Read Ebook: Le Secret professionnel by Cocteau Jean Picasso Pablo Illustrator
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Ebook has 272 lines and 18589 words, and 6 pages
Ces artistes-l? et la masse des na?fs, croient qu'une ?poque peut se tromper ou qu'ils se sont tromp?s d'?poque, alors que vivant ? celle qu'ils ch?rissent ? cause de son recul, ils eussent soupir? apr?s quelque autre plus ancienne.
Notre ?ge m?rite d'?tre surnomm? l'?ge du quiproquo. L'abondance des livres et des moyens de publier en sont une des causes. Certes, il n'a jamais exist? de chefs-d'oeuvre inconnus et ceux qu'on nous d?terre sont de faux chefs-d'oeuvre. Ce qui doit pousser, pousse, fleurir, fleurit.
Mais jamais les jeunes n'eurent tant de facilit?s pour para?tre. Chacun parle, s'exprime, complique le jeu, surcharge Arthur Rimbaud et St?phane Mallarm?, embaume, de vieilles anarchies.
J'?tais tent? d'?crire quelques pages sur les enfants et les fous par rapport aux po?tes. Mais le sujet est ? la mode, et je ne m'y sens pas assez seul pour m'y plaire.
Voici pourtant mon opinion, en trois lignes:
Couper le noeud Gordien n'est pas d?nouer le noeud Gordien. Enfants et fous coupent ce que le po?te met toute une vie de patience ? d?nouer. La corde servira aux autres qui doivent refaire un noeud et ainsi de suite. Aux mains des fous et des enfants les plus prodigieux, il ne reste que bouts de corde.
L'influence de Mallarm? est consid?rable. Elle peut servir d'exemple pour ces influences occultes qui, en France, font plus de route que celle d'un Hugo.
Et pourtant!
Le quiproquo actuel vient aussi beaucoup de ce qu'on m?lange deux plan?tes, deux univers distincts, deux races d'?crivains cheminant c?te ? c?te par force, mais ? des vitesses et ? des altitudes diff?rentes. Ils ne se trouvent conjoints que par l'?trange erreur d'une perspective ? laquelle nous ne poss?dons aucun sens d?fini pour rem?dier.
Arthur Rimbaud est men? en visite chez Victor Hugo. Ils n'en vivent pas moins ? une autre ?poque. ?poque sans nom, qu'il faut sentir.
Nous savons respecter, saluer les grosses gloires, nous pesons leurs m?rites, mais ce qui compte pour nous, c'est une autre sorte de gloire qui ne se coupe pas d'eau, qui <
Vous connaissez le nom des hommes qui la poss?dent. Leur connaissez-vous des statues? J'en compte sept de Musset, pas une de Baudelaire qui, malgr? d'innombrables ?ditions, ne se m?lera jamais.
Erik Satie, vieil Honfleurois, me raconta l'anecdote suivante:
Un jour, en 1869, le p?re d'Alphonse Allais pensa qu'il serait honorifique pour Honfleur d'?riger un petit buste de Baudelaire dans une niche de la maison du g?n?ral Aupick. Apr?s deux mois, le conseil municipal examine cette proposition. <
L'attitude <
Un <
Que vous ai-je promis? Apprenez qu'un bon livre ne donne jamais ce qu'on en peut attendre. Il ne saurait ?tre une r?ponse ? votre attente. Il doit vous h?risser de points d'interrogation.
Revenons au souci du tic qui consiste ? dire n'importe quoi d'une certaine fa?on.
La gloire est son hatchich.
C'est, me direz-vous, l'apologie de la prose et le proc?s de toute po?sie. Non. D?barrass?e des ?pith?tes et des images d'apr?s quoi le monde a coutume de la reconna?tre, la po?sie, plus concise, plus construite, plus dessin?e que la prose, tirant de la rime ou des contraintes de rythme une perp?tuelle surprise aussi myst?rieuse et fra?che pour le po?te que pour le lecteur, la po?sie cessera enfin d'?tre une prose en robe du soir.
Notre si?cle est pourri de litt?rature. Encore plus, lorsque de r?cents hoquets lui en vinrent et qu'? fl?trir la litt?rature, la litt?rature anti-litt?raire naquit de ce d?go?t romantique.
L'esprit de destruction est romantique. J'y d?nonce le go?t des ruines, le pessimisme.
L'antidote ? l'intelligence est la b?tise. Mais la b?tise est chose plus rare qu'on ne pense. La folie encore davantage. Voici de nouveau la pauvre muse les cheveux ?pars.
Or, je m'avise d'?tre aussi peu litt?raire que possible. Cela, les litt?rateurs ne le pardonnent pas. Mais un litt?rateur sera chatouill? par le dada?sme, qui est litt?rature par excellence. Cela le houspille, l'intrigue, l'excite, l'inqui?te beaucoup.
--Qu'en tendez-vous par litt?rature? me demande un grincheux.
--Du tic, du style-point de d?part, du <
--Alors, vous ?tes pour la po?sie ? id?es?
--Pas le moins du monde, et voil? o? le dessin secret de la po?sie ne ressemble ? rien qui s'explique. Je disais ailleurs du musicien que, pour me toucher, il fallait qu'il se pr?occup?t de ressemblance, que son oeuvre ressembl?t aux mouvements qui le poussent ? en d?velopper le th?me, f?t-il une simple op?ration de chiffres sonores.
Il en va de m?me pour le peintre. Lorsque Picasso ach?ve une toile, elle est belle par sa force de ressemblance, m?me lorsque notre oeil ne d?nombre pas les objets qui la motivent. C'est que Picasso, nourri des ma?tres, d?frichant plus loin leur territoire, sait le pauvre prestige de l'arabesque et de la tache. Il les laisse aux d?corateurs.
Lorsqu'il regarde un groupe d'objets, les dig?re et les transporte peu ? peu dans un monde qui lui est propre, o? il gouverne, jamais il ne brode. Jamais il ne perdra de vue leur force objective. Ainsi, supprime-t-il l'identification et conserve-t-il ? ces objets leur ressemblance, distribu?e selon d'autres chiffres, mais formant le m?me total. Il substitue le trompe-l'esprit au trompe-l'oeil. Son tableau est un tableau. Il vit seul. Il ne renseigne sur rien d'autre.
Ainsi, doit ?tre le po?me. C'est ce souci de dire vrai , cette obsession de r?alit? irr?elle qu'?pousera la forme. Du reste, ce vrai, que reconnaissent certains aristocrates de l'esprit, serait aussi difficile ? faire comprendre aux autres que la Sainte-Trinit?.
Il y a des minutes de faiblesse o? des sensibilit?s mortes d?sirent la contagion. ?tre toujours le seul malade ? bord les fatigue. Peu les console de savoir qu'apr?s leur mort, tous les passagers prendront plus ou moins leur maladie, qu'elle aura un nom et une notice dans le dictionnaire. Mais cette solitude, cette assurance qu'il n'existe ni diagnostic, ni rem?de, font du malade un aristocrate. Il se ressaisit vite. Il ne regrette rien. Il regarde sans convoitise ceux dont chacun attrape le rhume. Il ?crit ? l'encre sympathique. Ne devient-elle pas visible ? la longue et si on l'expose au grand air? C'est ? mon gr?, la plus sympathique de toutes.
Aveugle: voici l'optimiste. Amer: voici le pessimiste. Ni aveugle, ni amer, voil? le pessimisme dyonisien. Te voil?, jeune homme actuel, non comme tu es, mais comme tu devrais ?tre, ou plut?t comme tu es et comme tu t'efforces de n'?tre pas. Nous ne sommes pas aveugl?s. Donc les ridicules d'?crire nous sautent aux yeux; mais nous ne sommes pas amers, donc nous ne gardons pas le silence.
Ainsi, lorsque je me dis parisien, au lieu de sur-parisien, ne s'agit-il pas de boulevard, de coulisses, de camelot, ni de camelote. Simplement, je me localise. J'y trouve une chance, comme le vrai n?gre trouve une chance d'?tre n?gre, le vrai juif d'?tre juif, le vrai allemand d'?tre allemand. J'ajoute que deux vrais allemands Nietzsche et Heine, mirent Paris au-dessus de toute capitale. Il y a de quoi me tourner la t?te cinq minutes.
Il n'existe ni de litt?rature, ni de po?sie des masses. Picabia, lequel se moque, a du sang espagnol. Seul un espagnol go?te la jouissance du blasph?me et parle tout le temps de la Sainte Vierge.
Plus un po?te chante dans son arbre g?n?alogique, plus il chante juste. Plus il se concentre, plus il sert.
St?phane Mallarm? influence, sans qu'ils s'en doutent, ? l'heure actuelle, le style des journaux quotidiens.
C'est bien simple: livrez ? votre mort un flacon d'essence de rose. Elle empeste. Il y a de quoi faire des r?servoirs de parfums. Vous pourrez m?me, si on se bouche trop le nez sur votre passage et si on ?vite trop votre zone, verser vous-m?me, de temps ? autre, une petite goutte dans de l'eau. Quelle surprise! Voici votre pire odeur, mais chacun la trouve suave et s'?tonne qu'elle puisse ?maner de vous.
Il est rare que la publication d'une ?tude tr?s simple touchant un sujet dont le public a l'habitude ne vous attire pas ses louanges et ne lui fasse pas avouer que d'apr?s vos po?mes, il ne vous en aurait jamais cru capable.
On m'avait dit: <
Or, le Puy-de-D?me me d?pla?t. <
Entendons-nous. Ouvrez les yeux, mes chers amis. Voyez la mollesse, l'ind?cision de ces courbes, ces masses mal distribu?es, ce parcours de montagnes russes. Des montagnes? Non. Peut-?tre le Cantal est-il un pays montagneux. Le Puy-de-D?me est un pays bossu.
Prenez garde; ? force de confondre seins et bosses, votre esprit s'endort, ne garde plus sa facult? de voir juste que pour certains d?tails, adopte docilement les plus grosses erreurs.
?videmment, j'aime mieux la mer que la montagne. La vraie montagne m'impose des formes toutes faites. Elle me conseille. Elle me limite. Elle donne ? mon esprit un moule dont il a toute la peine du monde ? sortir. La mer ne me force en rien. Elle ne m'enferme pas. Sa masse est sans opinion. C'est un dictionnaire; ce n'est pas un choix, un monument.
Montagnes, je m'incline en face de votre majest? comme en face d'oeuvres que je respecte mais o? je ne s?journe pas.
Ne demandez pas que je m'incline en face de fausses montagnes. Montagnes, fausses montagnes, tout est bon pour le public qui aime le sublime. La quantit? l'?tonne. H?las! il se contente de peu. Pauvres touristes! Puy-de-D?me ou sierras. Le guide annonce la montagne. Il s'?merveille, le guide ? la main. Il y a aussi des gens qui, pensant aux chameaux, disent: Le d?sert est montagneux.
Nous n'avons pas ici pour but de nous plaindre et de constater combien la masse, wagn?rienne, m?me si elle ignore Wagner ou le repousse, aime ce qui chatouille vite ses cordes sensibles. Wagner encore, c'est un magicien qui distribue des poisons uniques. On peut avoir des doutes sur les excroissances d'un infirme pareil. M?me un ange, son ombre est celle d'un bossu.
Mais que dire d'un Rodin, par exemple, dont l'oeuvre ne fut jamais une maison construite du haut en bas et o? l'esprit puisse habiter d?finitivement, mais un morceau d'escalier, un bout de balcon, un fragment de porte?
Voici le type c?l?bre, consacr? par le guide officiel, de la bosse prise pour une montagne: Michel-Ange, Delacroix, Goethe, Hugo, Shakespeare, Balzac, sont pays montagneux.
Certains noms ne peuvent venir sous une plume qui se respecte.
H?las! ces noms, les uns ?meuvent seuls la critique ou la foule, les autres sont vant?s p?le-m?le dans les jeunes revues.
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