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Read Ebook: Œuvres complètes de Gustave Flaubert tome 5: La tentation de saint Antoine by Flaubert Gustave

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Ebook has 2530 lines and 52203 words, and 51 pages

Au lecteur

Cette version ?lectronique reproduit dans son int?gralit?, la version originale.

La ponctuation n'a pas ?t? modifi?e hormis quelques corrections mineures.

L'orthographe a ?t? conserv?e. Seuls quelques mots ont ?t? modifi?s. La liste des modifications se trouve ? la fin du texte.

?DITION D?FINITIVE D'APR?S LES MANUSCRITS ORIGINAUX

OEUVRES COMPL?TES

GUSTAVE FLAUBERT

LA TENTATION

SAINT ANTOINE

PARIS

A. QUANTIN, IMPRIMEUR-?DITEUR

RUE SAINT-BENOIT, 7

TOUS DROITS R?SERV?S

Le lecteur le trouvera ? la fin du volume.

LA M?MOIRE

DE MON AMI

ALFRED LEPOITTEVIN

D?C?D?

A LA NEUVILLE CHANT-D'OISEL

Le 3 Avril 1848

C'est dans la Th?ba?de, au haut d'une montagne, sur une plate-forme arrondie en demi-lune, et qu'enferment de grosses pierres.

La cabane de l'Ermite occupe le fond. Elle est faite de boue et de roseaux, ? toit plat, sans porte. On distingue dans l'int?rieur une cruche avec un pain noir; au milieu, sur une st?le de bois, un gros livre; par terre, ?? et l?, des filaments de sparterie, deux ou trois nattes, une corbeille, un couteau.

A dix pas de la cabane, il y a une longue croix plant?e dans le sol; et, ? l'autre bout de la plate-forme, un vieux palmier tordu se penche sur l'ab?me, car la montagne est taill?e ? pic, et le Nil semble faire un lac au bas de la falaise.

La vue est born?e ? droite et ? gauche par l'enceinte des roches. Mais du c?t? du d?sert, comme des plages qui se succ?deraient, d'immenses ondulations parall?les d'un blond cendr? s'?tirent les unes derri?re les autres, en montant toujours;--puis au del? des sables, tout au loin, la cha?ne libyque forme un mur couleur de craie, estomp? l?g?rement par des vapeurs violettes. En face, le soleil s'abaisse. Le ciel, dans le nord, est d'une teinte gris perle, tandis qu'au z?nith des nuages de pourpre, dispos?s comme les flocons d'une crini?re gigantesque, s'allongent sur la vo?te bleue. Ces raies de flamme se rembrunissent, les parties d'azur prennent une p?leur nacr?e; les buissons, les cailloux, la terre, tout maintenant para?t dur comme du bronze; et dans l'espace flotte une poudre d'or tellement menue qu'elle se confond avec la vibration de la lumi?re.

SAINT ANTOINE

qui a une longue barbe, de longs cheveux, et une tunique de peau de ch?vre, est assis, jambes crois?es, en train de faire des nattes. D?s que le soleil dispara?t, il pousse un grand soupir, et regardant l'horizon:

Encore un jour! un jour de pass?!

Autrefois pourtant, je n'?tais pas si mis?rable! Avant la fin de la nuit, je commen?ais mes oraisons; puis, je descendais vers le fleuve chercher de l'eau, et je remontais par le sentier rude avec l'outre sur mon ?paule, en chantant des hymnes. Ensuite, je m'amusais ? ranger tout dans ma cabane. Je prenais mes outils; je t?chais que les nattes fussent bien ?gales et les corbeilles l?g?res; car mes moindres actions me semblaient alors des devoirs qui n'avaient rien de p?nible.

A des heures r?gl?es je quittais mon ouvrage; et priant les deux bras ?tendus, je sentais comme une fontaine de mis?ricorde qui s'?panchait du haut du ciel dans mon coeur. Elle est tarie, maintenant. Pourquoi?...

Il marche dans l'enceinte des roches, lentement.

Tous me bl?maient lorsque j'ai quitt? la maison. Ma m?re s'affaissa mourante, ma soeur de loin me faisait des signes pour revenir; et l'autre pleurait, Ammonaria, cette enfant que je rencontrais chaque soir au bord de la citerne, quand elle amenait ses buffles. Elle a couru apr?s moi. Les anneaux de ses pieds brillaient dans la poussi?re, et sa tunique ouverte sur les hanches flottait au vent. Le vieil asc?te qui m'emmenait lui a cri? des injures. Nos deux chameaux galopaient toujours; et je n'ai plus revu personne.

D'abord, j'ai choisi pour demeure le tombeau d'un Pharaon. Mais un enchantement circule dans ces palais souterrains, o? les t?n?bres ont l'air ?paissies par l'ancienne fum?e des aromates. Du fond des sarcophages j'ai entendu s'?lever une voix dolente qui m'appelait; ou bien, je voyais vivre, tout ? coup, les choses abominables peintes sur les murs, et j'ai fui jusqu'au bord de la mer Rouge dans une citadelle en ruines. L?, j'avais pour compagnie des scorpions se tra?nant parmi les pierres, et au-dessus de ma t?te, continuellement des aigles qui tournoyaient sur le ciel bleu. La nuit, j'?tais d?chir? par des griffes, mordu par des becs, fr?l? par des ailes molles; et d'?pouvantables d?mons, hurlant dans mes oreilles, me renversaient par terre. Une fois m?me, les gens d'une caravane qui s'en allait vers Alexandrie m'ont secouru, puis emmen? avec eux.

Alors, j'ai voulu m'instruire pr?s du bon vieillard Didyme. Bien qu'il f?t aveugle, aucun ne l'?galait dans la connaissance des ?critures. Quand la le?on ?tait finie, il r?clamait mon bras pour se promener. Je le conduisais sur le Paneum, d'o? l'on d?couvre le Phare et la haute mer. Nous revenions ensuite par le port, en coudoyant des hommes de toutes les nations, jusqu'? des Cimm?riens v?tus de peaux d'ours, et des Gymnosophistes du Gange frott?s de bouse de vache. Mais sans cesse, il y avait quelque bataille dans les rues, ? cause des Juifs refusant de payer l'imp?t, ou des s?ditieux qui voulaient chasser les Romains. D'ailleurs la ville est pleine d'h?r?tiques, des sectateurs de Man?s, de Valentin, de Basilide, d'Arius,--tous vous accaparant pour discuter et vous convaincre.

Leurs discours me reviennent quelquefois dans la m?moire. On a beau n'y pas faire attention, cela trouble.

Je me suis r?fugi? ? Colzim, et ma p?nitence fut si haute que je n'avais plus peur de Dieu. Quelques-uns s'assembl?rent autour de moi pour devenir des anachor?tes. Je leur ai impos? une r?gle pratique, en haine des extravagances de la gnose et des assertions des philosophes. On m'envoyait de partout des messages. On venait me voir de tr?s loin.

Cependant le peuple torturait les confesseurs, et la soif du martyre m'entra?na dans Alexandrie. La pers?cution avait cess? depuis trois jours.

Comme je m'en retournais, un flot de monde m'arr?ta devant le temple de S?rapis. C'?tait, me dit-on, un dernier exemple que le gouverneur voulait faire. Au milieu du portique, en plein soleil, une femme nue ?tait attach?e contre une colonne, deux soldats la fouettant avec des lani?res; ? chacun des coups son corps entier se tordait. Elle s'est retourn?e, la bouche ouverte;--et par-dessus la foule, ? travers ses longs cheveux qui lui couvraient la figure, j'ai cru reconna?tre Ammonaria...

Cependant... celle-l? ?tait plus grande..., et belle..., prodigieusement!

Il se passe les mains sur le front.

Non! non! je ne veux pas y penser!

Une autre fois, Athanase m'appela pour le soutenir contre les Ariens. Tout s'est born? ? des invectives et ? des ris?es. Mais, depuis lors, il a ?t? calomni?, d?poss?d? de son si?ge, mis en fuite. O? est-il, maintenant? je n'en sais rien! On s'inqui?te si peu de me donner des nouvelles! Tous mes disciples m'ont quitt?, Hilarion comme les autres!

Il avait peut-?tre quinze ans quand il est venu; et son intelligence ?tait si curieuse qu'il m'adressait ? chaque moment des questions. Puis, il ?coutait d'un air pensif;--et les choses dont j'avais besoin, il me les apportait sans murmure, plus leste qu'un chevreau, gai d'ailleurs ? faire rire les patriarches. C'?tait un fils pour moi!

Le ciel est rouge, la terre compl?tement noire. Sous les rafales du vent des tra?n?es de sable se l?vent comme de grands linceuls, puis retombent. Dans une ?claircie, tout ? coup, passent des oiseaux formant un bataillon triangulaire, pareil ? un morceau de m?tal, et dont les bords seuls fr?missent.

Antoine les regarde.

Ah! que je voudrais les suivre!

Combien de fois, aussi, n'ai-je pas contempl? avec envie les longs bateaux, dont les voiles ressemblent ? des ailes, et surtout quand ils emmenaient au loin ceux que j'avais re?us chez moi! Quelles bonnes heures nous avions! quels ?panchements! Aucun ne m'a plus int?ress? qu'Ammon; il me racontait son voyage ? Rome, les Catacombes, le Colis?e, la pi?t? des femmes illustres, mille choses encore!... et je n'ai pas voulu partir avec lui! D'o? vient mon obstination ? continuer une vie pareille? J'aurais bien fait de rester chez les moines de Nitrie, puisqu'ils m'en suppliaient. Ils habitent des cellules ? part, et cependant communiquent entre eux. Le dimanche, la trompette les assemble ? l'?glise, o? l'on voit accroch?s trois martinets qui servent ? punir les d?linquants, les voleurs et les intrus, car leur discipline est s?v?re.

Ils ne manquent pas de certaines douceurs, n?anmoins. Des fid?les leur apportent des oeufs, des fruits, et m?me des instruments propres ? ?ter les ?pines des pieds. Il y a des vignobles autour de Pisperi, ceux de Pab?ne ont un radeau pour aller chercher les provisions.

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