Read Ebook: Introduction à la méthode de Léonard de Vinci by Val Ry Paul
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Ebook has 76 lines and 21867 words, and 2 pages
INTRODUCTION ? LA M?THODE DE L?ONARD DE VINCI
PAUL VAL?RY
Deuxi?me ?dition
Paris
?ditions de la Nouvelle Revue Fran?aise
Table des mati?res
Note et digressions Introduction ? la m?thode de L?onard de Vinci
NOTE ET DIGRESSIONS
Mais pens?e trop imm?diate,--pens?e sans valeur,--pens?e infiniment r?pandue,--et pens?e bonne pour parler, non pour ?crire.
Cet Apollon me ravissait au plus haut degr? de moi-m?me. Quoi de plus s?duisant qu'un dieu qui repousse le myst?re, qui ne fonde pas sa puissance sur le trouble de notre sens; qui n'adresse pas ses prestiges au plus obscur, au plus tendre, au plus sinistre de nous-m?mes; qui nous force de convenir et non de ployer; et de qui le miracle est de s'?claircir; la profondeur, une perspective bien d?duite? Est-il meilleure marque d'un pouvoir authentique et l?gitime que de ne pas s'exercer sous un voile?--Jamais pour Dyonisos, ennemi plus d?lib?r?, ni si pur, ni arm? de tant de lumi?re, que ce h?ros moins occup? de plier et de rompre les monstres que d'en consid?rer les ressorts; d?daigneux de les percer de fl?ches, tant il les p?n?trait de ses questions; leur sup?rieur, plus que leur vainqueur, il signifie n'?tre pas sur eux de triomphe plus achev? que de les comprendre,--presque au point de les reproduire; et une fois saisi leur principe, il peut bien les abandonner, d?risoirement r?duits ? l'humble condition de cas tr?s particuliers et de paradoxes explicables.
Si l?g?rement que je l'eusse ?tudi?, ses dessins, ses manuscrits m'avaient comme ?bloui. De ces milliers de notes et de croquis, je gardais l'impression extraordinaire d'un ensemble hallucinant d'?tincelles arrach?es par les coups les plus divers ? quelque fantastique fabrication. Maximes, recettes, conseils ? soi, essais d'un raisonnement qui se reprend; parfois une description achev?e; parfois il se parle et se tutoie...
Mais je n'avais nulle envie de redire qu'il fut ceci et cela: et peintre, et g?om?tre, et...
Et, d'un mot, l'artiste du monde m?me. Nul ne l'ignore.
Que faire, parmi tant de r?futations, n'?tant riche que de d?sirs, tout ivre que l'on soit de cupidit? et d'orgueil intellectuels?
Se monter la t?te?--Se donner enfin quelque fi?vre litt?raire? En cultiver le d?lire?
Je br?lais pour un beau sujet. Que c'est peu devant le papier!
Une grande soif, sans doute, s'illustre elle-m?me de ruisselantes visions; elle agit sur je ne sais quelles substances secr?tes comme fait la lumi?re invisible sur le verre de Boh?me tout p?n?tr? d'urane; elle ?claire ce qu'elle attend, elle diamante des cruches, elle se peint l'opalescence de carafes... Mais ces breuvages qu'elle se frappe ne sont que sp?cieux; mais je trouvais indigne, et je le trouve encore, d'?crire par le seul enthousiasme. L'enthousiasme n'est pas un ?tat d'?me d'?crivain.
Quelle grande que soit la puissance du feu, elle ne devient utile et motrice que par les machines o? l'art l'engage; il faut que des g?nes bien plac?es fassent obstacle ? sa dissipation totale, et qu'un retard adroitement oppos? au retour invincible de l'?quilibre permette de soustraire quelque chose ? la chute infructueuse de l'ardeur.
Ces erreurs, qu'il serait ais? de d?fendre, et que je ne trouve pas encore si inf?condes que je n'y retourne quelquefois, empoisonnaient mes tentatives. Tous mes pr?ceptes, trop pr?sents et trop d?finis, ?taient aussi trop universels pour me servir dans aucune circonstance. Il faut tant d'ann?es pour que les v?rit?s que l'on s'est faites deviennent notre chair m?me!
Ainsi, au lieu de trouver en moi ces conditions, ces obstacles comparables ? des forces ext?rieures, qui permettent que l'on avance contre son premier mouvement, je m'y heurtais ? des chicanes mal dispos?es; et je me rendais ? plaisir les choses plus difficiles qu'il e?t d? sembler ? de si jeunes regards qu'elles le fussent. Et je ne voyais de l'autre c?t? que vell?it?s, possibilit?s, facilit? d?go?tante: toute-une richesse involontaire, vaine comme celle des r?ves, remuant et m?lant l'infini des choses us?es.
Pour comble de malheur, j'adorais confus?ment, mais passionn?ment, la pr?cision; je pr?tendais vaguement ? la conduite de mes pens?es.
Nous savons trop, d'ailleurs, que la probabilit? est d?favorable ? ce d?mon: l'esprit nous souffle sans vergogne un million de sottises pour une belle id?e qu'il nous abandonne; et cette chance m?me ne vaudra finalement quelque chose que par le traitement qui l'accommode ? notre fin.--C'est ainsi que les minerais, inappr?ciables dans leur g?tes et dans leurs filons, prennent leur importance au soleil, et par les travaux de la surface.
Loin donc que ce soient les ?l?ments intuitifs qui donnent leur valeur aux oeuvres, ?tez les oeuvres, et vos lueurs ne seront plus que des accidents spirituels perdus dans les statistiques de la vie locale du cerveau. Leur vrai prix ne vient pas de l'obscurit? de leur origine, ni de la profondeur suppos?e d'o? nous aimerions na?vement qu'elles sortent, et ni de la surprise pr?cieuse qu'elles nous causent ? nous-m?mes; mais bien d'une rencontre avec nos besoins, et enfin de l'usage r?fl?chi que nous saurons en faire,--c'est-?-dire,--de la collaboration de tout l'homme.
Mais s'il est entendu que nos plus grandes lumi?res sont intimement m?l?es ? nos plus grandes chances d'erreur, et que la moyenne de nos pens?es est, en quelque sorte, insignifiante,--c'est celui en nous qui choisit, et c'est celui qui met en oeuvre, qu'il faut exercer sans repos. Le reste, qui ne d?pend de personne, est inutile ? invoquer comme la pluie. On le baptise, on le d?ifie, on le tourmente vainement: il n'en doit r?sulter qu'un accroissement de la simulation et de la fraude,--choses si naturellement unies ? l'ambition de la pens?e que l'on peut douter si elles en sont ou le principe, ou le produit. Le mal de prendre une hypallage pour une d?couverte, une m?taphore pour une d?monstration, un vomissement de mots pour un torrent de connaissances capitales, et soi-m?me pour un oracle, ce mal na?t avec nous.
L?onard de Vinci n'a pas de rapport avec ces d?sordres. Parmi tant d'idoles que nous avons ? choisir, puisqu'il en faut adorer au moins une, il a fix? devant son regard cette Rigueur Obstin?e, qui se dit elle-m?me la plus exigeante de toutes.
La rigueur institu?e, une libert? positive est possible, tandis que la libert? apparente n'?tant que de pouvoir ob?ir ? chaque impulsion de hasard, plus nous en jouissons, plus nous sommes encha?n?s autour du m?me point, comme le bouchon sur la mer, que rien n'attache, que tout sollicite, et sur lequel se contestent et s'annulent toutes les puissances de l'univers.
Il ne conna?t pas le moins du monde cette opposition si grosse et si mal d?finie, que devait, trois demi-si?cles apr?s lui, d?noncer entre l'esprit de finesse et celui de g?om?trie, un homme enti?rement insensible aux arts, qui ne pouvait s'imaginer cette jonction d?licate, mais naturelle, de dons distincts; qui pensait que la peinture est vanit?; que la vraie ?loquence se moque de l'?loquence; qui nous embarque dans un pari o? il engloutit toute finesse et toute g?om?trie; et qui, ayant chang? sa neuve lampe contre une vieille, se perd ? coudre des papiers dans ses poches, quand c'?tait l'heure de donner ? la France la gloire du calcul de l'infini...
Pas de r?v?lations pour L?onard. Pas d'ab?me ouvert ? sa droite. Un ab?me le ferait songer ? un pont. Un ab?me pourrait servir aux essais de quelque grand oiseau m?canique...
Et lui se devait consid?rer comme un mod?le de bel animal pensant, absolument souple et d?li?; dou? de plusieurs modes de mouvement; sachant, sous la moindre intention du cavalier, sans d?fenses et sans retards, passer d'une allure ? toute autre. Esprit de finesse, esprit de g?om?trie, on les ?pouse, on les abandonne, comme fait le cheval accompli ses rythmes successifs... Il doit suffire ? l'?tre supr?mement coordonn? de se prescrire certaines modifications cach?es et tr?s simples au regard de la volont?, et imm?diatement il passe de l'ordre des transformations purement formelles et des actes symboliques au r?gime de la connaissance imparfaite et des r?alit?s spontan?es. Poss?der cette libert? dans les changements profonds, user d'un tel registre d'accommodations, c'est seulement jouir de l'int?grit? de l'homme, telle que nous l'imaginons chez les anciens.
Une ?l?gance sup?rieure nous d?concerte. Cette absence d'embarras, de proph?tisme et de path?tisme; ces id?aux pr?cis; ce temp?rament entre les curiosit?s et les puissances, toujours r?tabli par un ma?tre de l'?quilibre; ce d?dain de l'illusionnisme et des artifices, et chez le plus ing?nieux des hommes; cette ignorance du th??tre, ce sont des scandales pour nous. Quoi de plus dur ? concevoir pour des ?tres comme nous sommes, qui faisons de la <
Mais L?onard, de recherche en recherche, se fait tr?s simplement toujours plus admirable ?cuyer de sa propre nature; il dresse ind?finiment ses pensers, exerce ses regards, d?veloppe ses actes; il conduit l'une et l'autre main aux dessins les plus pr?cis; il se d?noue et se rassemble, resserre la correspondance de ses volont?s avec ses pouvoirs, pousse son raisonnement dans les arts, et pr?serve sa gr?ce.
Une intelligence si d?tach?e arrive dans son mouvement ? d'?tranges attitudes,--comme une danseuse nous ?tonne, de prendre et de conserver quelque temps des figures de pure instabilit?. Son ind?pendance choque nos instincts et se joue de nos voeux. Rien de plus libre, c'est-?-dire, rien de moins humain, que ses jugements sur l'amour, sur la mort. Il nous les donne ? deviner par quelques fragments, dans ses cahiers.
Son jugement sur la mort, il faut le tirer d'un texte assez court,--mais texte d'une pl?nitude et d'une simplicit? antiques, qui devait peut-?tre prendre place dans le pr?ambule d'un Trait?, jamais achev?, du Corps Humain.
N'allons pas approfondir l'esp?ce de doute charg? de sens qui est dans ces mots. Il suffit de consid?rer l'ombre ?norme ici projet?e par quelque id?e en formation: la mort, interpr?t?e comme un d?sastre pour l'?me; la mort du corps, diminution de cette chose divine! La mort, atteignant l'?me jusqu'aux larmes, et dans son oeuvre la plus ch?re, par la destruction d'une telle architecture qu'elle s'?tait faite pour y habiter!
Un dogme qui conc?de ? l'organisation corporelle cette importance ? peine secondaire, qui r?duit remarquablement l'?me, qui nous interdit et nous ?pargne le ridicule de nous la figurer, qui va jusqu'? l'obliger de se r?incarner pour qu'elle puisse participer ? la pleine vie ?ternelle, ce dogme si exactement contraire au spiritualisme pur, s?pare, de la mani?re la plus sensible, l'?glise, de la plupart des autres confessions chr?tiennes.--Mais il me semble que depuis deux ou trois si?cles, il n'est pas d'article sur lequel la litt?rature religieuse ait pass? plus l?g?rement. Apologistes, pr?dicateurs n'en parlent gu?re... La cause de ce demi-silence m'?chappe.
Je me suis ?gar? si loin dans L?onard que je ne sais pas tout d'un coup revenir ? moi-m?me... Bah! Tout chemin m'y reconduira: c'est la d?finition de ce moi-m?me. Il ne peut pas absolument se perdre, il ne perd que son temps.
Suivons donc un peu plus avant la pente et la tentation de l'esprit; suivons-les malheureusement sans craintes, cela ne m?ne ? aucun fond v?ritable. M?me notre pens?e la plus <
Mais encore, essayons de notre seule curiosit? pour nous ?clairer le syst?me cach? de quelque individu de la premi?re grandeur; et imaginons ? peu pr?s comme il doit s'appara?tre, quand il s'arr?te quelquefois dans le mouvement de ses travaux et qu'il se regarde dans l'ensemble.
Puisque la connaissance ne se conna?t pas d'extr?mit?, et puisque aucune id?e n'?puise la t?che de la conscience, il faut bien qu'elle p?risse dans un ?v?nement incompr?hensible que lui pr?disent et que lui pr?parent ces affres et ces sensations extraordinaires dont je parlais; qui nous esquissent des mondes instables et incompatibles avec la pl?nitude de la vie; mondes inhumains, mondes infirmes et comparables ? ces mondes que le g?om?tre ?bauche en jouant sur les axiomes, le physicien en supposant d'autres constantes que celles admises. Entre la nettet? de la vie et la simplicit? de la mort, les r?ves, les malaises, les extases, tous ces ?tats ? demi impossibles, qui introduisent, dirait-on, des valeurs approch?es, des solutions irrationnelles ou transcendantes dans l'?quation de la connaissance, placent d'?tranges degr?s, des vari?t?s et des phases ineffables,--car il n'est point de noms pour des choses parmi lesquelles on est bien seul.
L'homme que l'exigence de l'infatigable esprit conduit ? ce contact de t?n?bres ?veill?es, et ? ce point de pr?sence pure, se per?oit comme nu et d?pouill?, et r?duit ? la supr?me pauvret? de la puissance sans objet; victime, chef-d'oeuvre, accomplissement de la simplification et de l'ordre dialectique; comparable ? cet ?tat o? parvient la plus riche pens?e quand elle s'est assimil?e ? elle-m?me, et reconnue, et consomm?e en un petit groupe de caract?res et de symboles. Le m?me travail que nous faisons sur un objet de r?flexions, il l'a d?pens? sur le sujet qui r?fl?chit.
Il ne s'agit plus de choisir, ni de cr?er; et pas plus de se conserver que de s'accro?tre. Rien n'est ? surmonter, et il ne peut pas m?me ?tre question de se d?truire.
Il est impossible que l'activit? de l'esprit ne le contraigne pas enfin ? cette consid?ration extr?me et ?l?mentaire. Ses mouvements multipli?s, ses intimes contestations, ses perturbations, ses retours analytiques, que laissent-ils d'inalt?r?? Qu'est-ce qui r?siste ? l'entrain des sens, ? la dissipation des id?es, ? l'affaiblissement des souvenirs, ? la variation lente de l'organisme, ? l'action incessante et multiforme de l'univers?--Ce n'est que cette conscience seule, ? l'?tat le plus abstrait.
Tout, d'ailleurs, la fait convenir qu'elle est un simple ?v?nement; qu'il lui faut figurer, avec tous les accidents du monde, dans les statistiques et dans les tables; qu'elle a commenc? par une chance s?minale, et dans un incident microscopique; qu'elle a couru des milliards de risques; ?t? fa?onn?e par une quantit? de rencontres, et qu'elle est en somme, tout admirable, toute volontaire, tout accus?e et ?tincelante qu'elle puisse ?tre, l'effet d'un incalculable d?sordre.
Je me suis laiss? aller au del? de toute patience et de toute clart?, et j'ai succomb? aux id?es qui me sont venues pendant que je parlais de ma t?che. J'ach?ve en peu de mots cette peinture un peu simplifi?e de mon ?tat: encore quelques instants ? passer en 1894.
Rien de si curieux que la lucidit? aux prises avec l'insuffisance. Voici ? peu pr?s ce qui arrive, ce qui devait arriver, ce qui m'arriva.
Dans la circonstance, cette conviction ?tait mon seul bien positif.
La n?cessit? o? j'?tais plac?, le vide que j'avais si bien fait de toutes les solutions antipathiques ? ma nature, l'?rudition ?cart?e, les ressources rh?toriques diff?r?es, tout me mettait dans un ?tat d?sesp?r?... Enfin, je le confesse, je ne trouvai pas mieux que d'attribuer ? l'infortun? L?onard mes propres agitations, transportant le d?sordre de mon esprit dans la complexit? du sien. Je lui infligeai tous mes d?sirs ? titre de choses poss?d?es. Je lui pr?tai bien des difficult?s qui me hantaient dans ce temps-l?, comme s'il les e?t rencontr?es et surmont?es. Je changeai mes embarras en sa puissance suppos?e. J'osai me consid?rer sous son nom, et utiliser ma personne.
INTRODUCTION ? LA M?THODE DE L?ONARD DE VINCI
Il reste d'un homme ce que donnent ? songer son nom, et les oeuvres qui font de ce nom un signe d'admiration, de haine ou d'indiff?rence. Nous pensons qu'il a pens?, et nous pouvons retrouver entre ses oeuvres cette pens?e qui lui vient de nous: nous pouvons refaire cette pens?e ? l'image de la n?tre. Ais?ment, nous nous repr?sentons un homme ordinaire: de simples souvenirs en ressuscitent les mobiles et les r?actions ?l?mentaires. Parmi les actes indiff?rents qui constituent l'ext?rieur de son existence, nous trouvons la m?me suite qu'entre les n?tres; nous en sommes le lien aussi bien que lui, et le cercle d'activit? que son ?tre sugg?re ne d?borde pas de celui qui nous appartient. Si nous faisons que cet individu excelle en quelque point, nous en aurons plus de mal ? nous figurer les travaux et les chemins de son esprit. Pour ne pas nous borner ? l'admirer confus?ment, nous serons contraints d'?tendre dans un sens notre imagination de la propri?t? qui domine en lui, et dont nous ne poss?dons, sans doute, que le germe. Mais si toutes les facult?s de l'esprit choisi sont largement d?velopp?es ? la fois, ou si les restes de son action paraissent consid?rables dans tous les genres, la figure en devient de plus en plus difficile ? saisir dans son unit? et tend ? ?chapper ? notre effort. D'une extr?mit? de cette ?tendue mentale ? une autre, il y a de telles distances que nous n'avons jamais parcourues. La continuit? de cet ensemble manque ? notre connaissance, comme s'y d?robent ces informes haillons d'espace qui s?parent des objets connus, et tra?nent au hasard des intervalles; comme se perdent ? chaque instant des myriades de faits, hors du petit nombre de ceux que le langage ?veille. Il faut pourtant s'attarder, s'y faire, surmonter la peine qu'impose ? notre imagination cette r?union d'?l?ments h?t?rog?nes par rapport ? elle. Toute intelligence, ici, se confond avec l'invention d'un ordre unique, d'un seul moteur et d?sire animer d'une sorte de semblable le syst?me qu'elle s'impose. Elle s'applique ? former une image d?cisive. Avec une violence qui d?pend de son ampleur et de sa lucidit?, elle finit par reconqu?rir sa propre unit?. Comme par l'op?ration d'un m?canisme, une hypoth?se se d?clare, et se montre l'individu qui a tout fait, la vision centrale o? tout a d? se passer, le cerveau monstrueux ou l'?trange animal qui a tiss? des milliers de purs liens entre tant de formes, et de qui ces constructions ?nigmatiques et diverses furent les travaux, l'instinct faisant sa demeure. La production de cette hypoth?se est un ph?nom?ne qui comporte des variations, mais point de hasard. Elle vaut ce que vaudra l'analyse logique dont elle devra ?tre l'objet. Elle est le fond de la m?thode qui va nous occuper et nous servir.
Je me propose d'imaginer un homme de qui auraient paru des actions tellement distinctes que si je viens ? leur supposer une pens?e, il n'y en aura pas de plus ?tendue. Et je veux qu'il ait un sentiment de la diff?rence des choses infiniment vif, dont les aventures pourraient bien se nommer analyse. Je vois que tout l'oriente: c'est ? l'univers qu'il songe toujours, et ? la rigueur. Il est fait pour n'oublier rien de ce qui entre dans la confusion de ce qui est: nul arbuste. Il descend dans la profondeur de ce qui est ? tout le monde, s'y ?loigne et se regarde. Il atteint aux habitudes et aux structures naturelles, il les travaille de partout, et il lui arrive d'?tre le seul qui construise, ?num?re, ?meuve. Il laisse debout des ?glises, des forteresses; il accomplit des ornements pleins de douceur et de grandeur, mille engins, et les figurations rigoureuses de mainte recherche. Il abandonne les d?bris d'on ne sait quels grands jeux. Dans ces passe-temps, qui se m?lent de sa science, laquelle ne se distingue pas d'une passion, il a le charme de sembler toujours penser ? autre chose... Je le suivrai se mouvant dans l'unit? brute et l'?paisseur du monde, o? il se fera la nature si famili?re qu'il l'imitera pour y toucher, et finira dans la difficult? de concevoir un objet qu'elle ne contienne pas.
Ce tableau, drames, remous, lucidit?, s'oppose de lui-m?me ? d'autres mouvements et ? d'autres sc?nes qui tirent de nous les noms de <
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