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Read Ebook: Oeuvres complètes de Charles Péguy Oeuvres de poésie (tome 6) Le Mystère des Saints Innocents; La tapisserie de sainte Geneviève et de Jeanne d'Arc; La tapisserie de Notre-Dame. by P Guy Charles

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Ebook has 1069 lines and 73860 words, and 22 pages

La Foi est celle qui veille dans les si?cles des si?cles. La Charit? est celle qui veille dans les si?cles des si?cles. Mais ma petite esp?rance est celle qui se couche tous les soirs et se l?ve tous les matins et fait vraiment de tr?s bonnes nuits.

Je suis, dit Dieu, le Seigneur de cette vertu-l?.

Ma petite esp?rance est celle qui s'endort tous les soirs, dans son lit d'enfant, apr?s avoir bien fait sa pri?re, et qui tous les matins se r?veille et se l?ve et fait sa pri?re avec un regard nouveau.

Je suis, dit Dieu, Seigneur des Trois Vertus.

La Foi est un grand arbre, c'est un ch?ne enracin? au coeur de France. Et sous les ailes de cet arbre la Charit?, ma fille la Charit? abrite toutes les d?tresses du monde. Et ma petite esp?rance n'est rien que cette petite promesse de bourgeon qui s'annonce au fin commencement d'avril.

Et quand on voit l'arbre, quand vous regardez le ch?ne, Cette rude ?corce du ch?ne treize et quatorze fois et dix-huit fois centenaire, Et qui sera centenaire et s?culaire dans les si?cles des si?cles, Cette dure ?corce rugueuse et ces branches qui sont comme un fouillis de bras ?normes, , Et ces racines qui s'enfoncent et qui empoignent la terre comme un fouillis de jambes ?normes, , Quand vous voyez tant de force et tant de rudesse le petit bourgeon tendre ne para?t plus rien du tout. C'est lui qui a l'air de parasiter l'arbre, de manger ? la table de l'arbre. Comme un gui, comme un champignon. C'est lui qui a l'air de se nourrir de l'arbre , c'est lui qui a l'air de s'appuyer sur l'arbre, de sortir de l'arbre, de ne rien pouvoir ?tre, de ne pas pouvoir exister sans l'arbre. Et en effet aujourd'hui il sort de l'arbre, ? l'aisselle des branches, ? l'aisselle des feuilles et il ne peut plus exister sans l'arbre. Il a l'air de venir de l'arbre, de d?rober la nourriture de l'arbre. Et pourtant c'est de lui que tout vient au contraire. Sans un bourgeon qui est une fois venu, l'arbre ne serait pas. Sans ces milliers de bourgeons, qui viennent une fois au fin commencement d'avril et peut-?tre dans les derniers jours de mars, rien ne durerait, l'arbre ne durerait pas, et ne tiendrait pas sa place d'arbre, , sans cette s?ve qui monte et pleure au mois de mai, sans ces milliers de bourgeons qui pointent tendrement ? l'aisselle des dures branches. Il faut que toute place soit tenue. Toute vie vient de tendresse. Toute vie vient de ce tendre, de ce fin bourgeon d'avril, et de cette s?ve qui pleure en mai, et de la ouate et du coton de ce fin bourgeon blanc qui est v?tu, qui est chaudement, qui est tendrement prot?g? d'un flocon d'une toison d'une laine v?g?tale, d'une laine d'arbre. En ce flocon cotonneux est le secret de toute vie. La rude ?corce a l'air d'une cuirasse, en comparaison de ce tendre bourgeon. Mais la rude ?corce n'est rien, que du bourgeon durci, que du bourgeon vieilli. Et c'est pour cela que le tendre bourgeon perce toujours, jaillit toujours dessous la dure ?corce. L'homme de guerre le plus dur a ?t? un tendre enfant nourri de lait; et le plus rude martyr, le martyr le plus dur sur le chevalet, le martyr ? la plus rude ?corce, ? la plus rugueuse peau, le martyr le plus dur ? la serre et ? l'onglet a ?t? un tendre enfant laiteux. Sans ce bourgeon, qui n'a l'air de rien, qui ne semble rien, tout cela ne serait que du bois mort. Et le bois mort sera jet? au feu.

Ce qui vous trompe, c'est que cette rude ?corce vous ?corche les mains; et ni de l'?paule vous ne faites bouger le tronc d'un milli?me de millim?tre, ni du pied vous ne pouvez faire bouger une de ces grosses racines d'un milli?me de millim?tre; ni de la main une seule de ces grosses branches; et c'est ? peine si vous ?branleriez quelques-unes de ces petites branches; et si vous les feriez balancer; au lieu que le bourgeon ne r?siste point sous le doigt et d'un coup d'ongle le premier venu vous fait sauter un bourgeon; qui d?velopp? vous ferait une branche plus grosse que la cuisse;

Car il est plus facile, dit Dieu, de ruiner que de fonder; Et de faire mourir que de faire na?tre; Et de donner la mort que de donner la vie;

Et le bourgeon ne r?siste point. C'est qu'aussi il n'est point fait pour la r?sistance, il n'est point charg? de r?sister. C'est le tronc, et la branche, et cette ma?tresse racine qui sont faits pour la r?sistance, qui sont charg?s de r?sister. Et c'est la rude ?corce qui est faite pour la rudesse et qui est charg?e d'?tre rude. Mais le tendre bourgeon n'est fait que pour la naissance et il n'est charg? que de faire na?tre.

Or je vous le dis, dit Dieu, sans ce bourgeonnement de fin avril, sans ces milliers, sans cet unique petit bourgeonnement de l'esp?rance, qu'?videmment tout le monde peut casser, sans ce tendre bourgeon cotonneux, que le premier venu peut faire sauter de l'ongle, toute ma cr?ation ne serait que du bois mort. Et le bois mort sera jet? au feu.

H?las mon fils, h?las mon fils, h?las mon fils; Mon fils qui sur la croix avait une peau s?che comme une s?che ?corce; une peau fl?trie, une peau rid?e, une peau tann?e; une peau qui se fendait sous les clous; mon fils avait ?t? un tendre enfant laiteux;

une enfance, un bourgeonnement, une promesse, un engagement; un essai; une origine; un commencement de r?dempteur; une esp?rance de salut, une esp?rance de r?demption

O jour, ? soir, ? nuit de l'ensevelissement. Tomb?e de cette nuit que je ne reverrai jamais. O nuit si douce au coeur parce que tu accomplis. Et tu calmes comme un baume. Nuit sur cette montagne et dans cette vall?e. O nuit j'avais tant dit que je ne te verrais plus. O nuit je te verrai dans mon ?ternit?. Que ma volont? soit faite. O ce fut cette fois-l? que ma volont? fut faite. Nuit je te vois encore. Trois grands gibets montaient. Et mon fils au milieu. Une colline, une vall?e. Ils ?taient partis de cette ville que j'avais donn?e ? mon peuple. Ils ?taient mont?s. Mon fils entre ces deux voleurs. Une plaie au flanc. Deux plaies aux mains. Deux plaies aux pieds. Des plaies au front. Des femmes qui pleuraient tout debout. Et cette t?te pench?e qui retombait sur le haut de la poitrine. Et cette pauvre barbe sale, toute souill?e de poussi?re et de sang. Cette barbe rousse ? deux pointes. Et ces cheveux souill?s, en quel d?sordre, que j'eusse tant bais?s. Ces beaux cheveux roux, encore tout ensanglant?s de la couronne d'?pines. Tout souill?s, tout coll?s de caillots. Tout ?tait accompli. Il en avait trop support?. Cette t?te qui penchait, que j'eusse appuy?e sur mon sein. Cette ?paule que j'eusse appuy?e ? mon ?paule. Et ce coeur ne battait plus, qui avait tant battu d'amour. Trois ou quatre femmes qui pleuraient tout debout. Des hommes je ne me rappelle pas, je crois qu'il n'y en avait plus. Ils avaient peut-?tre trouv? que ?a montait trop. Tout ?tait fini. Tout ?tait consomm?. C'?tait fini. Et les soldats s'en retournaient, et dans leurs ?paules rondes ils emportaient la force romaine:

C'est alors, ? Nuit, que tu vins. O nuit la m?me. La m?me qui viens tous les soirs et qui ?tais venue tant de fois depuis les t?n?bres premi?res. La m?me qui ?tais venue sur l'autel fumant d'Abel et sur le cadavre d'Abel, sur ce corps d?chir?, sur le premier assassinat du monde; ? nuit la m?me tu vins sur le corps lac?r?, sur le premier, sur le plus grand assassinat du monde. C'est alors, ? nuit, que tu vins. La m?me qui ?tais venue sur tant de crimes depuis le commencement du monde; Et sur tant de souillures et sur tant d'amertumes; Et sur cette mer d'ingratitude, la m?me tu vins sur mon deuil; Et sur cette colline et sur cette vall?e de ma d?solation c'est alors, ? nuit, que tu vins. O nuit faudra-t-il donc, faudra-t-il que mon paradis Ne soit qu'une grande nuit de clart? qui tombera sur les p?ch?s du monde. Sera-ce alors, ? nuit, que tu viendras. C'est alors, ? nuit, que tu vins; et seule tu pus finir, seule tu pus accomplir ce jour entre les jours. Comme tu accomplis ce jour, ? nuit accompliras-tu le monde. Et mon paradis sera-t-il une grande nuit de lumi?re. Et tout ce que je pourrai offrir Dans mon offrande et moi aussi dans mon Offertoire A tant de martyrs et ? tant de bourreaux, A tant d'?mes et ? tant de corps, A tant de purs et ? tant d'impurs, A tant de p?cheurs et ? tant de saints, A tant de fid?les et ? tant de p?nitents, Et ? tant de peines, et ? tant de deuils, et ? tant de larmes et ? tant de plaies, Et ? tant de sang, Et ? tant de coeurs qui auront tant battu, D'amour, de haine, Et ? tant de coeurs qui auront tant saign? D'amour, de haine, Sera-t-il dit qu'il faut que ce soit Qu'il faudra que je leur offre Et qu'ils ne demanderont que cela, Qu'ils ne voudront que de cela, Qu'ils n'auront de go?t que pour cela, Sur ces souillures et sur tant d'amertumes, Et sur cette mer immense d'ingratitude La longue retomb?e d'une nuit ?ternelle.

Je comprends tr?s bien, dit Dieu, qu'on fasse son examen de conscience. C'est un excellent exercice. Il ne faut pas en abuser. C'est m?me recommand?. C'est tr?s bien. Tout ce qui est recommand? est tr?s bien. Et m?me ce n'est pas seulement recommand?. C'est prescrit. Par cons?quent c'est tr?s bien. Mais enfin vous ?tes dans votre lit. Qu'est-ce que vous nommez votre examen de conscience, faire votre examen de conscience. Si c'est penser ? toutes les b?tises que vous avez faites dans la journ?e, si c'est vous rappeler toutes les b?tises que vous avez faites dans la journ?e Avec un sentiment de repentance et je ne dirai peut-?tre pas de contrition, Mais enfin avec un sentiment de p?nitence que vous m'offrez, eh bien, c'est bien. Votre p?nitence je l'accepte. Vous ?tes des braves gens, des bons gar?ons. Mais si c'est que vous voulez ressasser et ruminer la nuit toutes les ingratitudes du jour, Toutes les fi?vres et toutes les amertumes du jour, Et si c'est que vous voulez rem?cher la nuit tous vos aigres p?ch?s du jour, Vos fi?vres aigres et vos regrets et vos repentirs et vos remords plus aigres encore, Et si c'est que vous voulez tenir un registre parfait de vos p?ch?s, De toutes ces b?tises et de toutes ces sottises, Non, laissez-moi tenir moi-m?me le Livre du Jugement. Vous y gagnerez peut-?tre encore. Et si c'est que vous voulez compter, calculer, supputer comme un notaire et comme un usurier et comme un publicain, C'est-?-dire comme un collecteur d'imp?ts, C'est-?-dire comme celui qui ramasse les imp?ts, Laissez-moi donc faire mon m?tier et ne faites pas Des m?tiers qui n'ont pas ? ?tre faits. Vos p?ch?s sont-ils si pr?cieux qu'il faille les cataloguer et les classer Et les enregistrer et les aligner sur des tables de pierre Et les graver et les compter et les calculer et les compulser Et les compiler et les revoir et les repasser Et les supputer et vous les imputer ?ternellement Et les comm?morer avec on ne sait quelle sorte de pi?t?. Comme nous dans le ciel nous lions les gerbes ?ternelles, Et les sacs de pri?re et les sacs de m?rite Et les sacs de vertus et les sacs de gr?ce dans nos imp?rissables greniers Pauvres imitateurs, allez-vous ? pr?sent vous m?ler,-- Et imitateurs contraires, imitateurs ? l'envers,-- Allez-vous vous mettre ? lier tous les soirs Les mis?rables gerbes de vos affreux p?ch?s de chaque jour. Quand ce ne serait que pour les br?ler, c'est encore trop. Ils n'en valent m?me pas la peine. Pas m?me de cela m?me. Vous n'y pensez que trop, ? vos p?ch?s. Vous feriez mieux d'y penser pour ne point les commettre. Pendant qu'il en est encore temps, mon gar?on, pendant qu'ils ne sont point encore commis. Vous feriez mieux d'y penser un peu plus alors. Mais le soir ne liez point ces gerbes vaines. Depuis quand le laboureur Fait-il des gerbes d'ivraie et de chiendent. On fait des gerbes de bl?, mon ami. Ne dressez point ces comptes et ces nomenclatures. C'est beaucoup d'orgueil. C'est aussi beaucoup de tra?nasserie. Et de paperasserie. Quand le p?lerin, quand l'h?te, quand le voyageur A longtemps tra?n? dans la boue des chemins, Avant de passer le seuil de l'?glise il s'essuie soigneusement les pieds, Avant d'entrer, Parce qu'il est tr?s propre. Et il ne faut pas que la boue des chemins souille les dalles de l'?glise. Mais une fois que c'est fait, une fois qu'il s'est essuy? les pieds avant d'entrer, Une fois qu'il est entr? il ne pense plus toujours ? ses pieds, Il ne regarde plus toujours si ses pieds sont bien essuy?s. Il n'a plus de coeur, il n'a plus de regard, il n'a plus de voix Que pour cet autel o? le corps de J?sus Et le souvenir et l'attente du corps de J?sus Brille ?ternellement. Il suffit que la boue des chemins n'ait point pass? le seuil du temple. Il suffit qu'ils se soient bien essuy? les pieds une fois avant de passer le seuil du temple. Bien soigneusement, bien proprement et n'en parlons plus. On ne parle pas toujours de la boue. Ce n'est pas propre. Transporter dans le temple la m?moire m?me et le souci de la boue Et la pr?occupation et la pens?e de la boue C'est encore transporter de la boue dans le temple. Or il ne faut point que la boue passe le seuil de la porte. Quand l'h?te arrive chez l'h?te qu'il s'essuie simplement les pieds avant d'entrer Qu'il entre propre et les pieds propres et qu'ensuite Il ne pense pas toujours ? ses pieds et ? la boue de ses pieds. Or vous ?tes mes h?tes, dit Dieu, et je vaux bien ce Dieu qui ?tait le Dieu des h?tes. Vous ?tes mes h?tes et mes enfants qui venez dans mon temple. Vous ?tes mes h?tes et mes enfants qui venez dans ma nuit. Au seuil de mon temple, au seuil de ma nuit, essuyez-vous les pieds et qu'on n'en parle plus. Faites votre examen de conscience, mais que ce soit de vous essuyer les pieds. Et nullement au contraire que ce ne soit pas De transporter dans le temple les boues et le souvenir des boues du chemin Et que ce ne soit pas de faire tra?ner sur le seuil auguste de ma nuit Les traces, les marques des boues De vos sales chemins de la journ?e. D?barbouillez-vous le soir. C'est ?a, faire votre examen de conscience. On ne se d?barbouille pas tout le temps. Soyez comme ce p?lerin qui prend de l'eau b?nite en entrant dans l'?glise Et qui fait le signe de la croix. Ensuite il entre dans l'?glise. Et il ne prend pas tout le temps de l'eau b?nite. Et l'?glise n'est pas compos?e uniquement de b?nitiers. Il y a ce qui est avant le seuil. Il y a ce qui est au seuil. Et il y a ce qui est dans la maison. Il faut entrer une fois, et ne pas sortir et entrer tout le temps. Soyez comme ce p?lerin qui ne regarde plus que le sanctuaire. Et qui n'entend plus. Et qui ne voit plus que cet autel o? mon fils a ?t? sacrifi? tant de fois. Imitez ce p?lerin qui ne voit plus que l'?clat Du resplendissement de mon fils Entrez dans ma nuit comme chez moi. Car c'est l? que je me suis r?serv? D'?tre le ma?tre. Et si vous tenez absolument ? m'offrir quelque chose Le soir en vous couchant Que ce soit d'abord une action de gr?ces Pour tous les services que je vous rends Pour les innombrables bienfaits dont je vous comble chaque jour Dont je vous ai combl?s ce jour-l? m?me. Remerciez-moi d'abord, c'est le plus press? Et c'est aussi le plus juste. Ensuite que votre examen de conscience Soit un d?barbouillement une fois fait Et non point au contraire un tra?nassement de marques et de souillures. La journ?e d'hier est faite, mon gar?on, pense ? celle de demain. Et ? ton salut qui est au bout de la journ?e de demain. Pour hier il est trop tard. Mais pour demain il n'est pas trop tard Et pour ton salut qui est au bout de la journ?e de demain. Ton salut n'est plus hier. Mais il peut ?tre demain. Hier est fait. Mais demain n'est pas fait, demain est ? faire Et ton salut qui est au bout de la journ?e de demain. Ton salut n'est pas dans le sens d'hier, il est dans le sens de demain. Porte-toi sur demain, ne te reporte pas sur hier. Pensez donc un peu moins ? vos p?ch?s quand vous les avez commis Et pensez-y un peu plus au moment de les commettre. Avant de les commettre. Ce sera plus utile, dit Dieu. Quand ils sont commis, quand ils sont faits il est trop tard. Il n'est pas trop tard pour la p?nitence. Mais il est trop tard pour ne pas les commettre Et ne pas les avoir commis. Quand vous avez pass? par dessus vos p?ch?s, vous les faites gros comme des montagnes, dit Dieu. C'est au moment de les passer qu'il faut voir que ce sont en effet des montagnes et qu'elles sont affreuses. Vous ?tes vertueux apr?s. Soyez donc vertueux avant Et pendant. L'heure qui sonne est sonn?e. Le jour qui passe est pass?. Demain seul reste, et les apr?s demains Et ils ne resteront pas longtemps. Que vos examens de conscience et que vos p?nitences Ne soient donc point des raidissements et des cabrements en arri?re, Peuple ? la nuque dure, Mais qu'ils soient des assouplissements et que vos examens de conscience et que vos p?nitences et que vos contritions m?me les plus am?res Soient des p?nitences de d?tente, malheureux enfants, et des contritions de r?mission Et de remise en mes mains et de d?mission. . Mais je vous connais, vous ?tes toujours les m?mes. Vous voulez bien me faire de grands sacrifices, pourvu que vous les choisissiez. Vous aimez mieux me faire de grands sacrifices, pourvu que ce ne soit pas ceux que je vous demande Que de m'en faire de petits que je vous demanderais. Vous ?tes ainsi, je vous connais. Vous ferez tout pour moi, except? ce peu d'abandonnement Qui est tout pour moi. Soyez donc enfin, soyez comme un homme Qui est dans un bateau sur la rivi?re Et qui ne rame pas tout le temps Et qui quelquefois se laisse aller au fil de l'eau.

Ainsi vous et votre canot Laissez-vous aller quelquefois au fil du temps Et laissez-vous entrer bravement Sous l'arche du pont de la nuit.

Mais quand je vous dis: Pensez plut?t ? demain je ne vous dis pas: Calculez ce demain. Pensez-y comme ? un jour qui viendra; et que c'est tout ce que vous en savez. Ne soyez point ce malheureux qui se retourne et se consume dans son lit Pour saisir la journ?e de demain. Ne portez point votre main Sur le fruit qui n'est pas m?r. Sachez seulement que ce demain Dont on parle toujours Est le jour qui va venir, Et qu'il sera de mon gouvernement Comme les autres. Et qu'il sera sous mon commandement Comme les autres. C'est tout ce qu'il vous faut. Pour le reste, attendez. J'attends bien, moi, Dieu. Vous me faites assez attendre. Vous me faites assez attendre la p?nitence apr?s la faute. Et la contrition apr?s le p?ch?. Et depuis le commencement des temps j'attends Le jugement jusqu'au jour du jugement. Je n'aime pas, dit Dieu, l'homme qui sp?cule sur demain. Je n'aime pas celui qui sait mieux que moi ce que je vais faire. Je n'aime pas celui qui sait ce que je ferai demain. Je n'aime pas celui qui fait le malin. L'homme fort ce n'est pas mon fort. Penser au lendemain, quelle vanit?. Gardez pour demain les larmes de demain. Il y en aura toujours assez. Et ces sanglots qui vous remontent et qui vous ?tranglent. Penser ? demain, savez-vous seulement comment je ferai demain. Quel demain je vous ferai. Savez-vous si moi-m?me je l'ai arr?t? encore. Je n'aime pas, dit Dieu, celui qui se m?fie de moi. Croyez-vous que je vais m'amuser ? vous faire des attrapes, comme un roi barbare. Croyez-vous que je passe ma vie ? vous tendre des pi?ges et ? prendre plaisir ? vous voir tomber dedans. Je suis honn?te homme, dit Dieu, et j'agis toujours droitement. Je suis l'honneur m?me, et la droiture, et l'honn?tet?. Je suis bon Fran?ais, dit Dieu, droit comme un Fran?ais. Loyal comme un Fran?ais. Je suis le roi de France, droit comme le roi de France. Ce que le dernier des pauvres n'e?t pas craint de saint Louis, allez-vous le craindre de moi? Enfin je vaux peut-?tre saint Louis. Croyez-vous que je vais m'amuser ? vous faire des feintes comme un bretteur. Toute la malice que j'ai, c'est la malice de ma gr?ce, et la feinte et la ruse de ma gr?ce, qui si souvent joue avec le p?cheur pour son salut, pour l'emp?cher de p?cher. Qui s?duit le p?cheur; pour le sauver. Mais croyez-vous. Croyez-vous que moi Dieu que je vais m'amuser ? leur faire des mis?res et ce que ne ferait pas un honn?te homme. Je suis bon chr?tien, dit Dieu. Croyez-vous que je vais m'amuser ? les surprendre comme un assassin de nuit.

JEANNETTE

Il viendra comme un larron et comme un voleur de nuit.

MADAME GERVAISE

JEANNETTE

MADAME GERVAISE

JEANNETTE

MADAME GERVAISE

JEANNETTE

MADAME GERVAISE

. Et par cette tendresse qui est, que je mettrais au-dessus des Vertus m?me. Parce qu'avec sa soeur la Puret? elle proc?de directement de la Vierge.

D'autres gal?res, dit Dieu, en d'autres temps D'autres gal?res ont vogu? vers les sanctuaires des ?les Et vers les temples qui ?taient sur les promontoires. Mais cette fois-ci voici la flotte Qui assaille le saint des saints.

J'ai souvent jou? avec l'homme, dit Dieu. Mais quel jeu, c'est un jeu dont je tremble encore. J'ai souvent jou? avec l'homme, mais Dieu c'?tait pour le sauver et j'ai assez trembl? de ne pas pouvoir le sauver, De ne pas r?ussir ? le sauver. Je veux dire j'ai assez trembl? redoutant de ne pouvoir le sauver, Me demandant si je r?ussirais ? le sauver.

J'ai souvent jou? avec l'homme, et je sais que ma gr?ce est insidieuse, et combien et comment elle se tourne et elle joue. Elle est plus rus?e qu'une femme. Mais elle joue avec l'homme et le tourne et tourne l'?v?nement et c'est pour sauver l'homme et l'emp?cher de p?cher.

Je joue souvent contre l'homme, dit Dieu, mais c'est lui qui veut perdre, l'imb?cile, et c'est moi qui veux qu'il gagne. Et je r?ussis quelquefois A ce qu'il gagne.

C'est le cas de le dire, nous jouons ? qui perd gagne. Du moins lui, car moi si je perdais, je perds. Mais lui quand il perd, alors seulement il gagne. Singulier jeu, je suis son partenaire et son adversaire Et il veut gagner, contre moi, c'est-?-dire perdre. Et moi son adversaire je veux le faire gagner.

Il ne faut pas oublier non plus Joinville, dit Dieu. Il osait reprendre m?me le roi. Il me reprenait bien un peu moi-m?me Avec son histoire de la l?pre et des p?ch?s mortels. Mais je leur en passe tant, je leur passe tout ce qu'ils veulent.

Il ne faut pas oublier Joinville, dit Dieu. C'?taient de nobles hommes. Si l'on oubliait les p?cheurs, il n'en resterait pas beaucoup. Peu de saints, beaucoup de p?cheurs, comme partout. Mais il faut ce grand cort?ge de p?cheurs Pour accompagner ces quelques saints. Il faut penser aussi au sire de Joinville.

Quelques saints marchent en t?te. Et le grand cort?ge des p?cheurs suit derri?re. Ainsi est faite ma chr?tient?. C'est ainsi qu'on obtient les grandes processions. Quelques pasteurs marchent devant. Et le grand troupeau suit derri?re. Ainsi est fait le cort?ge de ma chr?tient?.

Comme leur libert? a ?t? cr??e ? l'image et ? la ressemblance de ma libert?, dit Dieu, Comme leur libert? est le reflet de ma libert?, Ainsi j'aime ? trouver en eux comme une certaine gratuit? Qui soit comme un reflet de la gratuit? de ma gr?ce,

Qui soit comme cr??e ? l'image et ? la ressemblance de la gratuit? de ma gr?ce.

J'aime qu'en un sens ils prient non seulement librement mais comme gratuitement. J'aime qu'ils tombent ? genoux non seulement librement mais comme gratuitement. J'aime qu'ils se donnent et qu'ils donnent leur coeur et qu'ils se remettent et qu'ils supportent et qu'ils estiment non seulement librement mais comme gratuitement. J'aime qu'ils aiment enfin, dit Dieu, non seulement librement mais comme gratuitement. Or pour cela, dit Dieu, avec mes Fran?ais je suis bien servi. C'est un peuple qui est venu au monde la main ouverte et le coeur lib?ral. Il donne, il sait donner. Il est naturellement gratuit. Quand il donne, il ne vend pas, celui-l?, et il ne pr?te pas ? la petite semaine. Il donne pour rien. Autrement est-ce donner. Il aime pour rien. Autrement est-ce aimer. Il ne me propose point toujours des march?s g?n?ralement honteux. Peuple libre, peuple gratuit, et non plus seulement peuple jardinier. Peuple gratuit, peuple gracieux. Peuple de barons fran?ais, peuple qui l?ve la t?te, peuple qui sais parler aux grands Et par cons?quent ? moi le Tr?s-Grand. Ceux qui baissent toujours la t?te On ne voit pas qu'ils baissent aussi la t?te A l'Offertoire et ? l'?l?vation du Corps de mon Fils. Mais ces Fran?ais qui l?vent toujours la t?te, Qui ont toujours la t?te droite Et haute, Quand dans une ?glise cent cinquante ou deux cents rang?es de Fran?ais ? genoux Baissent la t?te ensemble en m?me temps trois fois aux trois coups de la sonnette Pour l'offrande et l'offertoire Et pour la cons?cration et pour l'?l?vation du corps de mon fils, ?a se voit, qu'ils baissent la t?te et tout le monde comprend Que ?a en vaut la peine, Que c'est un instant solennel et le plus grand myst?re et le plus grand instant qu'il y ait dans le monde.

C'est un peuple, dit Dieu, qui a la gratuit? dans le sang. Il donne et ne retient pas. Il donne et ne reprend pas. Sa main gauche ne retient pas ce que donne sa main droite. Sa main gauche ne reprend pas ce que donne sa main droite. Sa main gauche ignore litt?ralement ce que fait sa main droite. Et ainsi c'est le peuple qui se conforme le plus litt?ralement Aux paroles de mon fils. Et qui le plus litt?ralement r?alise Les paroles de mon fils.

Peuple naturellement lib?ral, dit Dieu, peuple aux mains lib?rales Il ne sait pas marchander. Il ne marchande pas sur une pri?re. Il ne marchande pas sur un voeu. Quand il donne, il donne. Quand il demande, il demande. Il ne fait pas tra?ner ce qu'il donne dans ce qu'il demande et ce qu'il demande dans ce qu'il donne. Il n'embarbouille pas tout ?a l'un dans l'autre. Il n'emm?le pas. Il ne demande pas pour donner, il ne donne pas pour demander, il ne donne pas pour recevoir. Il sait tr?s bien Que tout ce qu'on m'apporte n'est rien aupr?s, En comparaison, au prix de ce que je donne. Aussi ces Fran?ais ne me proposent-ils jamais un ?change, un march?. Ils savent tr?s bien Que ma gr?ce est gratuite, qu'il n'est que de me plaire, que je fais ce que je veux Et ils y r?pondent par une sorte de pri?re gratuite et m?me Par des sortes de voeux gratuits. Ils savent tr?s bien Qu'ils ne m'apportent aucuns m?rites et que ce que je fais, Je le fais pour les m?rites et par les m?rites de mon fils et des saints.

A une gratuit? de ma gr?ce ils r?pondent par une certaine gratuit? de la pri?re. Et par une certaine gratuit? du voeu m?me.

Ils me r?pondent comme je demande. Or s'il en est ainsi du menu peuple et d'un baron fran?ais Que sera-ce d'un saint Louis, baron lui-m?me et roi des barons. Dans leur histoire de la l?pre et du p?ch? mortel voici comme je calcule, dit Dieu. Quand Joinville aime mieux avoir commis trente p?ch?s mortels que d'?tre l?preux Et quand saint Louis aime mieux ?tre l?preux que de tomber en un seul p?ch? mortel, Je n'en retiens pas, dit Dieu, que saint Louis m'aime ordinairement Et que Joinville m'aime trente fois moins qu'ordinairement. Que saint Louis m'aime suivant la mesure, ? la mesure, Et que Joinville m'aime trente fois moins que la mesure. Je compte au contraire, dit Dieu. Voici comme je calcule. Voici ce que je retiens. J'en retiens au contraire que Joinville m'aime ordinairement Honn?tement, comme un pauvre homme peut m'aimer, Doit m'aimer. Et que saint Louis au contraire m'aime trente fois plus qu'ordinairement, Trente fois plus qu'honn?tement. Que Joinville m'aime ? la mesure, Et que saint Louis m'aime trente fois plus qu'? la mesure. .

Voil? comme je compte, dit Dieu. Et alors mon compte est bon. Car cette l?pre dont il s'agissait, Cette l?pre dont ils parlaient et d'?tre l?preux Ce n'?tait pas une l?pre d'imagination et une l?pre d'invention et une l?pre d'exercice. Ce n'?tait pas une l?pre qu'ils avaient vue dans les livres ou dont ils avaient entendu parler Plus ou moins vaguement Ce n'?tait pas une l?pre pour en parler ni une l?pre pour faire peur en conversation et en figures, Mais c'?tait la r?elle l?pre et ils parlaient de l'avoir, eux-m?mes, r?ellement, Qu'ils connaissaient bien, qu'ils avaient vue vingt fois En France et en Terre-Sainte, Cette d?go?tante maladie farineuse, cette sale gale, cette mauvaise teigne, Cette r?pugnante maladie de cro?tes qui fait d'un homme L'horreur et la honte de l'homme, Cet ulc?re, cette pourriture s?che, enfin cette d?finitive l?pre Qui ronge la peau et la face et le bras et la main, Et la cuisse et la jambe et le pied Et le ventre et la peau et les os et les nerfs et les veines, Cette s?che moisissure blanche qui gagne de proche en proche Et qui mord comme avec des dents de souris, Et qui fait d'un homme le rebut et la fuite de l'homme, Et qui d?truit un corps comme une granuleuse moisissure Et qui pousse sur le corps ces affreuses blanches l?vres, Ces affreuses l?vres s?ches de plaies Et qui avance toujours et jamais ne recule Et qui gagne toujours et qui jamais ne perd Et qui va jusqu'au bout, Et qui fait d'un homme un cadavre qui marche, C'est de cette l?pre-l? qu'ils parlaient, de nulle autre. C'est de cette l?pre-l? qu'ils pensaient, de nulle autre. D'une l?pre r?elle, nullement d'une l?pre d'exercice. C'est cette l?pre-l? qu'il aimait mieux avoir, nulle autre. Eh bien moi je trouve que c'est trente fois saisissant Et que c'est m'aimer trente fois et que c'est trente fois de l'amour.

Les Pharisiens poussent des cris sur celui qui ne veut pas attraper la l?pre. Et ils sont scandalis?s, ces vertueux. Mais moi qui ne suis pas vertueux, Dit Dieu, Je ne pousse pas des cris et je ne suis pas scandalis?.

Je ne compte pas, je n'en retiens pas que ce Joinville est trente fois au dessous de l'ordinaire. Mais j'en retiens, mais je compte au contraire Que c'est ce saint Louis qui est peu ordinaire, trente fois peu ordinaire, trente fois extraordinaire, trente fois au dessus de l'ordinaire.

Je ne compte pas, je n'en retiens pas Que Joinville est trente fois l?che. Mais au contraire j'en retiens et je compte Que c'est ce saint Louis qui est trente fois brave, Trente fois brave au dessus de l'ordinaire et plus que la mesure.

Je ne compte pas, je n'en retiens pas Que Joinville est trente fois plus bas. Mais au contraire j'en retiens et je compte Que c'est ce saint Louis qui est trente fois haut, Trente fois haut au dessus de l'ordinaire et plus que la mesure.

Je ne compte pas, je n'en retiens pas Que Joinville est trente fois petit. Mais je sais seulement qu'il est homme. Et au contraire j'en retiens et je compte, Voici comme je compte, Et c'est ainsi. J'en retiens et je compte que c'est ce saint Louis, roi de France, Qui est trente fois grand, trente fois au dessus de l'ordinaire et plus que la mesure

Et qui est trente fois pr?s de mon coeur et trente fois le fr?re de mon fils.

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