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Read Ebook: La psychologie comme science naturelle son présent et son avenir Application de la méthode expérimentale aux phénomènes de l'âme by Delboeuf Joseph Remi Leopold

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Ebook has 256 lines and 38203 words, and 6 pages

Telles sont les d?finitions cherch?es de l'?me et du corps; elles ne pr?jugent rien quant ? la nature de l'?me, ni quant ? ses rapports avec le corps; elles sont en concordance avec le langage de tous les temps et de tous les peuples, et enfin elles rendent aussi fid?lement que possible l'id?e qu'?veillent en nous ces mots tels qu'on les emploie ordinairement.

L'?tre sensible, avons-nous dit, puise la connaissance de lui-m?me ? deux sources diff?rentes, n'ayant aucun point de commun entre elles: le sens intime et les sens externes. L'animal s'en contente peut-?tre; pour l'homme, elles sont insuffisantes.

Il y a, en effet, des propri?t?s externes du moi qui ?chappent aux sens externes, et des faits internes qui ?chappent au sens intime. Une grande partie de notre organisation int?rieure nous est totalement inconnue. Nous ne savons comment est fait notre corps, ni comment y fonctionnent nos organes. Nous ne savons pas que nous avons un syst?me circulatoire, un syst?me de nutrition, un syst?me respiratoire, un syst?me nerveux, etc. Nous ne connaissons ni le coeur, ni le foie, ni l'estomac, ni le cerveau. Pour avoir la notion de ces organes et de leurs fonctions, nous avons recours forc?ment ? l'observation des autres hommes. C'est en eux que nous voyons se passer les ph?nom?nes physiologiques; et des ressemblances ext?rieures qui existent entre eux et nous, nous concluons que nous leur ressemblons aussi int?rieurement. Toutefois, nous pouvons nous tromper ? cet ?gard. En 1864, nous avons perdu ? Li?ge un professeur d'anatomie, Dresse, qui, ayant le coeur ? droite et renvers?, et le foie ? gauche, ne s'en ?tait jamais dout?. Bichat, si ma m?moire ne me trompe pas, attribuait la folie ? l'in?galit? des h?misph?res du cerveau, et il pr?sentait lui-m?me cette derni?re particularit? ? un haut degr?. Enfin, il est ? remarquer que nous ne connaissons pas directement nos yeux, qui sont des organes, sans contredit, des plus utiles. Nous ne les avons jamais vus, nous ne les verrons jamais. Le miroir nous en fournit une image, et cette image seule, plus ou moins fid?le, et, dans tous les cas, renvers?e de droite ? gauche nous en donne une connaissance indirecte et assez imparfaite.

Le sens intime a, lui aussi, besoin d'?tre compl?t? par les observations auxquelles nous soumettons les autres hommes. Les ph?nom?nes internes de notre vie dans le sein d'o? nous sommes sortis, et ceux de notre premi?re enfance, ce qui se passe en nous pendant un sommeil profond, un ?vanouissement, pendant la fi?vre ou la folie, sont compl?tement soustraits ? l'oeil de la conscience. Mais nous admettons que nous vivons, agissons, sentons dans tous ces ?tats, parce que nous voyons dans les m?mes circonstances les autres vivre, agir, sentir, ou, pour parler plus exactement, donner les signes ext?rieurs qui accompagnent chez nous la vie, l'activit?, la sensibilit?. Comme nous nous sommes vus agir ext?rieurement d'une certaine mani?re, ? la suite de certains actes internes, nous croyons que chez les autres ?tres qui reproduisent les m?mes actes ext?rieurs, pr?side une activit? interne semblable ? la n?tre. Je les entends parler, par exemple; comme la parole est chez moi l'expression ext?rieure de la pens?e int?rieure, j'admets que chez eux aussi la parole correspond ? la pens?e. C'est ? ce jugement d'analogie qu'il faut attribuer l'admiration na?ve des sauvages pour les singes et les perroquets.

Il r?sulte de l? que la science de l'homme ne peut uniquement se fonder sur l'observation interne--sans quoi le philosophe en serait r?duit ? faire la description, et encore incompl?te, de sa propre individualit?, ? un moment d?termin? de son existence--ni s'appuyer exclusivement sur l'observation ext?rieure--sans quoi les ph?nom?nes observ?s ne pourraient ?tre interpr?t?s psychiquement, c'est ? dire regard?s comme l'expression ext?rieure d'un ?tat int?rieur ?chappant ? l'observation. La psychophysique r?clame ? la fois et l'observation interne et l'observation externe, elle doit s'appuyer ? la fois et sur les donn?es du sens interne et sur celles de l'exp?rience. Mais elle r?clame, en outre, le concours de toutes les sciences, tant de celles qui ?tudient l'homme dans son pass? embryog?nique, phylog?nique, historique, zoologique, que de celles qui ?tudient l'univers dont il fait partie et dont il re?oit l'empreinte. Ces sciences d?couvrent la v?rit? par fragments, et toute v?rit? conquise fait p?n?trer un rayon de lumi?re dans les profondeurs de notre ?tre.

Mais, en outre, toutes les sciences, partant de l'homme, manifestent sa nature sous un certain aspect; filles de l'esprit humain, elles en expriment la puissance g?n?ratrice. Si donc nous recherchons comment elles poursuivent et atteignent la v?rit?, nous saurons comment l'esprit doit s'y prendre en g?n?ral pour r?soudre un probl?me, nous aurons la pleine conscience des moyens qui sont ? notre disposition et de la m?thode que nous devons suivre pour l'aborder avec fruit. Une fois en pleine possession de cette m?thode, nous examinerons comment il faut l'appliquer aux recherches directes sur les rapports de l'?me et du corps, apr?s nous ?tre assur? auparavant de l'inefficacit? absolue des m?thodes jusqu'ici employ?es.

Nous voil? ainsi ramen? ? notre point de d?part. L'homme n'a jamais failli ? la mission que lui rappelait l'oracle de Delphes. Seulement, cette mission est ind?finie, et ceux-l? seuls sont dans l'erreur qui, se fondant sur une m?thode exclusive et imparfaite, croient l'avoir accomplie.

R?sumons-nous. La connaissance suppose chez l'animal la facult? de se modifier lui-m?me volontairement.

En disant cela, je choque peut-?tre certaines id?es qui ont g?n?ralement cours parmi les transformistes. Pour eux, les animaux et les plantes sont deux rameaux sortis d'une m?me souche, les protozoaires, et ne se distinguent qu'au point de vue morphologique et physiologique. Je ne sais ce qui en est de cette descendance. Pour moi, je ne suis pas actuellement dispos? ? croire, pour des raisons que j'exposerai plus tard, que la sensibilit? et l'intelligence puissent appara?tre l? o? elles ne sont pas en germe. En cons?quence, vu certains faits pr?sent?s notamment par la sensitive et les plantes carnivores, je n'h?site pas ? accorder aux plantes la sensibilit? tout en leur refusant le sentiment de la motilit?.

MAT?RIALISME, SPIRITUALISME, PSYCHOPHYSIQUE

Nous croyons avoir pos? nettement le probl?me de la psychologie, et avoir ?tabli, par l'analyse m?me de ses termes, l'impuissance radicale de toute m?thode exclusive, c'est ? dire fond?e uniquement ou sur l'observation externe ou sur l'observation interne, ? en donner une solution satisfaisante.

Cependant, cette impuissance est bien loin d'?tre avou?e. Au contraire, c'est un pr?jug? universellement r?pandu que l'observation seule peut nous faire conna?tre tous les faits psychologiques. Aussi, du moment o? l'homme s'est pr?occup? de sa propre nature et du but de son existence, du moment, en un mot, o? s'est r?v?l?e la n?cessit? d'une science des rapports de l'?me et du corps, deux syst?mes oppos?s ont ?t? mis en pr?sence; ces syst?mes se partagent actuellement encore le champ de la philosophie. Il existe, en effet, d'une part, toute une classe de philosophes qui pr?tend trouver l'explication de ces rapports dans l'analyse de la nature physique; et, de l'autre, des penseurs qui, se pla?ant ? un point de vue tout oppos?, la cherchent dans l'?me elle-m?me. Nous avons une psychologie mat?rialiste et une psychologie spiritualiste.

L'existence de ces deux doctrines rivales est un fait consid?rable qui nous montre l'esprit humain sous l'un de ses aspects les plus int?ressants. Comment se fait-il que cette question, si clairement d?finie pourtant, soit ?tudi?e par des m?thodes si oppos?es et s'accusant mutuellement de ne pas ?tre scientifiques? Pourquoi y a-t-il des mat?rialistes et des spiritualistes? Pourquoi les uns et les autres se croient-ils seuls dans la bonne voie? Pourquoi croient-ils leurs adversaires dans la mauvaise et restent-ils obstin?ment sourds ? leur argumentation?

Or, ici nous touchons ? l'une des particularit?s les plus curieuses de la science de l'?me.

En g?n?ral, les sciences commencent par ?tre entach?es d'erreurs consid?rables que le travail des g?n?rations savantes tend ? faire dispara?tre; mais l'erreur une fois d?truite, on n'a plus ? s'en occuper. Du moment que Copernic eut ?tabli le vrai syst?me du monde et que ses propositions eurent ?t? admises, on n'eut plus ? parler que pour m?moire des syst?mes astronomiques des anciens. Les fausses id?es en histoire, en philologie, en g?ographie, dans les sciences naturelles, une fois redress?es, sont d?finitivement ?cart?es et jug?es tout au plus dignes de figurer dans l'histoire des sciences. Il n'en est pas de m?me en psychologie. La science de l'homme a pour objet aussi bien ses erreurs que ses d?couvertes, et quel que soit l'avenir r?serv? ? cette science, ? quelque degr? de perfection qu'elle doive arriver un jour, il faudra toujours r?server une place importante ? l'?tude des faux syst?mes non seulement scientifiques, mais surtout psychologiques. Ils sont, en effet, une manifestation de notre intelligence tout aussi significative que la connaissance de la v?rit?.

Enfin, lorsqu'on aborde une de ces questions qui se pr?sentent obstin?ment ? l'esprit et dont les solutions semblent peu satisfaisantes, on doit avant tout se rendre compte de l'inefficacit? des m?thodes suivies ant?rieurement et ?viter d'entrer dans la voie qui en a ?gar? tant d'autres. Si l'on tente un nouvel essai, c'est pour faire mieux ou tout au moins pour faire autrement.

Nous devons donc commencer par exposer l'origine psychologique de ces deux syst?mes et en faire la critique.

Le mat?rialisme a pour lui l'anciennet? historique: c'est par l? que d?bute toute philosophie. C'est aussi le syst?me qui se pr?sente le premier ? notre esprit d?s que nous recherchons la cause de ce qui se passe en nous.

Nous finissons ainsi par oublier que tout ph?nom?ne sensible est le produit de deux facteurs d'?gale importance, l'?tre sentant et l'objet senti; nous accordons une valeur exag?r?e ? ce qui agit sur nous, et nous attribuons, au contraire, un r?le de moins en moins grand ? notre activit? sensible au point de l'annuler; et, en derni?re analyse, nous croyons recevoir de l'ext?rieur purement et simplement, sans alt?ration aucune, tout ce qui se trouve en nous, comme un bassin re?oit de la source qui l'alimente toute l'eau qu'il contient.

D?s lors, le probl?me des rapports de l'?me et du corps est notablement simplifi?, puisque l'?me n'est plus qu'une esp?ce de reflet de la nature ext?rieure. L'?tude de la nature doit nous fournir tous les ?l?ments dont nous avons besoin pour ?claircir les myst?res de notre ?tre. La physique, la chimie, la physiologie nous en donneront la clef. De l? ? faire de l'?me un produit fortuit de la combinaison de certaines forces mat?rielles, il n'y a qu'un pas. Le r?alisme, comme doctrine psychologique, conduit directement au mat?rialisme, comme doctrine m?taphysique. Le mat?rialisme assimile l'?me ? un produit mat?riel ou ? une propri?t? mat?rielle ; il n'y a plus en nous de double nature, et le probl?me est modifi? dans son ?nonc? et sa port?e. La psychologie n'est plus qu'un appendice des sciences naturelles; elle cherche ? r?pondre ? cette question: Comment les ph?nom?nes psychiques naissent-ils des ph?nom?nes corporels?

Presque en m?me temps que le r?alisme b?tit ses divers syst?mes, en ?talant un grand luxe d'arguments, une doctrine psychologique oppos?e, l'id?alisme, se manifeste et se d?veloppe. Il ne lui est pas difficile de s'apercevoir que le r?alisme, qui croit prendre les choses pour origine de ses id?es, part, au contraire, des id?es pour remonter aux choses. Comme il arrive dans toute r?action, ce dogme a, de son c?t?, une tendance ? exag?rer le r?le de l'?me dans l'acquisition de nos connaissances, et insensiblement, ? force de r?duire la part de l'ext?rieur, il ne laisse plus subsister que l'int?rieur. Pour cette doctrine, tout ce qui est actuellement dans le moi appartient constitutivement au moi, toutes ses d?terminations lui sont donn?es avec l'existence, et le r?le de l'ext?rieur se borne tout au plus ? lui donner les occasions de les d?couvrir successivement. Le r?alisme aboutit ? faire de l'esprit un produit du non-moi, c'est ? dire des forces ext?rieures; l'id?alisme, ? son tour, va jusqu'? faire du non-moi un produit de l'esprit et de sa libre activit?. D'un c?t?, l'esprit est comme un miroir ou l'?cran de la chambre noire qui se borne ? refl?ter le monde ext?rieur; de l'autre, c'est une puissance cr?atrice qui s'agite au milieu d'un monde enfant? par elle; dans le drame de son existence, l'esprit est ? la fois po?te et acteur.

Le r?alisme simplifie et transforme le probl?me en supprimant l'?me; l'id?alisme aboutit au m?me r?sultat et supprime la nature. Tandis que l'un finit par affirmer que tout est mati?re, selon l'autre, tout est esprit.

Le monisme, c'est ? dire l'affirmation de l'existence d'un principe unique, est au bout de ces deux syst?mes.

Ils ont encore un autre point de contact. Ils partent tous deux de l'hypoth?se que les id?es pr?existent ? la connaissance. Pour le r?aliste, elles sont dans les choses ext?rieures qui nous les envoient. C'est ainsi que l'air tient suspendus les germes de moisissures et d'animaux microscopiques qu'il r?pand partout o? il p?n?tre et qui se d?veloppent l? o? ils rencontrent des circonstances favorables. L'id?aliste admet qu'elles sont en nous; seulement, elles y sont plus ou moins cach?es, et il s'agit de les mettre au jour. C'est le papillon renferm? dans sa chrysalide qui attend l'occasion propice de la fendre et d'?tendre ses ailes ? la lumi?re; c'est le tableau que le temps a couvert d'une couche ?norme de poussi?re et qu'un artiste habile viendra d?barrasser de son voile. Le gland, plant? dans un terrain propice, devient le ch?ne puissant au feuillage touffu. D'o? lui viennent ses feuilles? La terre, dit le mat?rialiste, les contenait et les a transmises au gland, qui en a fait sa parure. Analysez la terre, l'air et l'eau; d?gagez leurs ?l?ments, combinez-les d'une autre fa?on, prenez des creusets et des cornues, vous y trouverez les feuilles du ch?ne. Le gland les renfermait en lui-m?me, r?pond le spiritualiste; donnez-moi un microscope, je vous les y ferai voir. La terre a seulement fourni au gland l'occasion de les d?velopper et de les ?panouir.

Le parall?lisme entre les deux syst?mes serait complet si l'?nonc? du probl?me subissait une transformation analogue. Pour le r?alisme, les ph?nom?nes psychiques sont des effets des ph?nom?nes physiques, et l'oeuvre du psychologiste consiste ? mettre en ?vidence cette relation de cause ? effet. Par contre, l'id?alisme, pouss? ? ses derni?res cons?quences, conduit ? regarder le ph?nom?ne corporel comme un effet du ph?nom?ne spirituel. Mais, en g?n?ral, il n'en est cependant pas ainsi. Le philosophe id?aliste reconna?t dans l'ordre physique des caract?res et des causes propres, et il n'a pas une id?e bien nette des relations de l'ordre physique avec l'ordre psychique. Aussi, pour lui, le probl?me se pose-t-il dans ces termes vagues: Quelle est la nature de la correspondance entre les ph?nom?nes du corps et ceux de l'?me?

L'harmonisme qui, dans l'histoire de la philosophie, correspond au cart?sianisme et compte parmi ses plus brillants apologistes des philosophes comme Descartes, Malebranche, Leibnitz, r?unit ces deux affirmations oppos?es. Pour lui, l'esprit et les choses ext?rieures sont form?s sur un m?me type, il y a entre elles et lui harmonie compl?te. A la qualit? ext?rieure, dite sensible, correspond l'id?e int?rieure ou la qualit? intelligible. Les objets ext?rieurs sont ?tendus et notre esprit trouve en lui l'id?e d'?tendue qui leur correspond. Comment pourrions-nous, en effet, selon lui, reconna?tre que les objets sont ?tendus, si nous n'avions en nous l'id?e d'?tendue? Et comment cette id?e s'appliquerait-elle aux objets, si ceux-ci n'?taient pas ?tendus?

Qu'ils l'avouent ou qu'ils le nient, les syst?mes que nous venons d'exposer sont le produit de la sp?culation pure; car ceux m?mes qui ont l'air de s'appuyer sur des faits mat?riels partent d'une id?e toute sp?culative, ? savoir de la possibilit? de conna?tre l'essence de la pens?e en ?tudiant la nature. Aussi l'histoire de la philosophie met ? nu l'impuissance radicale de toutes ces ?coles. Dit-on aujourd'hui quelque chose de plus que Socrate, Platon, Aristote? De quelle utilit? positive ont ?t? ? la psychologie les r?formes de Bacon, de Descartes, de Kant? Nous sommes peut-?tre plus clairs, plus m?thodiques que les anciens, mais o? sont les v?rit?s d?couvertes? Les m?mes syst?mes renaissent de leurs cendres tout aussi faux, tout aussi vrais, c'est ? dire tout aussi peu satisfaisants pour les gens qui ne se paient pas de mots. Quelle diff?rence sous ce rapport entre la philosophie et les sciences naturelles! Ici, il n'est pas une erreur qui, une fois mise en ?vidence, ne soit ?limin?e sans retour; pas une proposition qui, une fois d?montr?e vraie, ne soit d?finitivement acquise ? la science. La m?thode est si s?re que la somme du savoir ne peut que s'accro?tre. Au livre de son avoir intellectuel, l'homme n'inscrit que des b?n?fices, jamais de pertes.

Pour marcher vers ce but, elle s'attache surtout ? saisir la premi?re manifestation de l'id?e pour la poursuivre jusqu'? son complet d?veloppement. Elle la suit, d?s l'instant o? on peut l'observer, note avec tout le soin possible les divers ?l?ments qui viennent la composer et la nourrir; alors seulement, si elle est contente de son travail, elle peut se hasarder ? ?noncer une opinion sur l'origine possible de l'id?e, sur l'?tat ?l?mentaire des deux facteurs au moment de sa naissance. C'est ainsi qu'en pal?ontologie on vise surtout ? saisir la premi?re apparition de la vie sur ce globe et ? reconstruire la s?rie des ?tres dans l'ordre o? ils ont apparu, et dans le milieu qui les a vus na?tre. C'est ainsi encore que les ?tudes biologiques, que la zoologie ne font plus un pas sans le secours de l'embryog?nie, et que le naturaliste, arm? de son microscope, prend l'?tre vivant au moment o? l'on n'observe encore en lui aucune diff?rence, et le suit dans tout le cours de son d?veloppement embryonnaire, persuad? que l'?tude d'un seul de ces ph?nom?nes en apprend plus que la dissection de milliers d'?tres adultes.

Tout ph?nom?ne, pour ?tre compl?tement ?lucid?, doit ?tre pris au moment o? il appara?t. C'est alors qu'il porte l'empreinte la plus reconnaissable de la cause qui le produit. Or, nous n'avons pas toujours eu nos id?es, nos sentiments actuels. Remontons donc vers notre pass?, et essayons de saisir en l'homme la premi?re lueur de la pens?e et du sentiment. Si je constate pr?sentement en moi les id?es de Dieu, du juste, du beau, du bien, comme je sais que ces id?es n'ont pas toujours ?t? en moi sous leur forme actuelle, je puis hardiment assurer qu'elles ont leur origine dans un ?tat intellectuel ant?rieur, et momentan?ment les oublier pour y revenir plus tard. <>

Ici on saisit sur le vif la diff?rence du point de d?part entre le r?alisme empiriste d'un c?t? et l'id?alisme sp?culatif et dialectique de l'autre.

Les r?alistes, qu'ils s'appellent physiologistes ou mat?rialistes, partent d'une id?e pr?con?ue et non d?montr?e, et anticipant la solution, abandonnent le ph?nom?ne en question de la pens?e, et vont l'?tudier, ou plut?t pr?tendent l'?tudier dans des ph?nom?nes connexes. La physique, la chimie, la physiologie doivent, selon eux, nous donner la clef de la psychologie. Or, combien est anti scientifique ce proc?d? qui consiste ? ?tudier la pens?e, par exemple, dans le cerveau, c'est ? dire dans un organe qui peut avoir chez les animaux vert?br?s, et notamment chez l'homme, une certaine relation avec la pens?e, mais qui n'a certainement avec elle qu'un rapport vague et ?loign?! Ainsi, ne voyons-nous pas un grand nombre d'?tres priv?s de cerveau proprement dit, et qui nous ?tonnent pourtant par leur sagacit?? Dois-je citer les abeilles et les fourmis? Ajoutons que la physiologie du cerveau est la plus obscure de toutes les parties de cette science. Disons le mot, on ne conna?t pour ainsi dire rien de cet organe. Admettons cependant que l'anatomie du cerveau n'ait plus de progr?s ? faire, admettons que le physiologiste, la loupe et le scalpel ? la main, puisse suivre pas ? pas la marche du sang dans les vaisseaux qui le sillonnent, la d?composition de la substance nerveuse des moindres fibres qui le composent; admettons enfin qu'aucun des changements qui se passent en lui ne reste inaper?u, y constateront-ils la pr?sence de la pens?e? y verront-ils les folies d'un insens?, les r?veries d'un Swedenborg, les d?couvertes sublimes d'un Newton, les combinaisons strat?giques d'un Napol?on, les extases c?lestes d'un Lamartine? Quel ab?me entre une volont?, par exemple, et la production d'un courant nerveux? S'il ?tait av?r? que chaque fois la volont? est accompagn?e d'un courant nerveux , de quel droit pourrait-on affirmer qu'il y a entre la volont? et le courant une relation directe de cause ? effet? Et, en supposant m?me qu'on p?t le soutenir, o? serait le cause, o? serait l'effet? Et si la cause est la volont?--ce qui est au moins aussi probable--quelle est, en derni?re analyse, la valeur du r?sultat obtenu par rapport ? l'origine de la volont?? Rien ou bien peu de chose.

L'id?alisme proc?de au rebours. Sa m?thode est tout intuitive. Pour conna?tre l'essence de la pens?e, rien ne lui para?t plus naturel que de s'adresser ? la pens?e elle-m?me. Tandis que le r?aliste tient les yeux ouverts et regarde tout autour de lui, l'id?aliste ferme tous ses sens ? la fois et en appelle ? la seule puissance de la r?flexion. L'un cherche dans le dehors, qu'il soumet ? des investigations minutieuses, la source de ce qui est en lui; l'autre la cherche en lui-m?me et jusqu'au plus profond de son ?me. Le premier interroge le monde tout entier, le pr?sent et le pass?, le sauvage et l'homme civilis?, les fous et les sages; le second n'a de confiance qu'en lui-m?me, et, faisant le silence autour de lui, il adresse du fond de son coeur des invocations intimes ? la v?rit?.

Voil? la base de la sp?culation. L'?difice qu'elle construit est splendide; seulement, comme dit quelque part Wundt, on a pris pour b?tir les fondements les tuiles qui devaient ?tre employ?es ? en recouvrir le toit.

Il ne faut pas confondre les notions primitives avec les notions g?n?rales. Les notions g?n?rales appartiennent aux derniers produits et aux produits les plus compliqu?s de notre puissance intellectuelle. Nous avons les notions de chien, d'oiseau, de poisson, avant d'avoir celle d'animal, et nous avons celle-ci et celle de plante avant d'avoir celles d'?tre vivant et de corps inerte. L'?laboration des id?es g?n?rales est ce qu'il y a pour nous de plus ardu, et les progr?s de la science ont le plus souvent pour effet d'en modifier le contenu. Je n'en veux pour preuve que les profonds changements que depuis quelque temps les notions de mati?re et de force ont eu ? subir.

De m?me qu'au point de vue physique nous avons commenc? par ?tre renferm?s dans un oeuf f?cond?, que cet oeuf est identique en apparence pour tous les ?tres sensibles, que peu ? peu les diff?rences se sont manifest?es, et que, dans les derniers temps de notre vie embryonnaire seulement, le caract?re humain s'est dessin? dans nos membres et sur notre visage, de m?me, au point de vue intellectuel, nous avons commenc? par avoir les id?es communes ? tous les ?tres connaissants, puis nous nous sommes ?lev?s ? des id?es plus compliqu?es, qui sont pourtant encore le partage d'autres esp?ces animales de moins en moins nombreuses, jusqu'? ce que nous ayons cr?? les id?es qui nous sont propres ainsi qu'? tous les hommes et qui nous caract?risent comme tels. Enfin, chacun de nous a ses id?es particuli?res qui lui impriment son caract?re individuel. Ceux qui vont le plus loin ? cet ?gard, et qui instruisent leurs semblables, rel?vent le niveau de la race enti?re. Nous devons notre sup?riorit? sur les sauvages, les Grecs, les Romains, le moyen ?ge, aux Thal?s, aux Aristote, aux Galil?e, aux Newton.

Or, nous ne pouvons savoir comment l'on est homme et l'on pense en homme, si, pr?alablement, nous ne recherchons comment l'on est en tant qu'animal, et comment l'on, pense en tant qu'animal. Nous aboutirions, pour ainsi dire, ? coup s?r, si nous pouvions saisir le premier sympt?me de pens?e ou de sensibilit? dans l'embryon. On voit donc que la psychophysique ne s'arr?te pas au contenu de la conscience, elle ?tend notablement le champ de l'investigation. De m?me que l'histoire ?crite de l'homme a ses racines dans son pass? pr?historique, et que nous devons avant tout reconstituer ce pass? si nous voulons savoir ce qu'est l'homme, de m?me la psychophysique remonte au del? de toute pens?e consciente et p?n?tre dans le monde de l'inconscience. Sous ce rapport, elle sort du domaine commun de l'id?alisme et du r?alisme. Elle ne fait donc pas comme les sciences dites descriptives, aujourd'hui d?tr?n?es ? peu pr?s partout, qui s'intitulaient botanique ou zoologie, etc., et qui donnaient la nomenclature plus ou moins exacte de toutes les fleurs, de tous les animaux ou autres ?tres de la cr?ation, objets qu'elles classaient ensuite en genres et en familles. Les id?es qui se r?v?lent actuellement ? l'oeil de la conscience sont les fleurs ?panouies de la pens?e, et il ne faut pas croire qu'on pourra saisir le secret de leur naissance en s'installant au milieu du jardin de l'?me et en dressant l'inventaire plus ou moins syst?matique de ses productions. C'est l? un travail ? peu pr?s st?rile; et, si l'on est dans l'intention de remonter ? l'origine des id?es, c'est prendre le point de d?part le plus ?loign? et choisir la route la plus p?nible et la plus incertaine. Le savant doit ?tudier dans sa nature intime le germe m?me qui ?chappe ? ses regards, s'il veut arriver avec quelque probabilit? ? un r?sultat significatif. Or, la psychologie, ? peu d'exceptions pr?s, a-t-elle ?t? jusqu'? pr?sent autre chose qu'une science purement descriptive?

L'empirisme et l'id?alisme ne peuvent donc aboutir, parce qu'ils m?connaissent volontairement tout un c?t? des ph?nom?nes intellectuels dont ils ont la pr?tention de rechercher les lois et les causes. Mais ici se montre une diff?rence saisissante entre l'id?alisme et le r?alisme. L'id?alisme au moins s'affirme comme ?tant le produit de la pens?e, et, vrai ou faux, il manifeste ? sa fa?on l'existence de cette force myst?rieuse ? qui il reconna?t la facult? de se tromper. Le r?alisme, au contraire, ne peut ?tre vrai; car, s'il ?tait vrai, il ?tablirait au m?me titre l'exactitude des syst?mes qui le nient, puisque, eux aussi, dans cette hypoth?se, seraient le produit du jeu r?gulier des forces organiques de notre cerveau. Pour lui, il n'y a pas d'erreur possible, et partant il se d?truit lui-m?me dans son principe.

L'observation seule des ph?nom?nes ne suffit pas ? la psychophysique. En supposant m?me qu'elle p?t atteindre les ph?nom?nes absolument primitifs, ce qui est impossible, parce que, ? proprement parler, le primitif n'existe pas et est toujours au fond un cons?cutif, il s'agit de les ?tudier, d'en rechercher les lois, de remonter ? leurs causes. La psychophysique compl?te donc l'observation par l'exp?rience, c'est ? dire par la production artificielle de ph?nom?nes psychiques dans des circonstances donn?es.

Il est n?cessaire que nous disions ? ce sujet quelques mots pour qu'on soit ? m?me de se rendre compte de la nature de l'exp?rience en g?n?ral, et du r?le qu'elle vient jouer dans la science.

Or, toute exp?rience se ram?ne, en d?finitive, au trac? de deux ou de plusieurs ?chelles parall?les o? sont not?es les circonstances qui doivent, au jugement de l'op?rateur, exercer une certaine influence sur le ph?nom?ne ?tudi?. C'est ainsi que la m?t?orologie dresse une suite de tableaux o? l'on a, dans une colonne, not? l'?tat du ciel de chaque jour, et dans des colonnes parall?les, l'indication du vent, la temp?rature, la pression de l'air, l'?tat hygrom?trique et ?lectrique de l'atmosph?re, etc.; il s'agit de voir, en effet, s'il n'y a pas une corr?lation quelconque entre l'?tat du ciel et les autres ph?nom?nes qui l'accompagnent. Reprenons les exemples cit?s plus haut. On suppose, disons-nous, qu'il pourrait bien exister une certaine relation entre le temps et l'espace parcourus par un corps qui tombe. On pr?pare une double ?chelle. Dans l'une, on marque l'espace parcouru apr?s une seconde, apr?s deux secondes, apr?s trois secondes, et ainsi de suite; dans l'autre, on note le temps, une seconde, deux secondes, trois secondes. L'on cherche si une loi ne relie pas entre eux ces nombres respectifs; et l'on voit, en effet, que l'espace parcouru est proportionnel au carr? des temps qu'il faut pour le parcourir. On aurait pu de m?me soup?onner une certaine relation entre la vitesse du corps et sa masse. Si l'on dresse la double ?chelle, on constatera que la masse n'a aucune influence sur la vitesse. En inscrivant de m?me, dans deux colonnes parall?les, l'intensit? de la lumi?re et la distance et en comparant les nombres obtenus, on trouve que l'intensit? d?cro?t en raison du carr? de la distance.

Ces comparaisons ont pour but de d?couvrir la loi qui rattache l'un ? l'autre deux ordres de ph?nom?nes. La loi trouv?e, on peut alors, et alors seulement, remonter ? la cause hypoth?tique du ph?nom?ne, et encore ne faut-il pas se h?ter de conclure: c'est ainsi que la chimie est en possession d'un grand nombre de lois remarquables, mais qui ne laissent pas encore apercevoir les causes pr?cises des combinaisons. Cette m?thode est la seule rationnelle ou, du moins, c'est la seule qui ait fait faire aux sciences naturelles de s?rieux et notables progr?s. C'est ? elle que la psychophysique doit donc, autant que possible, demander la solution de ses probl?mes. Ainsi, comme son but est de trouver les rapports de l'?me et du corps, elle doit tenir deux registres o? elle consignera, d'une part, les ph?nom?nes corporels, de l'autre, les ph?nom?nes spirituels, et, de plus, elle accompagnera chaque ordre de ph?nom?nes d'une colonne o? seront indiqu?es les intensit?s respectives des manifestations.

A la v?rit?, la psychophysique pr?sente sur les autres sciences naturelles cet avantage qu'un grand nombre de faits internes sont soumis directement ? l'observation et per?us tels qu'ils sont en eux-m?mes, sans alt?ration, sans erreur possible. Il est cependant ? remarquer que l'observation interne, comme nous l'avons d?j? dit, ne nous fait pas conna?tre tous les faits de cette nature, et que, pr?cis?ment, elle ne nous ?claire pas sur ceux qu'il nous serait le plus important de juger, ? savoir sur les faits internes primitifs. Mais il en est ici comme en beaucoup de sciences o? l'on saisit avec peine les premiers indices d'une formation nouvelle.

Quant aux faits externes correspondants, c'est l'affaire de la physique et de la physiologie. Ces sciences ne sont gu?re arriv?es ? un degr? d'ach?vement d?sirable, surtout la derni?re, qui en est encore, on peut le dire, ? ses d?buts.

Mais ce qui fait la difficult? propre de la psychophysique, c'est l'impossibilit? presque compl?te o? nous sommes d'?tablir le parall?lisme requis entre les faits internes et les faits externes. Je connais directement ce qui se passe en moi, je connais mes pens?es, mes sentiments, mes volitions, mais je ne puis saisir les faits corporels correspondant ? ces faits psychiques. Et, d'un autre c?t?, si j'?tudie les faits corporels en autrui, je puis tout au plus avoir une connaissance triplement r?fl?chie des faits internes correspondant ? ces faits corporels. Triplement r?fl?chie, disons-nous. Car, le fait interne saisi, le patient le traduit par la parole qui n'en est qu'une image imparfaite. Cette parole est entendue par moi et ?veille en moi une id?e correspondante, mais non identique ? celle qu'elle est cens?e exprimer. Enfin, cette id?e correspondante n'est qu'un souvenir et non une sensation, c'est ? dire une image tr?s affaiblie d'une sensation v?ritable. Or, les exp?riences ? faire dans ces conditions sont excessivement rares. On ne peut, le plus souvent, exp?rimenter que sur le cadavre sur l'animal, ou sur l'homme dans certains ?tats pathologiques.

Appliquons ces r?flexions au probl?me auquel nous faisions tant?t allusion, du rapport entre le cerveau et la pens?e. Quelle est la nature de ce rapport? N?cessairement, il faut, d'apr?s ce qui a ?t? dit, dresser la double ?chelle des modifications organiques correspondant aux modifications de la pens?e. Admettons que je pense la s?rie des nombres, et qu'? cette suite de pens?es correspondent certaines modifications organiques. Or, voici les difficult?s, pour le dire, insurmontables que le psychophysicien va rencontrer. Il ne peut travailler sur le cerveau vivant, par cons?quent, sur le cerveau pensant. Supposons qu'il puisse le faire, que la bo?te cr?nienne soit de pur cristal, et que rien ne lui ?chappe. Ce n'est pas son propre cerveau qui sera soumis ? l'exp?rience, ce sera le cerveau d'un autre, et la pens?e de cet autre, il ne peut la conna?tre.

Par ce peu de mots on peut juger de combien de difficult?s inextricables est entour?e la question des rapports de la pens?e et du cerveau. Nous avons pris pourtant l'exemple le plus simple que l'on puisse choisir. Que serait-ce s'il s'agissait de d?terminer la loi des modifications organiques correspondant aux diff?rentes esp?ces de d?sirs, de souffrances, de joies vagues ou d?termin?es, sans objet ou ayant un objet distinct et pr?cis, accompagnant l'inspiration du po?te, de l'artiste, les r?flexions profondes du savant, du g?om?tre, du m?taphysicien? L'esprit s'arr?te effray? devant cette quantit? d'inconnues dont chacune est fonction d'une infinit? d'autres inconnues.

En pr?sence des difficult?s qui entourent in?vitablement les recherches de la psychophysique, faut-il d?sesp?rer du probl?me de la psychologie? Non certes. Il est heureusement des ph?nom?nes psychiques--et ce sont pr?cis?ment ceux qui se rapprochent des faits primitifs--dont les ph?nom?nes physiques correspondants peuvent ?tre appr?ci?s par la m?me personne. La plupart des ph?nom?nes sensibles sont dans ce cas. Si, par exemple, je monte une montagne, il y a un certain ph?nom?ne corporel qui consiste en une d?pense de force, et un certain ph?nom?ne interne qui y correspond, la fatigue. Plus la d?pense de force augmente, plus aussi s'augmente la fatigue. Nous sommes en droit de soup?onner entre ces deux ph?nom?nes une certaine relation et nous pouvons nous occuper de la trouver. Il est assez facile d'?valuer la d?pense de force. On peut sans trop d'inconv?nient la regarder comme ?quivalente au travail ext?rieur produit. Ce travail est proportionnel au poids du corps et ? la hauteur. Il faut exactement la m?me force pour ?lever d'un m?tre un poids donn?, quelle que soit d'ailleurs la hauteur ? laquelle se trouve le poids. Le milli?me m?tre ? gravir ne demande pas plus de force que le premier. Le travail effectu? et, par cons?quent, la force d?pens?e, cro?t donc avec la hauteur; il est dix fois aussi grand apr?s le milli?me m?tre qu'apr?s le centi?me. La fatigue croit-elle dans le m?me rapport? ?videmment non. Il est certain, par exemple, que la fatigue ?prouv?e par nous pour gravir le milli?me m?tre peut ?tre beaucoup plus grande que celle que nous avons ressentie en gravissant le premier, et elle peut m?me prendre un tel degr? d'intensit? que nous ne puissions pas atteindre le deux-milli?me m?tre. La fatigue est-elle proportionnelle ? la hauteur? Est-elle mille fois plus grande pour le milli?me m?tre que pour le premier? ?videmment non encore. Pour obtenir la vraie relation entre le travail effectu? et la fatigue, il faut pouvoir appliquer ? celle-ci une mesure, il faut mesurer la fatigue. Ce que nous disons de la fatigue, nous pourrions le dire de la sensation de lumi?re qui n'est pas proportionnelle non plus ? l'intensit? de la lumi?re, ou de la sensation auditive qui ne cro?t pas davantage avec la force du son, et, en g?n?ral, de toutes les sensations. Il faut donc avant tout arriver ? appliquer la mesure aux faits internes, car, sans le nombre, il n'y a pas de comparaison possible, pas de loi ? formuler.

Cette condition pr?liminaire n'est pas facile ? remplir. Elle pr?sente, elle aussi, des difficult?s tr?s grandes. Nous verrons comment on a cherch?, soit ? les r?soudre, soit ? les tourner.

R?sumons-nous.

La science des rapports de l'?me et du corps doit s'appuyer sur les faits tant psychiques que physiques, et non uniquement sur les faits corporels; la m?thode mat?rialiste ou physiologique est par cela m?me ?cart?e.

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