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Read Ebook: Bêtes et gens qui s'aimèrent by Farr Re Claude

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Ebook has 917 lines and 40536 words, and 19 pages

CLAUDE FARR?RE

B?tes et gens qui s'aim?rent

ERNEST FLAMMARION

Quinzi?me mille

B?tes et gens

qui s'aim?rent

CLAUDE FARR?RE

B?tes et gens qui s'aim?rent

PARIS

ERNEST FLAMMARION, ?DITEUR

Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction r?serv?s pour tous les pays

Droits de traduction et de reproduction r?serv?s pour tous les pays.

Copyright 1920,

by ERNEST FLAMMARION

LES B?TES

Le commencement de l'histoire, je ne le sais pas. Rien ne m'oblige, d'ailleurs, ? confesser mon ignorance, sauf ma loyaut? d'historien. Mais je pr?f?re en v?rit? perdre la face qu'abuser impudemment mes lecteurs et trancher au hasard le probl?me des sept villes qui pourraient se disputer l'honneur d'avoir donn? le jour ? mon h?ro?ne, encore qu'elle ne soit en aucune fa?on descendante d'Hom?re. Je suppose qu'elle naquit ? Paris; je suppose m?me que ses p?re et m?re devaient loger dans l'aristocratique arrondissement num?ro sept; non loin de ces Invalides qui groupent encore, autour de leur d?me splendide, tous les plus vieux noms, toutes les plus vieilles demeures de notre noblesse de France... Je suppose tout cela; mais ce ne sont que des suppositions. Et je n'affirme rien, sauf que la dite h?ro?ne arriva chez moi, par une belle matin?e de juin ou de juillet, dans une liti?re,--comme il sied ? toute personne de qualit?;--et que cette liti?re ?tait un panier: parce que la susdite h?ro?ne ?tait une chatte.

Une chatte ... j'exag?re! Disons plut?t qu'elle le devint. Car, dans ce premier instant qui vit les sentiers de nos deux existences s'approcher l'un de l'autre et se prolonger parall?lement, la chatte en question n'?tait qu'un petit, petit, tout petit chat, qu'un avorton de chaton. Et bien malin qui l'e?t affirm?e chatte plut?t que chat, ou le contraire! Cela n'?tait qu'une boule de poils. Et cela venait d'arriver chez moi, ainsi que j'ai dit, dans un panier. Ot? le couvercle du contenant, je vis le contenu. C'?tait vivant, cela remuait. Et, tout de suite, cela s'escrima des quatre griffes pour sortir; et, ma foi, cela y parvint.

En ce temps-l? donc, plus aucun chat dans ma maison. Et mon coeur en ?tait attrist?.

J'avais ordonn? qu'on y pourv?t. J'avais offert aux divinit?s domestiques un sacrifice: plusieurs drachmes en offrande; et la Lucine des chats, ? qui la chose avait ?t? probablement transmise, m'octroyait ? n'en pas douter cette petite chose neuve qui, prudemment risqu?e hors cette liti?re qui ?tait un panier, allongeait maintenant une ? une, sur le tapis de ma chambre, des diminutifs de pattes...

Oh! il ne miaula gu?re: un seul miaou. Mais, dans ce miaou, que de choses! et comme c'?tait dit! Il plaidait magistralement, le chaton mal-noirci! avec sobri?t?, pr?cision, path?tisme, grandeur, ?loquence! Je ne parle pas chat couramment, vous pensez bien. Mais je sais tout de m?me, comme disait Figaro, le fond de la langue. Et je compris tr?s bien: la harangue ?tait claire!

--Quoi! parce que la pauvre ignorante, ma m?re, a cru que je serais plus joli comme cela ... parce que, sans que j'en sois responsable en rien, mon poil ... ici ... l? ... et l? encore ... n'est pas de la m?me couleur que partout ailleurs,--vous auriez l'affreux courage de me rejeter dans les t?n?bres ext?rieures apr?s m'avoir admis une minute ? go?ter la douce lumi?re du foyer, l'intimit? ti?de du chez-soi! Et moi, chaton innocent, qui d?j? me croyais ?lu ? ce paradis des chats qu'est une maison paisible, f?conde en p?t?es savoureuses et en caresses et c?lineries si ch?res ? toute ?me de chat bien n?, je n'aurais plus qu'? repasser ce seuil de bon augure et ? retrouver, hors le logis d?j? aim?, l'exil, l'indigence, la faim et la pluie!>>

Mon coeur en chavira dans ma poitrine. Je ne pronon?ai pas la condamnation. Tout au contraire, j'accueillis le suppliant, s?ance tenante:

Tout cela, pour que les hommes mes cong?n?res m'excusent, et acceptent de bon coeur que je puisse ici retracer les primes aventures d'un b?b? de chat plus complaisamment que je ne ferais, s'il s'agissait des premi?res enfances d'un b?b? d'homme. J'estime que ceci n'est point sup?rieur ? cela, soit en int?r?t, soit en importance. Et peut-?tre estimerez-vous vous-m?mes qu'en pittoresque, l'histoire du b?b? de chat vaut plusieurs histoires de b?b?s d'hommes?

... Dans la salle de bain, o?, par un pi?ge paternel de la Providence, le bain, tout juste ? point, attendait d'?tre pris...

C'est joliment joli, un bain tout pr?par?, dans une belle baignoire blanche! L'eau l?-dedans para?t verte, d'un vert l?ger, l?ger comme feuille de bouleau au premier printemps; et les robinets argent?s du chauffe-bain s'y refl?tent et dansent sur la surface oscillante. Des gouttes tombent une ? une, et font des ronds qui vont s'?largissant un ? un, et vous n'avez jamais song?, je suis s?r, combien ce serait amusant de s'asseoir, tout pr?s, sur le rebord de gr?s ?maill?, et d'attraper au vol, d'une patte en cuill?re, ces gouttes qui d?gringolent du robinet dans la baignoire et qui ont l'air de ricocher...

Plouf!

Je n'?tais pas dans la salle de bain. Mais en entendant ce plouf-l?, je compris tout de suite le cas.

--Ouf!--se dit-il, soulag? d'un monde:--voil? qui va d?j? beaucoup mieux ... je me suis cru noy?, sinon pis. Mais n'importe: je n'avais s?rement pas le droit de tomber l?-dedans, et je me suis mis dans un cas pendable...

>>... Dans un cas pendable, oui!... et la plus simple prudence m'engage ? me tirer de l? par mes propres moyens, si faire se peut et sans tapage...

Il nageait de plus belle, longeant patte ? patte le bord d'?mail vertical et lisse, tout blanc, tr?s beau ? voir mais absolument inaccessible.

Il avait fait le tour presque complet: nul d?barcad?re possible. C'?tait partout la m?me falaise de gr?s, glissante comme glace. Un miroir qui refl?tait sinistrement cette pauvre t?te de chaton, anxieuse, et, petit ? petit, reprise par sa terreur premi?re.

?a se tenait droit; c'?tait carr?; ?a ressemblait ? une dizaine de petits b?tons tous perc?s ? jour; ?a paraissait rouge en bas, bleu en haut; et ?a brillait, ?a brillait, ?a brillait...

--Si c'?tait bon ? manger, qui sait?

... Somme toute, il avait ?t? brave tant qu'il avait ignor? le danger. Sit?t qu'il le connut, il s'en sauva toujours au plus loin et ? toutes jambes. Exactement, mon Dieu! comme la plupart des hommes...

Il fut m?me parfois pittoresque de mesurer l'?normit? de cette couardise, n?e d'une baignoire d'eau ti?de et d'un radiateur ? bougies r?fractaires. Voici comment:

... Il en vit un, pour la premi?re fois, ce jour de No?l que j'ai dit.

bref, qu'une simple m?canique vivante, idoine ? sentir le froid, la faim, la peur, et rien d'autre. Que, dans la dite m?canique, habit?t n?anmoins quelqu'un d'un peu mieux qu'existant, quelqu'un qui comptait, un ?tre, une personnalit?, une ?me; quelqu'un qui ?tait votre ?gal et le mien, sinon davantage, voil? ce dont on ne pouvait pourtant pas douter; voil? ce que je dus bel et bien, par la suite, toucher du doigt; et voil? ce que vous prouvera la fin de cette histoire.

Je m'arr?tai net et j'apostrophai la bestiole:

Il ?tira ses pattes, qu'il avait, et continua d'avoir, jointes deux par deux, telles des pattes de captif ligot?; il cambra les reins, creusa la nuque, haussa le menton, ferma les yeux, mais pas tout ? fait; bref fit tout un man?ge extraordinaire, avant de r?pondre. Et puis il r?pond... oh! pardon! pas il: elle! elle r?pondit! et quelle r?ponse: un miaulement trembl?, qui tra?na m?lodieusement tout le long d'une pleine demi-minute ... ah! cette m?lodie-l? voulait certes dire bien plus de choses encore qu'elle n'?tait grosse!...

Je suis homme, donc inintelligent. Je me tournai sans plus de r?flexion vers quelqu'un qui ?tait l?, et je dis:

--Allons! voil? le chaton devenu chatte, et voil? la chatte en folie!

Le quelqu'un qui ?tait l? ?tait par hasard une dame; et qui mieux est, une dame ? cheveux blancs: deux raisons pour une de n'?tre pas aussi lourdaud que je suis. Narquoise, elle releva donc mes paroles,--d'un air de n'y pas toucher:

--H?las,--dit-elle,--la pauvre b?te! elle r?ve chatons...

Et j'en demeure, ? l'heure qu'il est, perplexe encore...

Chatons?... ou chat?...

Amours, ou prog?niture?... B?b?s? ou mani?re de les faire?...

Ne riez pas, s'il vous pla?t! ne criez pas au paradoxe! Je reconnais tout de suite que ma chatte, chantant ? pleine gorge son chant le plus lascif, et s'?tirant tant qu'elle peut sur tous mes tapis a beaucoup plut?t l'air d'appeler le matou proche que les lointaines joies de la maternit?...

Vous l'admettez? Moi de m?me. Alors, crions au miracle,--ou au miracle et demi. Chatons ou chat, un ange a d? passer par l?. Et, pour conclure, quand la chatte en folie nous assourdira, nous nous en consolerons en pensant que, peut-?tre, la vertu de chastet? est beaucoup moins offens?e en l'occurrence qu'il n'y parait...

Peut-?tre m?me la fin de cette histoire jettera-t-elle un soup?on de lumi?re sur ce probl?me obscur ? souhait?...

Malgr? quoi?...

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