Read Ebook: Bêtes et gens qui s'aimèrent by Farr Re Claude
Font size:
Background color:
Text color:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page
Ebook has 917 lines and 40536 words, and 19 pages
Malgr? quoi?...
Et tout aussit?t quelqu'un enleva le panier par l'anse, et le voyage commen?a...
Comprit-il tout de bon? Savait-il d?j? quelque chose de l'affaire, ce qui n'est pas invraisemblable, si l'on songe qu'il ?tait rest? dans le logis du trop jeune matou assez longtemps pour en flairer tout le myst?re, l'analyser, le d?composer et le r?soudre? Difficile question, plus difficile r?ponse! Ou, simplement, mon chat me faisait-il confiance, m'aimant beaucoup, et non point comme on aime qui s'occupe chaque jour ? vous procurer convenablement le vivre et le couvert, mais comme on aime qui l'on a choisi pour ce faire, parce que c'est lui et parce que c'est vous. Mon chat ne se bornait point ? m'aimer: il me pr?f?rait. ?tait-ce assez pour qu'il s'en rapport?t ? moi, m?me en cette capitale affaire de ses aspirations secr?tes et de ses r?ves myst?rieux? Il se peut ma foi bien! J'ai fini par m'en persuader, quand j'eus ?t? t?moin de ce qu'il me reste ? vous dire.
J'avais essay? de l'intimidation:
Mais j'avais re?u, lanc? de biais, avec une infinie nonchalance, un regard ?crasant de d?dain:
--Pourquoi fais-tu l'imb?cile? Me crois-tu d'?ge ? gober des contes de nourrice? Miarahrahrahrahho?uu!
Et j'avais fait demi-tour, humili?.
Je sautai sur mon chapeau, et gagnai la rue. Tout, plut?t qu'endurer ?a davantage.
Or, je traversais l'all?e de la porte coch?re quand une secousse paralysa net mes deux jambes: ? trois pas de moi, dos rond, nez en l'air,--incontestablement sous le charme du concert dont l'immeuble entier retentissait,--un matou blanc, vigoureux et bien pris, venait d'entrer, franchissant avec audace ce seuil si magnifiquement m?lodieux...
Un matou...
Blanc, il est vrai. Il ne s'agissait plus du merveilleux Siamois aux taches si sympathiques. Non... Mais, en l'occurrence, le matou survenant e?t ?t? vert ou violet que je n'aurais pas h?sit? plus que j'h?sitai.
Immobilisant ? mon tour, net aussi, la bestiole, d'un appel bien modul?: <
L'ascenseur.--Le matou blanc, tenu tr?s ferme entre mes bras, y p?n?tra sans autre d?fiance. N?anmoins, sit?t la porte ? grille referm?e, sit?t le grincement aigre de la mise en marche, sit?t l'?branlement de cette formidable machine qu'il avait jusqu'? ce jour ignor?e, mon prisonnier fut pris d'une terreur remuante que j'eus toutes les peines du monde ? calmer.
J'y parvins tant bien que mal. L'ascension n'?tait heureusement pas bien longue; et, surtout, d'?tage en ?tage, une attraction myst?rieuse, doublant et redoublant de puissance, agissait irr?sistiblement sur tout ce chat que j'emportais, et luttait contre sa peur premi?re, la ma?trisant et la subjuguant. Devant que l'ascenseur e?t enfin stopp? devant ma porte, le matou blanc n'avait plus peur de rien. Et, seule, ma porte elle-m?me attirait irr?sistiblement ses regards et sa pens?e.
Je mis la cl? dans la serrure; j'ouvris.
Enfin, apr?s une bonne demi-heure de pr?ludes strat?giques, les fianc?s se joignirent sous un lit divan, tr?s large. Et je m'assurai que tout ?tait pour le mieux: une chatte bien enamour?e; un matou, qui, pour parvenir jusqu'? elle, s'est hasard? sur des seuils inconnus, entre des bras suspects, dans un ascenseur, tout pareil ? quelque trappe gigantesque et mouvante ... bref, une amoureuse fervente, un amant qui pour ses beaux yeux brava tout!... Quoi de mieux et o? trouver tant d'auspices ? tel point favorables?
--Chat, explique-moi? ce beau matou blanc ... tu n'en as pas voulu?
Silence.
--Pourquoi?
Silence encore. Mon chat me regarde toujours, avec une attention qui insiste. Ses yeux, bleu pur au temps de sa petite enfance, ont peu ? peu tourn? au jaune assombri de la topaze br?l?e.
--Eh bien, chat? ce matou blanc, ce me semble, n'en ?tait pas moins un fort beau chat; tr?s amoureux, j'en suis persuad?; fort bien ?lev?, c'?tait visible. Tu l'as tout de m?me repouss?, refoul?, brutalement, avec perte et fracas... Pourquoi? Tu ?tais amoureux pourtant, comme lui-m?me ... plus que lui, qui sait!... alors?
Cette fois, un long miaulement, tr?s m?lancolique. Je ne comprends mon chat, quand il me parle, qu'? moiti?. Mais j'ai souvent eu l'intuition que mon chat, quand je lui parle, me comprend, lui, tout ? fait, ou peu s'en faut.
A supposer que oui, ce miaulement, que veut-il dire? et que faut-il lire dans ces beaux yeux mordor?s, qui appuient avec intensit? leur regard inquisiteur au plus profond de mes prunelles?
Je ne sais...
--Miaou!...
--Miaou!
Et je me souviens de ce que disait jadis, ? mon ma?tre Loti, sa chatte chinoise... N'?tait-ce pas quelque chose dans le go?t de ceci:
--Tu n'as pas compris grand'chose de moi, si tu te figures que je ne cherche, depuis ces jours-ci, que les amours ? la hussarde du premier matou plus ou moins blanc qui tomberait pour moi du ciel. Non! non... c'est autre chose dont j'avais envie ... c'est autre chose dont j'ai faim et soif encore... Et peut-?tre pourrais-tu, toi, tout homme que tu es, apaiser le plus ?pre de ma peine: ce tourment de mon coeur trop isol?, trop seul... ?coute ... l'amour apr?s quoi je soupirais est d?cid?ment chose bien chim?rique ... mais, par cette soir?e d'hiver tellement triste ? nos deux ?mes de b?tes ? peu pr?s pareilles, <
LES GENS
--< --Quoi?... Ce que je voudrais qu'il fit?... Parbleu, son devoir? son devoir, qui lui est tout trac?, clair, imp?rieux, absolu. Il y a une autre femme n'est-ce pas, et un autre mari? Eh bien! l'amant doit mentir, accuser l'autre femme, l'innocente, et la perdre! l'amant doit avouer, affirmer, proclamer que c'est celle-ci sa ma?tresse; celle-ci, pas celle-l?; et sauver celle-l?, la sienne, aux d?pens de celle-ci, qui sans doute n'a rien fait, mais qui ne lui est, ? lui, rien... Hein? ce serait abominable? Et puis apr?s? Bien s?r que ce serait abominable! Mais ce serait, mais c'est le devoir. Il y a des tas de devoirs abominables. C'?tait le devoir de Lorenzaccio de vendre sa soeur au duc de Florence. C'?tait le devoir de Napol?on d'habiller de cr?pe quarante mille femmes prussiennes, le jour d'I?na... C'est le devoir d'un amant d'?tre l'?me damn?e de sa ma?tresse, et, pour elle, de tuer, de voler, de se parjurer. C'est le devoir. Moi, pour une femme dont j'ai d'ailleurs oubli? le nom, j'ai jadis sign? des faux et commis des lettres anonymes... ?a vous d?go?te? Ne soyez pas amant alors! personne ne vous force!... Ecoutez une aventure qui m'est arriv?e, il y a ... il y a longtemps. Une aventure en deux actes, comme l'?nigme; moins tragique:--Au premier acte, j'avais vingt ans. Je passais une fin de septembre ? la campagne, chez une brave femme, amie de ma m?re. J'?tais assez joli en ce temps-l?; j'avais les joues douces et la moustache fine. Les deux filles de la maison s'en aper?urent vite. Elles ?taient, d'ailleurs, d?licieuses toutes deux, et je serais aujourd'hui bien embarrass? de choisir entre elles. L'a?n?e, Marthe, ?tait longue, brune et p?le, avec d'extraordinaires yeux noirs et des cheveux bleus, longs comme ?a. La cadette, Louise, ressemblait trait pour trait ? Oph?lie: rien que du blond, du rose, du diaphane... Oui, aujourd'hui, je ne saurais vraiment pas ? qui donner la pomme. Mais je vous ai dit que je n'avais alors que vingt ans. B?te comme tous les heureux gars de cet ?ge, je n'h?sitai pas une seconde: je pris l'a?n?e, parce que d?j? mari?e, et je laissai pour compte la cadette, parce qu'encore jeune fille. Une femme mari?e, pour un d?butant, cela repr?sente le paradis de Mahomet en pantalons de dentelles. Naturellement ce ne fut qu'une passade: une douzaine de nuits assez chaudes, en tout et pour tout. Quand m?me, ces douze nuits-l? font un souvenir dans ma vie. Cette Marthe, ma premi?re ma?tresse < Mais la douzi?me nuit pass?e, je repris le chemin de fer. Et la treizi?me nuit ne vint jamais. Rideau. Au second acte, j'avais trente ans. Je venais d'?tre ?lu d?put? de Sa?ne-et-Seine, et ma carri?re politique se dessinait. Un soir, ? un d?ner quelconque, on me pr?sente ? ma voisine. Et je la reconnais au premier coup d'oeil: c'?tait Louise; Louise, la soeur de Marthe. Elle ?tait plus charmante que jamais, toujours tr?s Oph?lie, et ses yeux verts devenus profonds comme des lacs. Je parlai de notre rencontre ancienne; elle rougit et se troubla. J'?voquai certains souvenirs; elle perdit absolument contenance. Je lui tendis un rendez-vous; elle s'y accrocha comme une noy?e. Et chez moi, d?s le canap?, elle m'avoua qu'elle m'aimait depuis dix ans, et que, jeune fille, puis femme, elle n'avait jamais cess? de m'attendre. Elle avait ?pous? un mari superbe, une gigantesque brute ? barbe gothique qu'elle craignait comme le feu. Par prudence, il me fallut devenir l'ami de ce seigneur, et fr?quenter chez lui. Mais, le premier jour, j'eus une ?trange surprise. Devinez qui m'attendait dans le salon de Louise? Marthe. Marthe, ma ma?tresse de jadis. Les deux soeurs et leurs deux maris habitaient le m?me petit h?tel. Un mari de moins et je me serais cru rajeuni de dix ann?es. Seulement, la situation s'?tait invers?e. J'?tais maintenant l'amant de Louise et Marthe ne m'?tait plus rien. Quand m?me, tout alla bien, d'abord. Louise, jadis, n'avait pas vu bien clair dans mon intrigue avec son a?n?e. Pareillement, Marthe ne constata pas tout de suite que sa cadette lui avait succ?d?, apr?s interr?gne. Et, bonne fille, elle me pardonna tant bien que mal de n'?tre pas incontinent retomb? dans ses bras. Mais, du jour o? la v?rit? lui apparut, elle ne me pardonna pas du tout d'?tre tomb? dans les bras de sa soeur. Et, sans crier gare, elle commen?a contre nous deux une guerre au couteau. Comme d?but, elle me brouilla avec le mari, je n'ai jamais su par quelle machiav?lique rouerie. Apr?s quoi, Louise re?ut des lettres anonymes l'informant avec d?tails d'un caprice que je m'?tais pass? pour je ne sais quelle chanteuse de caf?-concert. Il fallut tout mon sang-froid pour ?viter une rupture. Le plus dr?le, c'est que je ne devinais pas du tout la main d'o? partaient les tuiles. La b?tise masculine est insondable. Face ? face, Marthe ?tait la plus indulgente des grandes soeurs. A la voir toujours souriante, et si gentiment camarade en toutes circonstances, j'?tais ? cent lieues de me d?fier d'elle. Elle se d?masqua pourtant, mais un peu tard. Ici, permettez-moi deux mots hors texte: j'ai oubli? de poser le d?cor de mon deuxi?me acte. Je recevais trois fois par semaine ma ma?tresse chez moi, rue de Courcelles, l'apr?s-midi. Mais Louise, un peu plus romanesque que de raison, trouva bient?t ? ces rendez-vous trop r?gl?s un petit go?t de pot-au-feu conjugal. Tr?s libre dans sa maison et n'habitant pas au m?me ?tage que son mari, elle insista pour me recevoir de temps en temps chez elle, apr?s d?ner. L'imprudence n'?tait pas bien grande de bavarder de dix ? onze dans un petit salon commun d'ailleurs aux deux soeurs. Un monsieur en habit n'est pas compromettant, m?me en t?te ? t?te, tant que minuit n'a pas sonn? et que la chambre ? coucher n'est point ouverte. Mais, peu ? peu, enhardie par l'habitude, ma pauvre Louise en vint ? des t?m?rit?s. D'abord, les s?ances s'allong?rent. Ensuite, la chambre ? coucher s'ouvrit. Finalement, la robe de soir se mua en robe de nuit. Nous ?tions m?rs pour la catastrophe. Un soir,--un matin plut?t, c'?tait l'heure o? l'on rentre du cercle,--j'?tais seul dans le petit salon: seul, et pour cause: nous avions ?t? deux la minute d'avant, et mon plastron s'en trouvait encore frip?, dangereusement. Une porte craque; je me redresse: le mari entre, apoplectique, et sa barbe de burgrave tremblant de m?le rage. Il tenait encore la lettre anonyme qu'il venait de trouver, la seconde d'avant, au beau milieu de son oreiller. Ah! cet homme-l? ?tait une brute magnifique. Il n'h?sita pas une seconde:
Add to tbrJar First Page Next Page Prev Page