Read Ebook: Sganarelle ou le Cocu imaginaire by Moli Re
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Ebook has 460 lines and 12387 words, and 10 pages
Source:
Jean-Baptiste Poquelin , alias Moli?re, "Oeuvres de Moli?re, avec des notes de tous les commentateurs", Tome Premier, Paris, Librarie de Firmin-Didot et Cie, Imprimeurs de l'Institut, rue Jacob, 56, 1890.
Pages 181-207.
SGANARELLE
LE COCU IMAGINAIRE
Com?die .
PERSONNAGES ACTEURS
Gorgibus, bourgeois de Paris. L'Espy. C?lie, sa fille. Mlle Du Parc. L?lie, amant de C?lie. La Grange. Gros-Ren?, valet de L?lie. Du Parc. Sganarelle, bourgeois de Paris, et cocu imaginaire . Moli?re. La femme de Sganarelle. Mlle De Brie. Vilebrequin, p?re de Val?re. De Brie. La suivante de C?lie. Magd. B?jart. Un parent de la femme de Sganarelle.
La sc?ne est dans une place publique.
SC?NE PREMI?RE. - Gorgibus, C?lie, la suivante de C?lie.
- C?lie -
Ah ! n'esp?rez jamais que mon coeur y consente.
- Gorgibus -
Que marmottez-vous l?, petite impertinente ? Vous pr?tendez choquer ce que j'ai r?solu ? Je n'aurai pas sur vous un pouvoir absolu ? Et par sottes raisons, votre jeune cervelle Voudrait r?gler ici la raison paternelle ? Qui de nous deux ? l'autre a droit de faire loi ? A votre avis, qui mieux, ou de vous ou de moi, O sotte ! peut juger ce qui vous est utile ? Par la corbleu ! gardez d'?chauffer trop ma bile ; Vous pourriez ?prouver, sans beaucoup de longueur, Si mon bras sait encor montrer quelque vigueur. Votre plus court sera, madame la mutine, D'accepter sans fa?ons l'?poux qu'on vous destine. J'ignore, dites-vous, de quelle humeur il est, Et dois auparavant consulter s'il vous pla?t : Inform? du grand bien qui lui tombe en partage, Dois-je prendre le soin d'en savoir davantage ? Et cet ?poux, ayant vingt mille bons ducats, Pour ?tre aim? de vous doit-il manquer d'appas ? Allez, tel qu'il puisse ?tre, avecque cette somme Je vous suis caution qu'il est tr?s honn?te homme.
- C?lie -
H?las !
- Gorgibus -
Eh bien, h?las ! Que veut dire ceci ? Voyez le bel h?las qu'elle nous donne ici ! Eh ! que si la col?re une fois me transporte, Je vous ferai chanter h?las de belle sorte ! Voil?, voil? le fruit de ces empressements Qu'on vous voit nuit et jour ? lire vos romans ; De quolibets d'amour votre t?te est remplie, Et vous parlez de Dieu bien moins que de Cl?lie . Jetez-moi dans le feu tous ces m?chants ?crits Qui g?tent tous les jours tant de jeunes esprits ; Lisez-moi comme il faut, au lieu de ces sornettes, Les Quatrains de Pibrac, et les doctes Tablettes Du conseiller Matthieu ; l'ouvrage est de valeur, Et plein de beaux dictons ? r?citer par coeur. Le Guide des p?cheurs est encore un bon livre, C'est l? qu'en peu de temps on apprend ? bien vivre ; Et si vous n'aviez lu que ces moralit?s, Vous sauriez un peu mieux suivre mes volont?s.
- C?lie -
Quoi ? vous pr?tendez donc, mon p?re, que j'oublie La constante amiti? que je dois ? L?lie ? J'aurais tort si, sans vous, je disposais de moi ; Mais vous-m?me ? ses voeux engage?tes ma foi.
- Gorgibus -
Lui f?t-elle engag?e encore davantage, Un autre est survenu dont le bien l'en d?gage. L?lie est fort bien fait ; mais apprends qu'il n'est rien Qui ne doive c?der au soin d'avoir du bien ; Que l'or donne aux plus laids certains charmes pour plaire, Et que sans lui le reste est une triste affaire. Val?re, je crois bien, n'est pas de toi ch?ri ; Mais, s'il ne l'est amant, il le sera mari. Plus que l'on ne le croit, ce nom d'?poux engage, Et l'amour est souvent un fruit du mariage. Mais suis-je pas bien fat de vouloir raisonner O? de droit absolu j'ai pouvoir d'ordonner ? Tr?ve donc, je vous prie, ? vos impertinences. Que je n'entende plus vos sottes dol?ances. Ce gendre doit venir vous visiter ce soir ; Manquez un peu, manquez ? le bien recevoir : Si je ne vous lui vois faire fort bon visage, Je vous... Je ne veux pas en dire davantage.
- La suivante -
Quoi ? refuser, Madame, avec cette rigueur, Ce que tant d'autres gens voudraient de tout leur coeur ! A des offres d'hymen r?pondre par des larmes, Et tarder tant ? dire un oui si plein de charmes ! H?las ! que ne veut-on aussi me marier ! Ce ne serait pas moi qui se ferait prier ; Et loin qu'un pareil oui me donn?t de la peine, Croyez que j'en dirais bien vite une douzaine. Le pr?cepteur qui fait r?p?ter la le?on A votre jeune fr?re a fort bonne raison Lorsque, nous discourant des choses de la terre, Il dit que la femelle est ainsi que le lierre, Qui cro?t beau tant qu'? l'arbre il se tient bien serr?, Et ne profite point s'il en est s?par?. Il n'est rien de plus vrai, ma tr?s-ch?re ma?tresse, Et je l'?prouve en moi, ch?tive p?cheresse ! Le bon Dieu fasse paix ? mon pauvre Martin ! Mais j'avais, lui vivant, le teint d'un ch?rubin, L'embonpoint merveilleux, l'oeil gai, l'?me contente ; Et je suis maintenant ma comm?re dolente. Pendant cet heureux temps pass? comme un ?clair, Je me couchais sans feu dans le fort de l'hiver ; S?cher m?me les draps me semblait ridicule, Et je tremble ? pr?sent dedans la canicule. Enfin il n'est rien tel, Madame, croyez-moi, Que d'avoir un mari la nuit aupr?s de soi ; Ne f?t-ce que pour l'heur d'avoir qui vous salue D'un : Dieu vous soit en aide ! alors qu'on ?ternue.
- C?lie -
Peux-tu me conseiller de commettre un forfait, D'abandonner L?lie, et prendre ce mal fait ?
- La suivante -
Votre L?lie aussi n'est, ma foi, qu'une b?te, Puisque si hors de temps son voyage l'arr?te ; Et la grande longueur de son ?loignement Me le fait soup?onner de quelque changement.
- C?lie -
Ah ! ne m'accable point par ce triste pr?sage. Vois attentivement les traits de ce visage : Ils jurent ? mon coeur d'?ternelles ardeurs ; Je veux croire, apr?s tout, qu'ils ne sont pas menteurs, Et que, comme c'est lui que l'art y repr?sente, Il conserve ? mes feux une amiti? constante.
- La suivante -
Il est vrai que ces traits marquent un digne amant, Et que vous avez lieu de l'aimer tendrement.
- C?lie -
Et cependant il faut... Ah ! soutiens-moi.
- La suivante -
Madame, D'o? vous pourrait venir... Ah ! bons dieux ! elle p?me ! H? ! vite, hol? ! quelqu'un.
- Sganarelle -
Qu'est-ce donc ? me voil?.
- La suivante -
Ma ma?tresse se meurt.
- Sganarelle -
Quoi ! ce n'est que cela ? Je croyais tout perdu, de crier de la sorte. Mais approchons pourtant. Madame, ?tes-vous morte ? Ouais ! Elle ne dit mot.
- La suivante -
Je vais faire venir Quelqu'un pour l'emporter ; veuillez la soutenir.
- Sganarelle -
Elle est froide partout, et je ne sais qu'en dire. Approchons-nous pour voir si sa bouche respire. Ma foi ! je ne sais pas ; mais j'y trouve encor, moi, Quelque signe de vie.
- La femme de Sganarelle -
Ah ! qu'est-ce que je voi ? Mon mari dans ses bras... Mais je m'en vais descendre ; Il me trahit sans doute, et je veux le surprendre.
- Sganarelle -
Il faut se d?p?cher de l'aller secourir ; Certes, elle aurait tort de se laisser mourir. Aller en l'autre monde est tr?s grande sottise, Tant que dans celui-ci l'on peut ?tre de mise.
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