Read Ebook: The Century Illustrated Monthly Magazine July 1913 Vol. LXXXVI. New Series: Vol. LXIV. May to October 1913 by Various
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Ebook has 1021 lines and 55779 words, and 21 pages
DE LA D?MOCRATIE EN AM?RIQUE.
PARIS.--IMPRIMERIE CLAYE ET TAILLEFER
RUE SAINT-BENO?T, 7.
DE LA D?MOCRATIE EN AM?RIQUE
PAR
Membre de l'Institut.
CINQUI?ME ?DITION
REVUE, CORRIG?E
et augment?e d'un Avertissement et d'un Examen comparatif de la D?mocratie aux ?tats-Unis et en Suisse.
TOME TROISI?ME.
PARIS
PAGNERRE, ?DITEUR
RUE DE SEINE, 14 BIS.
LA D?MOCRATIE
EN AM?RIQUE.
AVERTISSEMENT.
Les Am?ricains ont un ?tat social d?mocratique qui leur a naturellement sugg?r? de certaines lois et de certaines moeurs politiques.
Ce m?me ?tat social a, de plus, fait na?tre, parmi eux, une multitude de sentiments et d'opinions qui ?taient inconnus dans les vieilles soci?t?s aristocratiques de l'Europe. Il a d?truit ou modifi? des rapports qui existaient jadis, et en a ?tabli de nouveaux. L'aspect de la soci?t? civile ne s'est pas trouv? moins chang? que la physionomie du monde politique.
J'ai trait? le premier sujet dans l'ouvrage publi? par moi il y a cinq ans, sur la D?mocratie am?ricaine. Le second fait l'objet du pr?sent livre. Ces deux parties se compl?tent l'une par l'autre et ne forment qu'une seule oeuvre.
Il faut que, sur-le-champ, je pr?vienne le lecteur contre une erreur qui me serait fort pr?judiciable.
En me voyant attribuer tant d'effets divers ? l'?galit?, il pourrait en conclure que je consid?re l'?galit? comme la cause unique de tout ce qui arrive de nos jours. Ce serait me supposer une vue bien ?troite.
Il y a, de notre temps, une foule d'opinions, de sentiments, d'instincts qui ont d? la naissance ? des faits ?trangers ou m?me contraires ? l'?galit?. C'est ainsi que si je prenais les ?tats-Unis pour exemple, je prouverais ais?ment que la nature du pays, l'origine de ses habitants, la religion des premiers fondateurs, leurs lumi?res acquises, leurs habitudes ant?rieures, ont exerc? et exercent encore, ind?pendamment de la D?mocratie, une immense influence sur leur mani?re de penser et de sentir. Des causes diff?rentes mais aussi distinctes du fait de l'?galit? se rencontreraient en Europe et expliqueraient une grande partie de ce qui s'y passe.
Je reconnais l'existence de toutes ces diff?rentes causes et leur puissance, mais mon sujet n'est point d'en parler. Je n'ai pas entrepris de montrer la raison de tous nos penchants et de toutes nos id?es; j'ai seulement voulu faire voir en quelle partie l'?galit? avait modifi? les uns et les autres.
On s'?tonnera peut-?tre qu'?tant fermement de cette opinion, que la r?volution d?mocratique dont nous sommes t?moins, est un fait irr?sistible contre lequel il ne serait ni d?sirable ni sage de lutter, il me soit arriv? souvent dans ce livre d'adresser des paroles si s?v?res aux soci?t?s d?mocratiques que cette r?volution a cr??es.
Je r?pondrai simplement que c'est parce que je n'?tais point un adversaire de la D?mocratie, que j'ai voulu ?tre sinc?re envers elle.
Les hommes ne re?oivent point la v?rit? de leurs ennemis, et leurs amis ne la leur offrent gu?re; c'est pour cela que je l'ai dite.
J'ai pens? que beaucoup se chargeraient d'annoncer les biens nouveaux que l'?galit? promet aux hommes, mais que peu oseraient signaler de loin les p?rils dont elle les menace. C'est donc principalement vers ces p?rils que j'ai dirig? mes regards, et, ayant cru les d?couvrir clairement, je n'ai pas eu la l?chet? de les taire.
J'esp?re qu'on retrouvera dans ce second ouvrage l'impartialit? qu'on a paru remarquer dans le premier. Plac? au milieu des opinions contradictoires qui nous divisent, j'ai t?ch? de d?truire momentan?ment dans mon coeur les sympathies favorables ou les instincts contraires que m'inspire chacune d'elles. Si ceux qui liront mon livre y rencontrent une seule phrase dont l'objet soit de flatter l'un des grands partis qui ont agit? notre pays, ou l'une des petites factions qui, de nos jours, le tracassent et l'?nervent, que ces lecteurs ?l?vent la voix et m'accusent.
Le sujet que j'ai voulu embrasser est immense; car il comprend la plupart des sentiments et des id?es que fait na?tre l'?tat nouveau du monde. Un tel sujet exc?de assur?ment mes forces; en le traitant, je ne suis point parvenu ? me satisfaire.
Mais, si je n'ai pu atteindre le but auquel j'ai tendu, les lecteurs me rendront du moins cette justice que j'ai con?u et suivi mon entreprise dans l'esprit qui pouvait me rendre digne d'y r?ussir.
LA D?MOCRATIE
EN AM?RIQUE.
PREMI?RE PARTIE.
INFLUENCE DE LA D?MOCRATIE SUR LE MOUVEMENT INTELLECTUEL AUX ?TATS-UNIS.
De la m?thode philosophique des Am?ricains.
Je pense qu'il n'y a pas, dans le monde civilis?, de pays o? l'on s'occupe moins de philosophie qu'aux ?tats-Unis.
Les Am?ricains n'ont point d'?cole philosophique qui leur soit propre, et ils s'inqui?tent fort peu de toutes celles qui divisent l'Europe; ils en savent ? peine les noms.
Il est facile de voir cependant que presque tous les habitants des ?tats-Unis dirigent leur esprit de la m?me mani?re, et le conduisent d'apr?s les m?mes r?gles; c'est-?-dire qu'ils poss?dent, sans qu'ils se soient jamais donn? la peine d'en d?finir les r?gles, une certaine m?thode philosophique qui leur est commune ? tous.
?chapper ? l'esprit de syst?me, au joug des habitudes, aux maximes de familles, aux opinions de classe, et, jusqu'? un certain point, aux pr?jug?s de nation; ne prendre la tradition que comme un renseignement, et les faits pr?sents que comme une utile ?tude pour faire autrement et mieux; chercher par soi-m?me et en soi seul la raison des choses; tendre au r?sultat sans se laisser encha?ner au moyen; et viser au fond ? travers la forme, tels sont les principaux traits qui caract?risent ce que j'appellerai la m?thode philosophique des Am?ricains.
Que si je vais plus loin encore, et que parmi ces traits divers je cherche le principal, et celui qui peut r?sumer presque tous les autres, je d?couvre, que dans la plupart des op?rations de l'esprit, chaque Am?ricain n'en appelle qu'? l'effort individuel de sa raison.
L'Am?rique est donc l'un des pays du monde o? l'on ?tudie le moins, et o? l'on suit le mieux les pr?ceptes de Descartes. Cela ne doit pas surprendre.
Les Am?ricains ne lisent point les ouvrages de Descartes, parce que leur ?tat social les d?tourne des ?tudes sp?culatives, et ils suivent ses maximes parce que ce m?me ?tat social dispose naturellement leur esprit ? les adopter.
Au milieu du mouvement continuel qui r?gne au sein d'une soci?t? d?mocratique, le lien qui unit les g?n?rations entre elles se rel?che ou se brise; chacun y perd ais?ment la trace des id?es de ses a?eux, on ne s'en inqui?te gu?re.
Les hommes qui vivent dans une semblable soci?t? ne sauraient non plus puiser leurs croyances dans les opinions de la classe ? laquelle ils appartiennent, car il n'y a, pour ainsi dire, plus de classes, et celles qui existent encore sont compos?es d'?l?ments si mouvants, que le corps ne saurait jamais y exercer un v?ritable pouvoir sur ses membres.
Quant ? l'action que peut avoir l'intelligence d'un homme sur celle d'un autre, elle est n?cessairement fort restreinte dans un pays o? les citoyens, devenus ? peu pr?s pareils, se voient tous de fort pr?s, et, n'apercevant dans aucun d'entre eux les signes d'une grandeur et d'une sup?riorit? incontestables, sont sans cesse ramen?s vers leur propre raison comme vers la source la plus visible et la plus proche de la v?rit?. Ce n'est pas seulement alors la confiance en tel homme qui est d?truite, mais le go?t d'en croire un homme quelconque sur parole.
Chacun se renferme donc ?troitement en soi-m?me, et pr?tend de l? juger le monde.
L'usage o? sont les Am?ricains de ne prendre qu'en eux-m?mes la r?gle de leur jugement conduit leur esprit ? d'autres habitudes.
Comme ils voient qu'ils parviennent ? r?soudre sans aide toutes les petites difficult?s que pr?sente leur vie pratique, ils en concluent ais?ment que tout dans le monde est explicable, et que rien n'y d?passe les bornes de l'intelligence.
Ainsi, ils nient volontiers ce qu'ils ne peuvent comprendre: cela leur donne peu de foi pour l'extraordinaire, et un d?go?t presque invincible pour le surnaturel.
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