux regarderont. Nous-m?mes, veuille le Dieu que sages puissions ici parler des autres!
Mityl?ne est ville de Lesbos, belle et grande, coup?e de canaux par l'eau de la mer qui flue dedans et tout ? l'entour, orn?e de ponts de pierre blanche et polie; ? voir, vous diriez non une ville, mais comme un amas de petites ?les. Environ huit ou neuf lieues loin de cette ville de Mityl?ne, un riche homme avoit une terre: plus bel h?ritage n'?toit en toute la contr?e; bois remplis de gibier, coteaux rev?tus de vignes, champs ? porter froment, p?turages pour le b?tail, et le tout au long de la marine, o? le flot lavoit une plage ?tendue de sable fin.
En cette terre un chevrier nomm? Lamon, gardant son troupeau, trouva un petit enfant qu'une de ses ch?vres allaitoit, et voici la mani?re comment. Il y avoit un hallier fort ?pais de ronces et d'?pines, tout couvert par-dessus de lierre, et au-dessous, la terre feutr?e d'herbe menue et d?licate, sur laquelle ?toit le petit enfant gisant. L? s'en couroit cette ch?vre, de sorte que bien souvent on ne savoit ce qu'elle devenoit, et abandonnant son chevreau, se tenoit aupr?s de l'enfant. Piti? vint ? Lamon du chevreau d?laiss?. Un jour il prend garde par o? elle alloit; sur le chaud du midi, la suivant ? la trace, il voit comme elle entroit sous le hallier doucement et passo?t ses pattes tout beau par-dessus l'enfant, peur de lui faire mal; et l'enfant prenoit ? belles mains son pis comme si c'e?t ?t? mamelle de nourrice. Surpris, ainsi qu'on peut penser, il approche, et trouve que c'?toit un petit gar?on, beau, bien fait, et en plus riche maillot que convenir ne sembloit ? tel abandon; car il ?toit envelopp? d'un mantelet de pourpre avec une agrafe d'or; pr?s de lui avoit un petit couteau ? manche d'ivoire.
Si fut entre deux d'emporter ces enseignes de reconnoissance, sans autrement se soucier de l'enfant; puis, ayant honte de ne se montrer du moins aussi humain que sa ch?vre, quand la nuit fut venue il prend tout, et les joyaux, et l'enfant et la ch?vre, qu'il conduisit ? sa femme Myrtale, laquelle, ?bahie, s'?cria si ? cette heure les ch?vres faisoient de petits gar?ons. Et Lamon lui conta tout, comme il l'avoit trouv? gisant et la ch?vre le nourrissant, et comment il avoit eu honte de le laisser p?rir. Elle fut bien d'avis que vraiment il ne l'avoit pas d? faire; et tous deux d'accord de l'?lever, ils serr?rent ce qui s'?toit trouv? quant et lui, disant par-tout qu'il est ? eux; et afin que le nom m?me sent?t mieux son pasteur, l'appel?rent Daphnis.
A quelque deux ans de l?, un berger des environs, qui avoit nom Dryas, vit une toute pareille chose et trouva semblable aventure. Un antre ?toit en ce canton, qu'on appeloit l'antre des Nymphes, grande et grosse roche creuse par le dedans, toute ronde par le dehors, et dedans y avoit les figures des Nymphes, taill?es de pierre, les pieds sans chaussures, les bras nus jusques aux ?paules, les cheveux ?pars autour du col, ceintes sur les reins, toutes ayant le visage riant et la contenance telle comme si elles eussent ball? ensemble. Du milieu de la roche et du plus creux de l'antre sourdoit une fontaine, dont l'eau, qui s'?pandoit en forme de bassin, nourrissoit l? au devant une herbe fra?che et touffue, et s'?couloit ? travers le beau pr? verdoyant. On voyoit attach?es au roc force seilles ? traire le lait, force fl?tes et chalumeaux, offrandes des anciens pasteurs.
En cette caverne une brebis, qui nagu?res avoit agnel?, alloit si souvent, que le berger la crut perdue plus d'une fois. La voulant ch?tier, afin qu'elle demeur?t au troupeau, comme devant, ? pa?tre avec les autres, il coupe un scion de franc osier, dont il fit un collet en mani?re de lacs courant, et s'en venoit pour l'attraper au creux du rocher. Mais quand il y fut, il trouva autre chose: il voit la brebis donner son pis ? un enfant, avec amour et douceur telles que m?re autrement n'e?t su faire; et l'enfant, de sa petite bouche belle et nette, pource que la brebis lui l?choit le visage apr?s qu'?toit saoul de tetter, prenoit sans un seul cri puis l'un puis l'autre bout du pis, de grand app?tit. Cet enfant ?toit une fille, et avec elle aussi, pour marques ? la pouvoir un jour conno?tre, on avoit laiss? une coiffe de r?seau d'or, des patins dor?s et des chaussettes brod?es d'or.
Dryas, estimant cette rencontre venir express?ment des Dieux, et instruit ? la piti? par l'exemple de sa brebis, enl?ve l'enfant dans ses bras, met les joyaux dans son bissac, non sans faire pri?re aux Nymphes qu'? bonne heure p?t-il ?lever leur pauvre petite suppliante; puis, quand vint l'heure de remener son troupeau au tect, retournant au lieu de sa demeurance champ?tre, conte ? sa femme ce qu'il avoit vu, lui montre ce qu'il avoit trouv?, disant qu'elle ne feroit que bien si elle vouloit de l? en avant tenir cet enfant pour sa fille, et comme sienne la nourrir, sans rien dire de telle aventure. Nap?, c'?toit le nom de la berg?re, Nap?, de ce moment, fut m?re ? la petite cr?ature, et tant l'aima qu'elle paroissoit proprement jalouse de surpasser en cela sa brebis, qui toujours l'allaitoit de son pis: et pour mieux faire croire qu'elle f?t sienne, lui donna aussi un nom pastoral, la nommant Chlo?.
Ces deux enfants en peu de temps devinrent grands, et d'une beaut? qui sembloit autre que rustique. Et sur le point que l'un fut parvenu ? l'?ge de quinze ans, et l'autre de deux moins, Lamon et Dryas en une m?me nuit song?rent tous deux un tel songe: Il leur fut avis que les Nymphes, celles-l? m?mes de l'antre o? ?toit cette fontaine, et o? Dryas avoit trouv? la petite fille, livroient Daphnis et Chlo? aux mains d'un jeune gar?onnet fort vif et beau ? merveille, qui avoit des ailes aux ?paules, portoit un petit arc et de petites fl?ches, et, les ayant touch?s tous deux d'une m?me fl?che, commandoit ? l'un pa?tre de l? en avant les ch?vres, et ? l'autre les brebis. Telle vision aux bons pasteurs pr?sageant le sort ? venir de leurs nourrissons, bien leur f?choit qu'ils fussent aussi destin?s ? garder les b?tes. Car jusque l? ils avoient cru que les marques trouv?es quant et eux leur promettoient meilleure fortune, et aussi les avoient ?lev?s plus d?licatement qu'on ne fait les enfants des bergers, leur faisant apprendre les lettres, et tout le bien et honneur qui se pouvoit en un lieu champ?tre; si r?solurent toutefois d'ob?ir aux Dieux touchant l'?tat de ceux qui par leur providence avoient ?t? sauv?s, et, apr?s avoir communiqu? leurs songes ensemble, et sacrifi? en la caverne ? ce jeune gar?onnet qui avoit des ail?s aux ?paules , les envoy?rent aux champs, leur enseignant toutes choses que bergers doivent s?avoir, comment il faut faire pa?tre les b?tes avant midi, et comment apr?s que le chaud est pass?; ? quelle heure convient les mener boire, ? quelle heure les ramener au tect; ? quoi il est besoin user de la houlette, ? quoi de la voix seulement. Eux prirent cette charge avec autant de joie comme si c'e?t ?t? quelque grande seigneurie, et aimoient leurs ch?vres et brebis trop plus affectueusement que n'est la coutume des bergers, pour ce qu'elle se sentoit tenue de la vie ? une brebis, et lui de sa part se souvenoit qu'une ch?vre l'avoit nourri.
Or ?toit-il lors environ le commencement du printemps, que toutes fleurs sont en vigueur, celles des bois, celles des pr?s, et celles des montagnes. Aussi j? commen?oit ? s'ou?r par les champs bourdonnement d'abeilles, gazouillement d'oiseaux, b?lement d'agneaux nouveau n?s. Les troupeaux bondissoient sur les collines, les mouches ? miel murmuraient par les prairies, les oiseaux faisoient r?sonner les buissons de leur chant. Toutes choses adonc faisant bien leur devoir de s'?gayer ? la saison nouvelle, eux aussi, tendres, jeunes d'?ge, se mirent ? imiter ce qu'ils entendoient et voyoient. Car entendant chanter les oiseaux, ils chantaient; voyant bondir les agneaux, ils sautoient ? l'envi; et, comme les abeilles, alloient cueillant des fleurs, dont ils jetoient les unes dans leur sein, et des autres arrangeoient des chapelets pour les Nymphes; et toujours se tenoient ensemble, toute besogne faisoient en commun, paissant leurs troupeaux l'un pr?s de l'autre. Souventes fois Daphnis alloit faire revenir les brebis de Chlo?, qui s'?toient un peu loin ?cart?es du troupeau; souvent Chlo? retenoit les ch?vres trop hardies voulant monter au plus haut des rochers droits et coup?s; quelquefois l'un tout seul gardoit les deux troupeaux, pendant le temps que l'autre vaquoit ? quelque jeu. Leurs jeux ?toient jeux de bergers et d'enfants. Elle, s'en allant d?s le matin cueillir quelque part du menu jonc, en faisoit une cage ? cigale, et cependant ne se soucioit aucunement de son troupeau; lui d'autre c?t?, ayant coup? des roseaux, en pertuisoit les jointures, puis les colloit ensemble avec de la cire molle, et s'apprenoit ? en jouer bien souvent jusques ? la nuit. Quelquefois ils partageoient ensemble leur lait ou leur vin, et de tous vivres qu'ils avoient port?s du logis se faisoient part l'un ? l'autre. Bref, on e?t plut?t vu les brebis dispers?es paissant chacune ? part, que l'un de l'autre s?par?s, Daphnis et Chlo?.
Or, parmi tels jeux enfantins, Amour leur voulut donner du souci. En ces quartiers y avoit une louve, laquelle ayant nagu?res louvet?, ravissoit des autres troupeaux de la proie ? foison, dont elle nourrissoit ses louveteaux; et pour ce, gens assembl?s des villages d'alentour faisoient la nuit des fosses d'une brasse de largeur et quatre de profondeur, et la terre qu'ils en tiraient, non toute, mais la plupart, l'?pandoient au loin; puis ?tendant sur l'ouverture des verges longues et gr?les, les couvraient en semant par-dessus le demeurant de la terre, afin que la place par?t toute plaine et unie comme devant, en sorte que s'il n'e?t pass? par-dessus qu'un li?vre en courant, il e?t rompu les verges, qui ?toient, par mani?re de dire, plus foibles que brins de paille, et lors e?t-on bien vu que ce n'?toit point terre ferme, mais une feinte seulement. Ayant fait plusieurs telles fosses en la montagne et en la plaine, ils ne purent prendre la louve, car elle sentit l'emb?che, mais furent cause que plusieurs ch?vres et brebis p?rirent, et presque Daphnis lui-m?me, par tel inconv?nient:
Deux boucs s'?chauff?rent de jalousie ? cosser l'un contre l'autre, et si rudement se heurt?rent que la corne de l'un fut rompue; de quoi sentant grande douleur celui qui ?toit ?corn?, se mit en bramant ? fuir, et le victorieux ? le poursuivre, sans le vouloir laisser en paix. Daphnis fut marri de voir ce bouc mutil? de sa corne; et, se courrou?ant ? l'autre, qui encore n'?toit content de l'avoir ainsi laidement accoutr?, si prend en son poing sa houlette et s'en court apr?s ce poursuivant. De cette fa?on, le bouc fuyant les coups, et lui le poursuivant en courroux, gu?res ne regardoient devant eux; et tous deux tomb?rent dans un de ces pi?ges, le bouc le premier et Daphnis apr?s, ce qui l'engarda de se faire mal, pour ce que le bouc soutint sa chute. Or au fond de cette fosse, il attendoit si quelqu'un viendroit point l'en retirer et pleuroit. Chlo? ayant de loin vu son accident, accourt, et voyant qu'il ?toit en vie, s'en va vite appeler au secours un bouvier de l? aupr?s. Le bouvier vint; il e?t bien voulu avoir une corde ? lui tendre, mais ils n'en trouv?rent brin. Par quoi Chlo?, d?liant le cordon qui entourait ses cheveux, le donne au bouvier, lequel en d?vale un bout ? Daphnis, et tenant l'autre avec Chlo?, tant firent-ils eux deux en tirant de dessus le bord de la fosse, et lui en s'aidant et grimpant du mieux qu'il pouvoit, que finablement ils le mirent hors du pi?ge. Puis retirant par le m?me moyen le bouc, dont les cornes en tombant s'?toient rompues toutes deux , ils en firent don au bouvier pour sa r?compense, et entre eux convinrent de dire au logis, si on le demandoit, que le loup l'avoit emport?.
Revenus ensuite ? leurs troupeaux, les ayant trouv?s qui paissoient tranquillement et en bon ordre, ch?vres et brebis, ils s'assirent au pied d'un ch?ne et regard?rent si Daphnis ?toit point quelque part bless?. Il n'y avoit en tout son corps trace de sang ni mal quelconque, mais bien de la terre et de la boue parmi ses cheveux et sur lui. Si d?lib?ra de se laver, afin que Lamon et Myrtale ne s'aper?ussent de rien. Venant donc avec Chlo? ? la caverne des Nymphes, il lui donna sa panneti?re et son sayon ? garder, et se mit au bord de la fontaine ? laver ses cheveux et son corps.
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