Read Ebook: The Greek Philosophers Vol. 1 (of 2) by Benn Alfred William
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Ebook has 532 lines and 10863 words, and 11 pages
Coquecigrues
PAR JULES RENARD
PARIS
PAUL OLLENDORFF, ?DITEUR
Tous droits r?serv?s.
DU M?ME AUTEUR
Les Roses, po?sies . Crime de Village, nouvelles . Sourires Pinc?s, proses. 3 fr. L'?cornifleur, roman. 3 fr. 50
Poil de Carotte. L'Herbe. Papillote.
HOMUNCULES
LA T?TE BRANLANTE L'ORAGE LE BON ARTILLEUR LE PLANTEUR MOD?LE LA CLEF LE GARDIEN DU SQUARE QU'EST-CE QUE C'EST! LA FICELLE LES TROIS AMIS
LA T?TE BRANLANTE
Le vieil homme s'effor?a de regarder ses souliers cir?s, et les plis que formait, aux genoux, son pantalon clair trop longtemps laiss? dans l'armoire. Il r?unit les mollets, se tint moins courbe, donna, son gilet bien tir?, une chiquenaude ? sa cravate folle, et dit tout haut:
--Je crois que je suis pr?t ? recevoir nos soldats fran?ais.
Sa blanche t?te tremblante remua plus rapidement que de coutume, avec une sorte de joie. Il z?zayait, disait: <
--Ne vas-tu pas ? la p?che? lui dit sa femme.
--Je veux ?tre l? quand ils arriveront.
--Tu seras de retour!
--Oh! si je les manquais!
Il ne voulait pas les manquer. ?cartant sans cesse les battants de la fen?tre qui n'?tait jamais assez ouverte, il tentait de fixer sur la grande route le point le plus rapproch? de l'horizon. Il e?t dit aux maisons mal align?es:
--?tez-vous: vous me g?nez.
Sa t?te faisait le geste du tic tac des pendules. Elle ?tonnait d'abord par cette mobilit? continue. Volontiers on l'aurait calm?e, en posant le bout du doigt, par amusement, sur le front. Puis, ? la longue, si elle n'inspirait aucune piti?, elle aga?ait. Elle ?tait ? briser d'un coup de poing violent.
Le vieil homme inoffensif souriait au r?giment attendu. Parfois il r?p?tait ? sa femme:
--Nous logerons sans doute une dizaine de soldats. Pr?pare une soupe ? la cr?me pour vingt. Ils mangeront bien double.
--Mais, r?pondait sa femme prudente, j'ai encore un reste de haricots rouges.
--Je te dis de leur pr?parer une soupe ? la cr?me pour vingt, et tu leur pr?teras nos cuillers de ruolz, tu m'entends, non celles d'?tain.
Il avait encore eu la pr?venance de disposer toutes ses lignes contre le mur. Le crin renouvel?, l'hame?on neuf, elles attendaient les amateurs, auxquels il n'aurait plus qu'? indiquer les bons endroits.
On ne lui donna pas de soldats.
Parce qu'il p?chait les plus gros poissons du pays, il attribua cette offense ? la jalousie du maire, p?cheur ?galement passionn?. ? dire vrai, celui-ci, d'une charit? d?licate, l'avait not? comme infirme.
Le vieil homme erra, d?sol?, parmi la troupe. La timidit? seule l'emp?chait de faire des invitations hospitali?res. On suivait avec curiosit? sa t?te obstin?ment n?gative. Il les aimait, ces soldats, non comme guerriers, mais comme pauvres gens, et, devant les marmites o? cuisait leur soupe, il semblait dire, par ses multiples et vifs t?te-?-droite, t?te-?-gauche:
--C'est pas ?a, c'est pas ?a, c'est pas ?a.
Il ?couta la musique, s'emplit le coeur de nobles sentiments pour jusqu'? sa mort, et revint ? la maison.
Comme il passait pr?s de son jardin, il aper?ut deux soldats en train d'y laver leur linge. Ils avaient d?, pour arriver jusqu'au ruisseau, trouer la palissade, se glisser entre deux ?chalas disjoints. En outre, ils s'?taient rempli les poches de pommes tomb?es et de pommes qui allaient tomber.
--? la bonne heure, se dit le vieil homme: ceux-l? sont gentils de venir chez moi!
Il ouvrit la barri?re et s'avan?a ? petits pas comme quelqu'un qui porte un bol de lait.
L'un des soldats dressa la t?te et dit:
--Vesse! un vieux! Il n'a pas l'air content. Quoi? Qu'est-ce qu'il raconte? entends-tu, toi?
--Non, dit l'autre.
Ils ?cout?rent, ind?cis. Le vent ne leur apportait aucun son. En effet, le vieillard ne parlait pas. Il continuait de s'attendrir, et, marchant doucement vers eux, pensait:
--Bien! mes enfants! Tout ce qui est ici vous appartient. Vous serez surpris, quand je vous prouverai, filet en main, qu'il y a dans ce ruisseau, au pied de ce grand saule ?g? de six ans ? peine, des brochets comme ma cuisse. Je les y ai mis moi-m?me. Nous en ferons cuire un. Mais laissez donc votre linge, ma femme vous lavera ?a!
Ainsi pensait le vieil homme, mais sa t?te oscillante le trahissait, effarouchait, et les soldats, d?j? inquiets, sachant ? fond leur civil, comprirent:
--Allez-y, mes gaillards, ne vous g?nez pas, je vous pince, attendez un peu!
--Il approche toujours, dit l'un d'eux. M'est avis que ?a va se g?ter.
--Il portera plainte, dit l'autre, on lui a crev? sa cl?ture. Le colonel ne badine pas; c'est de filer.
--Bon, bon, vieux! assez dodelin?, tu ne nous fais pas peur, on s'en va.
Brusquement, ils ramass?rent leur linge mouill? et se sauv?rent, avec des bousculades, en maraudeurs.
--As-tu le savon? dit l'un.
L'autre r?pondit:
--Non!
s'arr?ta un instant, pr?s de retourner, et, comme le vieux arrivait au ruisseau, repartit avec un:
--Fl?te pour le savon! il n'est pas matricul?!
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